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03/06/2024 | FRANCE | N°17/15952

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pec sociétés civiles, 03 juin 2024, 17/15952


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
C.C.C. + C.C.C.F.E.
délivrées le :
à




PEC sociétés civiles


N° RG 17/15952

N° Portalis 352J-W-B7B-CLYOV

N° MINUTE : 1


Assignation du :
13 septembre 2017






JUGEMENT
rendu le 03 juin 2024



DEMANDERESSE

Société MORGAN INVEST (SCI), société placée en redressement judiciaire ayant la S.C.P. BTSG, prise en la personne de Me [J] [K], en qualité de commissaire à l’execution du plan
19, rue de la Boétie
75008

PARIS

représentée par Me Olivier AUMAITRE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D2156

DÉFENDEURS

Madame [M] [O]
24, rue de Téhéran
75008 PARIS

représentée par M...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
C.C.C. + C.C.C.F.E.
délivrées le :
à

PEC sociétés civiles

N° RG 17/15952

N° Portalis 352J-W-B7B-CLYOV

N° MINUTE : 1

Assignation du :
13 septembre 2017

JUGEMENT
rendu le 03 juin 2024

DEMANDERESSE

Société MORGAN INVEST (SCI), société placée en redressement judiciaire ayant la S.C.P. BTSG, prise en la personne de Me [J] [K], en qualité de commissaire à l’execution du plan
19, rue de la Boétie
75008 PARIS

représentée par Me Olivier AUMAITRE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D2156

DÉFENDEURS

Madame [M] [O]
24, rue de Téhéran
75008 PARIS

représentée par Maître Delphine CHESNEAU-MOUKARZEL de l’AARPI CMG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0555

Monsieur [D] [I]
19, rue de la Boétie
75008 PARIS

représenté par Me Jérôme BOURSICAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0181

Décision du 03 juin 2024
PEC sociétés civiles
N° RG 17/15952 - N° Portalis 352J-W-B7B-CLYOV

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Pascale LADOIRE-SECK, vice-présidente, présidente de la formation ;
Samantha MILLAR, vice-présidente ;
Olivier LICHY, vice-président ;

assistés de Robin LECORNU, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 15 mai 2023 tenue en audience publique devant Pascale LADOIRE-SECK et Olivier LICHY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au Greffe le 02 octobre 2023, prorogé au 04 décembre 2023, prorogé au 12 février 2024, prorogé au 29 avril 2024 puis prorogé au 03 juin 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au Greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La SCI MORGAN INVEST a été créée le 09 mai 2007 entre Monsieur [D] [I] et Madame [M] [I] qui s’étaient mariés le 06 avril 2001 sous le régime de la séparation de biens.

Monsieur [D] [I] est le gérant de la SCI MORGAN INVEST.

Le capital de 409.000 euros divisé en 1.000 parts sociales a été réparti de la manière suivante :
-Monsieur [D] [I] : 500 parts sociales ;
-Madame [M] [O] : 500 parts sociales.

Le capital social a été libéré à hauteur de 500 euros par associé, le solde devant être libéré dans les quinze jours suivant la demande du gérant conformément à l’article 6 des statuts de la société.

Afin de financer l’acquisition et la rénovation d’un bien immobilier situé à Bordeaux dans le cadre d’un projet de location de bureaux, la SCI MORGAN INVEST a souscrit le 16 août 2007 deux prêts auprès de la BNP PARIBAS d’un montant de 157.976,30 euros et de 277.769 euros.

Monsieur [D] [I] et Madame [M] [I] se sont portés cautions personnelles et solidaires au titre de ces deux prêts.

A la suite du départ d’un premier locataire et de la difficulté à relouer les locaux moyennant un loyer suffisant pour couvrir les charges et notamment le remboursement des deux prêts, la SCI MORGAN INVEST a rencontré des difficultés financières, de sorte que Monsieur [D] [I] a effectué des apports en procédant à des versements sur le compte de la société et en comptes-courants.
En avril 2015, la BNP PARIBAS a alerté les associés de la SCI MORGAN INVEST sur la position débitrice du compte bancaire de la société et leur a demandé de régulariser la situation.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 août 2015, la SCI MORGAN INVEST a réclamé à Madame [M] [O] le paiement de la somme de 204.500 euros correspondant à la libération de sa quote-part de 50% du capital social en application de l’article 6 de ses statuts.

Madame [M] [I] a déposé une requête en divorce le 21 décembre 2015.

Au cours de l’année 2016, la BNP PARIBAS a à plusieurs reprises attiré l’attention des associés de la SCI MORGAN INVEST sur la situation irrégulière du compte de la société.

La SCI MORGAN INVEST a mis en demeure Madame [M] [O] par lettres recommandées avec accusé de réception des 03 et 18 novembre 2016 de lui verser la somme de 204.500 euros correspondant à la libération de sa quote-part de 50% du capital social en application de l’article 6 de ses statuts.

Ces mises en demeure sont restées sans effet.

Par ordonnance du 16 novembre 2016, le juge de l’exécution a autorisé la SCI MORGAN INVEST à pratiquer une saisie conservatoire à hauteur de 204.000 euros entre les mains de l’étude notariale ANGOT & Associés, notaires chargés de la vente de l’ancien domicile conjugal.

La saisie conservatoire a été réalisée le 18 novembre 2016.

Par ordonnance du 12 janvier 2017, le juge de l’exécution a autorisé la SCI MORGAN INVEST à pratiquer une saisie conservatoire à hauteur de 204.000 euros sur les comptes bancaires de Madame [M] [O].

Les saisies conservatoires ont été pratiquées le 20 février 2017 sur les comptes bancaires de Madame [M] [O].

Un portefeuille de titres a ainsi pu être bloqué pour un montant de 27.249,93 euros, ainsi que des avoirs pour un montant de 61.581,92 euros.

Par ordonnance du 1er mars 2017, le juge de l’exécution saisi à la requête de Madame [M] [O] a constaté que la SCI MORGAN INVEST a donné mainlevée le 19 janvier 2017 de la saisie du 18 novembre 2016 et constaté que la demande tendant à voir prononcer la caducité de la saisie du 18 novembre 2016 est sans objet.

C’est dans ces conditions que par actes d’huissier de justice du 13 septembre 2017, la SCI MORGAN INVEST a fait assigner Monsieur [D] [I] et Madame [M] [O] devant le tribunal de grande instance -devenu tribunal judiciaire – de Paris aux fins de voir condamner Madame [M] [O] à lui payer la somme de 204.000 euros augmentée des intérêts au taux de 9% l’an, soit 0,75% par mois calculés sur le principal 204.000 euros, depuis le 03 septembre 2015, et ce jusqu’au complet règlement, outre la capitalisation des intérêts et la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 07 juin 2018, le tribunal saisi sur déclaration de cessation des paiements de la SCI MORGAN INVEST a constaté l’état de cessation des paiements de celle-ci et a ouvert à son égard une procédure de redressement judiciaire. La SCP BTSG² prise en la personne de Maître [J] [K] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Madame [M] [O] a formé tierce opposition à l’encontre de ce jugement.

Par requête du 05 juillet 2018, Maître [J] [K] a sollicité la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

Le 29 janvier 2020, les associés de la SCI MORGAN INVEST ont signé un accord aux fins de régler leurs différends financiers et de suspendre les recours et diverses demandes en justice, étant précisé que l’exécution du plan éteint les motifs de ces recours, les parties devant se désister. Il est ainsi mis fin à la tierce-opposition de Madame [M] [O] à l’encontre du jugement du 7 juin 2018 et à la requête en conversion présentée par Maître [J] [K].

Par jugement du 05 mars 2020, le tribunal a arrêté le plan de redressement de la SCI MORGAN INVEST aux termes duquel la SCI MORGAN INVEST s’engage à payer l’intégralité de son passif essentiellement composé des créances des associés et de leurs conseils respectifs, l’établissement de crédit ayant consenti le prêt destiné au financement du bien immobilier n’ayant pas déclaré sa créance devenue forclose, en 10 annuités consécutives, le premier règlement intervenant un an après l’arrêté du plan, et les suivantes à chaque date anniversaire, au moyen de dividendes progressifs selon les modalités suivantes :
-échéances 1 à 9 : 5% chaque année
- échéance 10 : 55%

Le plan de redressement impose également l’inaliénabilité du bien immobilier situé à Bordeau acquis par la SCI MORGAN INVEST.

L’accord conclu le 29 janvier 2020 entre les associés de la société est annexé au plan de redressement.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives au fond notifiées le 13 octobre 2022, la SCI MORGAN INVEST demande au tribunal de :
«  - Recevoir la SCI MORGAN INVEST en ses demandes et l’y déclarer bien fondée ;
- Condamner Madame [M] [O] à régler à la SCI MORGAN INVEST, au titre de la libération de sa quote-part (50%) du capital de la société, la somme de 204.000€ augmentée des intérêts au taux de 9% l’an, soit 0,75% par mois de retard, calculés sur le principal de 204.000€ et depuis le 3 septembre 2015, et ce jusqu’à complet règlement ;
- Dire que du montant ainsi obtenu en principal et intérêts sera déduite (i) la somme de 35.000€ (par imputation à la date du 20 avril 2020) et (ii) la somme de 50.000 euros (par imputation à la date du 5 mai 2020) ;
- Condamner Madame [M] [O] à payer à la SCI MORGAN INVEST une somme de 60.179,99 € au titre des frais de procédure engagés par la SCI MORGAN INVEST en conséquence du comportement fautif de Madame [M] [O] ;
- Condamner Madame [M] [O] à payer à la SCI MORGAN INVEST une somme de 25.000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile;
- Dire que les intérêts échus sur les sommes au paiement desquelles Madame [M] [O] sera condamnée seront eux-mêmes productifs d’intérêts, capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil (anciennement 1154 du Code civil) ;
- Condamner Madame [M] [O] aux entiers dépens dont distraction au profit de Olivier Aumaître, avocat aux offres de droit. ».

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives au fond notifiées le 09 novembre 2022, Monsieur [D] [I] demande au tribunal de :
« Recevoir M. [I] en ses demandes et l’y déclarer bien fondé,
Juger que M. [I] a libéré sa quote-part de capital social,
Condamner Mme [M] [O] à payer à la SCI MORGAN INVEST la somme de 204.000 € correspondant à sa quote -part de capital social non libérée avec intérêt aux taux de 9% l’an depuis le 18 aout 2015, date de la mise en demeur
Condamner Mme [O] à payer M. [I] la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle, Condamner Mme [O] à payer à M. [I], la somme de 130.000 € à titre de dommages intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle, s’agissant de fautes distinctes de celles commises au titre de sa responsabilité contractuelle,
Débouter Mme [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Condamner Mme [O] à verser à M. [I] la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du CPC,
Ordonner l’exécution provisoire,
Condamner Mme [O] aux dépens, ».

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives notifiées le 12 décembre 2022, Madame [M] [O] demande au tribunal de :
« A TITRE PRINCIPAL :
RADIER la présente instance ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
DEBOUTER la SCI MORGAN INVEST et Monsieur [I] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
JUGER que Madame [O] a libéré 169.997 € euros de capital conformément au jugement d’homologation et à minima 157.997 € euros ;
JUGER, en l’absence de demande conjointe formulée aux deux associés de libération du capital, qu’il n’y a pas lieu de faire application des intérêts ;
A TITRE RECONVENTIONNEL :
REVOQUER Monsieur [I] de ses fonctions de gérant de la SCI MORGAN INVEST et désigner tel mandataire ad hoc qu’il vous plaire ;
CONDAMNER Monsieur [I] au paiement d’une somme de 50 000 € à titre de dommages intérêts ;
CONDAMNER Monsieur [I] à verser à Madame [O] une somme de 8.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Monsieur [I] aux entiers dépens d’instance. »

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2022 et l’affaire appelée à l’audience collégiale du 15 mai 2023. Le délibéré fixé au 02 octobre 2023 a été prorogé à plusieurs reprises en raison de l’absence prolongée d’un magistrat de la chambre.

MOTIFS

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir le tribunal « constater » ou « dire et juger » ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 31 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

Sur l’opposabilité du jugement du 5 mars 2020 ayant arrêté le plan de redressement de la SCI MORGAN INVEST et la demande de radiation

Dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la SCI MORGAN INVEST, les associés de celle-ci, Monsieur [D] [I] et Madame [M] [O] ont conclu un accord le 29 janvier 2020 annexé au plan de redressement adopté le 5 mars 2020 dans le but d’éviter la liquidation judiciaire de la société, d’assurer le financement par les associés du plan de redressement et de régler les rapports financiers des associés afin de mettre un terme à leur mésentente et de permettre la poursuite de l’activité de la société.

Cet accord stipule également que « les recours et diverses demandes en justice de chacune des parties sont suspendus pendant la durée du plan et les différentes actions radiées du rôle jusqu’au terme du plan dans 10 ans. L’exécution du plan éteint les motifs de ce recours. Les parties se désisteront alors »

Cet accord conclu entre les seuls associés de la SCI MORGAN INVEST qui ne concerne que les rapports des associés entre eux n’est pas opposable à celle-ci.

En effet, seuls les rapports entre associés ont été réglés ainsi que le jugement du 5 mars 2020 le rappelle et seuls les associés se sont engagés à suspendre les recours et à radier les actions du rôle jusqu’au terme du plan.

La SCI MORGAN INVEST qui n’est pas partie à cet accord ne peut se le voir opposer.

A l’égard de la SCI MORGAN INVEST, l’exécution du plan de redressement et de l’accord du 20 janvier 2020 à laquelle celle-ci n’est pas partie, ne peut être qu’un moyen avancé par Madame [M] [O] pour faire valoir qu’elle a rempli ses obligations tant au regard des statuts que de l’accord du 20 janvier 2020 permettant la bonne exécution du plan de redressement et voir débouter en conséquence la SCI MORGAN INVEST de sa demande à son encontre de libération de sa quote-part du capital social.

Ce ne peut être un motif de radiation en exécution d’un accord dont la société n’est pas partie.

Madame [M] [O] sera donc déboutée de sa demande de radiation.

Sur la demande de libération du capital social

Aux termes de l’article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

L’article 1104 du même code dispose que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public ».

En l’espèce, l’article 6 des statuts de la SCI MORGAN INVEST stipulent que « Les soussignés font apport à la société, savoir :
1° Monsieur [D] [I], d’une somme en numéraire de 500 euros
2° Madame [M] [I], d’une somme en numéraire de 500 euros

Laquelle somme a été intégralement versée, dès avant ce jour, à la banque Société Générale, au crédit d’un compte ouvert au nom de la société en formation, ainsi que les associés le reconnaissent, représentant 100% des apports de chaque associé. Le solde sera vers par les associés qui s’y obligent, dans les 15 jours de la demande qui leur sera faite par la gérance, par lettre recommandée AR. A défaut de versement dans ce délai, les sommes appelées seront, de plein droit, productives d’intérêt au taux de 9% l’an. »

Le capital social de la SCI MORGAN INVEST ayant été fixé aux termes de l’article 7 des statuts à la somme de 409.000 euros, les deux associés qui ont versé la somme totale de 1.000 euros sont donc redevables chacun de la somme de 204.000 euros (408.000 /2) au titre de leur quote-part du capital social.

Conformément à l’article 6 des statuts de la SCI MORGAN INVEST, Madame [M] [O] a été mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 août 2015 d’avoir à régler sa quote-part de 50% du capital social soit la somme de 204.500 euros.

Cette mise en demeure a été renouvelée les 03 et 23 novembre 2016.

La créance de la SCI MORGAN INVEST à l’égard de Madame [M] [O] au titre de la libération de sa quote-part du capital social est donc exigible.

Madame [M] [O] ne conteste pas son obligation de libérer sa quote-part du capital social qu’elle reconnaît à hauteur de 204.000 euros mais affirme que les versements qu’elle a effectués au profit de la SCI MORGAN INVEST doivent venir en déduction.

Elle fait état de l’accord qu’elle a conclu entre Monsieur [D] [I], annexé au jugement du 5 mars en 2020, aux termes duquel les deux parties ont convenu que « les droits à créance de Madame [M] [O] sont reconnus à hauteur de 73.000 euros (tel qu’apparaît le solde son compte associé dans les derniers comptes de la société au 31.12.2018). Elle abandonne toute autre demande au titre de 16.000 euros.

Il est également convenu que Madame [M] [O] « libère immédiatement à hauteur de 35.000 euros déjà en séquestre chez Petit Perrin
50.000 euros fonds propres

Elle libère partiellement sur la durée du plan :
204.500 – 85.000 = 119.500 soit 119500 : 10 : 12 = 995 par mois.

La créance de G [O] est payée sur la durée du plan. G [O] reçoit au titre du paiement de sa créance : 73.000 : 10 : 12 = 608 euros par mois.

G [O] devra donc payer un solde de 387 euros par mois ».

Madame [M] [O] a versé la somme de 85.000 euros (35.000 euros le 05 mai 2020 et 50.000 euros le 20 avril 2022), ce que reconnaît la SCI MORGAN INVEST qui a proposé d’affecter cette somme en libération partielle de la quote-part du capital social par Madame [M] [O].

La somme de 73.000 euros revendiquée par Madame [M] [O] correspond à la créance qu’elle détient à l’encontre de la société et donc à son compte-courant d’associée, qu’elle a déclarée à hauteur de 64.725,87 euros à titre chirographaire, en précisant qu'il s'agissait des sommes dues dans le cadre de son compte courant d'associé et qui a été admise par le juge commissaire à hauteur de 61.725,87 euros.

Cette créance d’une nature différente ne peut donc venir en déduction de la créance de la société au titre de la libération du capital social.

La créance de compte-courant d’associé de Madame [M] [O] admise au passif de la SCI MORGAN INVEST doit être réglée au travers du plan de redressement. La déduire de la quote-part du capital social qui doit être libérée par Madame [M] [O] reviendrait à la lui régler deux fois.
Madame [M] [O] reste donc devoir au titre de la libération de sa quote-part du capital social la somme de 119.000 euros (204.000 – 85.000).

Si Madame [M] [O] n’a pas payé la somme convenue de 995 euros dans l’accord du 20 janvier 2020 qui correspond au paiement mensuel de sa quote-part du capital social sur 10 ans, elle justifie avoir réglé la somme de 387 euros telle que calculée dans l’accord du 20 janvier 2020, de juin à novembre 2020, de janvier à décembre 2021, en janvier et février 2022 puis d’avril à juillet 2022, soit la somme totale de 9.288 euros (387 x 24 mois).

La somme restant due par Madame [M] [O] au titre de la libération de sa quote-part du capital social s’élève donc à la somme de 109.712 euros (119.000 – 9.288).

Madame [M] [O] sera donc condamnée à payer cette somme à la SCI MORGAN INVEST.

Aux termes de l’article 1843-3 du code civil, “L'associé qui devait apporter une somme dans la société et qui ne l'a point fait devient de plein droit et sans demande, débiteur des intérêts de cette somme à compter du jour où elle devait être payée et ce sans préjudice de plus amples dommages-intérêts, s'il y a lieu ».

En application de l’article 6 des statuts de la SCI MORGAN INVEST, à défaut de versement dans le délai de quinze jours à compter de la mise en demeure, les sommes appelées seront, de plein droit, productives d’intérêt au taux de 9% l’an. 

La somme de 109.712 euros sera donc augmentée des intérêts au taux de 9% l’an, à compter du 03 septembre 2015.

L'article 1343-2 du code civil dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

Compte tenu de la date à laquelle les intérêts sont dus, il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts de Monsieur [D] [I]

Sur la responsabilité contractuelle
Aux termes de l’article 1231-1 du code civil « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure ».
L’obligation de libération du capital social est une obligation de l’associé à l’égard de la société.

Il ne peut donc y avoir de responsabilité contractuelle de Madame [M] [O] à l’égard de Monsieur [D] [I].
Monsieur [D] [I] sera donc débouté de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la responsabilité contractuelle invoquée.
Sur la responsabilité délictuelle

Aux termes de l'article 1240 du code civil, "Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer".

Monsieur [D] [I] ne démontre pas que l’absence de libération de sa quote-part du capital social par Madame [M] [I] l’aurait empêché d’acquérir un bien immobilier, ne produisant aucune pièce ne ce sens et ne justifie pas le montant de 100.000 euros de dommages et intérêts sollicités à ce titre.

Il ne justifie pas avoir été seul à assumer le financement de la société, la créance de compte-courant d’associé de Madame [M] [O] d’un montant arrêté à 73.000 euros démontrant que Madame [M] [O] a elle aussi contribué à ce financement.

Monsieur [D] [I] sera donc débouté de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la responsabilité délictuelle invoquée.

Sur la demande de révocation du gérant

Aux termes de l'article 1851-1 du code civil, “Sauf disposition contraire des statuts le gérant est révocable par une décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts.

Le gérant est également révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé ».
S’il n’est pas démontré que les assemblées générales se sont tenues régulièrement dès la création de la société en 2007, les associés également unis par les liens du mariage n’ont émis aucune réclamation en ce sens, disposant apparemment des éléments nécessaires à leur information en ce qui concerne la situation de la société.

A cet égard, Madame [M] [O] avait accès aux relevés bancaires de la société adressés à l’adresse familiale, siège de la société.

Il sera relevé que lorsque les époux se sont séparés fin 2015, l’assemblée générale a été réunie le 22 mai 2017 et le 25 avril 2018 pour approuver les comptes 2016 et 2017.

Madame [M] [O] a communiqué elle-même les grands livres 2014 et 2015.

Elle était donc informée de la situation de la SCI MORGAN INVEST dont la comptabilité était tenue.

Il sera rappelé que le débiteur a l’obligation de demander l’ouverture d’une procédure de redressement judicaire au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements en application de l’article L.631-4 du code de commerce, sous peine de sanctions.

Il ne peut donc être reproché à Monsieur [D] [I] en sa qualité de gérant de la SCI MORGAN d’avoir saisi le tribunal judicaire aux fins d’ouverture d’in procédure de redressement judiciaire, cette saisine constituant une obligation et est conforme à l’intérêt social puisqu’il permet au travers de cette procédure de permettre la continuation de l’activité de la société.

De même, la demande de paiement de sa quote-part du capital social initiée le 18 août 2015 à l’encontre de Madame [M] [O] qui est conforme aux statuts et à l’intérêt social dans la mesure où si elle avait été honorée aurait pu éviter l’ouverture d’une procédure collective, entre dans le cadre de l’exercice par Monsieur [D] [I] de ses fonctions de gérant.

Faute par Madame [M] [O] de démontrer une cause légitime de nature à révoquer Monsieur [D] [I] de ses fonctions de gérant, elle sera déboutée de cette demande.

Ayant été déboutée de sa demande de révocation, elle sera aussi déboutée de sa demande de dommages et intérêts ne justifiant pas en outre de son préjudice ni du montant de 50.000 euros sollicité.


Sur les demandes accessoires

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Madame [M] [O] succombant à l’instance, elle sera condamnée aux dépens de celle-ci dont distraction au profit de Maître Olivier AUMAITRE en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Eu égard à la condamnation aux dépens, Madame [M] [O] condamnée à payer à la SCI MORGAN INVEST et à Monsieur [D] [I] la somme de 2.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’instance ayant été introduite devant la présente juridiction avant le 1er janvier 2020, il y a lieu d’appliquer les dispositions du code de procédure civile relatives à l’exécution provisoire dans leur rédaction antérieure au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019.

En application de l’article 515 ancien du code de procédure civile, hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi.

En l’espèce, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire qui apparaît nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort, rendu publiquement par mise à disposition au Greffe,

Déboute Madame [M] [O] de sa demande de radiation,

Condamne Madame [M] [O] à payer à la SCI MORGAN INVEST la somme de 109.712 euros au titre de la liberation de sa quote-part du capital social de la société, augmentée des intérêts au taux de 9% l’an, à compter du 03 septembre 2015,

Dit que les intérêts sur les sommes dues seront capitalisés par période annuelle conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Déboute Monsieur [D] [I] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle,

Déboute Monsieur [D] [I] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle,

Déboute Madame [M] [O] de sa demande de révocation de Monsieur [D] [I] de ses fonctions de gérant de la SCI MORGAN INVEST,

Déboute Madame [M] [O] de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne Madame [M] [O] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Olivier AUMAITRE en application de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne Madame [M] [O] à payer à la SCI MORGAN INVEST et à Monsieur [D] [I] la somme de 2.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire,

Fait et jugé à Paris le 03 juin 2024

Le Greffier Le Président
Robin LECORNU Pascale LADOIRE-SECK


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pec sociétés civiles
Numéro d'arrêt : 17/15952
Date de la décision : 03/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-03;17.15952 ?
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