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04/06/2024 | FRANCE | N°21/03672

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 4ème chambre 1ère section, 04 juin 2024, 21/03672


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




4ème chambre 1ère section

N° RG 21/03672
N° Portalis 352J-W-B7F-CT67M

N° MINUTE :




Assignations des :
22 et 25 Février 2021
10 Février 2022





JUGEMENT
rendu le 04 Juin 2024
DEMANDERESSES

S.A.R.L. DISTRI SÉCURITÉ
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Séverine VIELH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2171

S.A.R.L. DISTRI SERVICES
[Adresse 3]
[Local

ité 7]
représentée par Me Séverine VIELH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2171


DÉFENDERESSES

S.A.M.C.V. CAISSE DE GARANTIE DES PROFESSIONNELS DE L’ASSURANCE (C.G.P.A.)
[Adresse 2...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

4ème chambre 1ère section

N° RG 21/03672
N° Portalis 352J-W-B7F-CT67M

N° MINUTE :

Assignations des :
22 et 25 Février 2021
10 Février 2022

JUGEMENT
rendu le 04 Juin 2024
DEMANDERESSES

S.A.R.L. DISTRI SÉCURITÉ
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Séverine VIELH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2171

S.A.R.L. DISTRI SERVICES
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Séverine VIELH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2171

DÉFENDERESSES

S.A.M.C.V. CAISSE DE GARANTIE DES PROFESSIONNELS DE L’ASSURANCE (C.G.P.A.)
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Jennifer KNAFOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2424

S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 4]
[Localité 8]
défaillante

Décision du 04 Juin 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 21/03672 - N° Portalis 352J-W-B7F-CT67M

S.A.R.L. OFFICE GÉNÉRAL DE COURTAGE D’ASSURANCE
(O.G.C.A.)
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Stéphane CHOISEZ, avocat au barreau de PARIS,, vestiaire #C2308

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Julie MASMONTEIL, Juge
Pierre CHAFFENET, Juge

assistés de Nadia SHAKI, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 20 Mars 2024 tenue en audience publique devant Madame MASMONTEIL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition
Réputé contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DES FAITS

Le sinistre déclaré par la société DISTRI SECURITE

La SARL DISTRI SECURITE (ci-après la société DISTRI SECURITE) exerce une activité dans le domaine de la sécurité privée et du gardiennage.

Le 26 janvier 2004, la société DISTRI SECURITE a souscrit, par l’intermédiaire de la SARL de courtage Office Général de Courtage d’Assurances (ci-après l’OGCA), un contrat d’assurance de responsabilité civile auprès de la SA COVEA RISKS (devenue les sociétés MMA et désigné comme tel dans le présent jugement).

Le 27 août 2018, la société DISTRI SECURITE a déclaré un sinistre à l’OGCA, un chariot élévateur de marque TOYOTA appartenant à la société ID LOGISTICS ayant été retrouvé couché, entouré de palette et « visiblement » hors d’usage, une partie du liquide de la batterie s’étant déversée sur la dalle, dans un entrepôt alors fermé et sous la surveillance de la société DISTRI SECURITE.

Par courriel du 28 août 2018, l’OGCA a accusé bonne réception de cette déclaration, et a confirmé à sa cliente avoir fait le nécessaire auprès des sociétés MMA.

Une expertise du chariot élévateur a été effectuée par la société ALLIANCE EXPERTS dans un cadre amiable d’échanges entre la société DISTRI SECURITE et la société ID LOGISTICS. Le rapport d’expertise du 29 mars 2019 a été transmis par la société DISTRI SECURITE à l’OGCA par courriel du 17 avril 2019.

Le 20 mai 2019, le conseil de la société DISTRI SECURITE a mis en demeure l’OGCA de régler le dossier du sinistre, faisant état de la facture émise par la société ID LOGISTICS aux fins de règlement par la société DISTRI SECURITE des coûts de nettoyage liés à l’acide écoulé au sol (1.362 euros), et des loyers du chariot depuis août 2018 (5.200 euros).

La société DISTRI SECURITE a adressé plusieurs courriels de relance à l’OGCA.

Le 10 octobre 2019, le conseil de la société DISTRI SECURITE a mis en demeure l’OGCA de lui faire connaître, sous huitaine, l’état du dossier et la position de l’assureur quant à ce sinistre, et de lui préciser ce qui pourrait faire obstacle à la mobilisation des garanties souscrites auprès des MMA, indiquant par ailleurs que le chiffrage des réparations du chariot avait été fixé à la somme de 9.962,60 euros.

Le 8 novembre 2019, la société DISTRI SECURITE a réglé à la société ID LOGISTICS la somme de 11.955,12 euros afin de réparer les conséquences du sinistre.

Le 13 novembre 2019, l’OGCA a apporté la réponse suivante à la société DISTRI SECURITE : « Alors que la déclaration de sinistre est faite, sous toute réserve de responsabilité auprès de l'assureur MMA le jour même, MMA nous informe quelques jours plus tard que le contrat est suspendu pour non règlement de la cotisation. Après vérification dans les services, il apparait que la société DISTRISECURITE a réglé sur mise en demeure la cotisation de rappel de l'année 2017 au mois de juillet 2018 avant la date prévue de résiliation du contrat suite à mise en demeure, conformément au code des assurances.
Le règlement a été adressé à mon cabinet en période de vacances et auprès de la nouvelle comptable qui a transmis avec retard le règlement à l'assureur...
Le contrat est remis en cours, bien que plusieurs mises en demeure aient été adressées au client depuis de nombreuses années mais le sinistre demeure non garanti ».

Le sinistre déclaré par la société DISTRI SERVICES

La SARL DISTRI SERVICES (ci-après la société DISTRI SERVICES) est spécialisée dans les travaux de nettoyage industriels.

Le 13 février 2017, un chauffeur de la société TRANSPORTS TTM mandaté par la société AUCHAN, a fait tomber son chargement, à savoir la machine autolaveuse appartenant à la société DISTRI SERVICES, à l’occasion d’un transfert de sites.

Le même jour, le sinistre a été déclaré par la société DISTRI SERVICES auprès de l’OGCA.

Le 7 mars 2017, l’OGCA a adressé un courriel à la société anonyme AXA FRANCE IARD (ci-après AXA), assureur de responsabilité civile de la société TRANSPORTS TTM, l’invitant à ouvrir rapidement un dossier afin de procéder à l’expertise de l’autolaveuse endommagée.

Le 29 mars 2017, les experts du cabinet DELTA SURVEYS ont indiqué par courriel à la société DISTRI SERVICES intervenir pour le compte des « assureurs des transports TTM » et ont confirmé leur « accord de principe sur les travaux à réaliser sur les bases tarifaires précédemment discutées », tout en précisant que « la facturation sera à établir à l’ordre de la société DISTRI-SERVICES qui [leur] communiquera en temps utile copie de [la] facture pour le bon ordre de [leur] dossier ».

Le 22 mai 2017, la société DISTRI SERVICES a adressé, « comme convenu », la facture n° 17 390 de la société TENNANT, réparateur, pour son intervention sur l’autolaveuse, correspondant à un montant de 20.888,72 euros.

Le 11 octobre 2017 la société DISTRI SERVICES a interrogé l’OGCA sur l’état d’avancement du dossier de ce sinistre, expliquant avoir transmis aux experts la facture émise par la société TENNANT, laquelle la relançait pour obtenir son paiement.

Le 21 décembre 2017, la société DISTRI SERVICES, sollicitée par l’OGCA, a adressé par courriel à ce dernier « le justificatif de règlement (par chèque, bordereau accroché en haut de la facture TENNANT ci-jointe) » et « La facture au nom de TTM du montant de la facture de la SA TENNANT ».

Le 28 décembre 2017, la facture n°17 390 correspondant aux réparations susvisées a été transmise par l’OGCA à AXA.

Le 25 janvier 2018, AXA a sollicité, par courriel adressé à l’OGCA, l’envoi d’un justificatif de règlement probant de la société DISTRI SERVICES à la société TENNANT.

Le 12 mars 2018, la société DISTRI SERVICES a adressé par courriel un relevé de compte attestant de l’encaissement de son chèque par la société TENNANT, ce justificatif étant alors transmis par son courtier à AXA par courriel du 13 mars 2018.

Le 9 avril 2018, confirmant la bonne réception du courriel du 13 mars 2018, AXA a indiqué à l’OGCA que « s’agissant d’un évènement du 28 février 2017, le délai de prescription d’un an a produit ses effets conformément à l’article L. 133-6 du Code de commerce, en date du 28 février 2018. (…) En conséquence, la réclamation présentée n’est plus recevable ».

Le 10 avril 2018, l’OGCA a contesté ce refus, rappelant par courriel à AXA que la réclamation lui avait été adressée par message du 28 décembre 2017.

AXA a confirmé sa position par courriel du 14 mars 2019 adressé à l’OGCA en ces termes : « Après examen du dossier, nous vous confirmons que la prescription d’un an s’applique en matière de transport et qu’il n’appartient pas à l’Assureur de rappeler cette échéance au réclamant. Cependant, votre assuré DISTRISERVICES dispose bien d’un recours contre AUCHAN et qu’il convient de le mettre en cause en première ligne. Nous vous laissons donc le soin de vous rapprocher de AUCHAN et de ses Assureurs afin de présenter votre réclamation et conformément à l’ordonnancement juridique il appartient à Auchan d’appeler TTM en garantie ».

Le 10 octobre 2019, le conseil de la société DISTRI SERVICES a mis en demeure l’OGCA de lui faire connaître, sous huitaine, l’état du dossier et la position de l’assureur quant à son sinistre, et de lui préciser ce qui pourrait faire obstacle à la mobilisation des garanties souscrites.

Par courrier du 22 octobre 2019, l’OGCA, tout en rappelant exercer à titre commercial, amical et gratuit le recours pour le compte de la société DISTRI SERVICES auprès d’AXA, a apporté diverses explications sur son intervention et a indiqué avoir adressé un courrier recommandé en décembre 2018, faisant valoir auprès d’AXA que la prescription invoquée avait été interrompue par la désignation d’un expert, et que les délais de réponse des services d’AXA avaient favorisé la perte de temps dans le règlement du dossier.

*

Suivant actes d’huissier des 22 et 25 février 2021, les sociétés DISTRI SERVICES et DISTRI SECURITE ont attrait l’OGCA et son assureur, la société d’assurance mutuelle à cotisations variables CGPA (ci-après la CGPA), devant le tribunal judiciaire de Paris.

Par acte d’huissier du 10 février 2022, la société DISTRI SERVICES a assigné la société anonyme AXA FRANCE IARD en intervention forcée. L’affaire a été enrôlée sous le numéro 22/02173. Par ordonnance du 29 mars 2022, le juge de la mise en état a décidé de la jonction de cette instance avec celle inscrite sous le n°21/03672.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 août 2022, les sociétés DISTRI SECURITE et DISTRI SERVICES demandent au tribunal, aux visas des articles 1231-1, 1240 et 2240 du code civil de :
« - CONDAMNER in solidum la société OGCA JUILLARD et son assureur, la société d’assurances mutuelles CGPA à payer à la société DISTRI SECURITE la somme de 11.955,12 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2019 date de la première mise en demeure ;
- CONDAMNER in solidum la société OGCA JUILLARD et son assureur la société d’assurances mutuelles CGPA à payer à la société DISTRI SECURITE la somme de 5.000 euros au titre du préjudice financier ;
- CONDAMNER in solidum la société OGCA JUILLARD et son assureur la société d’assurances mutuelles CGPA et la société AXA IARD à payer à la société DISTRI SERVICES la somme de 20.888,72 euros avec intérêt légal à compter du 16 juillet 2019, date de la première mise en demeure ;
- CONDAMNER in solidum la société OGCA JUILLARD et son assureur la société d’assurances mutuelles CGPA et la société AXA IARD à payer à la société DISTRI SERVICES la somme de 3.000 euros au titre du préjudice financier ;
En tout état de cause,
- CONDAMNER in solidum la société OGCA JUILLARD et son assureur la société d’assurances mutuelles CGPA ainsi que la société AXA IARD à payer à la société DISTRI SECURITE et à la société DISTRI SERVICES à charge pour elles de se la répartir la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER in solidum la société OGCA JUILLARD et son assureur la société d’assurances mutuelles CGPA ainsi que la société AXA IARD aux entiers dépens dont recouvrement en application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL RONSARD agissant par Maître Séverine VIELH ».

Les sociétés DISTRI SECURITE et DISTRI SERVICES contestent l’application du principe de subsidiarité soulevé par les parties défenderesses, rappelant que l’action en responsabilité dirigée contre le courtier n’est pas subordonnée à l’introduction préalable par l’assuré d’une action contre l’assureur. Elles font valoir avoir subi un dommage en lien direct avec la faute commise par l’OGCA, dommage résultant pour l’une de la suspension de garantie et pour l’autre de la prescription annale.

La société DISTRI SECURITE

La société DISTRI SECURITE considère qu’en omettant d’adresser à temps aux MMA le règlement des cotisations qu’il avait reçues de sa part, l’OGCA a commis une faute, le défaut de paiement de ces primes étant à l’origine de la décision de son assureur de suspendre ses garanties et partant, du refus d’indemniser le sinistre consécutif à la chute du chariot élévateur intervenu en août 2018.

Elle précise, face aux arguments adverses excipant de l’absence de faute de la société DISTRI SECURITE concourant au dommage, que son agent était seul, au moment du sinistre, au sein de l’entrepôt de la société ID LOGISTICS, l’absence d’identification de cet agent ne faisant pas obstacle à la mise en jeu de sa responsabilité en tant que personne morale. Elle ajoute qu’en toute hypothèse, le chariot ne pouvait pas se conduire seul et qu’à supposer qu’un tiers ait pu s’introduire dans l’entrepôt, sa responsabilité aurait été engagée pour manquement à son obligation de gardiennage.

La société DISTRI SECURITE reproche en outre à l’OGCA un manquement à son obligation de conseil et d’information, à défaut d’une part d’être intervenu auprès des sociétés MMA afin d’obtenir le rétablissement rétroactif des garanties et d’autre part de lui avoir conseillé, en temps utile, d’engager une action à l’encontre de cet assureur pour contester le refus de couverture.

La société DISTRI SECURITE mentionne avoir été contrainte de régler la somme de 11.955,12 euros à la société ID LOGISTICS, alors que le dommage relève de la garantie responsabilité civile professionnelle prévue au contrat souscrit auprès des sociétés MMA et a été dûment déclaré à l’OGCA. Elle demande au tribunal de condamner l’OGCA et son assureur CGPA, in solidum, à lui payer cette somme, augmentée de la somme de 5.000 euros pour couvrir les préjudices financiers générés par le retard pris par l’OGCA pour répondre à ses demandes, qui ont nécessité l’intervention d’un avocat et de multiples discussions avec la société ID LOGISTICS.

En réponse à l’argument de la CPGA, selon lequel l’expert a évalué le préjudice à 0 euros, et qualifiant le règlement effectué auprès de la société ID LOGISTICS de geste commercial, la société DISTRI SECURITE mentionne que l’expert mandaté par la société ID LOGISTICS a retenu une valeur de remplacement du matériel de 16.000 euros.

Elle relève qu’à supposer que son préjudice puisse être analysé comme une perte de chance, celle-ci devrait être « fixée à 99,9 % », étant en lien direct avec la carence de l’OGCA de transmettre les cotisations ayant fondé la suspension de garantie souhaitée.

La société DISTRI SERVICES

La société DISTRI SERVICES fait de son côté valoir que l’OGCA, qui a accepté de gérer le sinistre du 13 février 2017 en sa qualité de courtier, n’a pas fait le nécessaire auprès d’AXA, assureur de la société TRANSPORTS TTM, afin d’en obtenir la prise en charge, lui laissant profiter du temps de traitement du dossier pour faire courir le délai de prescription et lui opposer.

Selon ses écritures, même si le refus d’AXA est juridiquement injustifié, le comportement de l’OGCA demeure fautif, dans la mesure où il lui appartenait de prendre la direction pleine et entière de ce dossier. Elle fait grief à l’OGCA de ne pas l’avoir informée à temps du risque de prescription, alors que cette information était fondamentale pour elle.

La société DISTRI SERVICES soutient avoir subi un préjudice financier s’élevant au montant dont elle a dû s’acquitter auprès de la société TENNANT pour réparer son autolaveuse, à savoir la somme de 20.888,72 euros, du fait de la négligence de l’OGCA, outre la somme complémentaire de 3.000 euros de nature à couvrir les préjudices financiers générés par le retard de l’OGCA et l’intervention d’un avocat. En réponse à la CGPA, elle soutient que l’intervention de l’OGCA relève bien du conseil en assurance, activité garantie par la CGPA, justifiant que le tribunal condamne in solidum l’OGCA et son assureur CGPA à lui payer la somme totale de 23.888,72 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur l’action qu’elle dirige à l’encontre d’AXA, la société DISTRI SERVICES relève que cet assureur n’a jamais émis une quelconque réserve sur la prise en charge du sinistre survenu le 13 février 2017 et l’a ainsi maintenue dans la croyance qu’elle serait remboursée des sommes engagées pour réparer son autolaveuse. Elle mentionne qu’AXA a demandé qu’on lui transmette les factures, le justificatif de paiement, et a sollicité l’OGCA pour changer le libellé de la facture, outre qu’un accord de prise en charge a été confirmé par l’expert amiable d’AXA. Elle en conclut qu’AXA a reconnu son droit à indemnisation, reconnaissance interruptive de prescription.

En tout état de cause, elle mentionne que même si le tribunal considère que la prescription est acquise, AXA a commis une faute dans la gestion dudit sinistre, lui ayant causé un dommage, justifiant, au visa de l’article 1240 du code civil, une réparation. Elle estime qu’elle aurait dû être indemnisée à hauteur de 20.888,72 euros, correspondant au montant des réparations de l’autolaveuse, si AXA n’avait pas agi de manière dilatoire en opposant un délai de prescription au demeurant non applicable à l’espèce. Outre cette somme, elle considère que le refus d’indemnisation lui a causé un préjudice financier qu’elle évalue à 3.000 euros.

Enfin, les sociétés DISTRI SECURITE et DISTRI SERVICES demandent au tribunal de condamner les trois parties défenderesses, in solidum, à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SELARL RONSARD, agissant par Maître Séverine VIELH.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 octobre 2022, l’OGCA demande au tribunal de :
« Déclarer les sociétés DISTRI SERVICES et DISTRI SECURITE tant irrecevables que mal fondées en leur action.
Les en débouter ainsi que de toutes leurs demandes fins et conclusions dirigées à tort contre la société OGCA.
A titre subsidiaire,
Condamner la société AXA France IARD à garantir la société OGCA de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au bénéfice de la société DISTRI SERVICES.
A très titre subsidiaire,
Dire que la demande de la société DISTRI SECURITE ne peut être supérieure à la somme principale de 9.962,60 € hors taxe.
Condamner la CGPA à garantir la société OGCA de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au bénéfice des sociétés DISTRI SERVICES et DISTRI SECURITE.
Condamner toute partie succombante à payer à la société OGCA la somme de 3.000€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Laisser les dépens à la charge de toute partie succombante.
Statuer ce que de droit quant aux dépens ».

A titre principal, l’OGCA rappelle qu’en application du principe de subsidiarité de l’intermédiaire d’assurances, l’action en responsabilité pour mauvais conseil à l’encontre du courtier d’assurance est subsidiaire à l’action en couverture du risque par la compagnie d’assurances et ne peut exister que s’il est démontré qu’aucune garantie contractuelle n’a vocation à s’appliquer. Il mentionne qu’initialement les demanderesses n’ont pas mis en cause les assureurs concernés par les sinistres survenus les 13 février 2017 et 1er ou 9 août 2018. Il fait valoir qu’à défaut de rapporter la preuve que les assureurs sont fondés à refuser leur garantie, les sociétés demanderesses ne peuvent qu’être déboutées de l’ensemble de leurs demandes.

Sur le fond, il estime que les sociétés DISTRI SECURITE et DISTRI SERVICES n’apportent pas la preuve de la faute du courtier, en lien de causalité direct avec les préjudices allégués.

Sur le sinistre déclaré par la société DISTRI SECURITE

Concernant le sinistre du 9 août 2018, et au visa de l’article 1342-2 du code civil, il soutient qu’il n’existe aucun retard de paiement de la part de la société DISTRI SECURITE puisqu’il est de principe que le paiement de la prime fait à l’intermédiaire d’assurances, mandaté par l’assureur pour percevoir le paiement des cotisations, est libératoire, dès lors qu’il existe un contrat entre l’assuré et l’assureur. Il indique qu’au 18 mai 2018, soit antérieurement à la suspension de la garantie annoncée au 26 mai 2018, la société DISTRI SECURITE avait entièrement soldé ses cotisations au titre de la police de responsabilité civile sur le compte de l’OGCA, et que le refus de prise en charge des MMA n’apparaît pas justifié.

Il invite la société DISTRI SECURITE à mieux diriger son action contre les MMA, à supposer toutefois que les conditions de la garantie soient réunies, et notamment l’existence d’un sinistre causé à un tiers susceptible d’engager la responsabilité de la société DISTRI SECURITE.

Sur ce dernier point, il estime que des incertitudes demeurent sur les circonstances et la date du sinistre, rien ne permettant d’exclure qu’il soit en réalité imputable à l’un des préposés de la société ID LOGISTICS. Plus encore et à supposer qu’il soit démontré que ce sinistre soit imputable à un préposé de la société DISTRI SECURITE, il considère que la responsabilité de cette dernière ne peut pas être engagée dans la mesure où le préposé aurait agi sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions.

Il remarque également que le remboursement, à titre commercial, opéré à l’endroit de la société ID LOGISTICS ne peut sérieusement permettre de retenir un lien causal avec le préjudice que la demanderesse allègue, préjudice dont le chiffrement n’est pas contradictoire en l’absence de constat.

Au surplus, l’OGCA relève que la société DISTRI SECURITE ne justifie d’aucune subrogation l’autorisant à exercer un recours contre un tiers responsable et a fortiori contre lui.

A titre infiniment subsidiaire, il prétend que la société DISTRI SECURITE, assujettie à la TVA, ne saurait en solliciter le remboursement.

L’OGCA réfute également avoir manqué à son devoir de conseil, rappelant qu’il n’a pas pour mission de se substituer au conseil de la société DISTRI SECURITE, la stratégie procédurale à l’encontre des MMA relevant du monopole de la profession d’avocat. Il relève que la société DISTRI SECURITE avait la possibilité d’assigner les MMA avant la date de prescription biennale.

Sur le sinistre déclaré par la société DISTRI SERVICES

S’agissant du sinistre du 13 février 2017, l’OGCA rappelle que ses propres diligences ont permis l’ouverture d’un dossier sinistre auprès d’AXA, et la nomination d’un expert pour procéder à l’examen de la machine endommagée. Il explique qu’AXA a fait preuve de la plus grande déloyauté dans le traitement de ce dossier, usant de manœuvres dilatoires caractérisant un manquement flagrant à l’exécution de bonne foi de son obligation, de nature à la priver du droit de se prévaloir de la prescription, outre que l’accord de prise en charge a été confirmé par son expert et qu’elle n’a jamais remis en cause la responsabilité de son assurée, la société TRANSPORT TTM. L’OGCA estime avoir accompli les diligences nécessaires pour que la société DISTRI SERVICES obtienne un remboursement et en déduit que le tribunal ne peut pas le condamner aux côtés d’AXA.

A titre subsidiaire, et en cas de condamnation prononcée à son encontre, il estime être fondé à solliciter la garantie d’AXA, et à titre très subsidiaire celle de son assureur, la CGPA, la faute reprochée étant en lien direct avec son activité de courtier.

Enfin et en tout état de cause, en cas de condamnation prononcée à son encontre, en lien avec l’un ou l’autre des sinistres ci-dessus rappelés, l’OGCA sollicite la garantie de son assureur, la CGPA, conformément à l’article 1.A du contrat qui les lie.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 octobre 2022, la CGPA demande au tribunal de :
« En ce qui concerne les demandes de la société DISTRI SECURITE :
DEBOUTER les sociétés DISTRI SECURITE, OGCA et toutes parties de toutes ses demandes, fins et conclusions tournées à l’encontre de CGPA ;
En ce qui concerne les demandes de la société DISTRI SERVICES :
METTRE HORS DE CAUSE CGPA, sa garantie n’étant pas mobilisable ;
DEBOUTER les sociétés DISTRI SERVICES, OGCA et toutes parties de toutes ses demandes, fins et conclusions tournées à l’encontre de CGPA ;
En tout état de cause,
JUGER que CGPA ne peut être tenue à paiement que dans les limites et plafond de son contrat ;
ECARTER l’exécution provisoire ;
CONDAMNER chacune des sociétés DISTRI SECURITE et DISTRI SERVICES ou tout succombant à verser la somme de 5.000 € à CGPA au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER in solidum les sociétés DISTRI SECURITE et DISTRI SERVICES ou tout succombant aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Jennifer KNAFOU, avocat au Barreau de Paris. »

A l’instar de l’OGCA, la CGPA rappelle que conformément au principe de subsidiarité, la question de la responsabilité d’un intermédiaire ne se pose qu’à la double condition que le sinistre ne soit pas pris en charge au titre d’un contrat souscrit auprès d’une compagnie d’assurance, et que l’intermédiaire ait commis une faute ayant un lien de causalité avec la non-indemnisation. Si elle constate que la société DISTRI SERVICES a pris acte de ce principe, en attrayant AXA dans la cause, elle remarque que la société DISTRI SECURITE persiste à refuser de mettre en cause les MMA sans s’en expliquer.

Sur le sinistre déclaré par la société DISTRI SECURITE

La CGPA relève que la société DISTRI SECURITE demande au tribunal de retenir que le refus de garantie opposé par les MMA est imputable à l’OGCA alors même que le bien-fondé de ce refus n’est pas prouvé, au regard notamment des explications apportées par l’OGCA sur le paiement opéré par la société DISTRI SECURITE auprès de ses services, valant paiement à la compagnie d’assurance.

Elle soulève en outre que le contrat de responsabilité civile professionnelle souscrit par la société DISTRI SECURITE auprès des MMA a pour objet de garantir les dommages causés aux tiers par l’assurée. Or, la société DISTRI SECURITE n’apportant pas la preuve de sa propre responsabilité, la question de la garantie ne se pose pas. A cet égard, elle mentionne que le rapport d’expertise ne retient à aucun moment une quelconque responsabilité de la société DISTRI SECURITE et est taisant sur les circonstances de l’accident.

Enfin, la CGPA note que la société DISTRI SECURITE sollicite le versement d’une indemnité à son profit, sans toutefois justifier d’une moindre subrogation. Elle fait valoir au demeurant que le chiffrage n’a pas été fait de manière contradictoire, l’expert lui-même ayant chiffré le dommage à 0.

En tout état de cause, elle rappelle qu’une reconnaissance de responsabilité lui est inopposable, ce qui ressort expressément du « contrat CGPA » et de l’article L. 124-2 du code des assurances.

Elle estime enfin les reproches dirigés à l’encontre de l’OGCA non fondés puisqu’il n’appartient pas à l’intermédiaire d’assurance de se substituer à l’assureur dans la gestion du sinistre, et que peu de temps après la survenance de celui-ci, la société DISTRI SECURITE était assistée de son conseil, professionnel du droit, qui a nécessairement envisagé les recours à exercer en fonction des prescriptions à venir.

Sur le sinistre déclaré par la société DISTRI SERVICES

Au visa de l’article L. 511-1 du code des assurances, la CPGA soutient que sa garantie n’est pas mobilisable puisque le recours exercé par l’OGCA pour le compte d’un de ses clients auprès de l’assureur du tiers responsable en dehors de tout contrat d’assurance ne relève pas de l’activité d’intermédiaire d’assurance. Elle rappelle que l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, organe de supervision français de l’assurance, énumère sur son site internet les actes qui ne relèvent pas de l’intermédiation en assurance, au nombre desquels figurent la gestion et le règlement de sinistre et les conseils donnés indépendamment de tout contrat d’assurance.

En toute hypothèse, elle prétend que l’OGCA n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité. Selon ses écritures, des incertitudes demeurent sur la preuve de l’application du contrat souscrit par la société TRANSPORT TTM auprès d’AXA aux marchandises transportées et sur la preuve de l’application d’un délai de prescription annale en l’espèce, plutôt qu’un délai de deux ans conformément à l’article L. 172-31 du code des assurances. Elle relève aussi qu’aucune conséquence n’a été tirée de l’accord sur les travaux et leurs chiffrages donnés par les experts, alors même que la reconnaissance par l’assureur du principe de sa garantie interrompt le délai de prescription, de même que l’expertise. La société DISTRI SERVICES ne peut donc, selon elle, reprocher à l’OGCA une position prise par AXA dont le bien-fondé n’est pas justifié.

La CGPA poursuit en indiquant que la preuve de ses préjudices n’est pas rapportée par la société demanderesse compte tenu d’une part, de l’existence de la société TRANSPORT TTM, responsable et parfaitement solvable, et d’autre part de la présence d’un contrat de location de la machine autolaveuse entre la société DISTRI SERVICES et la société ATAC, preneuse, et tenue, selon ses propres termes, de restituer le matériel loué en état de fonctionnement. Etant taisante sur les recours à sa disposition contre ces sociétés parfaitement solvables, la société DISTRI SERVICES ne peut valablement, selon la CGPA, alléguer d’un préjudice certain.

A titre superfétatoire, elle souligne que la société DISTRI SERVICES récupère la TVA et ne saurait en réclamer l’indemnisation, d’autant que la preuve du paiement de la facture à la société TENNANT n’est pas communiquée. Elle ajoute que le préjudice financier allégué et évalué arbitrairement à 3.000 euros n’est pas prouvé, justifiant son rejet.

Enfin, et si par extraordinaire une condamnation devait être prononcée à son encontre, elle demande au tribunal d’écarter l’exécution provisoire, afin de prévenir toute impossibilité de récupérer les sommes versées en cas d’infirmation du jugement. Elle rappelle en outre que la solidarité ne se présume pas, et que la demande ainsi formulée par les parties demanderesses, n’est pas fondée. Elle réclame leur condamnation à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

AXA, régulièrement assignée à personne morale, par acte d’huissier du 10 février 2022, n’ayant pas constitué avocat, le présent jugement, susceptible d’appel, sera réputé contradictoire.

La clôture a été prononcée le 6 juin 2023. L’audience, initialement fixée au 7 mai 2024, a été avancée au 20 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux dernières écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il sera rappelé qu’en vertu de l’article 472 du code de procédure civile, l’absence de comparution d’AXA n’empêche pas qu’il soit statué sur le fond, le tribunal ne faisant alors droit aux demandes dirigées à son endroit que dans la mesure où il les estime régulières, recevables et bien fondées.

Sur le sinistre déclaré par la société DISTRI SECURITE
En application de l’article 1134 du code civil, dans sa version en vigueur au jour de la date de souscription du contrat d’assurance responsabilité civile, « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

Conformément à l’article 1147 du code civil, applicable à l’espèce, « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

L’article 1315 du même code, dans sa version applicable au litige, prévoit que « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».

En matière d’assurance, il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l’assurance d’établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie et à l’assureur qui invoque une clause d’exclusion de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion.

Aux termes de l’article 3 « Garantie ‘Responsabilité civile’ » des conventions spéciales du contrat d’assurance responsabilité civile souscrit par la société DISTRI SECURITE auprès des MMA, et dont l’application n’est contestée par aucune des parties au litige, « Cette assurance garantit l’assuré (…) contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qui peut lui incomber en raison des :
- dommages corporels,
- dommages matériels,
- dommages immatériels,
Subis par autrui, imputables à l’activité assurée, y compris du fait des stagiaires, ainsi qu’en raison des dommages subis par les biens confiés définis à l’article 2 paragraphe 5.
(…)
Il est précisé que, lorsque les dommages sont la conséquence d’une absence de prestation de la part de l’assuré, la garantie n’est acquise que si ce défaut résulte d’un évènement indépendant de la volonté de l’assuré et est imputable au non respect par ses préposés de consignes formalisées d’intervention ».

En l’espèce, la société DISTRI SECURITE recherche la responsabilité contractuelle de son courtier, à la suite du sinistre intervenu en août 2018 au sein d’un entrepôt de la société ID LOGISTICS et du refus de garantie opposé par son assureur, les MMA.

La responsabilité de l’intermédiaire suppose que soit démontrée au préalable la réunion des conditions nécessaires à la mobilisation de la garantie « responsabilité civile » prévue au contrat.

La responsabilité du courtier ne peut en effet être recherchée que dans la mesure où les garanties ne seraient pas acquises du fait de la carence de ce dernier, et non pas du fait des termes initiaux du contrat, dès lors que la société DISTRI SECURITE ne reproche pas au cours de cette instance à son courtier un manquement à son obligation de conseil au moment de la conclusion du contrat portant sur les garanties souscrites.

En l’espèce, les informations dont dispose le tribunal sur les circonstances du sinistre précité ressortent des pièces suivantes, communiquées par la société DISTRI SECURITE :

- d’une part, d’un courriel émanant de la société DISTRI SECURITE, adressé à l’OGCA le 27 août 2018, aux termes desquels : « Le jeudi 09/08/18 à 17h48, les responsables du site B1/B2 (=Notre client) ont contacté nos responsables SUD afin de venir constater un incident. Un chariot élévateur de type Caces 3, a été retrouvé couché, entouré de palette et visiblement hors d’usage. (…) L’entrepôt était fermé ce qui impliquerait, de fait, la responsabilité de la société qui assure la prestation de gardiennage sur site. (…) Après demande de notre part, le chariot n’était pas équipé de logiciels permettant de savoir la dernière mise en route ou autre (date codes erreur…), ce qui nous aurait permis de déterminer l’agent fautif. A ce jour, nous ne savons pas quel agent à conduit l’engin. (…) Nous pensons très fortement que le devis de nettoyage ainsi que le devis des réparations du chariot seront à la charge de DISTRISECURITE ».

- d’autre part, le rapport d’expertise du 29 mars 2019 émanant du cabinet ALLIANCE EXPERTS, mandaté par l’assureur de la société ID LOGISTICS, lequel formule les observations suivantes : « Expertise du chariot élévateur sur un quai d’entreposage du matériel au domicile de l’assuré. Aucun renseignement nous a été fourni sur l’ordre de mission concernant les dommages et les circonstances. La personne présente n’est pas au courant du dossier et nous présente le matériel. Cette dernière n’est pas en mesure de nous renseigner sur les dommages présent. Suite à l’expertise, nous avons réclamé la déclaration de sinistre. Réception de la déclaration de sinistre ainsi que d’un devis de remise en état établi par Toyota d’un montant de 11 955,10€ TTC. A plusieurs reprises nous avons contacté un technicien de chez Toyota afin d’avoir des renseignements concernant les dommages relevés et de fixer un rendez-vous pour revoir le matériel. Nous n’avons jamais eu de retour de leur part. De ce fait nous déposons notre rapport à 0 ».

Au regard de ces seuls éléments, le tribunal n’est pas renseigné sur les circonstances précises du sinistre. Contrairement à ce que soutient la société DISTRI SECURITE, la faute de son préposé, dont l’identité reste au demeurant inconnue, n’est pas démontrée, étant précisé que l’appréciation qu’elle fait elle-même de sa faute ne constitue pas une preuve de sa responsabilité. C’est également par des allégations non supportées de preuve que la société DISTRI SECURITE soutient que son préposé était la seule personne présente au moment du sinistre, outre que cette circonstance ne permettrait pas à elle seule de déduire que la chute du chariot élévateur a été provoquée par une action ou une abstention de ce préposé. C’est toujours par voie de suppositions, insusceptibles de constituer des preuves, que la société DISTRI SECURITE indique que sa responsabilité aurait été également engagée même si un tiers s’était introduit dans l’entrepôt, puisqu’elle aurait manqué à sa mission de gardiennage.

Ainsi, en l’absence de preuve des circonstances du sinistre et partant, de l’engagement certain de la responsabilité pour faute de la société DISTRI SECURITE pour le litige en cause, le tribunal n’est pas mis en mesure de vérifier que les conditions de la garantie souscrite auprès des MMA étaient remplies.

En d’autres termes, la société DISTRI SECURITE échoue à démontrer que la garantie était acquise, alors que ce prérequis est indispensable avant d’envisager de mettre en cause la responsabilité de l’intermédiaire en assurances sur le fondement d’une carence de ce dernier ayant été à l’origine du refus de garantie opposé par les MMA.

Dès lors, et sans qu’il soit nécessaire de répondre aux moyens tendant à la démonstration de l’éventuelle faute du courtier quant au paiement des primes, la société DISTRI SECURITE sera déboutée de ses demandes formulées à l’encontre de l’OGCA et de la CGPA et tendant à leur condamnation in solidum à lui payer les sommes de 11.955,12 euros, augmentée des intérêts, et de 5.000 euros au titre de son préjudice financier.

Sur le sinistre déclaré par la société DISTRI SERVICES
Sur la faute du courtier

Conformément à l’alinéa 1er de l’article 1991 du code civil, « Le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution ».

Aux termes de l’article 1992 du code civil, « Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion.
Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire ».

Il est constant que le courtier en assurance a une obligation d’information et de conseil, laquelle existe au moment de la conclusion du contrat mais se poursuit dans la gestion de celui-ci.

La société DISTRI SERVICES recherche la responsabilité contractuelle de l’OGCA dans sa gestion du sinistre du 13 février 2017, étant précisé que ce dernier ne conteste pas avoir accepté d’exercer, à titre gratuit et pour le compte de la première, « le recours auprès de l’assureur AXA ».

Il ressort des échanges de courriels versés au débat que :
- le 7 mars 2017, l’OGCA a demandé l’ouverture d’un dossier de sinistre auprès d’AXA ;
- le 9 mars 2017, l’OGCA a informé la société DISTRI SERVICES de l’ouverture effective du dossier précité ;
- le 11 octobre 2017, la société DISTRI SERVICES a interrogé l’OGCA sur l’état d’avancée du dossier, transmettant par la même occasion la facture de la société TENNANT portant sur les réparations de l’autolaveuse endommagée ;
- le 12 octobre 2017, l’OGCA a relancé AXA, laquelle a accusé réception du courriel le même jour ;
- le 21 décembre 2017, l’OGCA a sollicité de la société DISTRI SERVICES l’envoi de documents réclamés par AXA. Le même jour, la société DISTRI SERVICES lui a adressé « le justificatif de règlement (par chèque, bordereau accroché en haut de la facture TENNANT ci jointe) » et « la facture au nom de TTM du montant de la facture de la SA TENNANT » ;
- le 28 décembre 2017, l’OGCA a adressé ces deux documents à AXA ;
- le 25 janvier 2018, AXA a sollicité que lui soit communiqué un justificatif de règlement probant de la société DISTRI SERVICES à la société TENNANT ;
- le 12 mars 2018, la société DISTRI SERVICES a transmis à son courtier un relevé de compte justifiant que le chèque a bien été débité et encaissé par la société TENNANT ;
- le 13 mars 2018, ce justificatif a été transmis par l’OGCA à AXA ;
- le 9 avril 2018, AXA a accusé réception du courriel du 13 mars 2018 et a indiqué à l’OGCA que la réclamation n’était plus recevable, compte tenu de la prescription annale prévue à l’article L. 133-6 du code de commerce.

L’OGCA justifie ensuite de courriels adressés à AXA, lui demandant de revoir sa position. Au terme de son courriel du 19 juin 2018, l’OGCA a répondu en ces termes : « Notre client n’est certes pas diligent pour répondre à vos demandes de pièces mais à aucun moment vos services sinistres n’ont rappelé la prescription d’un an et la nécessité de répondre avant une date donnée notamment lors du dernier mail du 25 janvier 2018, quelques jours avant la prescription ».

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que l’OGCA ne démontre pas avoir averti son mandant du risque portant sur la prescription annale en matière de transports, ni l’avoir renseigné sur les démarches à mettre en œuvre pour l’interrompre, et ce contrairement à son engagement, dont le caractère gratuit ne saurait justifier un service inférieur à celui attendu d’un professionnel en matière d’assurances. Cette carence constitue une faute, susceptible d’engager sa responsabilité.

Sur le lien de causalité

Le tribunal relève que l’ensemble des parties concluantes s’accordent pour fonder la reconnaissance, par AXA, du droit à indemnisation de la société DISTRI SERVICES, sur le fait que cet assureur n’a jamais émis une quelconque réserve sur la prise en charge du sinistre, qu’il a sollicité la transmission d’un justificatif de règlement de la facture de réparation de la laveuse, et que les experts qu’il a mandatés ont exprimé leur accord tant sur le principe que sur le montant des réparations.

Aux termes du courriel ayant pour objet «RE:TTM / AUCHAN/DISTRI-SERVICES-Dommages sur 1 auto-laveuse suite incident au chargement du 13/02/2017 – N/Réf : 17 31 066 (Réf. Axa :2829892273) » et adressé le 29 mars 2017 par la société DELTA SURVEYS, société d’experts missionnée par AXA pour évaluer les réparations de l’autolaveuse, à la société DISTRI SERVICES, il est indiqué : « Nous intervenons dans l’affaire en référence, tous droits et moyens réservés, pour le compte des assureurs des Transports TTM.
Pour faire suite à votre e-mail de ce jour, et comme le laissait entendre notre e-mail du 24 courant, nous vous confirmons notre accord de principe sur les travaux à réaliser sur les bases tarifaires précédemment discutées.
La facturation sera à établir à l’ordre de la société DISTRI-SERVICES qui nous communiquera en temps utile copie de votre facture pour le bon ordre de notre dossier ».

De ce courriel, le tribunal ne peut tirer ni reconnaissance par AXA du droit à indemnisation de la société DISTRI SERVICES, ni accord de cette même société sur les montants des réparations, au demeurant non renseignés, puisqu’il est constant que l’accord des experts, intervenants « tous droits et moyens réservés » sur le principe et le montant d’une indemnisation et ne disposant d’aucun pouvoir de représentation de l’assureur, n’est pas à même d’engager juridiquement ce dernier et ne préjuge donc pas automatiquement de la validation par l’assureur de leurs conclusions, celui-ci conservant toute latitude pour demander une autre expertise, refuser l’indemnisation ou proposer une indemnisation inférieure, ou supérieure, à la proposition formulée.

De la même manière, il ne peut être déduit qu’en procédant à la mise en état du dossier sinistre, par l’obtention de justificatifs de règlement de facture, AXA avait nécessairement reconnu le droit à indemnisation de la société DISTRI SERVICES, ou que son silence valait acceptation pure et simple de la responsabilité de son assurée, la société TRANSPORT TTM.

A défaut d’autres éléments permettant de démontrer l’accord exprès de l’assureur sur le principe et le montant de l’indemnisation, rien ne permet d’affirmer qu’AXA, valablement destinataire des justificatifs de règlement de la facture litigieuse, aurait nécessairement accepté d’indemniser la société DISTRI SERVICES, de sorte que le lien de causalité entre la faute démontrée du courtier, et le préjudice allégué par la société DISTRI SERVICES, n’est pas suffisamment caractérisé.

Dès lors, et sans qu’il soit nécessaire de répondre aux moyens tendant à la démonstration du préjudice subi par la société DISTRI SERVICES, celle-ci sera déboutée de ses demandes formulées à l’encontre de l’OGCA et de la CGPA et tendant à leur condamnation in solidum avec AXA, à lui payer les sommes de 20.888,72 euros, augmentée des intérêts, et 3.000 euros au titre du préjudice financier.

Compte-tenu du débouté intervenu, il n’y a pas lieu d’examiner d’une part, la demande de garantie formé par l’OCGA à l’encontre d’AXA et d’autre part la demande formée par la CGPA tendant à la mettre hors de cause au motif que sa garantie n’est pas mobilisable au titre du sinistre affectant la société DISTRI SERVICES, ces deux prétentions étant devenues sans objet.

Sur la responsabilité délictuelle d’AXA

Conformément à l’article 1240 du code civil, « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

La société DISTRI SERVICES reproche en premier lieu à AXA d’avoir refusé de manière injustifiée sa garantie, alors que la reconnaissance par l’assureur de la responsabilité de son assuré dans le sinistre du 13 février 2017 a interrompu le délai de prescription prévu à l’article L. 133-6 du code de commerce.

Or, ainsi qu’il vient d’être précédemment retenu, la société DISTRI SERVICES ne rapporte pas la preuve de la reconnaissance par AXA de la responsabilité de la société TRANSPORTS TTM et de son droit à indemnisation. Dès lors, le moyen tendant à démontrer la faute d’AXA à ce titre est inopérant.

La société DISTRI SERVICES reproche en second lieu à AXA une faute dans la gestion du sinistre susvisé, en l’absence de diligences dans le suivi du dossier et ce malgré les relances effectuées par l’OGCA, cette inertie caractérisant un manque de sérieux et une « totale déloyauté » compte tenu de la prescription opposée.

Outre que la société DISTRI SERVICES ne précise pas quelles auraient pu être les diligences incombant à AXA, elle n’apporte pas la preuve d’une faute de celle-ci dans la gestion dudit sinistre, étant au demeurant observé qu’en l’occurrence, la demanderesse était assistée d’un courtier professionnel de l’assurance et qu’il n’incombait alors pas à l’assureur du tiers présumé responsable de prévenir ni ce courtier, ni sa mandante, des éventuels délais de prescription applicables à son recours. Aucune déloyauté n’est alors démontrée. Au surplus, il sera relevé qu’AXA a sollicité au moins deux fois l’OGCA pour obtenir la transmission de documents de la part de la société DISTRI SERVICES, à des dates où le délai de prescription annal, à le supposer applicable, n’était pas acquis.

En conséquence, les demandes formées à l’encontre d’AXA par la société DISTRI SERVICES ne pourront qu’être rejetées.

Sur les demandes accessoires
Les sociétés DISTRI SECURITE et DISTRI SERVICES, qui succombent, seront condamnées in solidum aux dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il convient, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de mettre à leur charge une partie des frais non compris dans les dépens et exposés par les défenderesses à l’occasion de la présente instance. Les sociétés DISTRI SECURITE et DISTRI SERVICES seront, chacune, condamnées à payer 1.500 euros à chacune des défenderesses à ce titre.

L'exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances introduites comme en l'espèce à compter du 1er janvier 2020. Il n’y a pas lieu de l'écarter, le tribunal relevant au demeurant que la demande formulée à ce titre par la CGPA n’était faite qu’à titre extraordinaire en cas de condamnation.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DEBOUTE la SARL DISTRI SECURITE de sa demande tendant à la condamnation in solidum de la SARL de courtage Office Général de Courtage d’Assurances et de son assureur la société d’assurance mutuelle à cotisations variables CGPA à lui payer la somme de 11.955,12 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2019 date de la première mise en demeure ;

DEBOUTE la SARL DISTRI SECURITE de sa demande tendant à la condamnation in solidum de la SARL de courtage Office Général de Courtage d’Assurances et de son assureur la société d’assurance mutuelle à cotisations variables CGPA à lui payer la somme de 5.000 euros au titre du préjudice financier ;

DEBOUTE la SARL DISTRI SERVICES de sa demande tendant à la condamnation in solidum de la SARL de courtage Office Général de Courtage d’Assurances, de son assureur la société d’assurance mutuelle à cotisations variables CGPA et de la société anonyme AXA FRANCE IARD à lui payer la somme de 20.888,72 euros avec intérêt légal à compter du 16 juillet 2019, date de la première mise en demeure ;

DÉBOUTE la SARL DISTRI SERVICES de sa demande tendant à la condamnation in solidum de la SARL de courtage Office Général de Courtage d’Assurances, de son assureur la société d’assurance mutuelle à cotisations variables CGPA et de la société anonyme AXA FRANCE IARD à lui payer la somme de 3.000 euros au titre du préjudice financier ;

CONDAMNE la SARL DISTRI SECURITE à payer à la SARL de courtage Office Général de Courtage d’Assurances la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL DISTRI SECURITE à payer à la société d’assurance mutuelle à cotisations variables CGPA la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL DISTRI SERVICES à payer à la SARL de courtage Office Général de Courtage d’Assurances la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL DISTRI SERVICES à payer à la société d’assurance mutuelle à cotisations variables CGPA la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la SARL DISTRI SECURITE et la SARL DISTRI SERVICES aux dépens, qui pourront être recouvrés par Maître Jennifer KNAFOU, avocat au barreau de Paris ;

DIT N’Y AVOIR LIEU à écarter l’exécution provisoire de droit ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige.

Fait et jugé à Paris le 04 Juin 2024.

Le GreffierLa Présidente
Nadia SHAKIGéraldine DETIENNE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 4ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/03672
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;21.03672 ?
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