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31/05/2024 | FRANCE | N°19/04908

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 31 mai 2024, 19/04908


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :





2ème chambre civile

N° RG 19/04908 -
N° Portalis 352J-W-B7D-CPWE4

N° MINUTE :

Assignation du :
10 Avril 2019


JUGEMENT
rendu le 31 Mai 2024
DEMANDEUR

Monsieur [L] [O] [J]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté par Maître Lorraine BUIS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0267




DÉFENDEURS

Maître [T] [B]
Notai

re associé de la S.C.P Hervé SFEZ
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représenté par Maîte Valérie TOUTAIN DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0848


...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre civile

N° RG 19/04908 -
N° Portalis 352J-W-B7D-CPWE4

N° MINUTE :

Assignation du :
10 Avril 2019

JUGEMENT
rendu le 31 Mai 2024
DEMANDEUR

Monsieur [L] [O] [J]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté par Maître Lorraine BUIS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0267

DÉFENDEURS

Maître [T] [B]
Notaire associé de la S.C.P Hervé SFEZ
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représenté par Maîte Valérie TOUTAIN DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0848

Monsieur [X], [K], [W] [E]
[Adresse 6]
[Localité 10]
Représenté par Maître Jean-claude NEBOT de la SELASU NEBOT AVOCAT, avoca au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1020 et par Maître Romain SOUAL, avocat au barreau d’AVESNES -SUR-HELPE, avocat plaidant,

S.A.R.L. RIVOLI IMMOBILIER
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Maître François BLANGY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0399

Décision du 31 Mai 2024
2ème chambre civile
N° RG 19/04908 - N° Portalis 352J-W-B7D-CPWE4

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Claire ISRAEL, Vice-Présidente, statuant en juge unique.
Assistée de Madame Audrey HALLOT, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 18 Mars 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu le 16 Mai 2024.
Ultérieurement, la date du délibéré a été prorogée au 31 Mai 2024, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au Greffe
Contradictoire et en premier ressort

_______________________________

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

Suivant acte authentique du 26 avril 2017 reçu par Maître [T] [B], notaire à [Localité 11], M. [X] [E] a cédé à M. [L] [J] le lot n° 53 d’un bien immobilier en copropriété situé [Adresse 4], au prix de 220 000 euros, dont 211 050 euros pour le bien immobilier et 8 950 euros pour le mobilier.

Ce lot constitue un studio de 22,05 m2 qui se trouve au premier étage et comporte une porte-fenêtre donnant accès à une courette qui constitue le toit du local commercial situé au rez-de-chaussée.

La vente a été conclue par l’intermédiaire de l’agence RIVOLI IMMOBILIER, mandataire de M. [X] [E].

A l’occasion d’un litige relatif au dépôt d’ordures dans la courette, le syndic de l’immeuble a informé M. [L] [J] par courrier recommandé du 18 septembre 2017 que la porte-fenêtre et les trois marches donnant accès à la courette avaient été créées sans autorisation de la copropriété par M. [X] [E] et l’a mis en demeure de remettre l’ensemble en état.

Par exploits d’huissier en date du 10 avril et 17 avril 2019, M. [L] [J] a fait assigner M. [X] [E], Maître [T] [B] et la société RIVOLI IMMOBILIER devant le tribunal judiciaire de Paris en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement au fond et avant dire droit du 1er février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
Débouté M. [L] [J] de ses demandes de dommages et intérêts dirigées à l’encontre de Maître [T] [B],Dit que M. [X] [E] a commis une réticence dolosive au préjudice de M. [L] [J],Déclaré M. [X] [E] civilement responsable du préjudice subi par M. [L] [J] résultant de cette réticence dolosive,Dit que l’agence RIVOLI IMMOBILIER a commis une faute délictuelle consistant en un manquement à son devoir de conseil au préjudice de M. [L] [J],Déclaré l’agence RIVOLI IMMOBILIER civilement responsable du préjudice subi par M. [L] [J] résultant de cette faute,Ordonné avant-dire droit sur les préjudices une consultation écrite confiée à M. [H] [S], aux fins d’estimer le coût des travaux nécessaires à la remise en état et la nature et le coût des travaux qui pourraient être la conséquence nécessaire de cette remise en état. Sursis à statuer sur l’ensemble des autres demandes.
L’expert a remis sa note de consultation le 26 mai 2021.

Par arrêt en date du 14 octobre 2022, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, débouté M. [L] [J] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et renvoyé l’affaire devant le tribunal judiciaire de Paris sur l’indemnisation des préjudices.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 10 novembre 2022, M. [L] [J] demande au tribunal, au visa des articles 1137, 1240 et 1241 du code civil et de l’article 700 du code de procédure civile, de :

-DIRE ET JUGER M. [J] recevable et bien fondé en son action ;

Y faisant droit,
-CONDAMNER solidairement M. [X] [E] et la SARL Rivoli Immobilier à payer à M. [J] :
112.190,00 euros au titre de dommages-intérêt au principal ; 5.000 Euros à titre de la résistance abusive ;
-CONDAMNER solidairement M. [X] [E] et la SARL Rivoli Immobilier à payer à M. [J] la somme de 5.000,00 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
-CONDAMNER solidairement M. [X] [E] et la SARL Rivoli Immobilier en tous dépens ;
-DIRE ET JUGER que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
-ORDONNER la capitalisation des intérêts échus (anatocisme) sur le fondement de l’article 1154 du Code Civil ;
-ORDONNER l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 CPC du jugement à intervenir qui s’avère nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, nonobstant appel et sans constitution de garantie.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 13 janvier 2023, M. [X] [E] demande au tribunal, au visa des articles 1240, 1130 et 1137 du code civil, de :

-FIXER le préjudice de M. [J] à la somme de 9.800 euros TTC au titre des travaux de remise en état des lieux, auquel M. [E] et la SARL RIVOLI IMMOBILIER seront solidairement tenus à réparation, consécutivement à la déclaration de responsabilité commune intervenue selon jugement rendu par le Tribunal judiciaire de PARIS le 1er février 2021 ;
-DÉBOUTER M. [J] de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 17 mars 2023, la société RIVOLI IMMOBILIER demande au tribunal, au visa de l’article 1240 du code civil et de l’article 700 du code de procédure civile, de :

-DEBOUTER en toute hypothèse M. [L] [J] de ses demandes à l’encontre de la SARL RIVOLI IMMOBILIER;
-CONDAMNER M. [L] [J], sinon M. [E], à payer à la société RIVOLI IMMOBILIER la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile assortie de l’exécution provisoire, ainsi qu’aux entiers dépens, dont recouvrement direct au profit de Maître BLANGY SCP CORDELIER ET ASSOCIES sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire,
-RAMENER le préjudice de M. [J] à la somme de 9.800 euros TTC au titre des travaux de remise en état des lieux,
-CONDAMNER M. [E] à relever et garantir la SARL RIVOLI IMMOBILIER de l’ensemble des condamnations pouvant être mises à sa charge.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 18 novembre 2022, Maître [T] [B] demande au tribunal de :
-Déclarer Maître [T] [B], notaire, recevable et bien fondé en ses conclusions.

Vu le jugement du 1er février 2021 confirmé par l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 14 octobre 2022,
-Ordonner la mise hors de cause de Maître [T] [B],
-Condamner M. [L] [J] au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
-Condamner le même aux entiers dépens d’instance, dont distraction au profit de Maître Valérie TOUTAIN de HAUTECLOCQUE, en application de l’article 699 du Code de procédure Civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 mai 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 18 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de mise hors de cause de Maître [B]

Maître [B] demande au tribunal d’ordonner sa mise hors de cause, au regard de l’arrêt de la cour d’appel du 14 octobre 2022, qui a autorité de la chose jugée et qui a confirmé le jugement du 1er février 2021 rejetant toutes les demandes à son égard.

Sur ce

Par arrêt du 14 octobre 2022, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du 1er février 2021 déboutant M. [L] [J] de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre de Maître [T] [B]. Elle a par ailleurs condamné M. [J] aux dépens de Maître [B], avec distraction au profit de son conseil ainsi qu’à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour d’appel a renvoyé l’affaire devant le tribunal judiciaire sur l’indemnisation des préjudices et dès ses premières conclusions au fond devant le tribunal, après renvoi, M. [L] [J] a d’ailleurs abandonné toute demande à l’encontre du notaire.

L’instance ayant pris fin à l’égard de Maître [B] par la décision de la cour d’appel, il y a lieu, au besoin, de le mettre hors de cause.

Sur les demandes indemnitaires de M. [L] [J]

M. [L] [J] sollicite la condamnation solidaire de M. [E] et de la société RIVOLI IMMOBILIER à l’indemniser des préjudices subis par lui sur le fondement des articles 1241 et 1137 du code civil par l’allocation de dommages et intérêts d’un montant total de 112 190 euros.
Il soutient tout d’abord valoir que le dol de M. [X] [E] et le manquement à son obligation d’information et de conseil par la société RIVOLI IMMOBILIER lui ont fait perdre la chance de contracter sans avoir à réaliser des travaux de mise en conformité onéreux, comprenant le coût des travaux de remise en état d’origine et le coût de réhabilitation du studio.

S’agissant du coût des travaux de remise en état d’origine, il fait valoir que :

-Son expert conseil a estimé le coût des travaux de remise en état à 30 000 euros HT, hors coût de création d’une salle d’eau et de redistribution intérieure du studio,
-L’hypothèse retenue par l’expert désigné par le tribunal d’un remplacement des fenêtres sans modification de la largeur de l’ouverture existante est la plus probable, mais le montant des travaux retenus par l’expert judiciaire est sous-estimé au regard des devis qu’il a fait réaliser et qu’il convient de retenir plutôt : 5 000 euros HT pour le gros-œuvre, au lieu de 3 500 euros TTC, 3 500 euros HT pour le lot de menuiserie au lieu de 3 500 TTC et 1 500 euros HT pour les travaux d’étanchéité au lieu de 1 500 euros TTC, et enfin, concernant les travaux intérieurs, il semble manquer la mise en peinture de l’ensemble ainsi qu’une couche d’uniformisation, soit un coût de 2 800 euros HT, au lieu de 1 800 euros TTC, soit un total d’environ 11 300 euros HT et 13 560 euros TTC, au lieu de 9 800 euros TTC.

S’agissant du coût des travaux de réhabilitation du studio, il considère que :

-La remise en état d’origine implique de repenser la totalité de la surface d’habitation et notamment de détruire l’actuelle salle d’eau et d’en créer une nouvelle, de même que la pose d’une nouvelle cuisine pour conserver au studio sa destination une fois la fenêtre murée recrée et la porte-fenêtre créée sans autorisation remise en état de fenêtre,
-Ces travaux de réhabilitation peuvent être évalués à un coût qui ne saurait être inférieur à 22 000 euros HT, soit 26 400 euros TTC,
-L’expert judiciaire a largement sous-évalué le coût des travaux, ce d’autant plus que le coût des matériaux et de la main d’œuvre a depuis, nettement évolué.

Il en conclut que le coût total des travaux de remise en état et de réhabilitation du studio s’élève à la somme de 43 300 euros HT soit 51 950 euros TTC après revalorisation en raison de l’inflation à hauteur de 30% ((11 300 + 22 000) + 30%).

Il demande ensuite l’indemnisation de son préjudice économique résultant de la baisse de loyer de 160 euros par mois, qu’il dû consentir à ses locataires dès le mois de juillet 2017, par suite de l’interdiction d’utiliser la courette, soit un total de 10 240 euros de juillet 2017 à octobre 2022.

Enfin, il soutient que le dol du vendeur et le manquement à l’obligation d’information de l’agence ont permis de surestimer la valeur du bien et il demande à être indemnisé de la perte de valeur du bien à hauteur de 50 000 euros.

M. [X] [E] fait valoir que le chiffrage des préjudices invoqués M. [J] a varié et est contradictoire.

S’agissant du coût des travaux de remise en état, il demande au tribunal de le limiter à la somme de 9 800 euros TTC comme l’a proposé l’expert judiciaire dans l’hypothèse d’un remplacement des fenêtres sans modification de la largeur initiale qui doit être retenue. Il fait valoir que l’expert a écarté les devis produits par M. [L] [J] comme reposant sur des conclusions erronées et comprenant des travaux non nécessaires au titre de la remise en l’état d’origine, l’état de délabrement général du bien étant étranger aux travaux réalisés par lui.

S’agissant du coût de réagencement du studio, il oppose que la demande de M. [L] [J] repose sur des éléments purement hypothétiques, n’a fait l’objet d’aucun chiffrage précis et a été écartée par l’expert judiciaire, les seuls travaux nécessaires étant ceux de remise en état.

Il conclut également au rejet des demandes au titre du préjudice économique résultant de la perte de loyer et de la perte de valeur du bien en faisant valoir que :

-Il ignorait l’affectation du bien à un usage locatif, aucune clause n’ayant été stipulée en ce sens,
-Les baux d’habitation produits ne permettent pas d’établir la réalité de la diminution de loyer que M. [L] [J] prétend avoir consentie dans les conditions qu’il affirme,
-L’évaluation du loyer ne pouvait se faire uniquement fonction de la surface habitable de 22,3 m2 figurant à l’acte de vente et reprise à l’identique dans les baux produits,
-Le prix de vente de 220 000 euros a été fixé selon la superficie de 22,3 m2 figurant à l’acte de vente sans tenir compte d’une courette ou d’un accès sur cour,
-La perte de chance de revendre le bien au même prix ou à un prix supérieur n’est pas démontrée,
-Ce préjudice de perte de chance est inexistant et sans lien de causalité avec la faute qui lui est reprochée.

La société RIVOLI IMMOBILIER soutient que M. [J] ne justifie ni de ses préjudices ni du lien de causalité entre les préjudices invoqués et la faute retenue par la cour d’appel à son encontre.
Elle fait valoir essentiellement que :

-Le préjudice de M. [L] [J] n’est ni certain ni actuel en ce que la simple lettre du syndic le mettant en demeure de procéder à une remise en état ne démontre pas qu’il y soit obligé, alors qu’il peut solliciter de l’assemblée générale des copropriétaires la validation des travaux d’ores et déjà réalisés,
-L’expert judiciaire a estimé le coût des travaux de remise en état à un montant total de 9 800 euros TTC, la majoration arbitraire de 30% de ce coût ne reposant sur aucune preuve ou pièce justificative,
-L’expert judiciaire a écarté la nécessité d’un réagencement intérieur du studio et donc de travaux de réfection, la largeur des baies n’ayant pas été modifiée,
-L’évaluation du préjudice économique de perte de loyers allégué par M. [J] est arbitraire et ne repose sur aucune preuve,
-La différence de valeur alléguée entre le prix d’acquisition du bien et la valeur qu’il aurait à ce jour est sans rapport avec la faute prétendument commise par elle, cette perte de valeur n’étant au demeurant pas démontrée,
-M. [J] ne démontre pas la perte de chance d’acquérir un bien similaire à des conditions plus avantageuses.

Elle soutient enfin qu’il n’y a pas lieu en toute hypothèse à condamnation in solidum.

Sur ce

Il résulte des dispositions de l’article 1178 du code civil qu’en cas de dol, indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.

En application des dispositions de l’article 1240 du code civil, pour que la responsabilité délictuelle d’une personne soit établie, doivent être caractérisés une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

La cour d’appel de Paris a retenu l’existence d’un dol de M. [X] [E] et d’un manquement de la société RIVOLI IMMOBILIER a son obligation de conseil à l’égard de l’acquéreur et renvoyé l’affaire devant le tribunal judiciaire de Paris sur l’indemnisation des préjudices.

Il incombe à M. [L] [J] de rapporter la preuve de l’existence des préjudices qu’il invoque et de démontrer leur lien de causalité avec les fautes retenues à l’encontre du vendeur et de l’agence.

Or, le préjudice résultant d’une réticence dolosive ou d’un manquement à une obligation d'information et de conseil ne peut être constitué que par une perte de chance de ne pas contracter ou, en l’espèce puisque M. [L] [J] n’a pas demandé l’annulation de la vente, de contracter à des conditions plus avantageuses. Il ne saurait s’agir d’une perte d'une chance d'obtenir les gains attendus.

Dès lors, il convient de rejeter la demande de M. [L] [J] au titre d’un éventuel préjudice résultant d’une baisse des loyers consentie par lui à ses locataires, qui n’est pas en lien de causalité avec les fautes retenues. En effet, parfaitement informé des travaux réalisés sans autorisation par M. [X] [E], M. [L] [J] n’aurait pas été en mesure d’appliquer un loyer plus élevé.

En revanche, pour évaluer la perte de chance de M. [L] [J] d’acquérir le bien à un prix moindre, il peut être tenu compte de la dévalorisation éventuelle du bien en raison des modifications irrégulières réalisées par le vendeur ou du coût des travaux nécessaires que l’acquéreur va devoir exposer pour remédier à cette situation irrégulière.

M. [L] [J] soutient que son bien, acquis au prix de 220 000 euros – en réalité 211 050 euros pour le bien immobilier – est aujourd’hui estimé entre 170 000 euros et 185 000 euros, soit une perte de valeur qu’il évalue à 50 000 euros.

Au regard de la vétusté de la courette, des caractéristiques du bien qui est un studio de 22 m2, très faiblement éclairé, situé dans un immeuble dont les parties communes sont en état d’entretien très moyen, la suppression de l’accès à la courette et la suppression de la porte fenêtre a nécessairement entraîné une diminution de la valeur du bien et M. [X] [E] ne peut sérieusement soutenir que le prix de vente n’a été fixé qu’en considération de la surface du studio.

M. [L] [J] ne démontre pas que la perte de valeur du bien d’après les estimations réalisées par la société Laforêt le 28 novembre 2018 et par la société Guy Hoquet le 23 novembre 2018, résulte en effet de la suppression de l’accès à la courette et de la suppression de la porte-fenêtre, aucune indication n’étant donnée sur ces deux points dans les estimations produites, et ne produit aucune estimation du bien sans l’accès à la courette et dans son état antérieur aux travaux réalisés par M. [X] [E].

Toutefois, compte tenu de la surface du bien, de son prix de vente, de sa situation dans le [Localité 1] et de ses caractéristiques déjà exposées, il peut raisonnablement être estimé que la suppression des travaux réalisés par M. [E] et partant la perte de luminosité et la suppression de l’accès à la courette lui fait perdre une valeur de 15 000 euros.

S’agissant du coût des différents travaux nécessaires, dans son rapport du 26 mai 2020, l’expert judiciaire, M. [H] [S], a indiqué comme « très hautement probable » au regard des éléments qui lui ont été communiqués, notamment les plans et photographies, le fait que la largeur globale de la porte-fenêtre actuelle soit identique à celles des deux baies qui ont été modifiées, les parties et en particulier le demandeur ne soutenant d’ailleurs pas vraiment le contraire.

Le tribunal retiendra donc également cette hypothèse dans l’évaluation du coût des différents travaux, aucune preuve contraire n’étant rapportée permettant d’écarter cette hypothèse « absolument privilégiée » par l’expert.

L’expert a ainsi retenu que les travaux de remise en état sont strictement limités à des travaux de gros-œuvre, de menuiseries extérieures et des travaux intérieurs pour le remplacement de la porte-fenêtre donnant sur la courette par deux fenêtres, à la suppression des marches et à la réfection de l’étanchéité au droit de leur emplacement, à l’exclusion de l’étanchéité de la couverture de la courette, laquelle se trouve depuis de très nombreuses années, donc antérieurement à l’acquisition du studio par M. [X] [E], dans un état de vétusté et d’absence de conformité.

L’expert a évalué le coût de ces travaux à une somme de 9 800 euros TTC et a donc écarté toute nécessité de procéder à des travaux de réaménagement intérieur du studio.

M. [L] [J] soutient que le montant de ces travaux de remise en état est très sous-évalué et il propose de réévaluer chacun des postes de travaux et d’ajouter le coût de travaux de mise en peinture. Il ne verse toutefois aucune pièce justifiant des coûts qu’il allègue de sorte que l’évaluation retenue par l’expert sera retenue.

Il n’y a par ailleurs pas lieu de tenir compte de l’augmentation du coût de production dans la construction ou du prix des travaux d’entretien et d’amélioration depuis le dépôt du rapport de l’expert, dès lors que le tribunal n’évalue pas le montant des travaux devant être effectués à ce jour mais la perte de chance de négocier, au jour de la vente donc, un prix plus avantageux compte tenu des travaux devant être exposés pour remédier aux irrégularités, selon leur prix donc au jour de la vente.

M. [L] [J] soutient par ailleurs que des travaux de réhabilitation du studio seront nécessaires mais l’expert judiciaire a écarté toute nécessité de reprendre l’intégralité des installations de la salle de bains ni la peinture sur l’ensemble du studio et partant a estimé que le devis produit par M. [J], rejoignant les conclusions de son expert conseil, reposait sur une base technique erronée et ne pouvait être pris en compte.

Dès lors, il convient de retenir que le coût des travaux nécessaires pour remédier à l’irrégularité au jour de la vente était de l’ordre de 9 800 euros TTC.

Tout acquéreur potentiel informé de la réalisation par le vendeur de travaux non autorisés par la copropriété aurait pu exiger une diminution du prix de vente compte tenu de la nécessité de procéder à ces travaux, laquelle est établie contrairement à ce qu’indique la société RIVOLI IMMOBILIER dès lors que le syndic a mis en demeure M. [J] d’y procéder et au regard des caractéristiques du bien rappelées ci-dessus et de la perte de valeur résultant de la privation de l’accès à la courette, de sorte que la perte de chance de négocier un prix plus avantageux peut être fixée à 80%.

En conséquence, la cour d’appel ayant retenu la responsabilité du vendeur et de l’agence immobilière, et dès lors que chacun des responsables d'un même dommage est tenu d'en réparer la totalité, il convient de condamner in solidum M. [X] [E] et la société RIVOLI IMMOBILIER à payer à M. [L] [J] la somme de 19 840 euros (80% x (15 000 + 9 800) avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement et avec capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil.

Sur la résistance abusive

Sur le fondement de l’article 1240 du code civil, M. [L] [J] sollicite la condamnation solidaire de M. [E] et de l’agence RIVOLI IMMOBILIER à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre de leur résistance abusive, indiquant qu’ils n’ont formulé aucune proposition et qu’il a été contraint de les assigner en justice pour faire exécuter leurs obligations.

M. [X] [E] conteste toute résistance abusive.

La société RIVOLI IMMOBILIER fait valoir que cette demande a été rejetée une première fois par le jugement du 1er février 2021 du tribunal judiciaire de Paris, confirmé par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 octobre 2022, qui a autorité de la chose jugée.

Sur ce
En application de l’article 1355 du code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet d’un jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité.

L’article 480 du code de procédure civile précise que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche. Le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4.

En l’espèce, par jugement du 1er février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a sursis à statuer sur la demande de M. [L] [J] tendant à la condamnation solidaire de M. [X] [E] et la société RIVOLI IMMOBILIER à la somme de 5 000 de dommages et intérêts « à titre de la résistance abusive ».

Par arrêt du 14 octobre 2022, la cour d’appel de Paris a rejeté cette même demande, de sorte que cet arrêt ayant autorité de chose jugée, la demande identique de dommages et intérêts formée par M. [L] [J] à l’encontre de M. [X] [E] et de la société RIVOLI IMMOBILIER au titre de la résistance abusive doit être déclarée irrecevable.

Sur la demande de garantie de la société RIVOLI IMMOBILIER

La société RIVOLI IMMOBILIER demande la condamnation de M. [X] [E] à la relever et garantir de l’ensemble des condamnations pouvant être mises à sa charge, faisant valoir que la dissimulation d’information par ce dernier est à l’origine du présent litige, tel que relevé par le tribunal dans son jugement du 1er février 2021.

Sur ce

Il résulte de l’article 1240 du code civil, qu’en présence de co-auteurs fautifs, la contribution à la dette entre coresponsables d'un dommage a lieu en proportion des fautes respectives de chacun. À l’inverse, en l'absence de faute prouvée à la charge des responsables, la contribution se fait entre eux à parts égales.

Dès lors, saisi d’un recours en garantie de l’agence à l’encontre du vendeur, le tribunal doit déterminer la contribution de chacun à la réparation du dommage en considération de la gravité de leurs fautes respectives.

Il résulte des motifs du jugement du 1er février 2021, auxquels se réfère l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 octobre 2022, que la responsabilité de l’agence est engagée en ce qu’alors qu’elle avait constaté la réalisation de travaux, elle aurait dû se renseigner auprès du vendeur sur leurs conditions de réalisation et en particulier s’assurer de leur autorisation par l’assemblée générale des copropriétaires, ce qui lui aurait permis d’informer l’acquéreur de leur irrégularité.

Cette faute de l’agence qui relève d’une grave négligence à l’égard de l’acquéreur est d’une moindre gravité par rapport à la faute dolosive imputée au vendeur, le jugement du 1er février 2021 relevant que c’est en toute connaissance de cause et intentionnellement que M. [X] [E] a déclaré de façon mensongère lors de la vente ne pas avoir réalisé de travaux nécessitant une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires ni de travaux ayant occasionné de nouvelle ouverture ou modification de la façade et qu’il a également en toute connaissance de cause laissé croire à l’acquéreur qu’il pourrait jouir de la courette.
En conséquence, et au regard de la gravité des fautes respectives des co-auteurs du dommage causé à M. [L] [J], il convient de retenir une contribution à la dette de la société RIVOLI IMMOBILIER à hauteur de 30% et de M. [X] [E] à hauteur de 70%.

M. [X] [E] sera donc condamné à relever et garantir la société RIVOLI IMMOBILIER de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 70%.

Sur les demandes accessoires

M. [X] [E] et l’agence RIVOLI IMMOBILIER, parties succombant à l’instance, seront condamnés in solidum aux dépens et à verser à M. [L] [J] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En revanche la demande de Maître [B] au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée, le tribunal judiciaire et la cour d’appel ayant déjà statué et condamné M. [L] [J] à lui verser une somme à ce titre et aucune demande n’ayant formée à son encontre dans la présente instance.

Enfin, l’article 515 du code de procédure civile, dans sa version applicable à la présente instance, introduite antérieurement au 1er janvier 2020, autorise le juge à ordonner l’exécution par provision de sa décision chaque fois qu’il l’estime nécessaire et que cette mesure est compatible avec la nature de l’affaire et autorisée par la loi.

En l’espèce, compte tenu de l’ancienneté du litige, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la décision, laquelle est compatible avec la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort

Dit que Maître [T] [B] est mis hors de cause,

Condamne in solidum M. [X] [E] et la société RIVOLI IMMOBILIER à payer à M. [L] [J] la somme de 19 840 euros au titre du préjudice de perte de chance d’acquérir le bien à un prix plus avantageux, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par M. [L] [J] au titre de la résistance abusive,

Condamne M. [X] [E] à relever et garantir la société RIVOLI IMMOBILIER de sa condamnation à payer la somme de 19 840 euros de dommages et intérêts à M. [L] [J] à hauteur de 70%,

Condamne in solidum M. [X] [E] et la société RIVOLI IMMOBILIER aux dépens,

Condamne in solidum M. [X] [E] et la société RIVOLI IMMOBILIER à payer à M. [L] [J] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.

Fait et jugé à Paris le 31 Mai 2024

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 19/04908
Date de la décision : 31/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-31;19.04908 ?
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