TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
1/2/2 nationalité B
N° RG 21/08621 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUWKE
N° PARQUET : 21/669
N° MINUTE :
Assignation du :
22 Juin 2021
AJ du TJ DE PARIS du 03 Novembre 2020 N° 2020/026332
[1]C.B.
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 06 Juin 2024
DEMANDERESSE
Madame [L] [C]
[Adresse 9]
[Localité 1] (ALGERIE)
représentée par Me Karima OUELHADJ, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2558 (bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/026332 du 03/11/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)
DEFENDERESSE
LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Localité 2]
MULLER-HEYM Isabelle, substitut
Décision du 06/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 21/08621
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs
assistées de Madame Manon Allain, Greffière.
DEBATS
A l’audience du 04 Avril 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile par Madame Clothilde Ballot-Desproges, magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.
JUGEMENT
Contradictoire,
En premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Manon Allain, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,
Vu l'assignation délivrée le 22 juin 2021 par Mme [L] [C] au procureur de la République,
Vu les dernières conclusions de Mme [L] [C] notifiées par la voie électronique le 31 janvier 2023,
Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 6 mars 2024,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 mars 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 4 avril 2024,
MOTIFS
Sur la procédure
Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 19 juillet 2021. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.
Sur l'action déclaratoire de nationalité française
Mme [L] [C], se disant née le 3 mars 1963 à [Localité 6] (Seine-Saint-Denis), revendique la nationalité française par double droit du sol, sur le fondement de l'article 23 du code de la nationalité française. Elle fait valoir qu'elle est née en France d'une mère, [X] [C], née le 3 juillet 1945 à [Localité 7] , en Algérie, alors département français.
Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 19 mai 2017 par le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal d'instance de Saint-Denis au motif que les actes d'état civil locaux produits par l'intéressée n'étaient pas probants (pièce n°1 de la demanderesse).
Le recours gracieux contre cette décision a été rejeté le 21 mai 2019 au motif que l'acte de naissance de la mère de l'intéressée n'était pas établi conformément au décret du 17 février 2014 et ne comportait pas l'ensemble des mentions prescrites par l'ordonnance du 19 février 1970 (pièce n°1 du ministère public).
Le ministère public demande au tribunal d'apprécier si la demanderesse est de nationalité française.
Sur le fond
En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.
Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée de la demanderesse, sa situation est régie par les dispositions de l’article 23 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, selon lequel est français, l'enfant légitime ou naturel, né en France lorsque l’un de ses parents au moins y est lui-même né, ces dispositions étant applicables à l'enfant né en France d'un parent né sur un territoire qui avait, au moment de la naissance de ce parent, le statut de colonie ou de territoire d'outre-mer de la République française.
Décision du 06/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 21/08621
Il appartient ainsi à Mme [L] [C], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de rapporter, d'une part, la preuve de sa naissance en France, et, d'autre part, de la naissance de l'un de ses parents sur le territoire des départements français d'Algérie, et d’un lien de filiation établi à l'égard de ce dernier, à l’aide d’actes de l’état civil établis conformément aux dispositions de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.
Aux termes de l’article 47 du code civil en effet, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.
Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et l'Algérie, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 36 du protocole judiciaire signé le 28 août 1962 et publié par décret du 29 août 1962 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer.
Enfin, nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit, la nationalité française, s’il ne dispose d’un état civil fiable et certain.
En l'espèce, Mme [L] [C] justifie d'un état civil fiable et certain par la production d'une copie, délivrée le 1er mars 2021, de son acte de naissance mentionnant qu'elle est née le 3 mars 1963 à [Localité 6] (France), de [X] [C], née le 3 juillet 1945 à [Localité 8] ([Localité 4]) (pièce n°2 de la demanderesse).
Il est également produit une copie, délivrée le 31 mars 2021, de l'acte de naissance de [X] [C], mentionnant qu'elle est née le 3 juillet 1945 à [Localité 7] (Algérie), de [F], âgé de 39 ans, cultivateur, et de [Y] [I] [U], âgée de 27 ans, sans profession (pièce n°3 de la demanderesse).
En réplique, aux contestations du ministère public concernant les divergences du lieu de naissance de [X] [C], née à [Localité 7], dans son acte de naissance, et née à [Localité 8] dans l'acte de naissance de la demanderesse, cette dernière indique que sa mère est née dans le village de [Localité 8], rattaché à la commune de [Localité 7] et que suite à la réorganisation territoriale de l'Algérie par la loi du 4 février 1984, [Localité 7] est rattachée à [Localité 1], dénomination arabe de [Localité 4], de sorte qu'il n'existe aucune divergence quant au lieu de naissance de [X] [C] (pièces n°8 et 9 de la demanderesse).
Il est ainsi justifié d'un état civil fiable et certain concernant [X] [C].
En vertu des dispositions de l'article 311-14 du code civil, « la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ».
La demanderesse ainsi que le ministère public conviennent que [X] [C] n'a pas conservé la nationalité française lors de l'accession à l'indépendance de l'Algérie et qu'elle était donc de nationalité algérienne, de sorte que la filiation de Mme [L] [C] est régie par la loi algérienne applicable au moment de sa naissance.
A ce titre, comme indiqué par les parties, la loi algérienne n° 62-157 du 31 décembre 1962 avait reconduit, jusqu’à nouvel ordre, la législation en vigueur à cette date, à savoir le droit issu du code civil français alors en vigueur en Algérie.
L'article 334 ancien du code civil, applicable en l'espèce, dispose que « la reconnaissance d'un enfant naturel sera faite par un acte authentique, lorsqu'elle ne l'aura pas été dans son acte de naissance ».
En l'espèce, la demanderesse produit une copie, délivrée le 31 janvier 2023 par la mairie d'[Localité 3], de l'acte de reconnaissance, du 1er juillet 1963, de [L] [C] par [X] [C], née à [Localité 8] (Sétif), le 3 juillet 1945, mention de cette reconnaissance étant faite dans l'acte de naissance de la demanderesse (pièces n°7 et 2 de la demanderesse).
Il est ainsi justifié du lien de filiation maternelle de [L] [C] à l'égard de [X] [C].
Mme [L] [C] justifie ainsi être née en France d'une mère née sur un territoire qui avait, au moment de la naissance de cette dernière, le statut de département français d'Algérie.
En conséquence, il sera jugé que Mme [L] [C] est française en application de l’article 23 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973.
Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil
Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [L] [C], qui succombe, sera condamné aux dépens lesquels seront recouvrés conformément à la législation en matière d'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;
Juge que Mme [L] [C], née le 3 mars 1963 à [Localité 6] (Seine-Saint-Denis), est de nationalité française ;
Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
Condamne Mme [L] [C] aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément à la législation en matière d'aide juridictionnelle.
Fait et jugé à Paris le 06 Juin 2024
La GreffièreLa Présidente
M. ALLAIN A. FLORESCU-PATOZ