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31/05/2024 | FRANCE | N°23/06373

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 6ème chambre 2ème section, 31 mai 2024, 23/06373


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :




6ème chambre 2ème section


N° RG 23/06373 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZ3A6

N° MINUTE :

Contradictoire

Assignation du :
11 Mai 2023















JUGEMENT
rendu le 31 mai 2024
DEMANDERESSE

Compagnie d’assurance MACIF
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentée par Maître Sabine DUCROUX SOUBRY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0775



DÉFEND

ERESSES

MILLENIUM INSURANCE COMPANY LIMITED, société de droit étranger dont le siège social est situé [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège, et représe...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

6ème chambre 2ème section


N° RG 23/06373 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZ3A6

N° MINUTE :

Contradictoire

Assignation du :
11 Mai 2023

JUGEMENT
rendu le 31 mai 2024
DEMANDERESSE

Compagnie d’assurance MACIF
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentée par Maître Sabine DUCROUX SOUBRY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0775

DÉFENDERESSES

MILLENIUM INSURANCE COMPANY LIMITED, société de droit étranger dont le siège social est situé [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège, et représentée en France par la société LEADER UNDERWRITING, agent souscripteur, SAS enregistrée au RCS de Versailles sous le n° 750686941, venant aux droits de MILLENNIUM INSURANCE COMPANY,
[Adresse 9]
[Localité 6],

représentée par Maître Charles DE CORBIÈRE de la SCP STREAM, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P132

Décision du 31 Mai 2024
6ème chambre 2ème section
N° RG 23/06373 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZ3A6

S.A.R.L. ISO DECO
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Med salah DJEMAI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0370

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Nadja GRENARD, Vice-présidente
Madame Marion BORDEAU, Juge
Madame Stéphanie VIAUD, Juge

assistée de Madame Audrey BABA, Greffier

DEBATS

A l’audience du 21mars 2024 tenue en audience publique devant Madame Marion BORDEAU, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

- Contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Nadja Grenard , Présidente de formation et par Madame Audrey BABA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

En 2016, Monsieur [N] [M], propriétaire d’une maison sise [Adresse 2] à [Localité 8], a fait réaliser des travaux de rénovation de son logement par l’entreprise ISO DECO assurée auprès de la société MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LIMITED (ci-après la société MIC).

En cours de chantier, le 27 septembre 2016, un incendie s’est déclaré dans la cuisine du logement.

Monsieur [M] a déclaré le sinistre à son assureur, la MACIF, et des opérations d'expertise amiable ont été diligentées.

La MACIF atteste avoir indemnisé son assuré et réglé toutes les sommes nécessaires à la remise en état des lieux.

Par acte d'huissier en date du 17 septembre 2019, la MACIF a assigné devant le tribunal judiciaire de Paris la société ISO DECO et son assureur la société MILLENNIUM INSURANCE.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 10 septembre 2021, la MACIF sollicite du tribunal de :

-“Condamner les sociétés ISO DECO et MILLENNIUM, Compagnie d’assurances de l’entreprise ISO DECO, in solidum à indemniser tous les préjudices subis du fait de l’incendie survenu au domicile de Monsieur [N] [M].

-Condamner in solidum les sociétés ISO DECO et MILLENNIUM, à verser à la MACIF subrogée dans les droits et actions de son assuré Monsieur [N] [M] la somme 291.484,60€.

-Les condamner in solidum à payer 10.000€ de dommages et intérêts à la MACIF subrogée pour résistance abusive.

-Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

-Les condamner in solidum à payer à la MACIF subrogée la somme de 8.000€ sur le fondement de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile.

-Les condamner in solidum aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître DUCROUX-SOUBRY, selon les articles 699 et suivants du code de procédure civile”.

Au soutien de ses prétentions, la MACIF fait notamment valoir que :

- la société ISO DECO qui devait repeindre le plafond de la cuisine, avait disposé des bâches sur les meubles et appareils électroménagers et que c’est l’allumage de la plaque de cuisson et l’embrasement des bâches qui a provoqué l’incendie ;

- l’ouvrier de la société ISO DECO étant seul dans la maison au moment du sinistre, la responsabilité de la société ISO DECO est engagée ;

- les opérations d’expertise amiable se sont déroulées en présence des deux experts mandatés par chacune des compagnies d’assurances lesquels étaient d’accord sur les causes et circonstances du sinistre ainsi que sur les chiffrages ;

- la MACIF a indemnisé son assuré et est subrogée, conformément à l’article L 121-12 du code des assurances, à hauteur de 291.484,60€ étant précisé que la différence entre le montant figurant au rapport d'expertise amiable et le montant versé par la MACIF subrogée s’explique par le fait que, postérieurement à la réunion d’expertise des aggravations ont été déplorées chez Monsieur [M], et les travaux de remise en état ont duré beaucoup plus longtemps que les prévisions initiales.

*

Suivant conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 27 mai 2021, la société ISO DECO sollicite du tribunal de :

- “S’ENTENDRE celle-ci, mise hors de cause.

- DEBOUTER en conséquence la MACIF de toute ses demandes, fins et conclusions.

- S’ENTENDRE la MACIF condamnée au paiement de la somme de 8.000 € par application de l’article 700 du CPC.

Subsidiairement, et au visa de l’article 336 et suivants du CPC.

- DIRE & JUGER qu’au vue des dispositions contractuelles en vigueur au moment du sinistre, la compagnie MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LIMITED sera tenue de garantir ISO DECO, de toutes condamnations prononcées contre cette dernière.

- STATUER en ce cas sur l’article 700 ce que de droit.

- CONDAMNER la partie succombante, aux entiers dépens, dont distraction”.

Au soutien de ses prétentions, la société ISO DECO fait notamment valoir que :

- l’origine et les causes de l’incendie n’ont pas été éclaircies ;

- le chiffrage des sommes sollicitées, non débattu contradictoirement, apparaît sans commune mesure avec la remise en état d’un appartement d’une superficie modeste, dont l’état antérieur est inconnu.

*

Suivant conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 13 mars 2020, la société MIC sollicite du tribunal de :

“A titre principal

- DEBOUTER la MACIF de l’intégralité de ses demandes formulées contre MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LTD ;

A titre subsidiaire

- JUGER que la franchise et le plafond de garanties de MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LIMITED est opposable à la MACIF, et en cas de condamnation, la limiter à ces montants ;

En tout état de cause

- DEBOUTER la MACIF de sa demande de dommages et intérêts au titre d’une résistance abusive de MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LTD ;

- CONDAMNER la MACIF à verser à MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LIMITED la somme de 5.000 EUR au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens”.

Au soutien de ses prétentions, la société MIC fait notamment valoir que :

- la MACIF ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par la société ISO DECO ;

- en l'absence de réception la garantie décennale de la société ISO DECO n’est pas plus mobilisable;

- la MACIF ne justifie pas du montant total de la subrogation qu’elle avance ;

- elle ne saurait être condamnée pour résistance abusive pour avoir refusé sa garantie alors que l’origine de l’incendie n’est pas déterminée et n'est dors paimputable à son assuré.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 juin 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 21 mars 2024.

MOTIFS

I.Sur les demandes principales

La MAFIC indique disposer d'un recours subrogatoire en application de l’article L 121-12 du code des assurances à l'encontre de la société ISO DECO et de son assureur la société MIC sur le fondement des articles 1103(ancien 1134), 1194 (ancien 1135), 1217, 1231-1 (ancien 1147) et 1792 du code civil.

Selon l'article L121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur étant précisé que le recours ne peut s'exercer que dans la mesure de ce qui a été payé et dans la limite de la créance détenue par l'assuré contre le responsable.

En l'espèce, il est constant qu'en septembre 2016, Monsieur [M] a confié à la société ISO DECO la réalisation de travaux de rénovation de son logement situé [Adresse 2] à [Localité 8] (aucun devis signé ou contrat n'est versé aux débats).

Il ressort des pièces versées aux débats que l'ouvrage n'avait pas encore été réceptionné lorsque l'incendie est survenu, en cours de chantier le 27 septembre 2016, de sorte que la responsabilité de l'entreprise ne peut être engagée que sur le fondement de la responsabilité de droit commun.

La MACIF soutient que la responsabilité de la société ISO DECO doit être retenue dans la mesure où elle a commis une faute à l'origine du sinistre.

Elle reproche à l’ouvrier de l’entreprise ISO DECO d’avoir utilisé la gazinière pour allumer une cigarette et d’avoir rebâché rapidement au-dessus de la gazinière pour réaliser la peinture du plafond.

Les parties défenderesses soutiennent que l'origine de l'incendie est indéterminée.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats les éléments suivants :

- il ressort du rapport d'intervention de la préfecture de police du 6 décembre 2016 que les sapeurs pompiers ont été appelés le 27 septembre 2016 à 12h49 et que l'incendie est survenu dans la cuisine et la chambre commune.

- il ressort de la main courante du 27 septembre 2016 que: «l'équipage de police a été dirigé à l'adresse précitée pour un incendie. Sur place, il s'agit d'un incendie de pavillon. (…) Une voisine Madame [E] (…) a indiqué avoir vu un ouvrier sortir du pavillon peu avant l'incendie (…) le pavillon a été entièrement détruit par les flammes. Une proposition de relogement a été faite par l'assurance des victimes et un responsable de la mairie présent sur place ».

- il ressort du rapport d'expertise amiable EUREXO du 12 mai 2017 suite aux réunions des 3 mars 2017 et 13 avril 2017 tenues en présence des experts de la société MIC et de la MACIF que l'incendie est survenu le 27 septembre 2016 lequel s'est déclaré dans la cuisine du logement de Monsieur [M] avec intervention des sapeurs-pompiers à 12h49. Il est précisé que la société ISO DECO intervenait depuis la veille pour des travaux de peinture dans la cuisine et qu'elle était seule dans le logement au moment du sinistre. »

L'expert amiable conclut que «l'incendie est imputable à un acte accidentel imputable à l'entreprise ISO DECO occasionnant l'inflammation des bâches de protection dans la cuisine suivi de l'incendie du logement ».

Il convient de relever que seul l'expert amiable de la MACIF a signé le rapport d'expertise et qu'aucune preuve de la présence aux opérations d'expertise des experts amiables de la société ISO DECO et de son assureur la MACIF n'est rapportée.

Ainsi, s'il est établi que l'incendie est survenu en cours de chantier, alors que seuls les ouvriers de la société ISO DECO étaient présents sur les lieux, force est de constater que l'origine de l'incendie est restée indéterminée, les pièces produites ne permettant pas de déterminer les causes de celui-ci.

Dès lors, il n'est nullement établi que le sinistre a été causé par la faute de l'entrepreneur. Il n'est pas davantage soutenu ni démontré, les causes de l' incendie étant indéterminées, que l' incendie est due à la mauvaise exécution du contrat de louage d'ouvrage.

Par conséquent, aucune faute contractuelle n'est rapportée.

En outre, il convient de relever que la MACIF, en sa qualité d'assureur du maître de l'ouvrage, ne peut solliciter la mise en œuvre de la théorie des risques prévue par l'article 1788 du code civil lequel dispose : «Si, dans le cas où l'ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose ».

En effet, cet article ne s’applique que lorsque le maître d'ouvrage sollicite le remboursement des sommes versées aux entrepreneurs pour les travaux réalisés alors que l’ouvrage sur lequel ces travaux ont été faits a été détérioré, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. De plus, l’article 1788 du code civil ne s’applique que lorsque l’entrepreneur fournit la matière, or la société ISO DECO n'a fourni que son travail et son industrie.

Il convient au surplus de relever qu'en application de l'article 1789 du code civil lequel dispose « Dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute », l'entrepreneur répond de la conservation de la chose s'il commet une faute.

Or, au regard des seuls éléments produits, aucune pièce versée aux débats ne permet d'établir une faute commise par la société ISO DECO à l'origine de l'incendie survenue au domicile de Monsieur [M] le 27 septembre 2016.

Par conséquent, la MACIF sera déboutée de ses demandes tant au titre de son recours subrogatoire que sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

II.Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la MACIF succombant, les dépens seront mis à sa charge.

Chaque partie supportera ses propres frais irrépétibles en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'exécution provisoire est de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par jugement contradictoire rendu par voie de mise à disposition au greffe et en premier ressort :

DÉBOUTE la MACIF de l'intégralité de ses demandes ;

CONDAMNE la MACIF aux entiers dépens ;

DIT que chaque partie supportera ses propres frais irrépétibles

DIT que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

RAPPELLE l'exécution provisoire du jugement ;

Fait et jugé à Paris le 31 mai 2024

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 6ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 23/06373
Date de la décision : 31/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-31;23.06373 ?
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