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31/05/2024 | FRANCE | N°22/00391

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 2ème section, 31 mai 2024, 22/00391


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




9ème chambre
2ème section


N° RG 22/00391 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CVYS2

N° MINUTE : 2




Assignation du :
17 Décembre 2021









JUGEMENT
rendu le 31 Mai 2024
DEMANDERESSE

Madame [U] [J] épouse [S]
Élisant domicile chez Maîtres Dominique LAURANT et Yann CHABANE
Cabinet LMD Avocats
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maîtres Dominique LAURANT

et Yann CHABANE, du Cabinet LMD Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D0939



DÉFENDERESSE

LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES, poursuites et diligences de la DIRECTION RÉGIONALE...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre
2ème section

N° RG 22/00391 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CVYS2

N° MINUTE : 2

Assignation du :
17 Décembre 2021

JUGEMENT
rendu le 31 Mai 2024
DEMANDERESSE

Madame [U] [J] épouse [S]
Élisant domicile chez Maîtres Dominique LAURANT et Yann CHABANE
Cabinet LMD Avocats
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maîtres Dominique LAURANT et Yann CHABANE, du Cabinet LMD Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D0939

DÉFENDERESSE

LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES, poursuites et diligences de la DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D’ÎLE DE FRANCE ET DE PARIS
Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - Pôle juridictionnel judiciaire
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentée par son Inspecteur

Décision du 31 Mai 2024
9ème chambre 2ème section
N° RG 22/00391 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVYS2

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Gilles MALFRE, Premier Vice-Président adjoint
Augustin BOUJEKA, Vice-Président
Alexandre PARASTATIDIS, Juge

assistés de Alise CONDAMINE-DUCREUX, Greffière

DÉBATS

À l’audience du 15 Mars 2024 tenue en audience publique devant Monsieur BOUJEKA, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

___________________

FAITS ET PROCÉDURE

[C] [J] est décédé le [Date naissance 2] 2000, laissant pour lui succéder son épouse, [Z] [M], mariée avec lui sous le régime de la communauté légale et leurs trois enfants, Madame [U] [J], épouse [S], Madame [E] [J], épouse [O] et Monsieur [H] [J].

La déclaration de succession a fait l’objet d’un dépôt en date du 27 février 2001, les droits de succession étant réglés au moyen de fonds prélevés sur le compte de l’indivision successorale réunissant [Z] [J], Madame [U] [S], Madame [E] [O] et Monsieur [H] [J].

[Z] [J] est décédée le [Date décès 4] 2014, laissant pour lui succéder Madame [O], Monsieur [H] [J] et Madame [S] qui ont souscrit une déclaration de succession déposée le 19 mars 2015.

L’administration fiscale a considéré que la déclaration de succession de [C] [J] avait révélé une récompense de 405 843,69 francs dont la communauté était débitrice à l’égard de [Z] [J] et dès lors que la seule moitié de cette somme avait été déduite de l’actif successorale de [C] [J], l’autre moitié constituait une créance de [Z] [J] à l’égard des héritiers de [C] [J].
Par proposition de rectification en date du 5 juin 2019, l’administration a informé Madame [S] de ce qu’elle entendait réintégrer ces créances à l’actif successoral.

Par correspondance du 29 juillet 2019, Madame [S] a exprimé son désaccord sur les rectifications contenues dans cette proposition suivant des observations rejetées par l’administration selon réponse du 18 novembre 2020.

Par avis en date du 31 mars 2021, le service a mis en recouvrement les droits dus par Madame [S], au montant de 23.624 euros, augmenté d’intérêts de retard de 4.158 euros, soit une somme totale de 27.782 euros.

Par réclamation contentieuse en date du 26 avril 2021, Madame [S] a contesté le rehaussement, l’administration lui donnant partiellement raison par décision du 29 octobre 2021, qui a ramené les droits à 19.500 euros et les pénalités de retard à 3.432 euros.

C’est dans ce contexte que par acte du 22 décembre 2021, Madame [S] a poursuivi la contestation de ces droits et aux termes de ses dernières écritures signifiées le 17 octobre 2023, demande à ce tribunal de :
- constater que l'administration est prescrite dans son action et en conséquence, prononcer la décharge de la totalité de l'imposition contestée s'élevant à 22 932 euros ;
- prononcer la décharge de la totalité de l'imposition contestée s'élevant à 22 932 euros aux motifs d'une part, que les créances dont l'administration demande la réintégration à l'actif successoral sont prescrites et d'autre part, que l'administration ne présente aucun argument juridique justifiant un redressement ;
- condamner l’administration à verser 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par écritures signifiées le 19 juin 2023, l’administration demande à ce tribunal de :
- débouter la requérante de toutes ses demandes ;
- confirmer sa décision du 29 octobre 2021 ;
- condamner la requérante à tous les dépens de l’instance.

La clôture a été prononcée le 22 décembre 2023, l’affaire étant appelée à l’audience du 15 mars 2024 et mise en délibéré au 31 mai 2024.

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la prescription

Madame [S] se prévaut des dispositions de l’article L.180 du livre des procédures fiscales pour soutenir que l’administration était prescrite dans son action au jour où la proposition de rectification afférente à l’imposition en litige lui a été adressée. Elle précise que la déclaration de succession a été envoyée au service le 19 mars 2015 et l’administration avait jusqu’au 31 décembre 2018 pour procéder au contrôle et au redressement inhérents. Or selon Madame [S], la proposition de rectification notifiant le redressement étant en date du 5 juin 2019, l’administration est prescrite dans son action, de sorte que la procédure est nulle pour vice de forme, la décharge des impositions litigieuses devant être en conséquence prononcée.

En réplique, l’administration fait valoir que l’argument de la requérante, tiré de la prescription, ne peut prospérer dès lors que celle-ci omet de citer le second alinéa de l’article L.180 du livre des procédures fiscales qui conditionne l’opposabilité du délai de prescription au fait que l’exigibilité des droits et taxes ait été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à l’administration. Elle précise que les créances qu’elle souhaite inclure dans l’actif successoral ne figuraient pas dans la déclaration et qu’elle a dû effectuer d’autres recherches afin de déterminer les droits exigibles relatifs à ces créances, de telle sorte que le droit de reprise n’est pas prescrit. Lorsqu’il n’est pas prévu de délai de reprise plus long ou plus court, le droit de reprise s’exerce, selon l’administration, jusqu’à la sixième année suivant celle du fait générateur de l’impôt, ce fait générateur étant le décès en matière de droits de succession et comme [Z] [J] est décédée le [Date décès 4] 2014, l’administration avait jusqu’au 31 décembre 2020 pour procéder au redressement et dès lors que la proposition de rectification est en date du 5 juin 2019, le délai de reprise a été respecté.

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 180 du livre des procédures fiscales, « Pour les droits d'enregistrement, la taxe de publicité foncière, les droits de timbre, ainsi que les taxes, redevances et autres impositions assimilées, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle de l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration ou de l'accomplissement de la formalité fusionnée définie à l'article 647 du code général des impôts ou, pour l'impôt sur la fortune immobilière des redevables ayant respecté l'obligation prévue à l'article 982 du même code, jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due.

Toutefois, ce délai n'est opposable à l'administration que si l'exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité ou, pour l'impôt sur la fortune immobilière, par le dépôt de la déclaration et des annexes mentionnées au même article 982, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures. »

Au cas particulier, il sera relevé qu’en page 3 de la proposition de rectification destinée à Madame [S], l’administration indique ne pas avoir procédé au redressement querellé sur la seule base de la déclaration de la succession de [Z] [J].

Elle précise en effet s’être livrée à d’autres recherches aux fins de vérification de la teneur de cette déclaration concernant la créance résultant du paiement par [Z] [J] des frais et droits se rapportant à la succession de [C] [J], son conjoint prédécédé, en obtenant du notaire en charge de cette succession des informations relatives au compte au nom de l’indivision successorale de [C] [J].

L’administration ajoute qu’une créance de [Z] [J] sur la succession de [C] [J] a pu de la sorte être révélée, indiquant encore s’être livrée à des recherches l’ayant conduite à examiner la déclaration de succession de [C] [J] souscrite le 18 août 2000.

Madame [S] ne conteste en rien ces propos, se bornant à soutenir que la proposition de rectification a été formulée au-delà du cours de la prescription triennale applicable en l’espèce.

En considération de ce qui précède, il est établi que l’administration a dû se livrer aux recherches prévues à l’alinéa 2 de l’article L. 180 du livre des procédures fiscales pour procéder aux rectifications contestées, de telle sorte que le droit de reprise était soumis, non pas au délai triennal prévu par ce texte, mais à la prescription sexennale à laquelle le même texte renvoie.

En conséquence, le grief tiré de la prescription n’est pas fondé et sera rejeté.

2. Sur le bien-fondé de l’imposition

Madame [S] conteste les deux éléments à l’origine du redressement, consistant dans la créance résultant du paiement par la défunte des frais et droits afférents à la succession de son conjoint prédécédé d’un côté et, de l’autre côté, la créance de la défunte sur la succession de son conjoint prédécédé résultant d’une récompense due par la communauté à la défunte.

Sur le paiement des droits afférents à la succession de [C] [J]

S’agissant du paiement des droits de succession du conjoint prédécédé par [Z] [J], Madame [S] indique que les droits de succession litigieux, à l’époque d’un montant de 1.686.669 francs, ont été payés avec le compte d’indivision successorale. Elle conteste l’analyse de l’administration qui, selon elle, estime que la moitié de cette somme, d’un montant converti de 115.308,67 euros, constitue une créance de [Z] [J] sur ses enfants et doit en conséquence être réintégrée dans la succession, principalement parce que cette créance était prescrite, subsidiairement parce que l’administration ne fournit aucun élément démontrant que les enfants n’ont pas payé eux-mêmes les droits de succession, très subsidiairement parce que le redressement ne repose sur aucun fondement juridique.

À propos de la prescription, Madame [S] soutient qu’elle fait obstacle à ce que cette créance soit incluse dans la succession, soulignant qu’elle est née à la date du 23 février 2001, date du paiement des droits de succession, dès lors soumise à la prescription de 30 ans à l’époque, laquelle courait normalement jusqu’au 23 février 2031, la loi du 17 juin 2008 ayant ramené toutefois cette prescription à 5 ans, de telle sorte que la créance est prescrite en application de l’article 26, II de cette dernière loi.

Au sujet de la preuve que les enfants de [Z] [J] n’ont pas payé les droits de succession suite au décès de leur père [C] [J] en 2001, Madame [S] estime que l’administration ne l’établit pas, alors que la loi l’y oblige. Elle considère que même si le partage n’a pas été effectué par devant notaire après le décès de [C] [J] en 2001, une répartition des actifs effectuée entre [Z] [J] et ses trois enfants est intervenue après le paiement des droits de succession, démontrant que ces droits incombant aux trois enfants ont été réglés avec les fonds appartenant à ceux-ci. Elle précise que la succession de [C] [J] comportait un compte-titre numéro 5450, ouvert dans les livres de la Société Générale, déclaré dans la masse active de la communauté, d’une valeur globale de 16.904.836,36 francs, soit 2.577.125,69 euros. Selon Madame [S], certains des titres figurant sur ce compte appartenaient à [Z] [J], d’une valeur globale de 896.774,21 francs, soit 136.712,35 euros, déduite de la masse active du compte-titres d’un montant total de 16.008.062,15 francs, soit 2.577.125,69 euros, appartenant, conformément à la réglementation, à [Z] [J] et qui n’a donc pas été incluse dans la succession, auquel il convient d’ajouter 896.774,21 francs de titres détenus en propre par celle-ci. Elle expose que [Z] [J] ayant opté pour l’usufruit de 50 % de l’héritage de son défunt époux, ce compte-titres a été démembré dans le cadre de la succession, les trois enfants ayant la nue-propriété. Elle ajoute qu’afin de distinguer les titres détenus en propre par [Z] [J] et ceux démembrés, ceux-ci ont été transférés, le 24 décembre 2002, sur un compte dénommé numéro 8188 toujours à la Société Générale, sans que cet établissement soit en mesure de fournir un relevé à cette date, [Z] [J] ayant ultérieurement transféré les titres lui appartenant mais encore abrités par le compte-titres de la succession vers un autre compte-titres numéro 2081 toujours à la Société Générale. Elle indique qu’au jour du décès de [C] [J] et en considération de la déclaration de succession de celui-ci, tableau à l’appui, le ratio de répartition des actifs financiers établissait à 58 % les avoirs propres de [Z] [J] et à 42 % ceux des héritiers, répartition qui doit être maintenue après règlement des droits de succession. Elle estime que les éléments ainsi produits et exposés démontrent que le partage a été effectué en tenant compte des droits de succession dus par les héritiers pour la part leur revenant. Elle fait remarquer que le paiement des dettes et des droits de succession a été effectué en utilisant toute leur part des comptes financiers liquides et en vendant des titres figurant sur le compte-titres numéro 5450 pour environ 1.000 KF. Elle considère dès lors que le fait que le ratio de répartition à la date de la succession soit identique au ratio de répartition lors du partage successoral, démontre que chaque héritier a payé lui-même les droits de succession lui revenant, en sorte que le redressement est contesté à bon escient. En réponse à la contestation adverse, Madame [S] observe que compte-tenu de leur ancienneté, elle ne dispose plus des relevés de ventes de titres effectuées il y a plus de 20 ans, en 2000 et en 2001, mais dispose des relevés du compte 5450 établis par la Société Générale au 31 décembre 2001 ainsi qu’au jour du décès de [C] [J], révélant des cessions de titres intervenues entre ces deux dates, d’environ 1.000.000 de francs, correspondant à une estimation réelle du montant des ventes puisque le prix unitaire demeure inconnu à la concluante mais proche du montant de 958 KF dont les enfants avaient besoin pour payer leurs droits de succession.

Quant à l’absence de fondement juridique du redressement de l’administration, Madame [S] fait valoir que celle-ci indique que les droits de succession ne constituent pas une charge de l’indivision successorale mais une charge personnelle des héritiers et que chaque héritier doit acquitter personnellement l’impôt le concernant, en citant comme source le Jurisclasseur, qui selon la concluante, n’est pas une source de droit, de telle sorte que l’affirmation n’est pas fondée. Pareillement, elle considère comme dénuée de tout fondement juridique, pour ne reposer sur aucun texte ni jurisprudence, l’affirmation de l’administration selon laquelle lorsque l’indivision successorale règle les frais et droits relatifs à la succession du prémourant, le conjoint survivant devient créancier des autres indivisaires pour la fraction du versement excédant sa part dans la succession du prémourant, c’est-à-dire pour la moitié des versements, la créance étant dès lors imposable dans la succession du conjoint survivant. Elle ajoute que l’assertion de l’administration, contenue dans la décision de rejet partiel du 29 octobre 2021, selon laquelle la présence de [Z] [J] seule chez le notaire en charge du règlement de la succession de son défunt mari démontre que les droits de succession des trois enfants ont été payés par [Z] [J], n’est pas pertinente, alors que le lien ainsi établi entre la personne signant la déclaration de succession et celle payant les droits de succession ne repose sur aucun fondement juridique.

En réplique, l’administration fait valoir que la position de la requérante, consistant à soutenir qu’une créance de récompense ne peut figurer à l’actif de la succession dès lors qu’elle est prescrite, ne repose sur aucun fondement juridique. Elle précise que la doctrine administrative citée par la partie adverse (BOI-ENR-DMTG-10-40-10-40, section 60) n’indique pas que les créances prescrites ne doivent pas figurer à l’actif de la succession, de même que l’article 773, 5° du code général des impôts vise les dettes, mais non les créances. Elle ajoute que le raisonnement est d’autant plus erroné qu’il confond prescription de l’obligation et prescription de l’action, en ce que la prescription quinquennale éteint le droit d’agir mais non l’obligation. Elle ajoute que quand bien même le tribunal en viendrait à retenir que la prescription de l’action entraîne la prescription du droit, ce délai de prescription ne court pas entre ascendants et enfants, en application de l’article 2237 du code civil, en ce que [Z] [J] a accepté la succession de son conjoint prémourant.

Quant à l’absence de preuve que les enfants ont eux-mêmes payé les droits de succession, l’administration estime que l’argument contraire développé par la requérante ne peut prospérer. Elle souligne à cet égard que l’affirmation adverse ne peut être considérée comme exacte que si [Z] [J] avait conservé, suite au partage, ses droits sur les actifs financiers à la date de la succession, soit en valeur la somme de 9.530.380 francs. Or pour l’administration, ses droits, après répartition des actifs financiers, ne sont plus que de 6.049 KF, soit une perte de 3.481 KF, par rapport à ses droits à la date de la succession, peu important que le ratio après la répartition soit le même que celui qui était le sien au décès de [C] [J]. Il s’ensuit qu’à défaut d’avoir établi que [Z] [J] avait dans son patrimoine 3.481 KF suite à la répartition invoquée, la requérante n’apporte pas la preuve que chaque héritier a payé lui-même les droits de succession correspondant à la part successorale qu’il a recueillie. À l’argument adverse tiré de l’évolution des cours de bourse des titres figurant sur le compte-titres de la succession et de la vente de titres figurant sur ce compte pour payer les droits de succession, l’administration rappelle que le service a indiqué dans la proposition de rectification que la comptabilité du notaire chargé de la succession de [C] [J] établit que l’indivision a versé, le 22 février 2001 en paiement des frais et droits de succession, une somme de 1.617.141,66 francs. Elle précise que la requérante n’a pas apporté la preuve que les cessions des titres figurant sur le compte-titres numéro 5450 ont été effectuées avant le 22 février 2001 et que ce sont les sommes provenant des différentes cessions qui ont permis le versement sur le compte du notaire en charge de la succession de [C] [J].

Sur ce,

À propos de la prescription invoquée par Madame [S], il sera rappelé qu’en application de l’article 1433 du code civil, la communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres.

De plus, en application de l’article 1468 du code civil, il est établi, au nom de chaque époux, un compte des récompenses que la communauté lui doit et des récompenses qu'il doit à la communauté.

En outre, en application de l’article 1474 du code civil, les prélèvements en biens communs constituent une opération de partage. Ils ne confèrent à l'époux qui les exerce aucun droit d'être préféré aux créanciers de la communauté, sauf la préférence résultant, s'il y a lieu, de l'hypothèque légale.

Enfin, en application de l’article 2237 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net, à l'égard des créances qu'il a contre la succession.

Il résulte de la combinaison de ces textes (Cass. Civ. 1ère, 28 avril 1986, n°84-16.820) qu’il est établi au nom de chaque époux un compte des récompenses qu'il doit à la communauté et celles que la communauté lui doit.

Si, balance faite, le solde existe en faveur de la communauté, l'époux en rapporte le montant à la masse commune et, dans le cas inverse, il peut, à son choix, en exiger le paiement ou exercer sur les biens communs un prélèvement qui est une opération de partage.

Dès lors, le droit à récompense, qui s'exerce à l'occasion du partage, ne peut se prescrire tant que le partage peut être demandé.

Au cas particulier, il est constant qu’à la date du 23 février 2001, date du paiement des droits afférents à la succession de [C] [J], il existait une indivision entre l’épouse de celui-ci, [Z] [J], conjoint survivant marié sous le régime de la communauté légale et leurs trois enfants, à savoir Madame [S], Madame [O] et Monsieur [J].

Il est tout aussi constant qu’à cette date du 23 février 2001, aucun partage ayant mis fin à cette indivision était intervenu entre [Z] [J] et les trois enfants cohéritiers.

Certes, Madame [S] se prévaut d’un partage intervenu ultérieurement pour mettre fin à l’indivision née du décès de [C] [J], ce partage ayant eu lieu entre [Z] [J] et ses trois enfants.

Pour autant, la date de ce partage allégué par Madame [S] n’est pas établie avec certitude par l’intéressée qui se borne à souligner son existence par un démembrement postérieur de la masse active de la succession de [C] [J] et à indiquer qu’une créance de récompense de [Z] [J], à la supposer exister, est prescrite en application de l’article 26 II de la loi du 17 juin 2008 de réforme de la prescription ramenant à 5 ans le délai de prescription trentenaire jusque-là applicable.

Cependant, il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent qu’aucun partage ayant date certaine n’est intervenu entre [Z] [J], Madame [S], Madame [O] et Monsieur [J] depuis le 23 février 2001, date du paiement des droits afférents à la succession de [C] [J].

En l’absence d’un tel partage, la prescription d’un éventuel droit à récompense détenu par [Z] [J] sur l’indivision post-communautaire ayant existé entre elle-même et son époux prémourant n’a pu commencer de courir.

Par suite, le grief tenant à la prescription invoquée par Madame [S] n’est pas fondé et sera en conséquence rejeté.

Concernant le paiement contesté des droits afférents à la succession de [C] [J], il sera rappelé qu’en vertu des dispositions combinées des articles L.17, L.55 et L.57 du livre des procédures fiscales, il incombe à l’administration d’apporter la preuve de l’insuffisance de prix ou des valeurs qu’elle entend soumettre à rectification dans le cadre de la procédure contradictoire visant à appliquer à un contribuable le paiement de droits d’enregistrement rectifiés.

Au cas particulier, la charge de la preuve du paiement par Madame [S] et de ses deux cohéritiers des droits que ceux-ci devaient acquitter dans le cadre de la succession de [C] [J], leur défunt père, incombe à la requérante dès lors que c’est celle-ci qui s’en prévaut.

À cet égard, il sera rappelé que c’est Madame [S] et ses cohéritiers qui invoquent le paiement des droits de succession en litige en 2001 non pas par [Z] [J], mais au moyen de deniers leur appartenant.

En revanche, si l’administration soutient que de tels droits ont été réglés non pas par les trois cohéritiers dont Madame [S], mais par leur mère [Z] [J], au moyen de fonds provenant de l’indivision successorale de [C] [J], il lui incombe d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, l’administration soutient que le service vérificateur a exercé son droit de communication auprès de l’étude notariale en charge de la succession de [C] [J], en 2000 et 2001.

Cette communication aurait révélé, selon l’administration, que les droits dus au titre de la succession de [C] [J] ont été réglés par prélèvement sur l’indivision successorale de celui-ci, le fait apparaissant d’autant moins contestable que [Z] [J] a signé seule la déclaration de succession et était seule présente à l’étude notariale au jour de signature de cette déclaration.

Néanmoins, la seule circonstance que [Z] [J] a signé seule la déclaration de succession et était seule présente à l’étude notariale au jour de cette déclaration est impropre à établir qu’elle a acquitté les droits afférents à la succession de son conjoint prémourant à l’aide de deniers provenant de l’indivision successorale.

En réalité, Madame [S] et ses deux cohéritiers ne contestent pas que de tels droits aient été réglés par prélèvement sur le compte de l’indivision, mais soutiennent que les sommes réglées leur appartenaient en propre et n’ont pas été versées par leur mère.

À cet égard, il est produit aux débats un document émanant de la SCP Baffet Gory, étude notariale en charge de la succession de [C] [J], que les parties reconnaissent comme étant le compte de l’indivision successorale de [C] [J].

À la date du 23 février 2001, ce compte enregistre une opération au débit de 1.686.669 francs dont le libellé indique « ENREG.DREUX DROITS SSION. ».

Il est acquis aux débats que cette opération correspond au règlement des droits dus au titre de la succession de [C] [J].

Dès lors que ce règlement est effectué par prélèvement sur l’indivision successorale de [C] [J], le service vérificateur était en droit de le considérer comme émanant de l’indivision elle-même, charge aux cohéritiers, dont Madame [S], contribuable de la dette constituée par les droits de succession, de prouver que le paiement litigieux a été effectué à l’aide de deniers propres.

Relativement à une telle preuve, à partir du moment où il n’est ni allégué, ni démontré l’existence d’une convention de quasi-usufruit conclue, postérieurement au décès de [C] [J], entre sa veuve [Z] [J] et les trois enfants de celle-ci, dont Madame [S], aux fins de régler par anticipation des contestations telles que celles portant sur les paiements des droits dus au titre de la succession de [C] [J], il appartient à Madame [S] et à ses cohéritiers, qui affirment avoir réglé ces droits avec des deniers propres, d’étayer cette affirmation au moyen d’éléments objectifs et univoques.

À ce propos, Madame [S] justifie le paiement de tels droits en invoquant un partage intervenu postérieurement à leur règlement.

Ce partage serait intervenu, postérieurement au règlement des droits afférents à la succession de [C] [J] le 23 février 2011, par démembrement du compte-titres ayant servi à ce paiement.

Pour établir que les droits afférents à la succession de [C] [J] ont été réglés par les enfants [J] dont Madame [S], pour leurs parts, la requérante opère une reconstitution des comptes-titres de l’indivision, et ceux issus des comptes-titres résultant du démembrement dont elle se prévaut, révélant, selon elle, que ses deux cohéritiers et elle-même ont dû vendre pour 958 KF de titres, somme complétée par d’autres avoirs provenant de liquidités figurant sur le compte de [C] [J] et faisant partie intégrante de leurs parts successorales.

Cependant, il sera retenu que la démarche de Madame [S] procède par approximation, en formulant des hypothèses que ne viennent pas corroborer les pièces produites.

Sur ce point, Madame [S] reconnaît elle-même ne pas être en mesure de produire un relevé matérialisant la cession des titres dont le prix a servi à acquitter les droits en cause, se bornant à avancer des chiffres globaux tout en supposant qu’ils reflètent les prix des cessions qu’elle invoque à son profit.

Au surplus, si Madame [S] précise qu’au jour du décès de [C] [J] et en considération de la déclaration de succession de celui-ci, le ratio de répartition des actifs financiers établissait à 58 % les avoirs propres de Madame [Z] [J] et à 42 % ceux des trois cohéritiers dont elle-même, cet élément est insuffisant à établir la preuve que les droits afférents à la succession de [C] [J] ont été réglés sur deniers propres par Madame [S] et ses cohéritiers.

Par suite, l’administration a pu, au regard des éléments dont elle disposait, considérer à juste titre que les droits afférents à la succession de [C] [J] ont été réglés au moyen de fonds provenant de l’actif de l’indivision successorale de [C] [J].

Quant à l’absence de fondement juridique du redressement dont se prévaut Madame [S] affirmant que l’administration prétend, sans en justifier, que les droits de succession ne constituent pas une charge de l’indivision successorale mais une charge personnelle des héritiers, la requérante reproche à l’administration d’appuyer son propos en se référant au Jurisclasseur, lequel n’est pas, selon elle, une source du droit.

Cependant, les fascicules du Jurisclasseur constituent une œuvre doctrinale qui, quoi que n’ayant pas valeur normative, produisent des réflexions, des analyses, des commentaires et développements qui peuvent nourrir peu ou prou l’interprétation du droit positif.

Partie prenante du droit souple, ces fascicules alimentent les démarches argumentatives des praticiens du droit sans que puisse leur être déniée, in abstracto, la qualité de source de droit.

Ceci étant précisé, il sera relevé que le principe de la distinction entre dette de la succession et dette personnelle de l’héritier se trouve clairement énoncé dans les dispositions de l’article 798 du code civil.

Ainsi, le règlement de la dette successorale est assuré par la masse active de la succession alors qu’une dette personnelle de l’héritier se règle sur l’actif du patrimoine de celui-ci.

Plus encore, l’article 1709 du code général des impôts dispose : « Les droits des déclarations des mutations par décès sont payés par les héritiers, donataires ou légataires.

Les cohéritiers, à l'exception de ceux exonérés de droits de mutation par décès, sont solidaires. »

Il résulte des dispositions de ce texte que les héritiers de la même succession, encore que soumis à la solidarité passive d’essence légale qu’elle prévoit, sont, chacun, contribuables personnellement de leur part de dette successorale.

Il s’en déduit nécessairement qu’une dette successorale est par définition personnelle à l’héritier qui en a la charge définitive, sans que cet héritier puisse prétendre ne devoir supporter définitivement le passif fiscal réglé sur les deniers de l’indivision successorale à laquelle il a appartenu.

Par suite, c’est à tort que Madame [S] prétend que le redressement qu’elle conteste est dépourvu de fondement juridique.

Sur la créance de récompense

Concernant la créance de [Z] [J] considérée comme une récompense, d’un montant de 405.843,69 francs, soit 61.870,47 euros que lui devrait la communauté, Madame [S] conteste la position de l’administration qui considère que cette somme a été déduite pour moitié de la masse active de la succession de [C] [J], l’autre moitié consistant dans une créance de 30.935,23 euros, qui réside dans une créance sur le reste de la communauté, soit ses trois enfants, à intégrer dans la succession de [Z] [J] en l’absence de partage. Elle estime, à titre principal, que la créance est prescrite, en application de l’article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 et plus particulièrement de l’article 26 de cette loi, ainsi qu’il a été dit plus avant. À l’argument adverse selon lequel même si la prescription de l’action entraîne la prescription du droit de créance, le délai de prescription ne court pas entre ascendants et enfants, Madame [S] rétorque qu’il s’agit d’une affirmation sans fondement, ne reposant sur aucune disposition légale ou réglementaire. Elle considère, à titre subsidiaire, que la réglementation ne prévoit pas l’inclusion de la récompense dans une déclaration de succession, la récompense n’étant évoquée fiscalement que dans les partages de communauté (BOI-ENR-PTG-10-20). L’administration fait reposer sa position, contraire, sur un arrêt de la Cour de cassation de 1999 (Cass. com., 26 janvier 1999, n°96-22.665), alors que selon Madame [S], cette décision, au demeurant non-publiée, est dépourvue de portée générale, ne prenant pas position sur le fond et se bornant à casser l’arrêt d’appel, de telle sorte que le redressement n’est pas fondé.

Par ailleurs, Madame [S] soutient que le cours des titres figurant sur le compte-titres numéro 5450 a baissé d’environ 38 % entre le 18 août 2001 et le 31 décembre 2002, de telle sorte que [Z] [J] se trouve dans l’impossibilité d’avoir conservé la même somme fin 2002 que celle calculée au jour du décès. Elle conclut dès lors au prononcé de la décharge de l’imposition litigieuse.

En réplique, l’administration expose encore que contrairement aux dires adverses, il existe bien un fondement textuel à l’inscription des créances de récompense à l’actif successoral, à savoir l’article 750 ter du code général des impôts et en l’absence de convention particulière entre [Z] [J] et les héritiers, ceux-ci restent les débiteurs finaux des droits et en l’absence de partage après le décès de [C] [J] survenu le 18 août 2000, ce qui n’est pas contesté, la dévolution successorale s’applique. L’administration estime dès lors avoir été en droit de réintégrer à l’actif successoral la créance que [Z] [J] détenait sur les héritiers du fait qu’elle a payé les droits de succession que ceux-ci devaient supporter.

Sur ce,

Madame [S] se prévaut tout d’abord, à titre principal, de la prescription de la dette de récompense due par la succession de [C] [J] à [Z] [J] pour faire échec au droit de reprise de l’administration.

Or ainsi qu’il a été retenu plus avant, la prescription de la dette de récompense en litige n’a pas commencé de courir à l’encontre des héritiers qui en sont tenus, dont Madame [S], de telle sorte que le grief ne peut prospérer.

Madame [S] se prévaut ensuite de l’absence de fondement juridique de la démarche de l’administration consistant à réintégrer la dette de récompense due par l’indivision successorale de [C] [J] à [Z] [J] dans la déclaration de succession de celle-ci.

Cependant, en application de l’article 750 ter du code général des impôts, la créance de récompense d’un conjoint survivant, qui s’analyse en une créance en reprises, revêt un caractère certain au jour du décès du conjoint prémourant, indépendamment de l’exercice de la reprise par le conjoint survivant.

Il en résulte qu’une telle créance, due par l’indivision successorale du prémourant au conjoint survivant, doit être réintégrée dans la déclaration successorale du conjoint décédé en dernier lieu.

Au cas particulier, le service vérificateur était en droit, sur le fondement de l’article 750 ter du code général des impôts, de réintégrer dans la déclaration de succession de [Z] [J] la créance de récompense détenue par celle-ci sur l’indivision successorale de son mari décédé avant elle le 18 août 2000.

En outre, c’est à juste titre que l’administration se prévaut des dispositions de l’article 1433 du code civil qui énonce notamment que la communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres.

Ainsi, l’administration affirme sans être démentie, que [Z] [J] a apporté des actions, hérité des titres et liquidités dans la succession de ses parents et a vendu des parcelles venant de la succession de ses parents, enrichissant ainsi la communauté qu’elle a naguère formé avec [C] [J] dont la succession lui doit récompense.

Dès lors, le tribunal, non tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, retiendra que l’administration était fondée à réintégrer dans la déclaration de succession de [Z] [J] la créance de récompense due à celle-ci.

Il résulte des éléments qui précèdent que les contestations élevées par Madame [S] ne sont pas fondées, ses demandes devant en conséquence être rejetées.

3. Sur les demandes annexes

Succombant, Madame [U] [S] sera condamnée aux dépens.

Compte tenu de la teneur de cette décision, l’équité commande qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DÉBOUTE Madame [U] [J] épouse [S] de l’ensemble de ses demandes et la condamne aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 31 Mai 2024

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/00391
Date de la décision : 31/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-31;22.00391 ?
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