La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/2024 | FRANCE | N°19/00983

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 4ème chambre 1ère section, 04 juin 2024, 19/00983


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




4ème chambre 1ère section

N° RG 19/00983
N° Portalis 352J-W-B7D-COZF4

N° MINUTE :




Assignation du :
15 Janvier 2019







JUGEMENT
rendu le 04 Juin 2024
DEMANDERESSE

Madame [A] [X] [Z] veuve [L] veuve [G]
domiciliée : chez Madame [L]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Christine CAMBOS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0106


DÉFENDERESSES

S.A.S.U. SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE L’HÔTEL ET DU RESTAURANT [5]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Etienne BOYER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0174

MUTUELLE BLEUE
[Adresse ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

4ème chambre 1ère section

N° RG 19/00983
N° Portalis 352J-W-B7D-COZF4

N° MINUTE :

Assignation du :
15 Janvier 2019

JUGEMENT
rendu le 04 Juin 2024
DEMANDERESSE

Madame [A] [X] [Z] veuve [L] veuve [G]
domiciliée : chez Madame [L]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Christine CAMBOS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0106

DÉFENDERESSES

S.A.S.U. SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE L’HÔTEL ET DU RESTAURANT [5]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Etienne BOYER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0174

MUTUELLE BLEUE
[Adresse 2]
[Localité 6]
défaillante

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 6]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
défaillante

Décision du 04 Juin 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 19/00983 - N° Portalis 352J-W-B7D-COZF4

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Julie MASMONTEIL, Juge
Pierre CHAFFENET, Juge

assistés de Nadia SHAKI, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 02 Avril 2024 tenue en audience publique devant Madame DETIENNE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition
Réputé contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Le 16 juin 2015, Mme [A] [X] [Z] veuve [L] veuve [G] (ci-après Mme [Z]) a déjeuné au sein de l’établissement [5] situé [Adresse 4].

Le 17 avril 2018, son conseil a pris attache avec la société qui exploite le restaurant aux fins de connaître ses intentions sur l'indemnisation du préjudice subi par Mme [Z] à la suite d'une chute survenue lors de ce déjeuner et dont celle-ci lui aurait déjà demandé de prendre en charge les conséquences dans les jours qui ont suivi l'accident.

Par correspondance en date du 2 mai 2018, l’assureur de la société a refusé toute indemnisation au motif que Mme [Z] ne démontrait pas la responsabilité de son assurée.

C'est dans ce contexte que, par acte d’huissier du 15 janvier 2019 Mme [Z] a fait assigner la SAS société d’exploitation de l’hôtel et du restaurant [5] (ci-après la société [5]) devant ce tribunal.

Par exploit du 24 juin 2019, Mme [Z] a fait citer la société mutualiste la Mutuelle Bleue (ci-après la Mutuelle Bleue) en intervention forcée. Cette assignation n'a toutefois pas été régulièrement placée.

Par ordonnance en date du 6 juillet 2020, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise médicale et a désigné le docteur [S] [I] pour y procéder.

L'expert a déposé son rapport le 3 novembre 2021.

Par exploits du 30 janvier 2023, Mme [Z] a fait citer en intervention forcée la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] (ci-après la CPAM) et la Mutuelle Bleue. Les affaires ont été jointes par ordonnance en date du 6 juin 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 7 juillet 2022, Mme [Z] demande au tribunal de :

« Vu les articles 1240 et 1241 du Code Civil
Vu l’article 202 du CPC
Vu la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 en son article 6
Vu la jurisprudence constante
Vu les faits et les pièces de la cause
(...)
DECLARER Madame [X] [Z] veuve [L] [G], recevable et bien fondée en ses demandes.
DÉBOUTER la société d’exploitation de l’hôtel et du restaurant [5] de ses demandes fins et conclusions
ÉCARTER l’atestation du préposé de la défenderesse faute de respect des formes prescrites par l’article 202 du CPC.
FIXER en principal le préjudice personnel de Madame [X] [Z] veuve [L] [G] et son droit à indemnisation comme suit :
(...)
En conséquence :
CONDAMNER la société d’exploitation de l’hôtel et du restaurant [5] à verser à Madame [X] [Z] veuve [L] [G], la somme de 39.840,00 € au titre du préjudice patrimonial relatif aux dépenses consécutives à la réduction d’autonomie et le recours à une tierce personne.
CONDAMNER la société d’exploitation de l’hôtel et du restaurant [5] à verser à Madame [X] [Z] veuve [L] [G] la somme de 840,00 € au titre du déficit fonctionnel temporaire.
CONDAMNER la société d’exploitation de l’hôtel et du restaurant [5] à verser à Madame [X] [Z] veuve [L] [G] la somme de 31.500,00 € au titre du déficit fonctionnel permanent.
CONDAMNER la société d’exploitation de l’hôtel et du restaurant [5] à verser à Madame [X] [Z] veuve [L] [G], la somme de 45.000,00 € au titre des souffrances endurées.

Subsidiairement :
FIXER subsidiairement le préjudice personnel Madame [X] [Z] veuve [L] [G] et son droit à indemnisation comme suit :
(...)
En conséquence :
CONDAMNER la société d’exploitation de l’hôtel et du restaurant [5] à verser à Madame [X] [Z] veuve [L] [G], la somme de 24.505,00 € au titre du préjudice patrimonial relatif aux dépenses consécutives à la réduction d’autonomie et le recours à une tierce personne.
CONDAMNER la société d’exploitation de l’hôtel et du restaurant [5] à verser à Madame [X] [Z] veuve [L] [G] la somme de 840,00 € au titre du déficit fonctionnel temporaire.
CONDAMNER la société d’exploitation de l’hôtel et du restaurant [5] à verser à Madame [X] [Z] veuve [L] [G] la somme de 31.500,00 € au titre du déficit fonctionnel permanent.
CONDAMNER la société d’exploitation de l’hôtel et du restaurant [5] à verser à Madame [X] [Z] veuve [L] [G], la somme de 45.000,00 € au titre des souffrances endurées.

En tout état de cause :
CONDAMNER la société d’exploitation de l’hôtel et du restaurant [5] à verser à Madame [X] [Z] veuve [L] [G], la somme de 6.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
DIRE que la créance éventuelle de la MUTUELLE BLEUE viendra en déduction des postes de préjudice soumis à recours
DIRE que la décision à intervenir sera assortie de droit à l’exécution provisoire.
CONDAMNER la société d’exploitation de l’hôtel et du restaurant [5] aux entiers dépens qui comprendront la totalité des frais d’expertise avancés par Madame [X] [Z] veuve [L] [G], et qui seront recouvrés par la SELARL CAMBOS AVOCATS pour ceux dont cette dernière aura eu à faire l’avance, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile. ».

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 13 octobre 2022, la société [5] demande au tribunal de :

« Vu l’article 1242 du Code civil,
Vu la nomenclature Dintilhac,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées aux débats,
(...)
A TITRE PRINCIPAL
- DIRE ET JUGER que Madame [A] [X] [Z] veuve [L], veuve [G] ne démontre pas que la responsabilité de la Société D’EXPLOITATION DE L’HOTEL ET DU RESTAURANT [5] serait engagée sur le fondement de la responsabilité du fait des choses,
- DIRE ET JUGER que Madame [A] [X] [Z] veuve [L], veuve [G] ne démontre pas le lien de causalité entre le dommage allégué et l’accident qui serait survenu au sein du restaurant [5] le 16 juin 2015,
En conséquence,
- DEBOUTER Madame [A] [X] [Z] veuve [L], veuve [G] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la Société D’EXPLOITATION DE L’HOTEL ET DU RESTAURANT [5] en toutes fins qu’elles comportent,

A TITRE SUBSIDIAIRE : si par impossible le Tribunal venait à considérer que la responsabilité de la Société D’EXPLOITATION DE L’HOTEL ET DU RESTAURANT [5] était engagée et que le lien de causalité serait caractérisé :
- DIRE ET JUGER que l’évaluation faite par Madame [A] [X] [Z] veuve [L], veuve [G] de son préjudice corporel est tant injustifiée dans son quantum que dans son existence,

En conséquence,
- DEBOUTER Madame [A] [X] [Z] veuve [L], veuve [G] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la Société D’EXPLOITATION DE L’HOTEL ET DU RESTAURANT [5] en toutes fins qu’elles comportent,
- RAMENER le montant des sommes sollicitées à de plus justes proportions ;
- FIXER LE PREJUDICE comme il suit :
- 780 euros au titre de l’assistance tierce personne temporaire,
- 840 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, o 2.000 euros au titre des souffrances endurées,
TOTAL : 3.620 euros

EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- DEBOUTER Madame [A] [X] [Z] veuve [L], veuve [G] de sa demande d’expertise complémentaire car celle-ci ne présente aucune utilité,
- CONDAMNER Madame [A] [X] [Z] veuve [L], veuve [G] au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la Société D’EXPLOITATION DE L’HOTEL ET DU RESTAURANT [5] ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, ».

Aux termes de l'assignation délivrée à la CPAM et à la Mutuelle Bleue, Mme [Z] demande au tribunal de :
« Vu l’assignation au fond du 15 janvier 2019 délivrée par Madame [G] B
Vu l’assignation en intervention forcée de la mutuelle Bleue en date du 24 juin 2019 :
Vu le rapport d’expertise du Dr [I] en date du 03.11.2021
Vu l'article 331 du Code de procédure civile ;
Vu l'article L.376-1 du Code de la Sécurité sociale.
(...)
METTRE EN CAUSE la MUTUELLE BLEUE, es-qualités de caisse de sécurité sociale de Madame [G], pour la période antérieure au 1er février 2020, aux fins de rendre le jugement à intervenir commun à ladite mutuelle et conformément à l'article L.376-1 du Code de la sécurité sociale ; 
METTRE EN CAUSE la CPAM de [Localité 6], es-qualités de caisse de sécurité sociale de Madame [G], pour la période postérieure au 1er février 2020, aux fins de rendre le jugement à intervenir commun à ladite mutuelle et conformément à l'article L.376-1 du Code de la sécurité sociale. ».

La clôture de la procédure a été prononcée le 4 juillet 2023. L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 2 avril 2024 et mise en en délibéré au 4 juin 2024.

Par message électronique du 7 mai 2024, le tribunal, considérant que la responsabilité de la société [5] devait être recherchée sur le fondement contractuel et non sur le fondement délictuel, a invité les parties à faire valoir leurs observations sur ce point dans une note en délibéré.

Aux termes de trois notes en délibéré transmises les 20 et 23 mai 2024, Mme [Z] soutient que la société [5] était tenue d'une obligation de sécurité de résultat et que sa responsabilité contractuelle est engagée dès lors que sa chute a été provoquée par un tabouret lui appartenant. Elle prétend également qu'en ne veillant pas à ce qu’aucun obstacle ne puisse représenter un danger pour les clients se levant de table, la société a nécessairement manqué à son obligation de sécurité de moyens.

Dans deux notes en délibéré transmises les 22 et 23 mai 2024, la société [5] prétend que l'obligation de sécurité à laquelle le restaurateur est tenu à l'égard de ses clients est une obligation de moyens ; qu'il appartient donc à Mme [Z] de rapporter la preuve qu'elle a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle, ce qu'elle ne fait pas, et qu'elle ne démontre pas que la présence d’un tabouret au sein d’un restaurant constituerait un danger.

Régulièrement assignées la CPAM et la Mutuelle Bleue n'ont pas constitué pas avocat. La présente décision sera par conséquent réputée contradictoire.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux dernières écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes tendant à voir « dire et juger » ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes. Il ne sera donc pas statué sur ces « demandes » qui ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

Il y a lieu également de rappeler qu'en application de l'article 768 alinéa du code de procédure civile, « Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. ».

Sur la responsabilité de la société [5]

Au soutien de ses demandes, Mme [Z] fait valoir en substance que le 16 juin 2015, alors qu'elle venait de quitter sa table pour aller régler l'addition, elle a chuté en raison d'un tabouret placé dans l'allée du restaurant. Elle recherche alors, aux termes de ses écritures, la responsabilité de la société [5], en visant l'article 1240 du code civil et l'ancien article 1384 du même code, en ce que l'accident a été causé par le tabouret dont la société avait la garde et que celui-ci avait été mal rangé par son personnel.

Elle prétend que les attestations qu'elle produit établissent les circonstances de l'accident et notamment le fait que sa chute a été provoquée par le tabouret qui était excentré et constituait un obstacle sur son trajet pour aller régler l'addition. Elle soutient en revanche que l'écrit émanant du maître d'hôtel de la société [5], M. [B] [U], doit être écarté des débats au motif qu'il ne revêt pas la forme d'une attestation au sens de l'article 202 du code de procédure civile. Elle souligne qu'il a été rédigé avant qu'elle n'adresse au restaurant sa première réclamation et prétend que, compte tenu du lien de subordination unissant son auteur à la société [5], il y a lieu de douter de son impartialité.

Elle conteste également toute faute d'inattention susceptible d'exonérer la société [5] de sa responsabilité et affirme qu'en toute hypothèse, celle-ci ne rapporte pas la preuve de l'imprévisibilité et de l'irrésistibilité de la faute alléguée.

Elle soutient encore que s'il devait être retenu que, comme le soutient la société [5], elle n'a pas chuté après avoir heurté le tabouret, le choc a néanmoins été suffisamment violent pour être à l'origine du préjudice dont elle sollicite l'indemnisation.

S'agissant de son préjudice, elle affirme qu'à la suite de l'accident, elle a présenté un grave traumatisme du genou droit à l'origine d'un œdème du compartiment interne avec une distension du ligament croisé antérieur ayant notamment nécessité une hémarthrose ; qu'un examen ultérieur a révélé l'existence d'une « nécrose du condyle interne » et que son état a ensuite évolué en une « chondrolyse avec une gonarthrose sévère du compartiment fémorotibiale interne » nécessitant la pose d'une prothèse. Elle conteste les conclusions de l'expert judiciaire qui a retenu l'existence d'un état antérieur constitué par une gonarthrose et une nécrose débutante du condyle interne du fémur droit.

En défense, la société [5] dénie toute responsabilité en faisant valoir, en premier lieu, que les attestations produites par Mme [Z] ne démontrent pas la position anormale du tabouret et partant une faute de son personnel. Elle ajoute que les tabourets en cause sont placés en bordure des tables et parfaitement visibles, que Mme [Z], qui fréquentait régulièrement son établissement, connaissait leur emplacement et qu'elle a manqué de vigilance. Elle affirme en outre qu'il résulte notamment de l'attestation de son maître d'hôtel, laquelle respecte les exigences de l'article 202 du code de procédure civile, que Mme [Z] n'a pas chuté mais a été retenue après avoir heurté le tabouret.

La société [5] objecte, en second lieu, que Mme [Z] ne rapporte pas la preuve d'un lien causal entre le préjudice dont elle sollicite l'indemnisation et l'accident, l'expert judiciaire ayant retenu l'existence d'un état antérieur.

Sur ce,

Sur la demande tendant à voir écarter des débats la pièce n°1 de la société [5]

Il est constant que l'écrit rédigé par M. [U] ne respecte pas l'ensemble des conditions prévues par l'article 202 du code de procédure civile. Cependant, il est de principe, d'une part, que les dispositions de cet article ne sont pas prescrites à peine de nullité et, d'autre part, que les modes de preuve ne se limitent pas aux attestations de sorte que le juge ne peut pas rejeter une simple lettre au motif qu'elle doit être considérée comme une attestation et qu'elle n'est pas conforme à l'article 202.

Les arguments invoqués par Mme [Z] qui concernent la force probante de cette pièce ne sont donc pas de nature à justifier qu'elle soit écartée des débats mais devront être étudiés par le tribunal au moment de l'examen du bien-fondé de la demande d'indemnisation afin d'apprécier si la pièce en cause présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.

La demande tendant à voir écarter le document rédigé par M. [U] constituant la pièce n°1 de la société [5] sera par conséquent rejetée.

Sur la responsabilité de la société [5]

Ainsi qu'il l'a été précédemment indiqué, le tribunal a, en application de l'article 12 du code de procédure civile, restitué à l'action de Mme [Z] son exact fondement juridique dès lors que la responsabilité de la société [5] à son égard est, compte tenu de sa qualité de cliente du restaurant, de nature contractuelle.

Aux termes de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable à la cause compte tenu de la date de l'accident, « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. ».

En application de l’article 1315 de ce code, « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. ».

Un restaurateur est tenu, dans l'aménagement et le fonctionnement de son établissement, d'une obligation de sécurité. Il s'agit d'une obligation de moyens dès lors que le client conserve une certaine liberté et un rôle actif lorsqu'il se déplace dans l'établissement. Il appartient donc à Mme [Z] de rapporter la preuve d'un manquement de la société [5] à cette obligation et d’un préjudice subi en lien causal avec ce manquement.

Il est constant que Mme [Z] a déjeuné au restaurant exploité par la société [5] le 16 juin 2015. Il ressort par ailleurs des photographies produites par la société [5], non contestées par Mme [Z], que le tabouret en cause est un tabouret bas destiné à recevoir les effets personnels des clients. Aucune pièce n'est toutefois versée aux débats permettant au tribunal d'apprécier la configuration des lieux, notamment l'emplacement de la table à laquelle Mme [Z] a déjeuné et celui de l'endroit où elle s'est rendu pour régler l'addition. Mme [Z] ne développe pas plus d'explication sur ce point.

Pour rapporter la preuve de l'accident et de ses circonstances, lesquelles sont contestées par la société défenderesse, Mme [Z] verse aux débats quatre attestations établies entre les mois de mai et septembre 2018. S'agissant de l'attestation de sa fille, Mme [N] [L], l'erreur qu'elle comporte dans l'orthographe du nom de M. [D] [M] n'est pas de nature à lui dénier sa force probante. Celle-ci indique qu'elle a déjeuné au restaurant Fouquet's avec sa mère, son frère et M. [M], que sa mère s'est levée pour régler la note, qu'elle est tombée parce qu'elle n'avait pas vu le tabouret qui était « mal placé dans l'allée » et qu'on a essayé de la retenir. M. [M] qui a également établi une attestation confirme le déplacement de Mme [Z] pour aller régler l'addition en précisant qu'elle souhaitait le faire avec sa carte bancaire. Il mentionne ensuite qu'il y avait un « tabouret excentré et qu'elle est tombée violemment se fracturant le ménisque genoux droit » sans toutefois fournir de plus ample précision sur la position du tabouret.

S'agissant de l'attestation de Mme [R] [F], elle ne peut être considérée comme probante dès lors qu'elle ne mentionne pas le nom de Mme [Z], étant relevé, en toute hypothèse, qu'à supposer que le « elle » désigne la demanderesse, cette attestation rédigée dans des termes très proches de ceux de l'attestation de M. [M], fait, comme elle, état d'un tabouret excentré sans plus de précision. S'il est également produit une attestation de M. [T] [E] qui indique avoir déjeuné le 16 juin 2015 au Fouquet's et « avoir aperçu un tabouret au milieu du passage qui était mal placé et dangereux pour les clients », aucun élément ne permet d'établir que le tabouret en cause est celui à l'origine de l'accident objet du litige, étant relevé au surplus qu'en l'absence de toute explication à ce sujet, la société [5] s'interroge légitimement sur la possibilité pour l'intéressé d'être, plus de trois ans après, aussi affirmatif sur le jour où il a fait ses constatations. Par suite, il doit d'ores et déjà être constaté, à ce stade, que, compte tenu de leur imprécision, les attestations de Mme [L] et de M. [M] ne permettent pas au tribunal d'apprécier la position exacte du tabouret.

Si, par ailleurs, dans son certificat du 22 juillet 2016, le docteur [B] [Y] atteste qu'il a reçu Mme [Z] le 17 juin 2015 dans les suites d'un traumatisme indirect du genou droit et qu'elle lui a alors rapporté avoir chuté sur un petit tabouret pour les sacs placé sur le passage, ce praticien ne fait que reprendre les déclarations de Mme [Z] sur les circonstances de l'accident sans avoir pu effectuer de constatations personnelles si ce n'est la compatibilité des lésions présentées par Mme [Z] avec ses déclarations.

Les déclarations de Mme [Z] et les attestations de Mme [L] et de M. [M] apparaissent en outre en contradiction avec l'écrit rédigé par M. [U] en ce que celui-ci indique que c'est en regagnant sa table après avoir procédé au règlement de son addition que Mme [Z] a heurté un tabouret situé en bordure de la table où elle avait effectué son paiement par chèque et qu'elle n'avait pas vu. Il précise qu'elle « a été déstabilisée mais n'est pas tombés et l'avons rattrapé ». Ce document est signé et accompagné de la pièce d'identité de M. [U]. Le fait que celui-ci soit employé par la société [5] limite certes sa force probante de la même façon que le lien de parenté entre Mme [Z] et Mme [L] peut amener à relativiser ses déclarations. Ce lien de subordination ne prive toutefois pas de tout crédit les déclarations de M. [U]. La circonstance que cette attestation ait été établie avant le premier courrier de réclamation de Mme [Z] ne permet pas plus de remettre en cause sa force probante, au contraire puisqu'elle a été rédigée avant tout litige.

La société [5] produit également un document manuscrit portant en entête les nom et prénom de la demanderesse, son numéro de téléphone portable ainsi que la copie de sa carte de visite. Celui-ci mentionne : « Suite à notre entretien téléphonique, je vous adresse la copie du Docteur [Y]. Lors d'un déjeuner dans votre établissement, j'ai buté dans la 2è salle sur un repose sac. Votre personnel m'a retenu m'évitant une chute violente. Veuillez demander à votre assurance.... ». Si Mme [Z] souligne à juste titre que ce courrier est tronqué et n'est pas daté, elle ne conteste pas formellement en être l'auteur et il ne peut qu'être relevé qu'elle indique s'être, dans les jours qui ont suivi l'accident, rapprochée de la société [5] afin d'obtenir la réparation de son préjudice.

Il est donc acquis et, au demeurant non contesté par la défenderesse, que le 16 juin 2015, Mme [Z] a heurté un tabouret bas situé au sein du restaurant. Cependant, l'imprécision des éléments produits et les contradictions existant entre eux ne permettent pas de considérer que Mme [Z] rapporte la preuve qui lui incombe des circonstances précises de l'accident dont elle prétend avoir été victime et notamment que le tabouret qui aurait provoqué cet accident était placé dans une position susceptible de caractériser un manquement de la société [5] à son obligation de sécurité. En l'absence de preuve d'un tel manquement, il n'y a pas lieu de s'interroger sur le lien causal entre les préjudices dont l'indemnisation est sollicitée et le choc avec le tabouret. Mme [Z] sera par conséquent déboutée de l'ensemble des demandes qu'elle forme à l'encontre de la société [5] sans qu'il soit nécessaire de suivre davantage les parties dans le détail de leur argumentation.

Sur les autres demandes

Les demandes tendant à voir « mettre en cause (…) aux fins de leur rendre le jugement commun» la Mutuelle Bleue et la CPAM sont sans objet dès lors qu'elles sont parties à la procédure. Il en est de même, compte tenu de l'issue du litige, de la demande à voir dire que la « créance éventuelle de la MUTUELLE BLEUE viendra en déduction des postes de préjudice soumis à recours ». Il n'y a donc pas lieu de statuer de ce chef.

Mme [Z] qui succombe sera condamnée aux dépens et à verser à la société [5] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'exécution provisoire étant compatible avec la nature de l’affaire et justifiée par l’ancienneté du litige, il convient de l’ordonner.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

Rejette la demande de Mme [A] [X] [Z] veuve [L] veuve [G] tendant à voir écarter des débats le document rédigé par M. [B] [U] constituant la pièce n°1 de la SAS société d’exploitation de l’hôtel et du restaurant [5] ;

Déboute Mme [A] [X] [Z] veuve [L] veuve [G] de l'intégralité de ses demandes ;

Condamne Mme [A] [X] [Z] veuve [L] veuve [G] à payer à la SAS société d’exploitation de l’hôtel et du restaurant [5] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [A] [X] [Z] veuve [L] veuve [G] aux dépens qui comprendront les honoraires de l'expert judiciaire ;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige ;

Fait et jugé à Paris le 04 Juin 2024.

Le GreffierLa Présidente
Nadia SHAKIGéraldine DETIENNE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 4ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 19/00983
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;19.00983 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award