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06/06/2024 | FRANCE | N°20/05053

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/1 nationalité a, 06 juin 2024, 20/05053


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/1 nationalité A

N° RG 20/05053
N° Portalis 352J-W-B7E-CSF6C

N° PARQUET : 18/1023

N° MINUTE :

Assignation du :
29 Novembre 2018


C.B.



[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 06 Juin 2024










DEMANDERESSE

Madame [O] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3] (ALGER)

représentée par Me Sohil BOUDJELLAL, avocat au barreau de PARIS, avocat plai

dant, vestiaire #D0058


DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
Parvis du Tribunal de Paris
75859 PARIS CEDEX 17

Monsieur Arnaud FENEYROU, Vice-Procureur

Décision du 06/06/2024
Chambre du conten...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/1 nationalité A

N° RG 20/05053
N° Portalis 352J-W-B7E-CSF6C

N° PARQUET : 18/1023

N° MINUTE :

Assignation du :
29 Novembre 2018

C.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 06 Juin 2024

DEMANDERESSE

Madame [O] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3] (ALGER)

représentée par Me Sohil BOUDJELLAL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0058

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
Parvis du Tribunal de Paris
75859 PARIS CEDEX 17

Monsieur Arnaud FENEYROU, Vice-Procureur

Décision du 06/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 20/05053

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière

DEBATS

A l’audience du 04 Avril 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire,
en premier ressort,

Prononcé en audience publique, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 29 novembre 2018 par Mme [O] [C] au procureur de la République,

Vu l'ordonnance de radiation du 17 octobre 2019,

Vu les conclusions de rétablissement au rôle de Mme [O] [C] notifiées par la voie électronique le 14 mai 2020,

Vu les dernières conclusions de Mme [O] [C] notifiées par la voie électronique le 25 octobre 2023,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 18 mars 2024,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 21 mars 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 4 avril 2024,

Vu la fixation de la décision en délibéré le 30 mai 2024

Vu l’avis de prorogation transmis par voie électronique aux parties le 30 mai 2024 fixant le délibéré au 6 juin 2024,

Décision du 06/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 20/05053

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 25 mars 2019. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Mme [O] [C], se disant née le 15 février 1981 à [Localité 4] (Algérie), revendique la nationalité française par filiation maternelle, sur le fondement de l'article 18 du code civil. Elle fait valoir que sa mère, Mme [H] [P], née le 25 mars 1960 à [Localité 2] (Algérie), est française pour avoir bénéficié de l'effet collectif attaché à la déclaration recognitive de nationalité française souscrite le 12 février 1963 par son propre père, [U] [P], né en 1936 à [Localité 2] (Algérie).

Le ministère public s'en remet à l'appréciation du tribunal sur la situation de Mme [O] [C] au regard de la nationalité française.

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.

Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par la demanderesse, l'action relève des dispositions de l’article 18 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993, aux termes duquel est Français l’enfant, légitime ou naturel, dont l’un des parents au moins est français.

Il est en outre rappelé que les effets sur la nationalité française de l’accession à l’indépendance des départements d’Algérie, fixés au 1er janvier 1963, sont régis par l’ordonnance n°62-825 du 21 juillet 1962 et par la loi n°66-945 du 20 décembre 1966 ; ils font actuellement l’objet des dispositions des articles 32-1 et 32-2 du code civil ; il résulte en substance de ces textes que les Français originaires d’Algérie ont conservé la nationalité française:
- de plein droit, s’il étaient de statut civil de droit commun ce qui ne pouvait résulter que de leur admission ou de celle de l’un de leur ascendant, ce statut étant transmissible à la descendance, à la citoyenneté française en vertu exclusivement, soit d’un décret pris en application du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, soit d’un jugement rendu sur le fondement de la loi du 4 février 1919 ou, pour les femmes, de la loi du 18 août 1929, ou encore de leur renonciation à leur statut personnel suite à une procédure judiciaire sur requête, étant précisé que relevaient en outre du statut civil de droit commun les personnes d’ascendance métropolitaine, celles nées de parents dont l’un relevait du statut civil de droit commun et l’autre du statut civil de droit local, celles d’origine européenne qui avaient acquis la nationalité française en Algérie et les israélites originaires d’Algérie qu’ils aient ou non bénéficié du décret “Crémieux” du 24 octobre 1870 ;

- s’ils étaient de statut civil de droit local, par l’effet de la souscription d’une déclaration de reconnaissance au plus tard le 21 mars 1967, ce, sauf si la nationalité algérienne ne leur a pas été conférée postérieurement au 3 juillet 1962, faute de quoi ils perdaient la nationalité française au 1er janvier 1963.

Selon l'article 153 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°45-2441 du 19 octobre 1945, modifiée par la loi n°60-752 du 28 juillet 1960 « les enfants mineurs de dix-huit ans, non mariés, des personnes ayant bénéficié des dispositions de l’article 152 suivront la condition :
1° s’ils sont légitimes, de leur père ou, en cas de prédécès, de leur mère survivante ;
2° s’ils sont enfants naturels, du parent à l’égard duquel leur filiation est d’abord établie ou, en cas de prédécès de celui-ci, de l’autre parent survivant ».

Il appartient donc à Mme [O] [C], non titulaire d'un certificat de nationalité française, d'une part, de démontrer un lien de filiation à l'égard de sa mère revendiquée, et, d'autre part, d'établir que celle-ci était mineure de dix-huit ans lorsque son propre père a souscrit une déclaration recognitive de nationalité française dans les conditions précitées, par des actes d’état civil fiables et probants au sens de l’article 47 du code civil, étant rappelé qu'aux termes de l’article 20-1 du code civil, la filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et l'Algérie, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 36 du protocole judiciaire signé le 28 août 1962 et publié par décret du 29 août 1962 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer.

Par ailleurs, nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil et de celui des ascendants qu’il revendique, par la production de copies intégrales d'actes d’état civil en original.
Décision du 06/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 20/05053

En l'espèce, pour justifier de son état civil, Mme [O] [C] a produit une première copie de son acte de naissance n°533, délivrée le 18 août 2016, qui mentionne qu'elle est née le 15 février 1983 à 23 heure et que l’acte a dressé le même jour à 5 heures, sur déclaration de [J] [K], âgé de 53 ans, employé à l’hôpital domicilié à [Localité 4]. Puis elle a produit une deuxième copie, délivrée le 8 septembre 2021, mentionnant qu'elle est née le 15 février 1981 à 11 heure 30 et que l’acte a dressé le même jour à 5 heures, sur déclaration de [J] [K] (pièces n°1 de la demanderesse).

Le ministère public ayant relevé des divergences entre ces deux copies, la demanderesse a produit en dernier lieu une nouvelle copie, délivrée le 24 avril 2023, indiquant qu'elle est née le 15 février 1981 à 11 heure 30 et que l’acte a été dressé le même jour à 5 heures, sur déclaration de [J] [K], âgé de 53 ans employé à l’hôpital (pièce n°18 de la demanderesse).

Le ministère public s'en remet à l'appréciation du tribunal pour déterminer si la demanderesse justifie d'un état civil fiable et certain.

Le tribunal relève qu'au regard de la dernière copie délivrée le 24 avril 2023 et de la concordance entre cette copie et celle délivrée le 8 septembre 2021, il est établi que la copie délivrée le 18 août 2016 contient des erreurs matérielles qui ne remettent pas en cause le caractère probant des copies de son acte de naissance délivrées le 8 septembre 2021 et le 24 avril 2023, qui font foi au sens de l'article 47 du code civil.

Ces deux copies mentionnent également que la demanderesse est née à [Localité 4] (Algérie) de M. [V] [C], âgé de 43, chauffeur, et de Mme [H] [P], âgée de 20 ans, sans profession (pièces n°1 et 18 de la demanderesse).

Ainsi, la demanderesse justifie d'un état civil fiable et certain.

Mme [O] [C] justifie également d'un état civil fiable et certain pour ses ascendants et d'une chaîne de filiation à l'égard de ces derniers par la production de :
- l'acte de naissance dressé sur les registres du service central d’état civil de Mme [H] [P], mentionnant qu'elle est née le 25 mars 1960 à [Localité 2] (Algérie), de [U] [P], né en 1936 à [Localité 2], et de [N] [Z], née le 22 octobre 1943 à [Localité 2] (Algérie) (pièce n°23 de la demanderesse),
- une copie, délivrée le 8 septembre 2021, de l'acte de mariage célébré le 6 janvier 1979 à [Localité 4] (Algérie), entre M. [V] [C] et Mme [H] [P] (pièce n°4 de la demanderesse),
- une copie, délivrée le 11 avril 2023, de l'acte de l'acte de naissance de M. [U] [P], indiquant qu'il est né en 1936 à [Localité 2] de [I] [P] et [G] [E] (pièce n°21 de la demanderesse),
- une copie, délivrée le 8 septembre 2021, de l'acte de mariage célébré le 25 octobre 1958 à [Localité 2] (Algérie) entre M. [U] [P] et Mme [N] [Z] (pièce n°7 de la demanderesse).

La déclaration recognitive de nationalité française souscrite le 12 février 1963 par M. [U] [P] devant le juge du tribunal d'instance de Perpignan sous le numéro 9075 DR 63 est versée aux débats (pièce n°8 de la demanderesse).

Il est ainsi établi que M. [U] [P] a souscrit une déclaration récognitive de nationalite française le 12 février 1963. Dès lors, en vertu des dispositions précitées, il a conservé la nationalité française à l'indépendance de l'Algérie et sa fille, Mme [H] [P], alors mineure de 18 ans, a suivi sa condition et a conservé la nationalité française.

Partant, la demanderesse est née d'une mère française.

Il sera donc jugé que Mme [O] [C] est française en application des dispositions de l'article 18 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993, précité.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les dépens

L'instance ayant été nécessaire pour l'établissement des droits de Mme [O] [C], celle-ci supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Juge que Mme [O] [C], née le 15 février 1981 à [Localité 4] (Algérie), est de nationalité française ;
Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Condamne Mme [O] [C] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 06 Juin 2024

La GreffièreLa Présidente
Christine KermorvantMaryam Mehrabi


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/1 nationalité a
Numéro d'arrêt : 20/05053
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-06;20.05053 ?
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