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31/05/2024 | FRANCE | N°21/14760

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 31 mai 2024, 21/14760


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 21/14760 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVTSI

N° PARQUET : 21/1190

N° MINUTE :


Assignation du :
26 Novembre 2021


C.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 31 Mai 2024

DEMANDERESSE

Madame [K] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Barbara BOAMAH, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, avocat plaidant, vestiaire #289
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DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
Parvis du Tribunal de Paris
[Localité 2]
Sophie Bourla Ohnona, vice-procureure






Décision du 31/05/2024
Chambre du contenti...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 21/14760 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVTSI

N° PARQUET : 21/1190

N° MINUTE :

Assignation du :
26 Novembre 2021

C.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 31 Mai 2024

DEMANDERESSE

Madame [K] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Barbara BOAMAH, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, avocat plaidant, vestiaire #289

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
Parvis du Tribunal de Paris
[Localité 2]
Sophie Bourla Ohnona, vice-procureure

Décision du 31/05/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 21/14760

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Manon Allain, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 29 Mars 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire,
En premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Manon Allain, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 56, 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions de Mme [K] [L] constituées par l'assignation délivrée le 26 novembre 2021 au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 21 octobre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 16 février 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 29 mars 2024,

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 18 mars 2022. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Le 29 avril 2021, Mme [K] [L], se disant née le 30 septembre 2003 à [Localité 4] (Mali), s'est vu opposer un refus d’enregistrement de déclaration de nationalité française souscrite le 24 mars 2021, sous le numéro DnhM 20/2021, sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, refus opposé par la directrice des services de greffe judiciaires déléguée du tribunal de proximité de Saint-Ouen, au motif que les actes d'état civil produits n'étaient pas probants au sens de l'article 47 du code civil (pièce n°11 de la demanderesse). Ce refus lui été notifié le 12 mai 2021 (pièce n°1 du ministère public).

Elle sollicite du tribunal de déclarer qu'elle est de nationalité française. Elle fait valoir qu'elle remplit les conditions posées à l'article 21-12 du code civil.

Le ministère public s'oppose à ces demandes et sollicite du tribunal, à titre principal, de dire l'action de Mme [K] [L] irrecevable, à titre subsidiaire, de dire que Mme [K] [L] n'est pas de nationalité française. Il soutient que la demanderesse ne justifie pas d'un état civil fiable et certain

Sur la recevabilité de l'action de Mme [K] [L]

Le ministère public sollicite du tribunal, à titre principal, de déclarer Mme [K] [L] irrecevable en son action. Il fait valoir que lors de la délivrance de l'assignation, le délai prévu par les dispositions de l'article 26-3 du code civil était expiré.

Mme [K] [L] sollicite d'être déclaré recevable en son action. Elle n'a toutefois pas cru devoir répondre au moyen soulevé par le ministère public.

Le tribunal rappelle donc que l’article 26-3 alinéas 1 et 2 du code civil dispose que la décision du ministre ou du directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire qui refuse d’enregistrer les déclarations qui ne satisfont pas aux conditions légales, est motivée et notifiée au déclarant qui peut la contester devant le tribunal judiciaire durant un délai de six mois.

Selon l'article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Le tribunal rappelle toutefois qu'aux termes de l'article 789, 6° du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, entré en vigueur le 1er janvier 2020, « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.
Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état.
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état. »

Il s'ensuit qu'il appartenait au ministère public de soulever la fin de non-recevoir invoquée devant le juge de la mise en état. Il n’entre pas dans les compétences de la présente formation de jugement de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministère public.

Dès lors, le ministère public sera déclaré irrecevable à soulever la fin de non-recevoir précitée, et l'action de Mme [K] [L] sera jugée recevable.

Sur le fond

Aux termes de l'article 21-12, 3e alinéa 1° du code civil, l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance, peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France.

Il résulte de l'article 26-3 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2019-964 du 18 septembre 2019 applicable en l'espèce, que la décision de refus d'enregistrement doit intervenir six mois au plus après la date à laquelle a été délivré au déclarant le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à la preuve de recevabilité de la déclaration. L'article 26-4 du code civil poursuit qu'à défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement.

En l'espèce, il n'est produit aucune pièce permettant de déterminer la date à laquelle le récépissé de la déclaration a été remis à Mme [K] [L]. Il résulte toutefois de la décision de refus d'enregistrement de la déclaration que celle-ci a été souscrite le 24 mars 2021. La décision de refus a été notifiée le 12 mai 2021, soit moins de 6 mois après la souscription, et donc, nécessairement, moins de 6 mois après la date de la remise du récépissé, ce qui, au demeurant, n'est pas contesté par la demanderesse (pièce n°11 de la demanderesse et pièce n°1 du ministère public).

Il appartient donc à Mme [K] [L] de rapporter la preuve de ce que les conditions de la déclaration de nationalité française, posées par l'article 21-12, 3e alinéa 1° du code civil précitées, sont remplies.

A cet égard, il y a lieu de relever que conformément aux dispositions de l’article 16 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 dans sa version issue du décret n°2019-1507 du 30 décembre 2019 ici applicable, la souscription de la déclaration prévue à l’article 21-12 du code civil doit être accompagnée de la production d’un acte de naissance du déclarant.

Il est en outre rappelé que nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil, par la production de copies intégrales d'actes d’état civil en original.

Il est également rappelé qu'aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Mme [K] [L] doit donc également justifier d'un état civil fiable et certain, attesté par des actes d'état civil probants au sens de cet article.

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et le Mali, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 24 de l'accord de coopération en matière de justice signé le 9 mars 1962 et publié par décret du 17 juin 1964 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et, s'il s'agit d'expéditions, qu'ils soient certifiés conformes à l'original par ladite autorité.

En l'espèce, pour justifier de son état civil, Mme [K] [L] produit une copie, délivrée le 2 février 2021, de son acte de naissance n°1568, ainsi qu'un extrait de cet acte, délivré le 30 novembre 2020 (pièces n°12 de la demanderesse).

Décision du 31/05/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 21/14760

Le tribunal constate d'emblée que ces deux pièces d'état civil sont en photocopie. Or, une photocopie étant exempte de toute garantie d'authenticité et d'intégrité, ces pièces sont dépourvues de toute force probante, étant rappelé qu'il est indiqué dès le premier bulletin de procédure que l’avocat en demande doit s'assurer qu'il détient bien une copie intégrale en original de l'acte de naissance de son client, qui devra figurer dans le dossier de plaidoirie, exigence rappelée dans le bulletin notifiant la clôture s'agissant de tous les actes de l’état civil du dossier de plaidoirie, qui doivent être produits en original.

De surcroît, à supposer les originaux produits, le ministère public relève à juste titre des mentions divergentes sur ces deux copies d'acte d’état civil : sur la copie intégrale de son acte de naissance, délivrée le 2 février 2021, il est indiqué que celui-ci a été dressé le 15 septembre 2003, par M. [N] [M], tandis que sur l'extrait de son acte de naissance, délivré le 30 novembre 2020, l'acte a été dressé par [P] [O], le 27 février 2017 (pièces n°12 de la demanderesse).

Mme [K] [L] n'a pas cru devoir répondre à ce moyen soulevé par le ministère public.

Il est donc rappelé qu'en principe, l'acte de naissance est un acte unique, conservé dans le registre des actes de naissance, de sorte que les copies d’un même acte d’état civil doivent nécessairement comporter des mentions identiques, dès lors qu’elles se bornent à retranscrire les mentions de l’acte d’origine. Les divergences entre les différentes pièces remettent ainsi en cause le caractère probant des dits actes, sans qu'aucun ne puisse dès lors faire foi au sens de l'article 47 du code civil.

L'acte de naissance de Mme [K] [L] est ainsi dépourvu de toute force probante au sens de ces dispositions.

Celle-ci ne justifie donc pas d'un état civil fiable et certain de sorte qu'elle ne peut revendiquer la nationalité française à quelque titre que ce soit.

En conséquence, Mme [K] [L] sera débouté de sa demande tendant à voir juger qu'elle est de nationalité française sur le fondement de l'article 21-12 du code civil. Par ailleurs, dès lors qu'elle ne peut revendiquer la nationalité française à aucune titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'elle n'est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, la mention de la présente décision sera ordonnée en application de cet article.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [K] [L], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par décision mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Juge le ministère public irrecevable en sa demande relative à la fin de non-recevoir ;

Juge l'action de Mme [K] [L] recevable ;

Déboute Mme [K] [L] de sa demande tendant à voir dire qu'elle est de nationalité française ;

Juge que Mme [K] [L], se disant née le 30 septembre 2003 à [Localité 4] (Mali), n’est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue à l’article 28 du code civil en marge des actes concernés ;

Condamne Mme [K] [L] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 31 Mai 2024

La GreffièreLa Présidente
M. ALLAIN A. FLORESCU-PATOZ


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 21/14760
Date de la décision : 31/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-31;21.14760 ?
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