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05/06/2024 | FRANCE | N°22/05342

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 05 juin 2024, 22/05342


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :




2ème chambre



N° RG 22/05342
N° Portalis 352J-W-B7G-CWPPK

N° MINUTE :

Assignation du :
25 Avril 2022

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 05 Juin 2024

DEMANDEUR

Monsieur [W] [B]
Chez Mme [J] [C] [R]
[Adresse 15]
[Localité 5]

Représenté par la SCP JOUANNEAU-PALACCI, avocat plaidant et par Maître Michèle SOLA, avocat au barreau de PARIS, avoc

at postulant, vestiaire #A0133


DEFENDEURS

Madame [F] [X], [E] [D]
[Adresse 2]
[Localité 8]

Représentée par Maître Elodie MULON de la SELARL MULON ASSOCIES,...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre

N° RG 22/05342
N° Portalis 352J-W-B7G-CWPPK

N° MINUTE :

Assignation du :
25 Avril 2022

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 05 Juin 2024

DEMANDEUR

Monsieur [W] [B]
Chez Mme [J] [C] [R]
[Adresse 15]
[Localité 5]

Représenté par la SCP JOUANNEAU-PALACCI, avocat plaidant et par Maître Michèle SOLA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0133

DEFENDEURS

Madame [F] [X], [E] [D]
[Adresse 2]
[Localité 8]

Représentée par Maître Elodie MULON de la SELARL MULON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0177

Monsieur [S] [O] [E] [D]
[Adresse 1]
[Localité 7]

Représenté par Maître Arnaud MÉTAYER-MATHIEU de la SELARL HUGO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0866

Madame [Z] [D]
[Adresse 4]
[Localité 9]

Représentée par Maître Charlotte ROBBE de la SELARL BWG ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E0989

Monsieur [M] [P] [E] [D]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 9]

Non représenté

* * *

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Madame Sarah KLINOWSKI, Juge

assistée de Adélie LERESTIF, greffière.

DEBATS

A l’audience du 15 mai 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 05 Juin 2024.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Réputée contradictoire et en premier ressort

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [U] [D], de nationalité française, est décédé à [Localité 10] le [Date décès 3] 2021, laissant pour lui succéder son épouse, Madame [T] [D], et leurs quatre enfants, Mesdames [F] et [Z] [D] et Messieurs [S] et [M] [D], ci-après les consorts [D].

Aux termes d’un testament olographe du 19 janvier 2021, Monsieur [U] [D] avait institué ses quatre enfants légataires indivisément entre eux et à parts égales de la pleine propriété de l’ensemble des biens dépendant de sa succession et précisé qu’il léguait en outre, à chacune des personnes à son service au moment de son décès depuis au moins un an la somme de 100 000 euros, ce montant étant porté à 200 000 euros après dix ans de service.

Aux termes d’un testament olographe du 10 juin 2021, Monsieur [U] [D] avait également entendu doubler les droits de son homme d’entretien, Monsieur [W] [B], à son service depuis le mois d’août 2014, dans sa succession « en remerciement pour tous les services rendus par [W] au cours de ma maladie à [Localité 17] et surtout des bons moments à [Localité 12] et en Suisse ».

Echouant à encaisser un chèque de 500 000 euros signé par Monsieur [U] [D] le même jour, Monsieur [W] [B] a, par exploit d’huissier du 25 avril 2022, fait assigner les consorts [D] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de les voir condamner à lui verser la somme de 500 000 euros et à lui délivrer son legs.

Parallèlement, Monsieur [S] [D] a, par exploit d’huissier du 27 janvier 2022, fait assigner ses deux sœurs devant le président du tribunal de Beauvais statuant selon la procédure accélérée au fond aux fins essentielles de les voir condamner à verser à l’indivision successorale une indemnité pour leur occupation des maisons d’habitation et dépendances situées sur la propriété du château de [Localité 18] appartenant à l’indivision successorale.

Par ordonnance du 29 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Beauvais s’est déclaré incompétent pour statuer sur ce litige, considérant que la dernière résidence habituelle du défunt au moment du décès se trouvait à [Localité 17], et a invité Monsieur [S] [D] à mieux se pouvoir, ordonnance dont ce dernier a interjeté appel.

Par arrêt du 6 juillet 2023, la Cour d’appel d’Amiens a infirmé l’ordonnance susvisée, a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par les défenderesses et a renvoyé l’affaire devant le tribunal judiciaire de Beauvais statuant selon la procédure accélérée au fond.

A la suite de cet arrêt, Mesdames [F] et [Z] [D] se sont désistées de l’exception d’incompétence qu’elles avaient soulevé devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris dans le cadre de la présente instance, juge de la mise en état qui a cependant, par bulletin du 20 octobre 2023, soulevé la question de la compétence du tribunal judiciaire de Paris pour connaître des demandes formées par Monsieur [W] [B].

Dans ses dernières conclusions d’incident, signifiées par voie électronique le 8 décembre 2023, Monsieur [W] [B] demande au juge de la mise en état de dire et juger que la compétence territoriale s’agissant de ses demandes fondées sur le chèque émis par le de cujus est régie par les seules dispositions de l’article 42 du code de procédure civile et de juger que le tribunal judiciaire de Paris est compétent pour statuer sur cette demande, de renvoyer l’affaire à la connaissance du tribunal judiciaire de Dijon sur les seules demandes visant à voir ordonner la délivrance du legs et de condamner in solidum les défendeurs à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre de les condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions d’incident, signifiées par voie électronique le 28 février 2024, Madame [F] [D] demande au juge de la mise en état de déclarer le tribunal judiciaire de Paris compétent pour statuer sur les demandes formées par Monsieur [W] [B] et de débouter ce dernier ainsi que Monsieur [S] [D] de leurs demandes plus amples ou contraires.

Dans ses dernières conclusions d’incident, signifiées par voie électronique le 26 février 2024, Madame [Z] [D] demande au juge de la mise en état de se déclarer compétent pour statuer sur l’ensemble des demandes formées par Monsieur [W] [B] dans le cadre de la présente instance, de renvoyer les parties à une prochaine audience de mise en état pour conclusions au fond, de débouter Monsieur [W] [B] et Monsieur [S] [D] de leurs demandes et de réserver les dépens.

Dans ses dernières conclusions d’incident, signifiées par voie électronique le 1er mars 2024, Monsieur [S] [D] demande au juge de la mise en état de prononcer le désistement d’incident de ses sœurs s’agissant de la compétence des juridictions françaises, de juger que le dernier domicile de son père était situé au château de [Localité 18] à Lavilletertre, de sorte que le tribunal judiciaire de Beauvais est compétent, de renvoyer en conséquence l’affaire devant ce tribunal, de débouter les autres parties de leurs demandes et de les condamner à lui payer chacun la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre de les condamner aux entiers dépens.

Monsieur [M] [D] n’a pas constitué avocat.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé plus ample des moyens de fait et de droit développés au soutien de leurs prétentions, lesquels sont présentés succinctement dans les motifs.

A l’issue de l’audience de plaidoirie sur incident du 15 mai 2024, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Il est rappelé que les demandes des parties de « dire et juger » ou « constater », tendant à constater tel ou tel fait ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert. Elles ne donneront en conséquence pas lieu à mention au dispositif.

Sur la compétence du tribunal judiciaire de Paris

Monsieur [W] [B] soutient que le tribunal de Paris est compétent pour statuer sur sa demande de condamnation des consorts [D] à lui verser la somme de 500 000 euros au titre du chèque rédigé par leur père le 10 juin 2021 et qu’il n’a pu encaisser, rappelant les dispositions de l’article 42 du code de procédure civile et la domiciliation de deux des héritiers de Monsieur [U] [D] à [Localité 16]. S’agissant de sa demande de délivrance de legs en revanche, il estime que le tribunal judiciaire de Dijon est compétent, les opérations de succession ayant été confiées à Maître [A], notaire à [Localité 11], aux dires des défendeurs.

Si Madame [F] [D] estimait initialement que les juridictions italiennes étaient compétentes pour statuer sur les demandes de Monsieur [W] [B], considérant que la résidence de son père au moment du décès se trouvait à [Localité 17], elle souhaite finalement, par souci d’une bonne administration de la justice et au regard de l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 6 juillet 2023, laquelle n’a pu déterminer le lieu de résidence de son père au moment du décès, que le litige soit jugé par le tribunal de céans, déjà saisi. Elle ajoute que la procédure judiciaire en cours devant le tribunal judiciaire de Beauvais est une procédure accélérée au fond, de sorte que ce tribunal n’est pas saisi de la liquidation de la succession, et que les défendeurs résident tous à Paris.

Sur l’opportunité d’une scission évoquée par le demandeur, elle estime que la demande en paiement se rattache directement au litige successoral, Monsieur [W] [B] ne justifiant d’aucune créance à l’encontre du de cujus mais d’une libéralité dont le sort doit être tranché avec le litige successoral. Enfin, Madame [F] [D] rappelle qu’aucun texte ne prévoit le rattachement de la compétence territoriale au lieu où est située l’étude du notaire en charge de la succession, de sorte qu’en toute hypothèse, le tribunal de Dijon n’est pas compétent pour connaître du présent litige.

Madame [Z] [D] s’associe à l’argumentation de sa sœur sur la compétence du tribunal de céans pour juger l’entier litige. Elle rappelle d’une part, que le tribunal de Dijon ne peut être déclaré compétent puisqu’aucune disposition légale ne prévoit le rattachement au tribunal du lieu du domicile professionnel du premier notaire saisi pour régler la succession, et d’autre part, qu’il est matériellement impossible de déterminer le dernier domicile de son père mais que sa nationalité permet de reconnaître la compétence des juridictions française pour connaître des litiges nés de sa succession, comme l’a jugé la cour d’appel d’Amiens le 6 juillet 2023. Si la saisine du tribunal de Beauvais faisait sens pour statuer sur les demandes de son frère au titre de la jouissance d’un bien indivis situé dans le ressort de ce tribunal, il est pour elle d’une bonne administration de la justice de laisser le tribunal judiciaire de Paris, déjà saisi et sur le ressort duquel tous les défendeurs résident, connaître de l’action engagée par Monsieur [W] [B]. Madame [Z] [D] analyse enfin le chèque de 500 000 euros dont se prévaut Monsieur [W] [B] comme un don, qui relève de l’exécution des dispositions à cause de mort, de sorte qu’en application des dispositions de l’article 45 du code de procédure civile et en toute hypothèse, l’ensemble des demandes de Monsieur [W] [B] doivent être jugées par le même tribunal.

Enfin, Monsieur [S] [D] soutient pour sa part que seul le tribunal judiciaire de Beauvais est compétent pour statuer sur le présent litige. Il expose à titre liminaire que la demande de Monsieur [W] [B] relative au chèque signé par son père le 10 juin 2021 relève de la compétence du juge de la succession en application de l’article 45 du code de procédure civile, lequel est compétent pour statuer sur les demandes formées par les créanciers du défunt, et que Maître [A], notaire à [Localité 11], n’est plus en charge de la succession de son père, outre qu’aucun texte ne désigne le lieu d’établissement du notaire de la succession comme celui du juge de la succession. Monsieur [S] [D] poursuit en rappelant l’autorité de chose jugée de l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 6 juillet 2023, laquelle n’a pas estimé, comme l’analysent ses sœurs, qu’il était matériellement impossible de déterminer la résidence habituelle de leur père mais après avoir considéré que c’est en France qu’il convenait de fixer la résidence habituelle de ce dernier, a renvoyé l’affaire devant le tribunal judiciaire de Beauvais. Subsidiairement, il fait la liste des éléments permettant de fixer le dernier domicile français du défunt au château de [Localité 18], situé dans le ressort du tribunal de Beauvais. Sur l’argument d’une bonne administration de la justice pour laisser le tribunal judiciaire de Paris, déjà saisi et sur le ressort duquel tous les défendeurs résident, connaître du présent litige, Monsieur [S] [D] souligne l’existence de règles spéciales, impératives et exclusives, de compétence territoriale applicables aux litiges nés d’une succession, et le caractère contraire à la bonne administration de la justice de saisir deux juges concurremment pour statuer sur des questions se rapportant au règlement de la même succession, dont ne dépend par ailleurs aucun bien situé à [Localité 16].

Sur ce,

L’article 720 du Code civil dispose que les successions s’ouvrent par la mort au dernier domicile du défunt.

L’article 45 du Code de procédure civile dispose qu’en matière de succession, sont portées devant la juridiction dans le ressort de laquelle est ouverte la succession jusqu’au partage inclusivement : les demandes entre héritiers, les demandes formées par les créanciers du défunt, les demandes relatives à l’exécution des dispositions à cause de mort.

Selon l’article 4 du règlement Européen n°650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, applicable aux successions des personnes décédées après le 17 août 2015, sont compétentes pour statuer sur l'ensemble d'une succession les juridictions de l'État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.

Sur la définition de « résidence habituelle », le règlement dans le considérant 23 de son préambule expose qu’afin de déterminer la résidence habituelle, l’autorité chargée de la succession doit procéder à une évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’Etat concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence, la résidence habituelle ainsi déterminée devant révéler un lien étroit et stable avec l’Etat concerné, compte tenu des objectifs spécifiques du règlement.

Le considérant 24 ajoute que dans certains cas, il peut s’avérer complexe de déterminer la résidence habituelle du défunt. Un tel cas peut se présenter en particulier, lorsque pour des raisons professionnelles ou économiques, le défunt était parti vivre dans un autre Etat pour y travailler, pendant une longue période, tout en ayant conservé un lien étroit et stable avec son Etat d’origine. Dans un tel cas, le défunt pourrait, en fonction des circonstances de l’espèce, être considéré comme ayant toujours sa résidence habituelle dans son Etat d’origine dans lequel se trouvaient le centre de ses intérêts, sa vie familiale ou sociale. D’autres cas plus complexes peuvent se présenter lorsque le défunt vivait de façon alternée dans plusieurs Etats ou voyageait d’un Etat à un autre sans être installé de façon permanente dans un Etat. Si le défunt était ressortissant de l’un de ces Etat ou y avait l’ensemble de ses principaux biens, sa nationalité ou le lieu de situation de ces biens pourrait constituer un critère particulier pour l’appréciation globale de toutes les circonstances de fait.

En l’espèce, la cour d’appel d’Amiens, dans son arrêt du 6 juillet 2023, retient que Monsieur [U] [D] n’exerçait plus d’activité professionnelle au moment de son décès et partageait son temps entre la France, la Suisse et l’Italie, son avion personnel lui permettant de parcourir plusieurs milliers de kilomètres pour assister à une représentation, participer à un dîner ou organiser une chasse, de sorte que les éléments de la cause ne lui permettent pas de caractériser le lien étroit et stable avec un Etat.

Si elle retient dans la motivation de sa décision que la nationalité de Monsieur [U] [D] détermine que sa résidence habituelle était en France, dès lors que la durée des séjours en France et en Italie ne peut être retenue comme déterminante, se référant au considérant 24 du préambule du règlement n°650/2012, elle se limite, dans le dispositif de cette même décision, qui seul lie le tribunal de céans, à renvoyer l’affaire qui lui était soumise devant le tribunal judiciaire de Beauvais statuant selon la procédure accélérée au fond.

La cour d’appel d’Amiens, dans son arrêt du 6 juillet 2023, n’a donc pas statué sur la résidence habituelle de Monsieur [U] [D], de sorte que ce jugement n’est pas revêtu de l’autorité de chose jugée. Il appartient donc au tribunal de céans de procéder à une évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, la résidence habituelle ainsi déterminée devant révéler un lien étroit et stable avec l’Etat concerné, conformément au considérant 23 du préambule du règlement n°650/2012 susvisé.

Il sera précisé à titre liminaire que le tribunal de Dijon ne peut être compétent pour connaître des litiges relatifs à la succession de Monsieur [U] [D], aucun texte de loi ne prévoyant le rattachement de la compétence territoriale au lieu où est située l’étude du notaire en charge de la succession, et que la demande de Monsieur [W] [B] relative au chèque qui aurait été émis par le de cujus relève également de la compétence du juge de la succession s’agissant d’une créance du défunt, conformément à l’article 45 du code de procédure civile.

Si les pièces versées aux débats par Mesdames [Z] et [F] [D] permettent de savoir que le de cujus louait un appartement à [Localité 17] depuis le 19 juin 2017 et jusqu’à son décès, qu’il était inscrit au registre des français établis hors de France et au registre de la municipalité de [Localité 17] et qu’il décrivait le château de [Localité 18] comme sa résidence secondaire dans son certificat de domiciliation du 14 avril 2020, rédigé en plein confinement, il résulte des débats que Monsieur [U] [D] partageait son temps entre l’Italie et la France, disposant notamment d’un droit de jouissance sur une propriété située à Lavilletertre, dans l’Oise, composée du château de [Localité 18] en vertu d’un acte de partage du 12 décembre 2006.

Monsieur [S] [D] dresse un tableau récapitulatif du nombre de jours passés par son père depuis 2019 et jusqu’à son décès dans ses différentes résidences situées à [Localité 18], à [Localité 12] (en Ardèche), à [Localité 17], et à [Localité 13], sur la base des relevés bancaires de ce dernier, des relevés de vol de son avion personnel, de ses agendas outlook et de l’exploitation de ses données téléphoniques, pièces qu’il verse également aux débats, tableau qui n’est pas contesté par ses contradicteurs et qui révèle que sur cette période, Monsieur [U] [D] a passé la majeure partie de son temps dans sa résidence de [Localité 18], à savoir 219 jours contre 96 jours à [Localité 12], 189 jours à [Localité 17], 140 jours à [Localité 13].

Il est également acquis aux débats que Monsieur [U] [D] avait choisi de s’installer à [Localité 18] pendant les périodes de confinement liées à l’épidémie de Covid-19 alors qu’il avait la possibilité de retourner à [Localité 17] ou de se déplacer ou dans son autre résidence en France par le biais de son avion personnel, et qu’il avait choisi de passer les derniers mois de sa vie à [Localité 18], résidence administrative de son épouse depuis le mois de juin 2021, tel qu’il ressort du courriel que Madame [Z] [D] a adressé à ses frères et à sa sœur le 30 juillet 2021 et dans lequel elle précise « après tout, nous avons toutes les trois pris soin de lui dans les derniers mois de sa vie (Ha pardon, vous ne saviez peut-être pas qu’il était revenu à [Localité 18] en mars auprès de maman qui s’était occupée de lui avec [V] et nous, lorsqu’il nous recevait dans leurs maisons de [Localité 18]) ».

Il ressort donc de l’ensemble des pièces versées aux débats par les parties que si Monsieur [U] [D] louait un appartement à [Localité 17] depuis plusieurs années et disposait de résidences en Suisse et en Ardèche, c’est à [Localité 18] qu’il a passé la majeure partie de son temps les dernières années de sa vie, qu’il retrouvait son épouse et sa famille, qu’il pratiquait un de ses loisirs favoris, la chasse, et qu’il avait choisi de s’installer au moment des confinements liés à l’épidémie de covid-19.

Les circonstances de la vie de Monsieur [U] [D] au cours des années précédant son décès permettent donc de caractériser sa résidence habituelle, au moment de son décès au sens de l’article 4 du règlement UE n°650/2012, à [Localité 18].

De manière surabondante, il convient d’ajouter que Monsieur [U] [D] était de nationalité française et qu’il disposait en France de ses principaux biens, de sorte que conformément au considérant 24 du préambule du règlement UE n°650/2012, le lieu de situation de ses principaux biens, en l’espèce [Localité 18], peut en toute hypothèse constituer un critère particulier pour l’appréciation globale de toutes les circonstances de fait.

En tout état de cause, l’impératif d’une bonne administration de la justice ne justifie pas la compétence du tribunal judiciaire de Paris, déjà saisi des demandes de Monsieur [W] [B], pour statuer sur l’entier litige successoral dès lors qu’existent des règles spéciales de compétence territoriale applicables aux litiges nés d’une succession.

En conséquence de ce qui précède et en application des dispositions légales ci-avant rappelées, le tribunal judiciaire de Beauvais est compétent pour statuer sur les litiges relatifs à la succession de Monsieur [U] [D], de sorte que le tribunal judiciaire de Paris se déclarera incompétent pour connaître des demandes formées par Monsieur [W] [B].

Sur les demandes accessoires

Monsieur [W] [B], qui a fait assigner les consorts [D] devant un tribunal judiciaire incompétent pour connaître de ses demandes, sera condamné aux dépens et supportera une partie des frais irrépétibles exposés par ces derniers, à hauteur de 2 000 euros pour chaque défendeur constitué.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE que le dernier domicile de Monsieur [U] [D] était situé au château de [Localité 18] à [Localité 14],

DÉCLARE le tribunal judiciaire de Paris incompétent pour statuer sur le litige opposant Monsieur [W] [B] à Mesdames [Z] et [F] [D] et Messieurs [S] et [M] [D],

DÉCLARE le tribunal judiciaire de Beauvais compétent pour statuer sur le litige opposant Monsieur [W] [B] à Mesdames [Z] et [F] [D] et Messieurs [S] et [M] [D],

CONDAMNE Monsieur [W] [B] aux dépens de l’instance,

CONDAMNE Monsieur [W] [B] à verser à Mesdames [Z] et [F] [D] et Monsieur [S] [D] la somme de 2 000 euros à chacun au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

REJETTE la demande de Monsieur [W] [B] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande.

Faite et rendue à Paris le 05 Juin 2024

La GreffièreLe Juge de la mise en état
Adélie LERESTIF Sarah KLINOWSKI


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/05342
Date de la décision : 05/06/2024
Sens de l'arrêt : Se dessaisit ou est dessaisi au profit d'une autre juridiction

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-05;22.05342 ?
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