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03/06/2024 | FRANCE | N°20/00490

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pec sociétés civiles, 03 juin 2024, 20/00490


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C. + C.C.C.F.E.
délivrées le :
à




PEC sociétés civiles


N° RG 20/00490

N° Portalis 352J-W-B7E-CROLX

N° MINUTE : 3


Assignation du :
30 décembre 2019















JUGEMENT
rendu le 03 juin 2024
DEMANDERESSE

Société [W]IS (SCI)
06, rue Cernuschi
75017 PARIS

représentée par Maître Marine PLANCHON de la SELAS KPMG AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant, vestiaire #

D1489


DÉFENDERESSES

Société CO3 (SARL)
72, rue Cherche Midi
75006 PARIS

Société MMA IARD (SA)
14, boulevard Marie et Alexandre Oyon
72030 LE MANS

représentées par Maître Guillaume REGNAULT de la S...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C. + C.C.C.F.E.
délivrées le :
à

PEC sociétés civiles


N° RG 20/00490

N° Portalis 352J-W-B7E-CROLX

N° MINUTE : 3

Assignation du :
30 décembre 2019

JUGEMENT
rendu le 03 juin 2024
DEMANDERESSE

Société [W]IS (SCI)
06, rue Cernuschi
75017 PARIS

représentée par Maître Marine PLANCHON de la SELAS KPMG AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant, vestiaire #D1489

DÉFENDERESSES

Société CO3 (SARL)
72, rue Cherche Midi
75006 PARIS

Société MMA IARD (SA)
14, boulevard Marie et Alexandre Oyon
72030 LE MANS

représentées par Maître Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0133

Décision du 03 juin 2024
PEC sociétés civiles
N° RG 20/00490 - N° Portalis 352J-W-B7E-CROLX

PARTIES INTERVENANTES

Madame [T] [W]
06, rue Cernuschi
75017 PARIS

Monsieur [B] [S]
06, rue Cernuschi
75017 PARIS

Monsieur [X] [S]
06, rue Cernuschi
75017 PARIS

représentés par Maître Marine PLANCHON de la SELAS KPMG AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #D1489

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Pascale LADOIRE-SECK, vice-présidente, présidente de la formation ;
Samantha MILLAR, vice-présidente ;
Olivier LICHY, vice-président ;

assistés de Robin LECORNU, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 06 novembre 2023, tenue en audience publique devant Pascale LADOIRE-SECK et Olivier LICHY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au Greffe le 25 mars 2024, prorogé au 27 mai 2024, puis prorogé au 03 juin 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au Greffe
Contradictoire
En premier ressort

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SCI [W]ISS a été créée le 19 novembre 2008 et a pour activité « la propriété, la mise en valeur, l’administration et l’exploitation par bail, location ou autrement de:
– tous immeubles et droits immobiliers détenus en pleine propriété, nue-propriété ou usufruit, dont elle pourrait devenir propriétaire par voie d’acquisition, d’apport, d’échange ou autrement ;
– la vente de ces mêmes biens pour autant que ces opérations ne puissent être considérées comme un acte de commerce et ne porte pas en conséquence atteinte au caractère civil de la société ».
Elle a pour gérante associée madame [T] [W] et pour associés ses deux enfants, messieurs [B] et [X] [S].
Le 11 juin 2009 la SCI a confié à une société expertise comptable, la société CO3 AUDIT expertise, une mission d’établissement de ses comptes annuels clos au 31 décembre 2009 et des déclarations fiscales afférentes.
Le 23 décembre 2008, 17 décembre 2010 et le 28 décembre 2012 la SCI a fait l’acquisition de l’usufruit pour 25 ans de 3 biens immobiliers d’une valeur de 4 300 000 euros.
En mars 2019, le gestionnaire du patrimoine de la SCI, monsieur [F] [U], faisait remarquer à la gérante l’absence de tout amortissement dans les écritures comptables de la SCI depuis 2009. Celle-ci a alors adressé au cabinet d’expertise comptable le compte rendu de son entretien avec le gestionnaire de patrimoine et l’a interrogé sur les raisons pour lesquelles les amortissements de l’usufruit des biens immobiliers n’avaient pas été passés en comptabilité.
À la demande expresse de sa cliente, l’expert-comptable a passé des écritures d’amortissement pour l’exercice 2018 et a établi une déclaration rectificative pour les exercices 2016 et 2017.
Informée dans le courant du mois de mars 2019 de l’absence de tout amortissement, madame [W], ès qualités de gérante, reprochait, par lettre recommandée avec avis de réception du 10 juin 2019, à la société CO 3 AUDIT expertise de ne pas avoir passé les écritures d’amortissement sur l’usufruit des biens immobiliers antérieurement à 2016, ce qui l’avait obligé à effectuer une avance en compte-courant pour permettre à la SCI de régler l’impôt sur les sociétés qui n’aurait pas dû être payé si les amortissements avaient été passés.
L’article 6 de la lettre de mission du 11 juin 2009, relatif à la responsabilité de l’expert-comptable, disposait notamment que : « toute demande de dommages-intérêts ne pourra être produite que pendant une période de cinq ans commençant à courir le premier jour de l’exercice suivant celui au cours duquel est né le sinistre correspondant à la demande. Celle-ci devra être introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre ».
Après un échange épistolaire entre la SCI et la société expertise comptable, la SCI a fait assigner cette dernière ainsi que son assureur la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES par actes des 30 et 31 décembre 2019.
Madame [W] et messieurs [B] et [X] [S] sont intervenus volontairement à la procédure.
La SCI reproche à son ancien expert-comptable de ne pas avoir amorti comptablement les usufruits acquis pour une valeur de 4 300 000 euros entre 2009 et 2015, alors que le 03 décembre 2008 elle avait adressé un courriel en ce sens à monsieur [V] du cabinet d’expertise comptable.
La SCI soutient que dans ce mail du 3 décembre 2008 se trouve un prévisionnel établi par son notaire pour les amortissements effectués et que la société d’expertise comptable était en conséquence informée de sa volonté d’amortir.
En tant que de besoin, elle se prévaut des dispositions du code de la consommation au motif qu’elle n’a pas la qualité de professionnelle, et en conséquence considère comme abusive et donc nulle, l’article 6 de la lettre de mission qui limite à 03 mois le délai à l’intérieur duquel elle devait agir pour réclamer des dommages-intérêts. Au soutien de ce moyen, la SCI et les intervenants considèrent que le contrat qui liait la SCI au cabinet d’expertise comptable n’était pas en rapport direct avec son activité professionnelle laquelle est de nature civile et purement immobilière de sorte qu’elle ne saurait être qualifiée de commerçante.
Ignorant la possibilité d’amortir un usufruit jusqu’à ce que le gestionnaire attire son attention sur ce point, elle n’était pas en mesure de détecter cette carence, de sorte les délais de forclusion et de prescription dont se prévalent les défenderesses n’ont pu commencer à courir et qu’en tout état de cause, on ne saurait lui opposer le non-respect du délai de trois mois visé par l’article 6 de la lettre de mission[2] dès lors son courrier du 13 juin 2019 a bien été envoyé dans les trois mois qui ont suivi la date à laquelle la SCI a eu connaissance de ce manquement, la clause ne visant pas exclusivement une action judiciaire.

[2] la lettre de mission du 11 juin 2009 précise au point 6 relatif à la responsabilité des membres de l’ordre que « toute demande de dommages-intérêts ne pourra être produite que pendant une période de 5 ans commence à courir le premier jour de l’exercice suivant celui au cours duquel est né le sinistre correspondant à la demande. Celle-ci devant être introduit dans les 3 mois suivant la date à laquelle le client a eu connaissance du sinistre ».

S’agissant des préjudices subis, la société [W]is évalue son préjudice à 344 996 euros qui se ventilent en impôt sur les sociétés payées à tort entre 2009 et 2015 soit 202 713 euros, et la perte d’une chance de bénéficier d’un déficit reportable qui aurait permis de réaliser des économies d’impôts dans le futur qui est évaluée à 142 283 euros.
Pour sa part madame [W] évalue à 226 976 euros le préjudice qu’elle a subi et qui s’est traduit par la réduction du montant de son compte courant d’associé à savoir 202 713 euros et par un manque à gagner sur les sommes investies en compte courant d’associé qu’elle évalue à 24 263 euros.
À titre subsidiaire, le préjudice subi par les 3 associés de la société civile est de 468 473 euros à raison de 275 275 euros pour madame [W], et 96 599 euros pour chacun des 2 autres associés [B] et [X] [S].
In fine, dans leurs conclusions numéro 4 notifiées le 16 mars 2023no, les demandeurs sollicitent :
de voir jugée recevable et bien fondée l’intervention volontaire de madame [W] et de messieurs [B] et [X] [S] ; de voir juger que la dernière clause de l’article 6 de la lettre de mission du 11 juin 2009 ne s’applique pas à une action judiciaire en responsabilité ;que la société a respecté le délai de 3 mois prévu à ladite clause en adressant dès le 10 juin 2019, un courrier recommandé avec accusé de réception ;qu’elle n’avait donc pas la qualité de professionnel au sens des dispositions de l’article liminaire du code de la consommation, et elle sollicite, au visa de l’article L 212–1 du code de la consommation, que ladite clause soit considérée comme abusive et donc non écrite ;que la société CO3 a commis une faute caractérisée par un manquement à son devoir de conseil et d’information en ne procédant pas à l’amortissement des actifs immobiliers entre 2009 et 2019 ; que cette faute a causé un préjudice financier aux demandeurs, en conséquence de quoi ils demandent la condamnation solidaire de la société d’expertise comptable et de son assureur à verser à la société civile la somme de 264 623 euros outre les intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir et la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343 – 2 du Code civil jusqu’à parfait paiement ; ils demandent également la condamnation solidaire des défenderesses à payer à madame [W] la somme de 226 976 euros outre les intérêts calculés de la même manière ;à titre subsidiaire que les défenderesses soient condamnées à verser à cette dernière la somme de 264 023 euros, outre les intérêts calculés de la même manière, et à messieurs [X] et [B] [S] la somme chacun de 74 094 euros outre les intérêts calculés de la même manière ;en tout état de cause que les défenderesses soient condamnées à payer à chaque demandeur la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre leur condamnation in solidum aux dépens de la présente instance.
En défense la société d’expertise comptable et la mutuelle soutiennent, dans leurs conclusions numéro 4 notifiées le 12 décembre 2022 :
– à titre principal que les demandeurs sont forclos ;
– à titre subsidiaire que les demandes sont irrecevables du fait de la prescription de leur action ;
– à titre plus subsidiaire encore, que la société d’expertise comptable n’a commis aucune faute et qu’en tout état de cause les demandeurs ne justifient d’aucun préjudice à caractère indemnisable ;
– et à titre infiniment subsidiaire, de dire que la SCI ne peut se prévaloir que d’un préjudice de 135 825 euros, madame [W] d’un préjudice de 19 486 euros et que messieurs [S] doivent être déboutés de l’intégralité de leurs demandes ;
Les défenderesses sollicitent également la condamnation des demandeurs à leur régler la somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre leur condamnation aux entiers dépens.
Pour soutenir la forclusion, les sociétés défenderesses rappellent que si la société demanderesse se prévaut de son courrier du 10 juin 2019 selon lequel « mon mail du 3 décembre 2008 vous faisait état d’un prévisionnel du notaire avec les amortissements à effectuer », les associés de la SCI ont approuvé les comptes sociaux ne comportant aucun amortissement et ce entre 2009 et 2015. A l’occasion des 3 acquisitions d’usufruit immobilier les 23 décembre 2008, 17 décembre 2010 et 28 décembre 2012, la SCI n’a pu ignorer l’absence d’amortissement de l’usufruit lors de l’examen des comptes effectués lors des assemblées générales de juin 2010, juin 2011 et juin 2013.
La SCI disposait alors d’un délai de 03 mois à compter de ces mois de juin qui ont suivi la clôture des comptes, pour assigner le cabinet d’expertise comptable et son assureur ce qu’elle n’a fait que le 31 décembre 2019.
Les défenderesses notent également que madame [W] ayant eu un entretien avec son gestionnaire de patrimoine en mars 2019, elle en a rendu compte au cabinet d’expertise comptable dans son courrier du 13 mars 2019. La SCI disposait alors, aux termes de la lettre de mission, d’un délai de trois mois, qui expirait le 13 juin 2019, pour introduire son action dommages-intérêts, ce qu’elle n’a fait que le 31 décembre 2019.
Au soutien du moyen tiré de l’acquisition de la prescription, les défenderesses estiment que la SCI ne pouvait ignorer le fait que l’usufruit n’avait fait l’objet d’aucun amortissement, et ce depuis le 07 avril 2010, date à laquelle les comptes lui ont été envoyés. De la même manière que pour la forclusion, il lui était loisible d’agir en justice dans les 03 mois qui ont suivi l’approbation des comptes par l'assemblée générale des associés.
Subsidiairement les défenderesses considèrent que l’action en responsabilité civile professionnelle est prescrite par application de l’article 2224 du Code civil qui dispose que le délai de prescription est quinquennal, et qu’enfin, la clause contenue dans la convention qui enferme l’action en responsabilité de l’expert-comptable, ne présente pas le caractère abusif au sens du code de la consommation.
Par ailleurs si l’article 2254 de ce code permet aux parties d’aménager le délai de prescription quinquennale sans toutefois pouvoir la réduire à moins d’une année, même si la Cour de cassation dans un arrêt du 30 mars 2016 a estimé que ce délai pouvait être réduit à trois mois, qui a été considéré comme un délai raisonnable.
Pour ce qui est du moyen tiré de l’application du code de la consommation, le cabinet d’expertise comptable et la mutuelle d’assurance rappellent que la SCI est soumise à l’impôt sur les sociétés et que dès lors l’établissement des comptes sociaux et les liasses fiscales sont en lien direct avec son activité professionnelle. Ils soutiennent encore que la qualité de professionnelle n’est pas réservée qu’aux sociétés commerciales.
Enfin, subsidiairement, la société CO3 AUDIT ET EXPERTISE rappelle qu’en application des dispositions de l’article 1147 du code civil l’expert-comptable ne peut répondre que des fautes qu’il a commises dans le cadre de l’exécution de la mission qui lui était confiée. Sa responsabilité ne peut dès lors pas être recherchée par un client ou par un tiers dès lors qu’il a parfaitement rempli sa mission. En l’espèce la lettre de mission ne comportait aucune dimension sociale de sorte que la société d’expertise n’était pas débitrice d’un devoir d’information et de conseil. En outre il est de jurisprudence constante (Cass com 06 mai 2006, pourvoi 04–18.886) que l’expert-comptable n’est tenu que d’une obligation de moyens. Cette obligation entraîne pour le client un devoir de coopération et d’information de l’expert-comptable en ce que le premier doit mettre spontanément le second en mesure de bien accomplir sa mission. Le client n’est donc pas fondé à rechercher la responsabilité de l’expert-comptable lorsqu’il a participé directement ou indirectement à la production de son propre dommage. En outre il lui appartient de prouver la faute de l’expert-comptable et le lien de causalité directe avec son dommage.
En l’espèce ni la SCI ni les intervenants ne rapportent la preuve ni d’une faute, ni d’un préjudice indemnisable et ni d’un lien de causalité.
Les défenderesses notent encore que les demandeurs tentent d’engager la responsabilité de la société CO 3 AUDIT et EXPERTISE sur la base d’un courriel adressé le 03 décembre 2008, c’est-à-dire à une date où le cabinet d’expertise comptable n’avait pas encore comme cliente la société [W]is qui n’est devenue sa cliente qu’à compter du 11 juin 2009.
Par ailleurs le courriel en question ne comprend aucune demande particulière ni aucun commentaire. Le tableau Excel qui y était joint n’avait donc pas à être pris en compte. De plus la SCI n’a jamais réitéré sa volonté de voir procéder à des amortissements avant 2019.
Enfin la lettre de mission précise que le client en plus de la transmission de l’ensemble des documents et informations nécessaires à l’exécution de la mission, justifie, notamment, les décisions prises en matière d’amortissement et de provisions.
Les défenderesses soulignent l’incertitude existant au moins jusqu’au 1er mars 2017, quant au caractère amortissable de l’usufruit. Elle rappelle la jurisprudence du Conseil d’État qui a considéré que les éléments mobiliers ou immobiliers dans une entreprise en qualité d’usufruitier ne font pas partie de son actif, de sorte qu’elle ne peut pratiquer aucun amortissement en raison de ces éléments. Ce n’est qu’en 2019 que le juge administratif a revu sa position rendant ainsi possible l’amortissement de l’usufruit d’un immeuble.
En tout état de cause jusqu’à cette date, l’usufruit d’un immeuble n’était pas amortissable, de sorte que l’action des demandeurs est mal fondée.
Quant au préjudice revendiqué par les demandeurs, les défenderesses estiment qu’il y a lieu de placer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit. À supposer qu’il soit retenu, le manquement au devoir de conseil est en réalité la perte d’une chance d’être mieux informé et d’éviter le dommage qui s’est réalisé.
Un tel préjudice n’est réparable que si la chance perdue est raisonnable et ne peut être équivalente à la chance perdue si elle s’était réalisée (1ère civ. 30 avril 2014, pourvois 12–22.567 et 13–16.380). Or en l’espèce les demandeurs ne rapportent aucune preuve de ce qu’ils allèguent. Au contraire même le report des déficits cumulés lors des exercices précédents font que même en amortissant l’usufruit cela ne peut avoir pour effet que de réduire le montant du déficit mais en aucun cas de réaliser une économie. Le préjudice d’intérêts des sommes retirées du contrat d’assurance de madame [W] doit être limité aux sommes correspondant au paiement de l’impôt sur les sociétés, de sorte que le réel préjudice est de 19 486 euros et non pas de 24 363 comme revendiqué. Par ailleurs les capitaux propres étant largement négatifs entre 2009 et 2015 la SCI ne disposait d’aucune trésorerie de sorte qu’elle ne pouvait distribuer de dividendes et que les préjudices prétendus au titre des dividendes ne peuvent donc exister. Quant à la prétendue perte de valeur des parts sociales elle n’est pas démontrée ni dans son principe et dans son lien de causalité avec le paiement de l’impôt sur les sociétés sur la période de 2009 à 2015.
Les défenderesses s’opposent également aux demandes formulées par les associés de la SCI.
Elles invoquent le rapport fourni par la société STELLIANT effectué à la demande de la SCI et de ses associés dont il résulte que les apports des associés n’étaient pas destinés à couvrir systématiquement le paiement de l’impôt sur les sociétés dès lors que la société ne pouvait honorer le paiement de ses charges de fonctionnement ou de ses mensualités de crédit de 2009 à 2014.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 juin 2023.

L’affaire a été plaidée à l’audience collégiale du 06 novembre 2023 et mise en délibéré au 25 mars 2024, prorogé en raison de l’absence prolongée d’un magistrat de la chambre.
MOTIFS
A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir le tribunal « constater » ou « dire et juger » ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 31 et du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

Sur l’applicabilité du code de la consommation
Dès lors que la validité de l’article 6 de la convention conclue entre la SCI et la société CO3 dépend du point de savoir si le code de la consommation est ou non applicable en l’espèce, il importe dans un premier temps de statuer sur la validité de la clause litigieuse.
L’objet social et l’activité de la SCI, rappelés dans l’exposé du litige, l’acquisition, moyennant le règlement de 4 300 000 euros, de l’usufruit de trois immeubles dans le courant des mois de décembre 2009, 2010 et 2012, l’embauche d’un gestionnaire, en la personne de monsieur [F] [U], l’imposition à l’impôt sur les sociétés sont autant d’éléments qui démontrent le caractère professionnel de l’activité de la SCI.
Par ailleurs la gestion d’une entreprise, même non commerçante, n’a pas pour effet de lui conférer la qualité de consommateur au sens dudit code dès lors que le contrat de prestation de services conclu avec un cabinet d’expertise comptable, est en rapport direct avec son activité comme c’est le cas en l’espèce.
La SCI ne peut donc se prévaloir de la qualité de consommateur et de l’application des dispositions du code de la consommation.

Sur la forclusion
La forclusion est la sanction qui frappe le titulaire d’un droit ou d’une action qui pour défaut d’accomplissement, dans le délai légal conventionnel ou judiciaire, d’une formalité lui incombant, en interdisant à l’intéressé forclos d’accomplir désormais cette formalité.
En l’espèce la lettre de mission du 11 juin 2009 précise au point 6 relatif à la responsabilité des membres de l’ordre des experts-comptables que « toute demande de dommages-intérêts ne pourra être produite que pendant une période de 5 ans qui commence à courir le premier jour de l’exercice suivant celui au cours duquel est né le sinistre correspondant à la demande. Celle-ci devant être introduite dans les 3 mois suivant la date à laquelle le client a eu connaissance du sinistre ».
Il résulte du courrier du 10 juin 2019 que la SCI avait dès le 13 mars 2019 connaissance que la société CO3 n’a pas amorti comptablement les usufruits qu’elle avait acquis.
Madame [W] avait donc jusqu’au 14 juin 2019 pour introduire son action à l’encontre de la société CO3.
Quant bien même, le délai de forclusion courait à compter du 10 juin 2019, Madame [W] avait jusqu’au 14 septembre 2019 pour introduire son action à l’encontre de la société CO3.

Madame [W] ayant introduit la présente instance le 31 décembre 2019, son action est en tout état de cause forclose et sera déclarée irrecevable.
Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner les autres moyens ainsi que les demandes.

Sur la demande d’indemnité de procédure
Les demandeurs seront condamnés aux dépens mais également à régler aux défenderesses une indemnité de procédure de 5.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort

CONSTATE que la SCI [W]ISS est forclose dans son action ,

En conséquence,

DECLARE irrecevable l’action introduite par la SCI [W]IS,

CONDAMNE in solidum la SCI [W]IS, madame [T] [W] et messieurs [B] et [X] [S] à régler à la société CO3 AUDIT et EXPERTISE et à la société MMA IARD unies d’intérêts, une indemnité de procédure de 5.000 euros ;

CONDAMNE in solidum la SCI [W]IS, madame [T] [W] et messieurs [B] et [X] [S] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 03 juin 2024

Le Greffier La Présidente
Robin LECORNU Pascale LADOIRE-SECK


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pec sociétés civiles
Numéro d'arrêt : 20/00490
Date de la décision : 03/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-03;20.00490 ?
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