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06/06/2024 | FRANCE | N°17/17011

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 06 juin 2024, 17/17011


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :




2ème chambre


N° RG 17/17011
N° Portalis 352J-W-B7B-CL5N3

N° MINUTE :


Assignation du :
02 Juin 2010








JUGEMENT
rendu le 06 Juin 2024
DEMANDEUR

Monsieur [S] [N]
[Adresse 5]
[Localité 15]

Représenté par Maître Jérôme CASEY de la SELARL CASEY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0100


FENDEURS

Madame [V] [N]
[Adresse 8]
[Localité 15]

Représentée par Maître Jérôme DAGORNE de la SELEURL DAGORNE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #L0240

Mon...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre


N° RG 17/17011
N° Portalis 352J-W-B7B-CL5N3

N° MINUTE :

Assignation du :
02 Juin 2010

JUGEMENT
rendu le 06 Juin 2024
DEMANDEUR

Monsieur [S] [N]
[Adresse 5]
[Localité 15]

Représenté par Maître Jérôme CASEY de la SELARL CASEY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0100

DÉFENDEURS

Madame [V] [N]
[Adresse 8]
[Localité 15]

Représentée par Maître Jérôme DAGORNE de la SELEURL DAGORNE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #L0240

Monsieur [K] [N]
[Adresse 2]
[Localité 15]

Représenté par Maître Muriel CADIOU de la SELARL CADIOU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0656

Décision du 06 Juin 2024
2ème chambre
N° RG 17/17011 - N° Portalis 352J-W-B7B-CL5N3

* * *

COMPOSITION DU TRIBUNAL

M. Jerôme HAYEM, Vice-Président
Monsieur Robin VIRGILE, Juge
Madame Sarah KLINOWSKI, Juge

assistés de Madame Sylvie CAVALIE,greffière lors de l’audience et de Madame Adélie LERESTIF, greffière lors de la mise à disposition.

DEBATS

A l’audience collégiale du 07 Mars 2024, présidée par Jerôme HAYEM, et tenue publiquement, rapport a été fait par Robin VIRGILE, en application de l’article 804 du code procédure civile.

Après clôture des débats, avis a été donné aux conseils des parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire et en premier ressort

* * *

EXPOSE DES FAITS

[A] [N] et [Y] dite [Z] [D] se sont mariés à [Localité 11] (Maroc) le [Date mariage 4] 1954, sans contrat de mariage, et ont eu trois enfants, [K], [V] et [S] [N].

Suivant acte reçu le 8 décembre 1989 par Me [O], notaire à [Localité 15], les époux ont opté pour le régime de la communauté universelle comportant clause d'attribution intégrale de communauté à l'époux survivant, ledit changement de régime matrimonial ayant été homologué suivant jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 6 juillet 1990.

[A] [N] est décédé à [Localité 15] le 23 mars 1998, [Z] [N] se trouvant seule attributaire de l'intégralité de la communauté ayant existé avec son époux prédécédé.

[Z] [N] est décédée le [Date décès 3] 2008 laissant pour lui succéder [K], [V] et [S] [N], ses enfants.

Par testament du 21 juillet 2008, [Z] [N] avait pris les dispositions suivantes :

« Ceci est mon testament, lequel annule et remplace toutes dispositions antérieures.
Je soussignée [Z] [N], lègue à mon fils [S] [N], né le [Date naissance 6] 1971 à [Localité 15], domicilié au [Adresse 5] [Localité 15], la quotité disponible de ma succession. La maison de [Localité 12] sera attribuée par priorité à [S], ainsi que tous les meubles et objets mobiliers qui la garnissent, avec leur contenu. »
Décision du 06 Juin 2024
2ème chambre
N° RG 17/17011 - N° Portalis 352J-W-B7B-CL5N3

Les époux [N] avaient consenti différentes donations à leurs enfants.
Suivant acte qualifié de « donation-partage » reçu par Me [O], notaire à [Localité 15] le 30 septembre 1994, les époux [N] ont donné à chacun des trois enfants la somme de 1.800.00 francs, soit 91.469,41 euros chacun.

Suivant acte reçu par Me [O], notaire à [Localité 15] le 26 novembre 1998, c'est-à-dire après le décès de son époux [A] [N], [Z] [N] a donné les biens suivants :
- à [V] [N], la nue-propriété des lots de copropriété 9 et 11 dépendant d'un immeuble sis [Adresse 8] à [Localité 15], pour une valeur en pleine propriété de 3.750.000 francs, soit pour la nue-propriété 3.000.000 de francs, à charge pour elle de régler la somme de 1.494.913,83 francs représentant le montant de la créance de la [10] sur les biens et droits immobiliers attribués à la date du 23 novembre 1998
- à [K] et [S] [N], la moitié indivise chacun de la nue-propriété du lot 4 dépendant d'un immeuble sis [Adresse 8] à [Localité 15], pour une valeur en pleine propriété de 3.200.000 francs, soit pour la nue-propriété 2.560.000 francs.

Par jugement du 19 décembre 2014, le tribunal de céans a ordonné l’ouverture des opérations de partage de la succession de la défunte et commis pour y procéder le président de la chambre interdépartementale des notaires de Paris avec faculté de délégation.

Le notaire commis a dressé un projet d’état liquidatif et l’a présenté aux parties le 18 mars 2021 qui ne l’ont pas accepté. En conséquence, le même jour, le notaire commis a dressé un procès-verbal de difficultés et l’a transmis au juge commis.

Le 17 mai 2021, le juge commis a dressé un rapport et renvoyé l’affaire à la mise en état.

Par actes des 3 et 5 février 2021, [K] [N] a assigné [S] et [V] [N] devant ce tribunal aux fins de:
- prononcer la nullité du testament de la défunte objet du procès-verbal de dépôt du 21 janvier 2009 dressé par Maître [T],
- subsidiairement, ordonner une expertise afin de déterminer si le document déposé est un original et s’il est de la main de la défunte.

L’instance issue de cette assignation a été jointe à la présente.

Par ordonnance du 6 juillet 2022, le juge de la mise en état a notamment déclaré irrecevable la demande formée par [K] et [V] [N] en nullité du testament de la défunte objet du procès-verbal de dépôt du 21 janvier 2009 dressé par Maître [T], et déclaré sans objet la fin de non-recevoir opposée à une demande en réduction.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 16 janvier 2023, [S] [N] demande au tribunal de :

« Vu les articles 1373, 1374 et 1375 du Code de procédure civile,
Vu les articles 724, 2224, 2234, 921 ,1003, 1006, 1353, 953, 954, 815-9 du code civil,
Vu le Procès-verbal de difficultés de Maître [M], étude de Maitre [F], notaire commis, du 18 mars 2021,

JUGER recevable Monsieur [S] [N] en son action et en ses demandes ;

AU FOND

I. Sur la qualité de légataire universel de [S] [N]

JUGER que Monsieur [S] [N] est légataire universel de la succession de Madame [Z] [N]

En conséquence :

JUGER qu’en vertu de sa saisine légale, Monsieur [S] [N] est en possession de l’universalité du patrimoine de Madame [Z] [N] ;

II. Sur la révocation partielle de la donation du 26 novembre 1998

RÉVOQUER partiellement la donation du 26 novembre 1998, s’agissant des attributions faites à Madame [V] [N], du fait de l’inexécution de la charge ;

Subsidiairement

ORDONNER la réunion fictive à la masse de calcul de la quotité disponible la valeur de l’appartement sans y imputer le montant de la créance de la [10].

III. Sur l’acquisition du studio sis au [Adresse 1] [Localité 15] par [S] [N]

JUGER que l’acquisition ne constitue pas une donation à Monsieur [S] [N] et qu’il n’y a pas lieu d’ordonner le rapport de son prix d’acquisition à l’actif successoral ;

IV. Sur le renvoi des parties devant le notaire liquidateur

RENVOYER les parties devant le notaire qu’il lui plaira, soit Maître [B] [F] de l’étude [13], le notaire commis, ou toute autre étude qui n’est pas déjà intervenue dans ce dossier, afin que celui-ci dresse l’acte définitif de liquidation, conformément à la décision à intervenir du Tribunal de céans qui aura préalablement « tranché » les désaccords persistants ;

AUTORISER le notaire désigné à évaluer les biens immobiliers à défaut d’accord entre les parties sur leur prix.

Dans l’hypothèse où l’un ou plusieurs des cohéritiers entraveraient l’évaluation des biens immobiliers par leur comportement dilatoire ou obstructif, AUTORISER le notaire à déterminer les valeurs des biens immobiliers qui n’auront pas pu être expertisés en tenant compte des éléments et observations communiqués par les seuls cohéritiers qui n’auront pas entravé l’évaluation des biens concernés et de toute autre élément pertinent à sa disposition, en excluant toute information ou pièce éventuellement communiquée sur ces biens par le ou les cohéritiers récalcitrants;

ORDONNER à [K] [N] de remettre au notaire désigné et aux indivisaires la comptabilité et les justificatifs de loyers et de dépenses relatifs l’ensemble des biens indivis occupés ou loués par lui depuis le décès de Madame [Z] [N].

ORDONNER au notaire de procéder au calcul des indemnités d’occupation dues au titre des biens relevant de l’actif successoral et des biens indivis sis au [Adresse 7] [Localité 15], que ces biens aient été loués ou non, déduction faite des charges pleinement justifiées et qui incombent aux indivisaires non occupants des lieux, en s’adjoignant si nécessaire le concours d’un comptable.

Dans l’hypothèse où les informations demandées à [K] [N] ne seraient pas remises dans un
délai raisonnable,

ORDONNER au notaire commis de déterminer, sous le contrôle du juge commis, les indemnités dues en tenant compte des seuls éléments communiqués par les autres indivisaires.

ORDONNER à [V] [N] de remettre les clés des deux coffres forts que Madame [Z] [N] détenait à la [9] (aujourd’hui [14]) au notaire désigné pour dresser l’acte définitif ;

AUTORISER le notaire à procéder à l’ouverture des deux coffres forts appartenant à la succession, ouverts auprès de la banque [9] (aujourd’hui [14]), en s’adjoignant si nécessaire le concours d’un commissaire-priseur de son choix pour l’évaluation du contenu de ces coffres ;

DIRE que les frais relatifs aux interventions éventuelles d’experts immobiliers, comptable et commissaire-priseur sont à acquitter par les cohéritiers. Qu’à défaut de paiement par l’un ou plusieurs d’entre eux, le ou les autres peuvent se substituer au(x) cohéritier(s) défaillant(s), charge au notaire de tenir compte dans l’acte de liquidation des frais engagés par les uns et les autres.

En toute hypothèse

CONDAMNER Monsieur [K] [N] au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

Décision du 06 Juin 2024
2ème chambre
N° RG 17/17011 - N° Portalis 352J-W-B7B-CL5N3

CONDAMNER Monsieur [K] [N] aux entiers dépens de la présente instance au titre de l’article 699 du CPC, avec faculté de distraction au profit de la SELARL CASEY Avocats, avocat au Barreau de Paris ; »

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 24 juin 2022, [K] [N] demande au tribunal de :

Au vu des articles 2241, 2232, 1185 et 2233 du Code Civil
Il est sollicité du Tribunal de :
- DÉBOUTER Monsieur [S] [N] de ses demandes de fin de non-recevoir.
- DÉBOUTER Monsieur [S] [N] de sa demande incidente de prescription de l’action en nullité du testament.
- DÉBOUTER Monsieur [S] [N] de sa demande d’incidente de prescription de l’action en réduction de legs.
- DE SURSEOIR A STATUER sur toutes les demandes de liquidation de la succession , tant qu’une décision ne sera pas rendue la procédure sur la nullité du testament
-DEBOUTER Monsieur [S] [N] de toutes ses demandes et notamment celle de l’appréhension de la totalité du patrimoine successoral
- CONDAMNER Monsieur [S] [N] à verser à Monsieur [K] [N] la somme
de 10.000€ au titre de l’article 700 et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 27 septembre 2022, [V] [N] demande au tribunal de :

« Vu les dispositions des articles 778, 843, 921, 922 du code Civil,
Vu les dispositions de l’article 1004 du code civil et 2224 du Code civil,
Vu les dispositions de l’article 1077-2 du Code civil
Vu les dispositions des 2234 du code Civil,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées au débat,

-Débouter M. [S] [N] de ses demandes ;

-A titre principal ordonner que la demande de délivrance de legs de Monsieur [S] [N] effectuée en septembre 2021 est prescrite, Monsieur [S] [N] ne pouvant la demander et étant hors délai pour la solliciter

En conséquence ordonner que le testament du 21 juillet 2008 est nul et que Monsieur [S] [N] n’est pas légataire universel de la succession de la défunte

-A titre subsidiaire Ordonner que le testament olographe du 21 juillet 2008 n’est pas un legs universel mais au mieux un legs à titre universel

-Débouter Monsieur [S] [N] de ses demandes de révocation partielle de la donation du 26 novembre 1998 celle-ci étant infondée et la demande de Monsieur [S] [N] étant en tout état de cause prescrite

Décision du 06 Juin 2024
2ème chambre
N° RG 17/17011 - N° Portalis 352J-W-B7B-CL5N3

-Considérer en tout état de cause que la demande de Monsieur [S] [N] de l’action en réduction de legs est prescrite

-Ordonner que le bien du [Adresse 1] – [Localité 15] prétendument acquis par Monsieur [S] [N] alors qu’il était mineur est une donation déguisée à rapporter à la succession, le bien devant être réévalué au plus près du partage, cette donation pouvant constituer un recel successoral

-Ordonner que les sommes reçues par Monsieur [S] [N] et non remboursées par ce dernier à ses parents soient considérées comme des donations déguisées et réintégrées dans l’actif successoral, le bien du [Adresse 5] – [Localité 15] devant être réestimé au plus près du partage, ces donations déguisées ayant servi à la totalité de l’acquisition de ce bien, ces sommes pouvant être constitutives de recel successoral ;

-Renvoyer les parties devant le notaire liquidateur pour effectuer l’état liquidatif quand tous les points litigieux seront tranchés ;

-Débouter Monsieur [N] de ses demandes de remise de clés des deux coffres fort à la Barclays, Madame [N] ne disposant d’aucune clé de coffre-fort qui seraient détenus par la défunte

-Débouter Monsieur [S] [N] de ses autres demandes fins et conclusions,

-Condamner tout succombant à payer la somme de 15 000 € d’article 700 ainsi qu’aux dépens. »

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 mai 2023.

L'affaire a été mise en délibéré au 6 juin 2024.

Par message adressé par voie électronique le 3 mai 2024, le tribunal a mis au débat la question de l'irrecevabilité de cette demande au visa des articles 1373 et 1374 du code de procédure civile, et invité les parties à adresser une note en délibéré à ce sujet avant le 17 mai 2024.

[V] [N] et [S] [N] ont adressé au tribunal une note en délibéré dans le délai imparti.

MOTIFS

Sur la demande d'[K] [N] de surseoir à statuer dans l'attente du rendu d'une décision sur la procédure de nullité du testament

Par ordonnance du 6 juillet 2022, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable la demande formée par [K] et [V] [N] en nullité du testament de la défunte objet du procès-verbal de dépôt du 21 janvier 2009 dressé par Maître [T].

Par conséquent, il y a lieu de rejeter cette demande formée par [K] [N].

Sur la demande de [V] [N] de rapport par [S] [N] de la valeur du bien sis, [Adresse 5] à [Localité 15]

[V] [N] estime que :
- [S] [N] n'a pas rapporté de nombreuses sommes d'argent ou prêts non remboursés à ses parents,
- c'est le cas d'un prêt du 14 octobre 1996,
- c'est aussi le cas concernant un engagement du défunt de payer la somme de 400.000 francs constituant l'apport de l'acquisition par son fils d'un appartement sis [Adresse 5] à [Localité 15] au prix de 1.200.000 francs,
- son père s'est aussi engagé à poursuivre un versement mensuel de 10.000 francs à son fils [S] [N] du 30 octobre 1994 jusqu'à la fin du prêt pour son acquisition de l'appartement litigieux,
- les frais et honoraires pour son prêt ont été payés par ses parents à hauteur de 8.000 francs,
- l'appartement sis [Adresse 5] à [Localité 15] n'a pas été financé par [S] [N] mais par ses parents

[S] [N] n'a pas répondu sur le fond de cette demande.

Sur ce,

Selon l'article 1375 du code de procédure civile, le tribunal statue sur les points de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire chargé des opérations de partage.

Selon l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Il résulte de l'article 753 du code de procédure civile dans sa version applicable à la date d'introduction de l'instance que « Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées. »

Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, postérieurement à l’élaboration du projet liquidatif et à la réception du procès-verbal de dires subséquent, le tribunal ne peut être saisi que de prétentions chiffrées.

En l'espèce, il apparaît que la demande en rapport formée postérieurement au projet d'état liquidatif par le notaire commis n'est chiffrée ni au dispositif, ni aux motifs, des dernières écritures de [V] [N], de sorte qu'elle ne saisit pas le tribunal et qu'il n'y a donc finalement pas lieu d'examiner sa recevabilité.

Sur la demande de [V] [N] de déclarer prescrite la demande de [S] [N] en délivrance de son legs

[V] [N] fait valoir au visa de l'article 1004 du code civil que certains successeurs n'ont jamais la saisine, comme le légataire universel en présence d'héritiers réservataires, ou le légataire à titre universel ou particulier et que le légataire universel institué par testament olographe ou mystique peut avoir à satisfaire à la formalité de l'envoi en possession. Elle soutient que [S] [N] n'a pas demandé la délivrance de legs depuis le décès de sa mère en novembre 2008, et qu'une telle demande devant être formée sous cinq ans est donc prescrite.

[S] [N] fait valoir qu'en tant qu'héritier réservataire, il dispose de la saisine au regard de l'article 724 du code civil, que l'article 1008 du code civil n'impose l'envoi au possession qu'en l'absence d'héritiers réservataires et que dès lors qu'il dispose de la saisine, la formalité de la délivrance ne lui est pas applicable

En l'espèce, il apparaît que le tribunal n'est pas saisi par [S] [N] d'une demande de délivrance de son legs, de sorte que la fin de non-recevoir tirée de la prescription est sans objet en ce qu'elle est dirigée contre une demande qui n'est pas formée. Par conséquent, cette fin de non-recevoir ne saisit pas le tribunal, et il n'y sera pas répondu au dispositif du présent jugement.

Sur la demande de [S] [N] de juger qu'il est légataire universel de [Z] [N]
[S] [N] fait valoir que la testatrice n'a pas entendu limiter ses droits à la seule quotité disponible, ou le priver d'un droit potentiel à tout le patrimoine, [Z] [N] ayant d'ailleurs précisé qu'il devait recevoir la maison de [Localité 12]. Il en conclut que sauf à dénaturer la volonté de la défunte, le legs qui lui a été consenti constitue un legs universel.

Selon [V] [N], [S] [N] n'a reçu qu'un legs à titre universel, en ce que la défunte a pris soin de préciser que le legs ne porte que sur la quotité disponible, et n'a donc pas souhaité l'instituer légataire universel.

[K] [N] fait valoir que tant que le testament n'est pas reconnu valable, [S] [N] ne peut se prévaloir de la qualité de légataire universel. Il soutient que l'exception de nullité est perpétuelle conformément à l'article 1185 du code civil, et peut faire échec à l'exécution du testament, et indique la soulever en réponse à la demande d'exécution du testament faite par [S] [N]. Selon lui, en présence d'héritiers réservataires, le légataire de la quotité disponible ne peut appréhender tous les biens.
Sur ce,

Aux termes de l'article 1355 du code civil « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

Selon l'article 1003 du code civil, « Le legs universel est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l'universalité des biens qu'il laissera à son décès ».

En l'espèce, la demande de [S] [N] de juger qu'il est légataire universel de la succession de [Z] [N] s'interprète en réalité en une action en revendication divise de l'intégralité de la succession.

Le jugement du 19 décembre 2014 a déjà ordonné le partage de la succession de [Z] [N], de sorte qu'il a déjà été jugé que [S] [N] n'est pas le seul propriétaire de la masse indivise.

De manière surabondante, il est observé que les termes du testament de [Z] [N] en date du 21 juillet 2008 établissent sans équivoque qu'elle a légué à [S] [N] la quotité disponible. Par ailleurs, il résulte d'une part de l'article 1002 du code civil qu'un legs est universel, à titre universel ou à titre particulier, et d'autre part de l'article 1003 du code civil que le legs universel donne vocation au tout.

Ainsi, est universel, le legs qui, sans nécessairement dévoluer le tout de la succession au légataire, lui donne une vocation au tout. Par suite, le legs de la quotité disponible est un legs universel dès lors que la quotité disponible peut, au gré des circonstances comme l’existence ou non de réservataires ou la renonciation des réservataires et de leurs représentants, être égale au tout, conférant ainsi au légataire une vocation universelle.

En conclusion, comme, en présence de réservataires non renonçants, la quotité disponible n’est pas égale au tout, le legs de la quotité disponible, bien qu’universel pour les raisons exposés ci-dessus, n’exclut pas nécessairement l’existence d’une indivision entre le légataire et les réservataires sur les biens existants.

En l’espèce, ses cohéritiers réservataires n’ayant pas renoncé à leurs droits, [S] [N] ne peut revendiquer l'intégralité de la succession de [Z] [N].


Sur la demande de [S] [N] de révoquer partiellement la donation du 26 novembre 1998 s'agissant de l'attribution faite à [V] [N], et sa demande subsidiaire de réunion fictive à la masse de calcul de la valeur de l'appartement sans y imputer le montant de la créance de la [10]
[S] [N] soutient que la donation du 26 novembre 1998 attribue à [V] [N] la nue-propriété de biens immobiliers, à charge pour elle de rembourser la créance de la [10] sur ce bien. Il expose avoir demandé à [V] [N] de justifier qu'elle a réglé cette créance, sans succès. Selon lui, si [V] [N] soutient dans ses dires du 18 mars 2021 avoir remboursé cette créance et lui oppose qu'il ne rapporte pas la preuve du contraire, celle-ci supporte la charge de la preuve qu'elle s'est libérée de cette obligation, conformément à l'article 1353 du code civil.

[V] [N] fait valoir que la demande de [S] [N] de révocation partielle de la donation avec charge est irrecevable car prescrite, dès lors que cette contestation n'est intervenue que le 21 septembre 2021 alors que [Z] [N] est décédée le [Date décès 3] 2008. Sur le fond, elle précise être dans l'incapacité de prouver le paiement de cette dette auprès de la [10], s'agissant de faits datant de plus de vingt-quatre ans.

[K] [N] estime que [S] [N] entend faire une « action en réduction de la donation partage », laquelle est prescrite.

Sur ce,

Selon l'article 953 code civil, la donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause d'ingratitude, et pour cause de survenance d'enfants.

Aux termes de l'article 2262 du code civil dans sa version sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008–561 énonce que « toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ».

En l’espèce, il résulte de l'acte de donation-partage du 26 novembre 1998 que [Z] [N] a donné à [V] [N] la nue-propriété d'un bien immobilier d'une valeur de 3.000.000 francs, ceci « A charge de régler la somme de 1.494.916,82 francs représentant le montant de la créance de la [10] sur les biens et droits immobiliers ci-dessus attribués à la date du 23 novembre 1998, ainsi qu'il résulte d'un courrier de la [10] (...) ». L'acte ne fixant aucun terme pour cette charge, celle-ci était exigible dès le 26 novembre 1998, date qui constitue donc le point de départ du délai de prescription de l'action en révocation de la donation avec charge.

L'action en révocation de la donation avec charge se prescrivait par trente ans en application de l’article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008–561. En application de l’article 26–II de cette loi et de l’article 2224 du code civil tel que modifié par la même loi, cette action se prescrit par cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Décision du 06 Juin 2024
2ème chambre
N° RG 17/17011 - N° Portalis 352J-W-B7B-CL5N3

L'action en révocation de la donation avec charge expirait, avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2008–561, au 26 novembre 2028. La loi n° 2008–561 étant entrée en vigueur le 19 juin 2008, le délai réduit de cinq ans a expiré le 19 juin 2013 sans excéder le délai antérieur qui expirait au 26 novembre 2028.

Sauf interruption ou suspension, la prescription est donc acquise au 19 juin 2013. Or, il est constant qu’aucun acte interruptif ou suspensif de prescription n’est intervenu avant le 19 juin 2013.
Par conséquent, la demande de [S] [N] de révocation de la donation avec charge consentie à [V] [N] sera déclarée irrecevable.

[S] [N] sollicite à titre subsidiaire d'ordonner la réunion fictive à la masse de calcul de la quotité disponible la valeur de l’appartement sans y imputer le montant de la créance de la [10]. Toutefois, il ne s'agit pas d'une prétention au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile, mais d'un moyen au soutien de demandes en réduction ou en contestation de l'assiette de la quotité disponible qui ne sont pas formées. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à statuer sur cette demande subsidiaire, laquelle ne donnera pas lieu à mention au dispositif du présent jugement.

Sur la demande de [V] [N] d'ordonner le rapport par [S] [N] de la donation du studio sis, [Adresse 1] à [Localité 15]

[V] [N] fait valoir que l'acquisition par [S] [N] le 23 décembre 1987 de la nue-propriété d'un bien immobilier sis, [Adresse 1] à [Localité 15] au prix de 500.000 francs n'a pu se faire qu'au moyen d'une donation déguisée de ses parents, celui-ci n'ayant pu s'acquitter sur ses deniers d'une telle somme alors qu'il n'était âgé que de seize ans. Elle observe que si [S] [N] prétend avoir payé la nue-propriété plus de sept ans plus tard en remboursant la somme de 500.000 francs, l'acte de vente du 23 novembre 1987 ne prévoit aucune disposition quant à un paiement à terme. Elle en conclut que cette donation déguisée doit être intégrée à l'actif successoral en réévaluant ce bien au plus près du partage.

[S] [N] s'oppose à cette demande de rapport, et rappelle qu'il était mineur au moment de cette acquisition financée par ses parents, estimant avoir été instrumentalisé pour permettre à [K] [N] d 'acheter un autre bien. Il n'est selon lui redevable d'aucun rapport, en ce qu'à la suite de la donation de ses parents à chacun de leurs enfants d'une somme équivalente à 91.469,41 le 30 septembre 1994, il leur a remboursé la somme de 500.000 francs ainsi que le montre son relevé de compte.

Sur ce,

Aux termes de l’article 843 du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

Il résulte de ce texte que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession.

En l'espèce, [S] [N] ne conteste pas que ses parents ont financé son acquisition de la nue-propriété du bien sis, [Adresse 1] à [Localité 15], le 23 décembre 1987, au prix de 500.000 francs.

Mais, [S] [N] justifie d'un extrait de compte bancaire à son nom auprès de la [10], lequel montre le 7 octobre 1994 un débit de son compte par chèque de 500.000 francs, somme qui correspond très exactement au prix de l'acquisition immobilière réalisée sept ans plus tôt. En outre,
[V] [N] ne conteste pas dans ses dernières écritures que ses parents ont été bénéficiaires de ce flux financier de 500.000 francs. En effet, elle se limite à y indiquer que la pièce n°26 de [S] [N] n'a pas été produite alors que cette pièce figure au bordereau de [S] [N], et que manifestement [V] [N] n'a pas entendu reconclure depuis la communication de cette pièce.

Au regard de ces différents éléments, il est acquis que [S] [N] a remboursé ses parents, de sorte que la demande de rapport formée par [V] [N] sera rejetée.

Sur l'homologation du projet d'état liquidatif

Aux termes des articles 1374 et 1375 du code de procédure civile, le tribunal statue sur les points de désaccord et homologue l’état liquidatif ou renvoie les parties devant le notaire pour établir l’acte constatant le partage.
 
En l'espèce, toutes les contestations formées par les parties relatives au projet d'état liquidatif annexé au procès-verbal de dires du 18 mars 2021 n'étant pas accueillies, il convient de l'homologuer.

Toutes les demandes de [S] [N] accessoires à un renvoi devant le notaire commis qui n'est pas ordonné sont donc sans objet, et ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

Sur les mesures accessoires

Il sera rappelé qu'il a déjà été statué sur les dépens puisque le jugement d'ouverture en date du 19 décembre 2014 a décidé du partage des dépens entre les copartageants à proportion de leurs parts respectives.
Compte tenu de la nature familiale de l'instance, toutes les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Enfin, l’article 515 du code de procédure civile, dans sa version applicable à la présente instance, introduite antérieurement au 1er janvier 2020, autorise le juge à ordonner l’exécution par provision de sa décision chaque fois qu’il l’estime nécessaire et que cette mesure est compatible avec la nature de l’affaire et autorisée par la loi.

En l’espèce, l’ancienneté du litige justifie d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort

REJETTE la demande d'[K] [N] de surseoir à statuer dans l'attente du rendu d'une décision sur la procédure de nullité du testament ;

INTERPRÈTE la demande de [S] [N] de juger qu'il est légataire universel de [Z] [N] en une action en revendication divise de l'intégralité de la succession, et la rejette ;

DÉCLARE IRRECEVABLE la demande de [S] [N] de révoquer les attributions faites à [V] [N] résultant de la donation du 26 novembre 1998 ;

REJETTE la demande de [V] [N] de rapport par [S] [N] de la donation du studio sis, [Adresse 1] à [Localité 15] ;

HOMOLOGUE le projet d'état liquidatif établi par Maître [I] [U], annexé au procès-verbal de dires en date du 18 mars 2021 ;

REJETTE toute autre demande ;

RAPPELLE que les dépens sont employés en frais de partage lesquels seront supportés par les copartageants à proportion de leurs parts dans l'indivision partagée ;

REJETTE toutes les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 06 Juin 2024

La GreffièreLe Président
Adélie LERESTIF Jerôme HAYEM


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 17/17011
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-06;17.17011 ?
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