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31/05/2024 | FRANCE | N°21/06497

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 2ème section, 31 mai 2024, 21/06497


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




9ème chambre
2ème section


N° RG 21/06497 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CUMVS

N° MINUTE : 1




Assignation du :
07 Mai 2021









JUGEMENT
rendu le 31 Mai 2024
DEMANDERESSE

Madame [O] [E] épouse [F]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Frédéric SUEUR de l’AARPI ROOM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0152




DÉFENDE

RESSE

S.A. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Etienne GASTEBLED de la SCP LUSSAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0077





Décision du 31 Mai 2024
9ème chambre 2ème sectio...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre
2ème section

N° RG 21/06497 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CUMVS

N° MINUTE : 1

Assignation du :
07 Mai 2021

JUGEMENT
rendu le 31 Mai 2024
DEMANDERESSE

Madame [O] [E] épouse [F]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Frédéric SUEUR de l’AARPI ROOM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0152

DÉFENDERESSE

S.A. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Etienne GASTEBLED de la SCP LUSSAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0077

Décision du 31 Mai 2024
9ème chambre 2ème section
N° RG 21/06497 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUMVS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Gilles MALFRE, Premier Vice-Président adjoint
Augustin BOUJEKA, Vice-Président
Alexandre PARASTATIDIS, Juge

assistés de Alise CONDAMINE-DUCREUX, Greffière

DÉBATS

À l’audience du 26 Avril 2024 tenue en audience publique devant Monsieur BOUJEKA, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

___________________

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [O] [E], épouse [F] (ci-après Madame [E]), titulaire d’un compte ouvert dans les livres de la Société Générale, expose qu’entre le 1er décembre 2020 et le 5 mars 2021, 51 virements ont été effectués depuis son compte ouvert depuis l’agence de [Localité 4] de cet établissement pour un montant global de 540.982 euros pour effectuer des investissements qui se sont avérés frauduleux par la suite et à propos desquels elle a déposé plainte le 17 mars 2021.

Par lettre de son conseil en date du 25 mars 2021, Madame [E] a mis en demeure la Société Générale d’avoir à lui restituer cette somme dès lors que cette banque avait manqué à l’obligation de vigilance incombant à tout banquier dépositaire de fonds, ce à quoi l’établissement bancaire a opposé une réponse négative par lettre du 13 avril 2021.

C’est dans ce contexte que par acte du 7 mai 2021, Madame [E] a fait assigner la Société Générale en recherche de la responsabilité de celle-ci pour demander au tribunal de céans, au visa des articles 1103, 1104, 1231-1, 1927 et 1937 du code civil, L. 133-18 et L. 133-24 du code monétaire et financier, de :
- La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
- Condamner la Société Générale à lui payer et porter la somme de 540.982.00 euros correspondant au montant des sommes indûment virées aux escrocs outre le paiement des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2021 et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 7 jours suivant la signification de la décision à intervenir jusqu'au complet paiement de la créance ;
- Condamner la Société Générale à lui payer et porter la somme de 250.000 euros à titre de dommages-intérêts outre le paiement des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2021 et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 7 jours suivant la signification de la décision à intervenir jusqu'au complet paiement de la créance ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts échus pour l'ensemble des sommes dues en application de l'article 1343-2 du code civil ;
- Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- Condamner la Société Générale à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déduction faite au profit de Maître Parfait Haba, Avocat au Barreau de Paris ;
- Condamner la Société Générale aux dépens.

Par ordonnance rendue le 4 novembre 2022, le juge de la mise en état près ce tribunal a :
- Rejeté les demandes respectives de la Société Générale et de Madame [O] [F], née [E], de production de pièces ;
- Renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état de la 2ème section de la 9ème chambre de ce tribunal du vendredi 13 janvier 2023 à 9h30, la Société Générale devant avoir produit des conclusions au fond avant cette date ;
- Réservé les dépens et les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières écritures signifiées le 25 octobre 2023, Madame [E] demande à ce tribunal, au visa des articles 1103, 1104, 1231-1, 1927 et 1937 du code civil, L. 133-18 et L. 133-24 du code monétaire et financier, de :
- La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
- Condamner la Société Générale à lui payer et porter la somme de 540.982,00 euros correspondant au montant des sommes indûment virées aux escrocs outre le paiement des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2021 et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 7 jours suivant la signification de la décision à intervenir jusqu'au complet paiement de la créance ;
- Condamner la Société Générale à lui payer et porter la somme de 250.000 euros à titre de dommages-intérêts outre le paiement des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2021 et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 7 jours suivant la signification de la décision à intervenir jusqu'au complet paiement de la créance ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts échus pour l'ensemble des sommes dues en application de l'article 1343-2 du code civil ;
- Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- Condamner la Société Générale à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens.

Par dernières écritures signifiées le 10 janvier 2024, la Société Générale demande à ce tribunal, au visa de l’article 1240 du code civil, de :
- Juger que Madame [O] [E] épouse [F] ne démontre pas l’existence d’un contexte frauduleux sur lequel elle fonde ses prétentions ;
- Juger que Société Générale a respecté son obligation d’exécuter l’ordre de virement transmis par Madame [O] [E] épouse [F] ;
- Juger que Société Générale n’a, en la circonstance, commis aucune faute susceptible d’avoir engagé sa responsabilité ;
- Juger que Madame [O] [E] épouse [F] ne démontre aucun préjudice indemnisable et qu’en toute hypothèse, les graves manquements commis par Madame [O] [E] épouse [F] sont de nature à exonérer totalement Société Générale de toute responsabilité dans les pertes qu’elle aurait à déplorer ;
En conséquence,
- Débouter Madame [O] [E] épouse [F] de l’ensemble de ses demandes de production de pièces ;
- Condamner Madame [O] [E] épouse [F] à verser à Société Générale une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- La condamner aux entiers dépens de l’instance ;
- Écarter l’exécution provisoire celle-ci étant incompatible avec la nature de l’affaire.

La clôture a été prononcée le 9 février 2024, l’affaire étant appelée à l’audience du 26 avril 2024 et mise en délibéré au 31 mai 2024.

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la demande principale

Madame [E] expose, à titre liminaire, avoir produit le récépissé de la plainte qu’elle a déposée à la suite de la fraude dont elle a été victime, relativement aux virements dont elle sollicite le remboursement des montants par la Société Générale. Elle précise avoir livré à cet établissement bancaire l’ensemble des échanges qu’elle a eus avec les auteurs de la fraude ainsi que les documents commerciaux que lui ont remis les auteurs de la fraude en vue de la réalisation des virements litigieux. Elle indique par là avoir démontré qu’elle a été victime d’une fraude contrairement aux dires de la Société Générale qui persiste inutilement à lui réclamer la copie de la plainte qu’elle a déposée.

Après avoir fourni ces précisions, Madame [E] recherche la responsabilité de la Société Générale pour manquement au devoir général de diligence incombant au banquier dépositaire de fonds, sur le fondement des articles 1103, 1231-1, 1927 et 1937 du code civil. Elle considère que les virements en litige présentent des anomalies apparentes tant par leurs montants que par leurs fréquences, soit 45 virements de près de 10.000 euros chacun, autorisés en l’espace de trois mois pour un montant global de 540.982 euros, autant d’anomalies qui auraient dû être décelées par la Société Générale, peu important que les ordres de paiement afférents fussent authentiques. Elle ajoute que la banque aurait dû en outre alerter la concluante en attirant son attention sur le risque des opérations autorisées par ses soins et dès lors que l’établissement bancaire ne démontre pas avoir donné cette alerte, sa responsabilité doit être retenue. Elle souligne qu’à la date des faits, elle était retraitée, cliente de la Société Générale depuis les années 1970, disposant de revenus modestes, n’ayant pas eu de relations d’affaires antérieures avec les banques destinataires des virements, l’une située en France, l’autre au Portugal, pas davantage avec la Belgique et le Portugal, pays de destination des fonds. Elle indique n’avoir pas eu l’habitude d’effectuer des virements aux montants aussi importants, la Société Générale ne pouvant tirer prétexte d’un unique virement au montant significatif destiné à Monsieur [Y] pour souligner le contraire. Elle conteste avoir autorisé le déplafonnement des montants de virement opéré par un employé de la Société Générale sur son compte, de même qu’elle conteste toute faute de sa part, ce d’autant plus qu’elle ne dispose d’aucune compétence particulière en matière financière. Elle précise que la Société Générale, contrairement à ses dires, s’est immiscée dans les affaires de la concluante puisque peu après la réception de la somme ayant servi de provision aux virements litigieux, un préposé de cette banque l’a contactée pour lui proposer un certain nombre de placements. Elle sollicite dès lors la condamnation de la Société Générale à lui verser la somme de 540.982 euros au titre du préjudice financier et celle de 250.000 euros au titre de la mauvaise exécution des obligations du dépositaire.

En réplique, la Société Générale soutient que Madame [E] doit être déboutée, en ce qu’elle ne justifie ni de l’existence d’une fraude à son détriment, ni du contexte frauduleux dans lequel s’inscrivent les opérations litigieuses. Elle souligne que Madame [E] n’apporte pas la preuve qu’elle a pris attache avec la Lloyds bank pour récupérer les fonds détournés, pas plus qu’elle ne produit la plainte qu’elle a déposée le 17 mars 2021 en se justifiant de manière incompréhensible par la nécessité de protéger l’enquête en cours alors qu’une plainte, qui n’est pas un acte d’enquête stricto sensu, n’est pas couverte par le secret de l’instruction. Elle précise que la production d’une copie de cette plainte est indispensable à la manifestation de la vérité, en sorte que les faits constitutifs de l’escroquerie dont se dit victime Madame [E] n’étant pas caractérisés, la fraude n’est pas établie et la faute de la concluante n’existe pas.

La Société Générale affirme en outre avoir parfaitement exécuté les ordres de paiement dûment autorisés et donnés par Madame [E], observant qu’elle ne pouvait agir autrement en présence d’ordres conformes et d’une provision suffisante sur le compte de sa cliente, sans pouvoir être tenue responsable de l’exécution diligente de sa mission. Elle souligne que Madame [E] a d’ailleurs mis en œuvre les virements litigieux à l’aide du logiciel approprié permettant de les passer en ligne, devant être observé que le bénéficiaire de l’ensemble des paiements ainsi effectués était Madame [E] elle-même, les ordres de paiements étant devenus irrévocables après leur exécution.

La Société Générale expose en outre être soumise au devoir de non-ingérence, lequel lui interdit de s’immiscer dans les affaires de ses clients, même pour empêcher ceux-ci d’effectuer des actes irréguliers, inopportuns ou dangereux pour eux, ajoutant que dans l’exécution d’un ordre de paiement, le banquier n’est astreint à aucun devoir de conseil ou de mise en garde. Elle précise que la limite d’un tel devoir de non-ingérence réside dans l’obligation générale de vigilance contraignant le banquier à déceler les anomalies apparentes, de caractère matériel ou intellectuel, affectant une opération initiée par le client. Pour la Société Générale, les virements litigieux sont dûment autorisés par Madame [E], leurs montants importants et leurs destinations internationales ne constituant en rien des anomalies apparentes. Elle ajoute, en considération des montants des virements, que ceux en litige ne présentent pas un caractère exceptionnel dans la mesure où entre le 8 décembre 2020 et le 2 février 2021, Madame [E] a émis quatre virements pour des sommes comprises entre 3.000 et 100.000 euros, dont deux au profit de Monsieur [D] [F] et les deux autres au profit de Monsieur [G] [Y], de telle sorte que l’anomalie alléguée n’existe pas. Elle rappelle que Madame [E] a, à l’aide des virements litigieux, pris l’initiative d’effectuer des virements sur lesquels la concluante n’avait pas à s’interroger, ce d’autant plus que Madame [E] était la bénéficiaire des virements en cause. Elle relève le défaut de pertinence de la jurisprudence citée par la partie adverse, en ce qu’elle porte sur des litiges relatifs, tantôt à la fraude « au président », tantôt à un faux ordre de virement, autant de situations étrangères au présent litige. Elle observe que les banques réceptionnaires des fonds menaient des activités régulières, considérant en outre comme non pertinent le grief de Madame [E] lui reprochant de n’avoir pas déceler la fermeture de l’agence de [Localité 6] de la banque PPS EU alors que cette agence a été, selon les propres dires de Madame [E], déplacée à [Localité 5], commune peu éloignée et située dans le même département. À l’argument adverse tenant à ce que la banque a débloqué le plafond d’opération sur le compte, la Société Générale affirme démontrer par une pièce produite que c’est Madame [E] qui a elle-même sollicité le 10 février 2021 ce déplafonnement pour faire passer de 30.000 à 80.000 euros le plafond en question, lequel n’est pas en outre destiné à empêcher le client de disposer de ses fonds, mais à empêcher un tiers d’effectuer une opération non autorisée sur le compte.

À propos du préjudice, elle en conteste le principe, observant cependant qu’à le supposer établi, il ne pourrait consister qu’en une perte de chance, laquelle ne saurait être davantage établie en ce que la demanderesse ne démontre pas qu’elle se serait abstenue d’effectuer les opérations litigieuses même avertie du risque de fraude. Elle considère par ailleurs que le lien causal n’existe pas, en ce que les pertes invoquées résultent d’une négligence grave de Madame [E] qui s’est facilement laissée convaincre par des interlocuteurs qu’elle n’a jamais rencontré tout en leur faisant confiance, sans comprendre les prétendus investissements qu’ils lui proposaient, de virer des sommes importantes sur plusieurs comptes alors qu’il lui était proposé l’ouverture d’un unique compte d’épargne auprès de la Lloyds bank, Madame [E] ayant en outre indiqué être la bénéficiaire des virements litigieux tout en dissimulant à la banque les opérations sous-jacentes.

Sur ce,

Il sera rappelé qu'il est de principe que le banquier teneur de compte est astreint à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client.

Au cas particulier, la Société Générale ne pouvait, sans enfreindre cette obligation de non-immixtion, procéder à une surveillance systématique des opérations passées dans le cadre du compte ouvert dans ses livres par Madame [E].

Par ailleurs, Madame [E] a réalisé seule les investissements litigieux et la Société Générale, qui a agi en sa seule qualité de teneur de compte et non en tant que conseiller en investissements, était, en la circonstance astreinte uniquement à son devoir général de vigilance.

En vertu de ce dernier devoir, sauf anomalie matérielle ou intellectuelle manifeste, la banque, du fait de son obligation de non-immixtion dans les affaires de son client, ne saurait questionner les opérations de paiement régulièrement effectuées par celui-ci, quel que soit le montant de ces opérations et leur opportunité, sauf à engager sa responsabilité en cas de refus d'exécuter lesdites opérations.

Ce devoir de vigilance n’implique pas que le banquier doive alerter son client sur les opérations qui lui apparaîtraient inhabituelles alors qu’en vertu du devoir de non-immixtion, il ne saurait se livrer à des investigations sur les opérations sous-jacentes aux paiements qu’il doit exécuter, pas davantage s’assurer de l’opportunité ou de l’absence de dangerosité de pareilles opérations, à moins que, par une clause contractuelle idoine, pareil devoir d’alerte ait été convenu entre les parties.

Au demeurant, la Société Générale, non astreinte en la circonstance à une obligation d’information, de conseil et de mise en garde, n’était pas tenue d’attirer l’attention de Madame [E] sur les risques inhérents aux investissements financés par les opérations de paiement, n’étant d’ailleurs pas démontré par la demanderesse que la Société Générale avait connaissance de ces investissements, et quand bien même la banque eût connu ces investissements qu’elle n’aurait pas été tenue de dissuader Madame [E] de les réaliser, faute de disposition légale ou de stipulation contractuelle l’y contraignant.

En réalité, les paiements en litige ne présentaient aucune anomalie, la circonstance que le déplafonnement des opérations sur le compte de la demanderesse ait été ou non permis par celle-ci étant indifférente dès lors que Madame [E] a elle-même initié les virements litigieux grâce à l’utilisation de son espace client en ligne.

En l’occurrence, Madame [E] a autorisé les opérations de paiement litigieuses, ne les ayant contestées qu'après avoir découvert l'escroquerie dont elle a indiqué avoir été victime.

Au surplus, il sera retenu que pas davantage la production de la plainte déposée par Madame [E] le 17 février 2021 que la démonstration par la demanderesse de la matérialité du contexte frauduleux des opérations de paiement en litige ne sont nécessaires au règlement du présent litige, dès lors que seule la responsabilité de l’établissement de paiement est mise en cause pour manquement au devoir de vigilance lui incombant.

Par ailleurs, les virements en litige ne comportent pas de motif et désignent Madame [E] comme bénéficiaire.

Cette absence de motif et cette stipulation de bénéficiaire, l’un et l’autre établis par les pièces produites aux débats, démontrent que la demanderesse, d’une part, a sciemment dissimulé la destination réelle des opérations de paiement contestées alors qu’elle prétend, a posteriori, avoir voulu effectuer des investissements à l’étranger, d’autre part, que la bénéficiaire apparente, à savoir Madame [E] elle-même, a été mentionnée pour masquer les identités de ceux dont elle allègue l’existence après coup.

En outre, il ne saurait être déduit une quelconque anomalie du fait que certains paiements ont été effectués à destination d’une agence bancaire située à [Localité 6] (Hauts-de-Seine) alors que cette agence était close au jour des opérations litigieuses.

À ce dernier égard, la Société Générale soutient, sans être contredite par la demanderesse qui a porté cette information à l’attention de la banque, que l’agence bancaire en cause avait été transférée dans la commune d’[Localité 5], située dans le même département que la précédente.

Pas davantage ne peut être querellé utilement le fait que d’autres virements ont eu pour destination le Portugal, État membre de l'Union Européenne, faisant en outre partie de la Zone euro, et non un pays à risques ou considéré comme un paradis fiscal.

Par suite, c'est par une démarche volontaire et délibérée que Madame [E] a effectué les opérations de paiement qu'elle conteste dans la présente instance.

Elle est donc mal fondée à rechercher la responsabilité de la Société Générale, en sa simple qualité de teneur du compte depuis lequel ces paiements ont été effectués, d'autant plus que Madame [E] était alors déterminée à effectuer les investissements litigieux du fait des rendements espérés.

En conséquence, Madame [E] sera déboutée de l’ensemble de ses demandes.

2. Sur les demandes annexes

Succombant, Madame [O] [E], épouse [F], sera condamnée aux dépens et à verser à la Société Générale la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la teneur de la décision, l’exécution provisoire sera écartée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DÉBOUTE Madame [O] [E], épouse [F], de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE Madame [O] [E], épouse [F], aux dépens et à verser à la Société Générale la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

ÉCARTE l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 31 Mai 2024

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/06497
Date de la décision : 31/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-31;21.06497 ?
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