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04/06/2024 | FRANCE | N°23/04112

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 2ème section, 04 juin 2024, 23/04112


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




9ème chambre
2ème section


N° RG 23/04112 -
N° Portalis 352J-W-B7H-CZJZF

N° MINUTE : 4




Assignation du :
20 Mars 2023








JUGEMENT
rendu le 04 Juin 2024
DEMANDEURS

Monsieur [W] [R]
[Adresse 2]
[Localité 8]

Madame [X] [H] épouse [R]
[Adresse 2]
[Localité 8]

représentés par Me Christine LICHTENBERGER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1124<

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DÉFENDEUR

LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DES FINANCES PUBLIQUES, poursuites et diligences du DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D’ÎLE DE FRANCE ET DE PARIS
Pôle Juridictionnel Judiciaire
[Adresse 1] ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre
2ème section

N° RG 23/04112 -
N° Portalis 352J-W-B7H-CZJZF

N° MINUTE : 4

Assignation du :
20 Mars 2023

JUGEMENT
rendu le 04 Juin 2024
DEMANDEURS

Monsieur [W] [R]
[Adresse 2]
[Localité 8]

Madame [X] [H] épouse [R]
[Adresse 2]
[Localité 8]

représentés par Me Christine LICHTENBERGER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1124

DÉFENDEUR

LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DES FINANCES PUBLIQUES, poursuites et diligences du DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D’ÎLE DE FRANCE ET DE PARIS
Pôle Juridictionnel Judiciaire
[Adresse 1]
[Localité 7]

représenté par son Inspecteur

Décision du 04 Juin 2024
9ème chambre 2ème section
N° RG 23/04112 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZJZF

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Gilles MALFRE, Premier Vice-Président adjoint
Augustin BOUJEKA, Vice-Président
Alexandre PARASTATIDIS, Juge

assistés de Alise CONDAMINE-DUCREUX, Greffière

DÉBATS

À l’audience du 23 Avril 2024 tenue en audience publique devant M. MALFRE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

___________________

Le 17 octobre 2014, M. [W] [R] a déposé une demande de régularisation d'avoirs à l’étranger, portant sur un compte bancaire n° [XXXXXXXXXX05] ouvert dans les livres de la banque UBS en Suisse. Les déclarations rectificatives d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune (ISF) accompagnaient cette demande de régularisation.

Sur la justification de l’origine de ces avoirs, le contribuable a expliqué avoir découvert que ce compte avait été ouvert par son père, le 17 mars 1983, que sa mère, Mme [D], est décédée le [Date décès 3] 1999, laissant pour lui succéder son conjoint survivant, M. [S] [R], ce dernier ayant renoncé à la succession le 4 octobre 1999, ainsi que ses cinq enfants, [W], [I], [B], [N] et [E], avec cette précision que le 14 novembre 2002 M. [S] [R] a transféré les fonds sur un compte n° [XXXXXXXXXX06] ouvert dans les livres de la même banque et détenu par une société MIRAMONTE INVESTMENTS.

Le requérant ajoute que son père avait fait un testament le 21 avril 2000 instituant pour légataires universels quatre de ses enfants, hormis [B].

Il précise que son père est décédé le [Date décès 4] 2008 et qu'en septembre 2011 les fonds ont été répartis entre les légataires du de cujus.

M. [W] [R] n’a pas déposé de déclaration de succession rectificative avec son dossier de régularisation, aux motifs que ses parents étaient mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts et qu’en application de l’article 1402 du code civil les fonds en dépôt sur le compte ouvert en 1983 étaient présumés dépendre de la communauté et auraient dû être portés sur la déclaration de succession de sa mère, ce que n’a pas fait son père, commettant ainsi un recel successoral.

Le service de traitement des déclarations rectificatives n’a pas retenu cette analyse et a proposé au contribuable de régulariser sa situation, avec le bénéfice des conditions de la circulaire « Cazeneuve », en appliquant les règles de la dévolution successorale pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit.

Par courriel du 23 mai 2017, le conseil de M. [W] [R] a indiqué que dans un souci de finaliser ce dossier complexe, son client acceptait de renoncer à revendiquer le recel de succession commis par son père et d’appliquer les règles légales de présomption de communauté, en régularisant la moitié des avoirs dans la succession de son père.

Par courriel du 21 août 2017, le service a répondu que cette proposition de régularisation ne pouvait pas être acceptée, en ce que la communauté n'était pas démontrée, seul M. [S] [R] étant titulaire à son décès de 100 % des avoirs, qui doivent être compris dans l’actif successoral.

Le dossier de régularisation a été transmis au service de la direction nationale des vérifications des situations fiscales, qui a émis une proposition de rectification le 29 août 2018. Les droits supplémentaires ont été assortis de l’intérêt de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.

Le 24 octobre 2018, le contribuable a formulé des observations à la suite de la proposition de rectification. Le service, par lettre du 22 novembre 2018, a maintenu les rehaussements proposés concernant la déclaration de succession et a partiellement fait droit aux demandes de M. [W] [R] concernant l'ISF.

Les impositions supplémentaires à l’ISF ont été mises en recouvrement le 30 avril 2019. Le 12 juin 2019, le contribuable a déposé une réclamation contentieuse portant sur les ISF 2009 à 2014 et sur la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) 2012. Par décision du 20 janvier 2023, ladite réclamation a fait l’objet d’une décision de rejet.

C'est dans ces conditions que par acte du 20 mars 2023, M. [W] [R] et son épouse, Mme [H], ont fait assigner le Directeur régional des Finances publiques d’Île-de-France et de Paris devant le tribunal judiciaire de Paris, afin qu'il soit prononcé le dégrèvement de la somme de 9 720 euros au titre des pénalités pour manquement délibéré de 40 %, pour les ISF 2009 à 2014 et la CEF 2012, d'ordonner la restitution de la somme de 6 075 euros ainsi que des intérêts de retard depuis le 14 octobre 2014, à la suite de ce dégrèvement, d'ordonner la restitution du trop versé d'un montant de 3 200 euros ainsi que des intérêts de retard depuis le 14 octobre 2014 et de condamner l’administration fiscale à payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 17 novembre 2023 signifiées le 21 novembre 2023, le Directeur régional des Finances publiques d’Île-de-France et de Paris s'oppose aux demandes des requérants.

Par conclusions du 26 janvier 2024, les époux [R] maintiennent leurs demandes.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2024.

SUR CE

Sur la restitution de la somme de 3 200 euros :

Les époux [R] rappellent que deux avis de mise en recouvrement ont été émis au titre des ISF 2009 à 2014 et de la CEF 2012, pour un montant total de 36 895 euros, que l’administration fiscale reconnaît avoir perçu la somme de 40 095 euros en octobre 2014, au titre de ces impôts, de sorte qu'il existe un trop-perçu d'un montant de 3 200 euros qui doit être restitué, avec intérêts de retard à compter du mois d'octobre 2014.

Les requérants estiment arbitraire l’imputation de ce trop-perçu effectuée par l’administration fiscale sur un autre impôt, impôt qui est d'ailleurs contesté devant le présent tribunal, dans le cadre d'une autre instance enrôlée sous le RG 22/09401.

L'administration ne conteste pas le principe de ce trop-perçu et son imputation, le 23 septembre 2021, sur le paiement des droits de succession qui étaient à la charge de M. [R].

Ceci étant rappelé.

Les demandeurs justifient en pièce n° 22 que le tribunal de céans, dans l'instance enrôlée sous le RG 22/09401 et par jugement du 2 février 2024, a prononcé la décharge des droits de succession, étant rappelé que ce jugement est de droit exécutoire quand bien même il aurait été frappé d'appel.

Il en résulte que cette imputation est irrégulière, en ce qu'elle a été effectuée sur des droits dont la décharge a été prononcée, et que l'administration doit être condamnée à restituer le trop-perçu.

Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal, non à compter du mois d'octobre 2014 mais à compter de l'assignation du 20 mars 2023, à défaut de mise en demeure antérieure de rembourser cette somme.

Sur l’application de la circulaire dite « Cazeneuve » du 21 juin 2013 :

Les époux [R] rappellent que leur demande de régularisation d’un compte ouvert à l’étranger a été déposée spontanément le 17 octobre 2014, avant toute sollicitation de l’administration fiscale, et que cette demande ne peut pas être exclue du champ d'application de la circulaire « Cazeneuve ».

Ils estiment devoir bénéficier du dispositif de minoration de la majoration prévue par ladite circulaire, alors qu'elle prévoit, s'agissant des fraudeurs dits « passifs », une réduction de la majoration pour manquement délibéré de 40 % à 15 %, relevant que cette circulaire distingue uniquement ces fraudeurs « passifs », ayant reçu les avoirs par donation ou succession comme au cas d'espèce, des fraudeurs dits « actifs », qui ont alimenté eux-mêmes le compte bancaire à l'étranger.

Ils font valoir qu'aucune proposition de transaction n’a été adressée à M. [R] ou à son conseil, alors qu'il souhaitait transiger.

Ils contestent le fait que les avoirs détenus par M. [S] [R] avaient une origine successorale et doivent, à ce titre, être exclus de la communauté de biens formée avec son épouse, alors que l’article 1402 du code civil institue une présomption selon laquelle tout bien est réputé acquêt de communauté, sauf à prouver qu’il s'agit d'un bien propre à l’un des époux.

Or, ils notent que les parents de M. [W] [R] étaient mariés sous le régime de la communauté et que le compte a été ouvert pendant la communauté, de sorte qu'il ne peut qu'être présumé commun, l’administration se contentant d'affirmer sur ce point que ce compte bancaire constituerait un bien propre, afin de taxer sur une base plus large aux droits de succession.

Ils ajoutent qu'il ne saurait être reproché au contribuable de ne pas rapporter la preuve de l’origine de l’entrée des fonds dans le patrimoine de ses parents, alors que cette preuve est impossible à rapporter et n'est dans tous les cas pas nécessaire, étant donné les éléments et justificatifs fournis dès 2014, en toute transparence par le contribuable, sur l’origine successorale des fonds.

Les requérants indiquent par ailleurs que c’est uniquement en réponse à une suggestion de l'administration et pour clore ce dossier, que M. [R] a accepté de faire une déclaration de succession rectificative en payant un complément avant la fin de l’année 2017, qui était la date annoncée de la fin de l'application de la circulaire « Cazeneuve ».

Ceci étant rappelé.

Il n'est pas discuté que la demande de régularisation du compte bancaire détenu en Suisse a été effectuée spontanément par M. [W] [R].

Si l'administration fiscale soutient qu'il n'est pas prouvé que les parents de M. [W] [R] étaient mariés sous le régime de la communauté, il résulte pourtant de la déclaration de succession de Mme [D], remplie par le notaire et produite en pièce n° 1 par les demandeurs, que les parents du contribuable étaient mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, aux termes d'un contrat de mariage reçu par Maître [M], notaire, le 4 février 1949.

Dès lors, la présomption de l'article 1402 du code civil est applicable.

Il appartient donc à l'administration fiscale qui conteste cette présomption, d'apporter la preuve contraire, ce qu'elle ne fait pas.

Ainsi, les fonds sur le compte ouvert à l'étranger sont des acquêts de la communauté ayant existé entre les parents de M. [W] [R].

C'est à tort que l'administration fiscale reproche au contribuable de ne pas rapporter la preuve de l’origine de l’entrée des fonds dans le patrimoine de ses parents, alors que cette preuve est impossible à rapporter, au vu de l'ancienneté des faits, outre que M. [W] [R] justifie avoir communiqué sur ce point, lors de sa demande de régularisation, les éléments en sa possession.

Par ailleurs, l'administration fiscale ne saurait opposer au contribuable, dans un dossier similaire, la position prise par sa sœur, Mme [N] [R].

Dans ces conditions et comme l'a d'ailleurs également retenu le tribunal administratif de Paris dans un jugement du 17 janvier 2024 portant sur l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux relatifs au compte à l'étranger, les demandeurs doivent bénéficier des dispositions de la circulaire dite « Cazeneuve » du 21 juin 2013, dans la mesure où ils en remplissent les conditions.

Il sera donc fait droit à la demande des époux [R], les intérêts de retard n'étant cependant dus qu'à compter de l'assignation et non à compter du 14 octobre 2014, à défaut d'une mise en demeure à cette date ou antérieure à l'acte introductif d'instance.

Sur les autres demandes :

Au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, l'administration sera condamnée à payer aux requérants la somme globale de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE le Directeur général des Finances publiques, poursuites et diligences du Directeur régional des Finances publiques d’Île-de-France et de Paris, à payer à M. [W] [R] et à Mme [X] [H], épouse [R], la somme de 3 200 euros, au titre d'un trop-perçu, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2023 ;

PRONONCE le dégrèvement de la somme de 9 720 euros au titre des pénalités pour manquement délibéré de 40 %, pour l'impôt sur la fortune des années 2009 à 2014 et la contribution exceptionnelle sur la fortune de l'année 2012 ;

ORDONNE en conséquence la restitution de la somme de 6 075 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2023 ;

CONDAMNE le Directeur général des Finances publiques, poursuites et diligences du Directeur régional des Finances publiques d’Île-de-France et de Paris, aux dépens, ainsi qu'à payer à M. [W] [R] et à Mme [X] [H], épouse [R], la somme globale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Fait et jugé à Paris le 04 Juin 2024

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 23/04112
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;23.04112 ?
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