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30/05/2024 | FRANCE | N°20/10377

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 30 mai 2024, 20/10377


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :




8ème chambre
2ème section


N° RG 20/10377
N° Portalis 352J-W-B7E-CTBI2

N° MINUTE :


Assignation du :
15 Octobre 2020







JUGEMENT
rendu le 30 Mai 2024
DEMANDEUR

Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice, la société dénommée “LOT CENT”, SARL
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Maître Michel-alexan

dre SIBON de l’AARPI FLS Associés, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #P0204


DÉFENDERESSES

S.C.I. SARA, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

8ème chambre
2ème section


N° RG 20/10377
N° Portalis 352J-W-B7E-CTBI2

N° MINUTE :

Assignation du :
15 Octobre 2020

JUGEMENT
rendu le 30 Mai 2024
DEMANDEUR

Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice, la société dénommée “LOT CENT”, SARL
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Maître Michel-alexandre SIBON de l’AARPI FLS Associés, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #P0204

DÉFENDERESSES

S.C.I. SARA, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 5]

S.A.R.L. FDP, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentées par Maître François-Pascal GERY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0997

Décision du 30 Mai 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 20/10377 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTBI2

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-Président
Anita ANTON, Vice-Présidente
Olivier PERRIN, Vice-Président

assistés de Lucie RAGOT, Greffière lors des débats et de Nathalie NGAMI-LIKIBI, Greffière lors du prononcé

DEBATS

A l’audience du 28 Mars 2024 présidée par Frédéric LEMER GRANADOS tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La S.C.I. SARA est propriétaire d’un local commercial situé au rez-de-chaussée (lot n° 2) et d’une reserve situé au sous-sol dans les caves, reliée audit lot (lot n° 21) au sein de l’immeuble sis [Adresse 2], soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Ces lots sont exploités par la S.A.R.L. FDP, qui y exerce une activité de restauration, depuis le 13 novembre 2015.

Se plaignant notamment de la mise en oeuvre d’un conduit d’extraction sans autorisation préalable de l’assemblée Générale et en violation du règlement sanitaire du département de Paris, ainsi que de divers travaux réalisés en violation de l’article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965 (escalier intérieur pour relier les lots n° 2 et 21) et de non-conformités réglementaires de nature à mettre en peril la sécurité de l’immeuble (défaut d’isolement, obturation d’un soupirail, etc.), le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] a fait assigner la S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP, exerçant sous l’enseigne “CARNETS DE VOYAGE” devant le tribunal judiciaire de Paris, par actes d’huissier des 13 et 15 octobre 2020, afin de solliciter à titre principal :
- la condamnation in solidum de la S.C.I. SARA et de la S.A.R.L. FDP à faire procéder sous astreinte à la depose du conduit d’extraction, la remise en état de l’escalier intérieur reliant le lot n° 2 et le lot n° 21, à l’isolement de la porte d’intercommunication du restaurant, à la réouverture du soupirail de la cave, à la remise en état du soupirail et du mur situé dans le couloir commun de la cave,
- leur condamnation in solidum, sous astreinte, à faire cesser et cesser les livraisons et approvisionnements par les parties communes et les escaliers des caves,
Décision du 30 Mai 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 20/10377 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTBI2

- et leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts, outre les dépens, dont distraction au profit de son conseil, et la somme de 3.500,00 € au titre des frais irrépétibles.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 janvier 2024, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] demande au tribunal de :

Vu la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, notamment en ses articles 9 et 25,
Vu le Règlement Sanitaire de la Ville de [Localité 4] du 23 novembre 1979 modifié, notamment en ses articles 31, 64-2, 63-1 et 41bis,
Vu le Code de Procédure Civile et notamment ses articles 700, 696, 699 et 514 dans sa version applicable à compter du 1er janvier 2020,
Vu la Jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats, notamment le règlement de copropriété du 1er mars 1985 et le rapport de la DPSP de la Ville de [Localité 4] en date du 25 juin 2020,

DECLARER recevable et bien fondée le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2]) représenté par son syndic en exercice, la société dénommée LOT CENT en ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER la SCI SARA in solidum avec la SARL FDP :
• à faire procéder et procéder à la dépose du conduit d’extraction ;
• à faire procéder et à procéder à la remise en état de l’escalier intérieur reliant le lot n°2 et le lot n°21 ;
• à faire procéder et procéder à l’isolement de la porte d’intercommunication du restaurant [6] conformément aux recommandations de la Préfecture de Police suite à sa visite du 5 février 2020 ;
• à faire procéder et procéder à la réouverture du soupirail de la cave avec mise en œuvre d’un dispositif s’opposant au passage des rongeurs ou à mettre en œuvre d’un extracteur avec sortie en rez-de-chaussée permettant une ventilation efficace de la cave ;
• à faire procéder et procéder à la remise en état du soupirail et du mur situé dans le couloir commun de la cave avec mise en œuvre d’un dispositif s’opposant au passage des rongeurs ;

JUGER que les travaux découlant des dispositions qui précèdent devront être réalisés par des entreprises qualifiées et assurées auprès de compagnies d’assurances notoirement solvables sous la surveillance de l’architecte de l’immeuble, dans le délai d’un mois suivant la signification du jugement à intervenir et passé de délai sous astreinte de 500 € par jours de retard ;

CONDAMNER la SCI SARA in solidum avec la société SARL FDP qui contribue à la réalisation du trouble apporté à faire cesser et cesser les livraisons et approvisionnements par les parties communes et les escaliers des caves, sous astreinte de 300 € par infraction constatée par huissier de justice, outre frais des procès-verbaux dressé pour les constater ;

CONDAMNER la SCI SARA in solidum avec la société SARL FDP à payer au Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2]) :
- la somme de 5.000,00 € à titre de dommages-intérêts ;
- la somme de 3.500,00 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER la SCI SARA in solidum avec la société SARL FDP aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Maître Michel-Alexandre SIBON, avocat constitué, par application de l’article 699 du Code de Procédure Civile ;

RAPPELER que le jugement à intervenir est exécutoire de droit à titre provisoire par application du nouvel article 514 du Code de Procédure Civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2023, la S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP demandent au tribunal de :

Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées au débat,

CONSTATER la prescription de la demande du Syndicat des copropriétaires visant la dépose du conduit de ventilation utilisé par la société FDP, et conséquence, la déclarer irrecevable.

JUGER mal fondée les autres demandes du Syndicat des copropriétaires, et en conséquence, les rejeter dans leur intégralité.

CONDAMNER le Syndicat des copropriétaires à payer à chacune des société SARA et FDP la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024.

L'affaire, plaidée à l'audience collégiale du 28 mars 2024, a été mise en délibéré au 30 mai 2024.

DÉCISION

I – Sur les demandes de remises en état, mises en conformité et travaux sous astreinte formées par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] (conduit d’extraction, escalier intérieur reliant les lots n° 2 et 21, isolement de la porte d’intercommunication du restaurant, réouverture de soupirail en cave, remise en état du soupirail et du mur situé dans le couloir commun de la cave) et sur sa demande indemnitaire consécutive :

1-1 Sur les demandes de remises en état, mises en conformité et travaux :

Sur le conduit d’extraction, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] fait état, au visa de l’article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965, de l’édification par la société FDP lors de la prise de possession de son fonds de commerce à l’automne 2015 d’un conduit d’extraction sans autorisation préalable de l’assemblée générale des copropriétaires.

Sur la prescription soulevée en défense par la S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP, il fait valoir que :
- cette problématique ne relève pas de la competence matérielle du tribunal pour constituer une fin de non-recevoir,
- le conduit d’extraction querellé est venu s’ajouter à un petit conduit “chapeauté” dans l’angle de la courette qui lui préexistait et n’a plus de “destination connue”, selon les termes du rapport établi par M. [M], maître d’oeuvre, le 20 octobre 2021,
- c’est précisément ce petit conduit chapeauté qui était visé dans l’annonce produite en défense, étant rappelé que l’activité exercée au sein de l’établissement au moment de l’acquisition des lots par la SCI SARA était une activité de piano-bar totalement étrangère à la restauration (pièce adverse n° 2-1), de sorte que le conduit querellé n’était pas édifié à cette date.

Il argue également de non-conformités du conduit d’extraction au règlement sanitaire du département de [Localité 4] entraînant des nuisances (article 31-1 : bon état d’entretien et de fonctionnement des conduits de fumées, verification des appareils de chauffage de cuisine, article 64-2 : débit minimal de la ventilation pour cuisine collective de 300 litres/seconde par m² de surface de cuisson, 63-1: rejet de l’air extrait des locaux à moins de huit mètres de tout ouvrant), établies par constat des services de la ville de [Localité 4] du 15 juin 2020 et de l’architecte de l’immeuble, au contradictoire des parties, concluant que le conduit n’est pas coupe-feux, qu’il est fuyard et qu’il ne respecte pas la règle d’écart de 8 mètres pour éviter les émissions nocives et pour l’écart au feu, avec un risque sous-jacent en cas d’incendie pour les occupants des appartements, à l’origine de nuisances olfactives provoquées par la mise en route du conduit.

Sur les autres demandes de travaux, “mises en conformité” et remise en état sous astreinte, il fait état d’une atteinte aux parties communes et d’une modification des conditions d’usage et de jouissance de celles-ci, en violation de l’article 9 I de la loi du 10 juillet 1965, ainsi que d’une violation de l’état descriptif de division inséré au règlement de copropriété du 1er mars 1985, prevoyant que le lot n° 21 communique avec le lot n° 2 du rez-de-chaussée par un escalier particulier, dont la suppression a donné lieu à une reconstitution du plancher séparatif sans autorisation de la collectivité des copropriétaires ou a minima du syndic et sans consultation de l’architecte de l’immeuble.

Il precise également que :

- la mise en oeuvre de cette dépose de l’escalier intérieur porte atteinte aux droits des autres copropriétaires par une utilisation abusive des parties communes pour être contraire aux stipulations du règlement de copropriété (article 10, pages 23 et 24, et article 7 avant dernier alinéa, page 19, imposant que les livraisons dans l’immeuble soient faites avant 10 heures le matin et interdisant aux commerçants de s’approvisionner par le hall d’entrée de l’immeuble ainsi que par l’escalier des caves), alors que la S.A.R.L. FDP “procède à l’évidence à son approvisionnement par le hall d’entrée et l’escalier des caves de l’immeuble”, ainsi qu’il en ressort d’un procès-verbal de constats d’huissier des 31 juillet et 7 octobre 2019 (pièce n° 9) et d’un courrier du restaurant mitoyen “Parfums d’Asie” (pièce n° 10),
- le bureau de réglementation des établissements recevant du public de la préfecture de police a relevé un défaut d’isolement aux tiers dû à la mauvaise fermeture de la porte d’intercommunication du restaurant “[6]”, le 5 février 2020 (pièce n° 15), une telle situation étant susceptible de mettre en peril la sécurité de l’immeuble,
- l’article 41 bis du règlement sanitaire du département de [Localité 4] impose la ventilation des caves par un nombre suffisant de soupiraux munis de dispositifs s’opposant au passage des rongeurs ou par tout autre moyen efficace, la ventilation d’une cave étant indispensable pour éviter l’apparition d’humidité par condensation des murs de l’immeuble et à plus long terme d’en degrader la solidité,
- l’attention de la SCI SARA a été attirée sur l’obturation du soupirail de sa cave (lot n° 2) dès le 8 janvier 2013 à la suite de constatations réalisées par un expert judiciaire (pièce n° 11), de nombreuses relances verbales et écrites ayant été formulées par la suite, en dernier lieu par le syndic en exercice le 24 janvier 2020, puis par le conseil du syndicat des copropriétaires selon mise en demeure du 5 mars 2020 (pieces n° 12 à 14),
- l’architecte de l’immeuble a pu constater l’absence totale de ventilation de la cave dans le cadre de son rapport du 21 octobre 2021 avec presence de chambres froides dont la chaleur s’évacue dans les caves privatives non ventilées (pièce n° 17), en préconisant la mise en oeuvre d’extracteurs avec sortie en rez-de-chaussée pour pallier ce deficit de ventilation,
- le propriétaire doit donc procéder à la réouverture du soupirail de la cave avec mise en oeuvre de tout moyen propre à assurer une ventilation suffisante, sous astreinte au vu de son inertie depuis de nombreuses années,
- le soupirail situé dans le couloir commun desservant les caves a été obstrué par un moteur compresseur, dont l’huissier a constaté la presence le 31 juillet 2019, ce soupirail et le mur sur lequel a été fixé le moteur-compresseur étant des parties communes,
- le moteur-compresseur a été retiré sans remise en état du mur et en laissant le soupirail ouvert aux “quatre vents”, notamment au passage des rongeurs (pièce n° 16).

Il considère qu’il ne peut être reproché à la collectivité des copropriétaires de ne pas avoir fait droit à la demande d’autorisation de travaux de la S.C.I. SARA lors de l’assemblée spéciale du 12 mars 2021 à laquelle cette dernière n’était pas présente elle-même (pièce adverse n° 4), après avoir pris connaissance du devis “pour le moins elliptique” de la société AIR PLUS annexé à la convocation.

Sur le “prejudice causé à la collectivité”, il precise que :
- la violation du règlement de copropriété et les nuisances olfactives constatées depuis de nombreuses années ont “nécessairement” causé un prejudice à la collectivité des copropriétaires, ces nuisances ayant été constatées par l’autorité administrative, par l’architecte de l’immeuble et par huissier au cours des années 2019, 2020 et 2021 (pieces n° 5, 17, et 9),
- elles n’ont logiquement pas cessé en l’absence de mise en oeuvre d’un conduit conforme,
- les problématiques liées à l’approvisionnement du commerce par les caves ont été mises en lumière dès 2013 alors même que la S.C.I. SARA était déjà propriétaire, et ont perduré du chef de l’exploitation de la S.A.R.L. FDP comme l’huissier a pu le constater, en relevant une circulation récurrente des salariés de la S.A.R.L. FDP avec des “crocs” pleines de graisse salissant “mécaniquement les parties communes”,
- la problématique liée à l’absence de ventilation suffisante des caves a été mise en lumière dès 2014 et n’a pas cessé, l’objectif de ventilation suffisante des caves participant de la conservation de l’immeuble qui passe par des caves saines,
- au regard de la persistance du prejudice et de la diversité de ses origines, il estime équitable de le réparer par l’octroi d’une somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts.

La S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP répondent, sur le conduit d’extraction, que les allégations du syndicat des copropriétaires sont mensongères et visent à contourner la prescription extinctive affectant sa demande, alors que ce conduit existait déjà lors de l’acquisition du fonds de commerce par la société FDP, ce conduit étant expressément mentionnée dans le rapport établi le 29 octobre 2008 par l’agence immobilière mandatée par le gérant de la S.C.I. SARA aux fins d’évaluation de la valeur locative du local commercial en prévision de sa mise en location (pièce n° 1 : cuisine avec conduit d’extraction (cheminée) permettant une activité de pleine restauration).

Elles soulignent également que :
- une fois le local acquis, le dégraissage du réseau d’extraction a été réalisé dès le mois de juillet 2009 (pièce n° 2),
- c’est à tort que le syndicat pretend, sans apporter la moindre preuve, que le conduit de ventilation aurait été édifié en 2015,
- à l’inverse, elles démontrent qu’il était present depuis au moins 12 années avant la date de l’assignation du syndicat, tandis que la suppression de travaux non autorisés est une action personnelle se prescrivant par 10 ans en application de l’ancien article 42 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965,
- depuis la loi ELAN du 23 novembre 2018, ce même article renvoie au droit commun de l’article 2224 du code civil aux termes duquel les actions personnelles et mobilières se prescrivent pas 5 ans, sans que le nouveau délai puisse excéder la durée initiale de 10 ans,
- c’est donc depuis a minima le mois d’octobre 2018, soit bien avant la délivrance de l’assignation du syndicat, que sa demande est prescrite,
- il est parfaitement envisageable, et même probable, que l’ancien propriétaire ait obtenu l’autorisation de la copropriété,
- une installation aussi importante aurait nécessairement fait réagir le syndic si la copropriété n’avait pas donné son accord préalable,
- en second lieu, ells ont souhaité remédier aux non-conformités relevées par le syndicat affectant le conduit actuel et se sont adressées à une entreprise spécialisée en vue de réaliser les travaux nécessaires dès le début de l’année 2021,
- le 28 janvier 2021, ells ont adressé une demande de convocation d’assemblée Générale pour obtenir l’autorisation de la copropriété de réaliser ces travaux, cette demande ayant été rejetée contre toute attente le 12 mars 2021, bien que ces travaux aient été demandés par le syndicat, ce qui démontre la mauvaise foi patente de certains copropriétaires (pièce n° 4), de sorte que la demande de mise en conformité du syndicat est particulièrement mal fondée,
- au besoin, elle indique au tribunal que la société SARA a fait établir un nouveau devis par la société CHIGNOLI dans le cadre de la médiation (pièce n° 5), qui va bien au-delà des prescriptions de mise en conformité et vise à remettre à neuf l’ensemble du système d’extraction.
Sur l’escalier intérieur reliant la reserve et le restaurant, elles relèvent que :
- le syndicat des copropriétaires affirme qu’elles auraient supprimé un escalier reliant la réserve située dans la cave au restaurant, sans en apporter la preuve, pour la bonne et simple raison que cet escalier n’a jamais existé, seule une vieille echelle de meunier en bois et délabrée reliant la réserve au restaurant par une trémie de 50 cm/50 cm permettant péniblement le passage d’une personne,
- si un tel escalier avait existé, l’on ne voit pas pour quelle raison la société SARA et l’exploitant du local s’en seraient privés,
- la société SARA a engagé des démarches auprès de différentes entreprises dans l’optique de présenter un projet de travaux consistant à installer un monte-fûts lui permettant de descendre ses denrées dans la reserve sans passer par l’escalier commun donnant accès à la cave,
- un devis lui a été remis (pièce n° 6) mais elle doit réaliser une étude de faisabilité par un bureau d’études structure avant de soumettre son projet en assemblée générale, la société PRATEC ayant été missionnée pour réaliser cette étude (pièce n° 7).

Sur l’utilisation du hall d’entrée pour les livraisons du restaurant, elles répondent que :
- la société FDP ne nie pas que certains de ses fournisseurs passaient par le hall de l’immeuble des livraisons, ni les nuisances que cela pouvait engendrer pour les occupants de l’immeuble,
- tenant compte des demandes légitimes du syndicat des copropriétaires, elle est parvenue à la fin de l’année 2020 à faire en sorte que l’ensemble de ses fournisseurs n’utilisent plus les parties communes mais uniquement l’entrée du restaurant donnant sur la rue, le trouble excipé ayant cessé peu de temps après l’introduction du present litige.

Sur le soupirail prétendument obuturé dans la cave (lot n° 21), elles indiquent contester formellement être à l’origine de cette obturation qui préexistait au rachat des murs et ajoutent qu’à aucun moment, le syndicat des copropriétaires ne justifie du caractère insuffisamment ventilé des caves, se bornant à communiquer des courriers du syndic, dont l’un vieux de 10 ans, faisant état des constatations d’un expert dont ni les défenderesses ni le tribunal n’ont connaissance.

La société SARA précise qu’elle ne voit aucune difficulté à réaliser une ouverture dans la cave, à la condition qu’un sachant confirme le caractère insuffisant de la ventilation existante et qu’il precise ses préconisations, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Sur le moteur compresseur situé devant un soupirail du couloir commun des caves donnant sur l’extérieur, elles relèvent que :
- ce n’est pas la société SARA mais le restaurant voisin dénommé “PARFUMS D’ASIE” faisant partie de la même copropriété qui avait installé ce moteur pour les besoins de son activité,
- le syndicat des copropriétaires indique que ledit moteur compresseur a été retiré sans remise en état du mur, laissant ainsi le soupirail accessible pour les rongeurs, ce qui est inexact, ces agissements et la responsabilité qui en découle étant, en tout état de cause, imputables au restaurant voisin, de sorte que la demande du syndicat des copropriétaires est dirigée contre les mauvaises personnes,
- ce n’est pas la première fois que le syndicat des copropriétaires reproche à la société SARA divers manquements du restaurant PARFUMS D’ASIE en faisant une confusion avec le veritable propriétaire de ce local (pièce adverse n° 13, courier du 5 mai 2020), qui n’est pas la société SARA.

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Décision du 30 Mai 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 20/10377 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTBI2

L'article 25 b) de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, prévoit que ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant « l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci ».

Il est constant que le copropriétaire qui procède, sans autorisation de l’assemblée, à des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble doit être condamné à la remise des lieux dans leur état d’origine, dès lors qu'elle est matériellement possible (ex. : Civ. 3ème, 18 juin 1975, n° 74-10297) et en l'absence de disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier, en application des dispositions de l'article 1221 du Code civil.

A défaut de ratification par l'assemblée générale de travaux irrégulièrement entrepris, la remise en état des parties communes dans leur configuration initiale doit être ordonnée (ex. : Civ. 3ème, 15 janvier 2003, n° 01-10.337).

Aux termes de l’article 9 I de la loi du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il en use et en jouit librement sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.

1.1.1 Sur la demande de dépose du conduit d’extraction :

Il n’y a pas lieu de statuer sur l’exception d’incompétence du tribunal soulevée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] dans le corps de ses dernières écritures (page 5) dès lors que cette exception n’est pas reprise dans le dispositif desdites écritures, en application des dispositions de l’article 768 alinéa 2 du code de procédure civile.

L’action tendant au respect du règlement de copropriété et notamment à la suppression d’ouvrages prenant appui sur les parties communes, exécutés sans autorisation relève de la prescription de dix ans de l’article 42 la loi du 10 juillet 1965 (ex. : Civ. 3ème, 5 novembre 2015, n° 14-14.954), applicable en 2008, lequel a été réduit à cinq ans par la loi du 23 novembre 2018.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP, les pièces produites en défense par les sociétés défenderesses permettent d’établir la présence, dès le mois d’octobre 2008, dudit conduit d’extraction, ne correspondant nullement au petit conduit « chapeauté » sans destination connu mentionné dans un rapport d’architecte du 21 octobre 2021 produit en demande, dans le lot n° 2 appartenant à la S.C.I. SARA (pièce n° 17 produite en demande, page 8).

Ainsi, dès le 29 octobre 2008, le local commercial en rez-de-chaussée, que la S.C.I. SARA envisageait de louer à cette date, est décrit comme étant composé notamment d’une « cuisine avec conduit d’extraction (cheminée) permettant une activité de pleine restauration » (pièce n° 1 produite en défense, rapport ERA Immobilier du 29/09/2008), ce conduit d’extraction ayant fait l’objet d’un dégraissage dès le mois de juillet 2009 (pièce n° 2 produite en défense, facture AIRNET de dégraissage du réseau d’extraction de buées grasses n° 900467 du 20 juillet 2009).

Néanmoins, il est également constant, et non contesté, que l’installation litigieuse méconnaît les dispositions du règlement sanitaire du département de [Localité 4], exigeant que l’air extrait des locaux soit rejeté à au moins huit mètres de toutes fenêtres, ainsi que plusieurs dispositions réglementaires du code de la santé publique, rappelées par le bureau d’actions contre les nuisances professionnelles (sous-direction de la tranquillité publique, direction de la prévention, de la sécurité et de la protection) de la ville de [Localité 4] dans un courrier du 25 juin 2020 (pièce n° 5 produite en demande), et détaillées dans un rapport d’architecte du 21 octobre 2021 (pièce n° 17 produite en demande, 8 et 9), ces non-conformités étant de nature à occasionner des nuisances sonores et olfactives, caractérisant une atteinte aux droits des autres copropriétaires au sens des dispositions susvisées de l’article 9 I de la loi du 10 juillet 1965.

Les sociétés défenderesses ne le contestent pas aux termes de leurs dernières écritures mais se contentent de faire état d’une demande de convocation d’une assemblée générale afin d’obtenir l’autorisation de faire réaliser divers travaux de mise en conformité du conduit d’évacuation au profit du propriétaire du lot n° 2 « en vue d’assurer son étanchéité et son débouché à plus de 8 mètres de tout ouvrant », autorisation qui a été refusée, selon résolution n° 4 de l’assemblée générale ordinaire du 12 mars 2021 (pièces n° 3 et 4), sans toutefois que la S.C.I. SARA justifie avoir, à ce jour, engagée une action afin de solliciter une autorisation judiciaire de faire réaliser lesdits travaux dans les conditions de l’article 30 alinéa 4 de la loi du 10 juillet 1965.

Dans ces conditions, et nonobstant la prescription soulevée en défense concernant la demande de dépose du conduit d’extraction formée par le syndicat des copropriétaires demandeur au visa de l’article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965, il convient de faire droit à la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] en condamnant in solidum la S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP à faire procéder, par une entreprise qualifiée et assurée de leur choix et sous le contrôle de l’architecte désigné par la copropriété, à la dépose du conduit d’extraction de la cuisine du lot n° 2 dépendant de l’immeuble sis [Adresse 2].

Néanmoins, il n’apparaît pas nécessaire, à ce stade, d’assortir cette condamnation d’une astreinte, dès lors que les sociétés défenderesses ont manifesté leur souhait de faire procéder à la mise en conformité du conduit d’extraction litigieux en sollicitant une autorisation à cette fin, avec production d’un devis détaillé de la société AIR-PLUS, incluant la mise en place de l’étanchéité du conduit, son rallongement sur environ 6 mètres ainsi que le dégraissage et le ramonage des conduits existants, devis accompagné d’un plan côté du projet précisant la consistance et l’implantation des travaux, ainsi que de photographies et d’attestations d’assurance (pièces n° 3 précitées), dont rien n’indique qu’il serait « pour le moins elliptique » comme le soutient le syndicat des copropriétaires demandeur à l’instance.  

1.1.2 Sur la demande de remise en état de l’escalier intérieur reliant le lot n° 2 et le lot n° 21 :

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] ne produit aucun élément de preuve de nature à établir la suppression de « l’escalier particulier » reliant le lot n° 2 au lot n° 21 au sous-sol, avec suppression et reconstitution du plancher séparatif, dont il fait état, se contentant de produire à ce titre des plans de l’immeuble dont l’examen ne permet nullement de faire « apparaître clairement » l’escalier intérieur allégué (pièce n° 18), tandis que les sociétés défenderesses indiquent aux termes de leurs dernières écritures que la réserve au sous-sol constituant le lot n° 21 aurait été seulement reliée au local commercial au rez-de-chaussée par une « vieille échelle de meunier en bois et délabrée » et au travers d’une « trémie de 50 cm/50 cm permettant péniblement le passage d’une personne » (page 5).

Ces éléments allégués en défense sont d’ailleurs confirmés par le rapport d’architecte du 20 octobre 2021 produite par le syndicat des copropriétaires demandeur (pièce n° 17, pages 4 et 5) faisant état, après investigations sur site dans la cave située sous la salle du restaurant d’une trémie existant « déjà depuis l’origine de la construction de l’immeuble pour la mise en place d’une échelle de meunier », restant « un accès accessoire pour ce lot », l’échelle de meunier ne permettant « pas aux occupants du restaurant de descendre les denrées alimentaires au sous-sol, les risques de chutes » étant « trop importants et la non-conformité avec le code du travail est manifeste », tout en précisant notamment que :
- la création d’un véritable escalier dans une voute maçonnée est une construction très onéreuse et très compliquée à réaliser dans une voute maçonnée,
- la construction d’un monte-fûts entre le sol du rez de chaussée et le sous-sol à usage de réserves et chambres froides de ce restaurant permettrait « de régler une grande partie les problèmes de stockages des denrées alimentaires vers les chambres froides du sous-sol 1 », une ancienne réservation existant dans la voute de cette cave permettant la mise en place d’un monte-fûts d’une dimension adaptée à la trémie sans déstructurer la voute de la cave.

Le procès-verbal de constats d’huissier réalisés les 31 juillet et 7 octobre 2019 établissant à ces dates l’acheminement de diverses denrées et produits depuis la rue vers le restaurant « Carnets de voyages » en passant par le hall de l’immeuble et par l’escalier des caves (pièce n° 0 produite en demande) n’est pas davantage de nature à établir la suppression d’un escalier intérieur, avec suppression puis reconstitution du plancher séparatif, alléguée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2].

Cette demande sera donc rejetée.

1.1.3 Sur la demande d’isolement de la porte d’intercommunication du restaurant “[6]”, conformément aux recommandations de la prefecture de police suite à sa visite du 5 février 2020 :

Aux termes d’un courrier du bureau des établissements recevant du public de la préfecture de police (direction des transports et de la protection du public, sous-direction de la sécurité du public) en date du 21 février 2020, il a été relevé, à la suite d’une visite d’un technicien du service de prévention incendie de la préfecture de police effectuée le 5 février 2020, un défaut d’isolement par rapport aux tiers, dû à la mauvaise fermeture de la porte d’intercommunication du restaurant (pièce n° 15 produite en demande), ce défaut d’isolement étant de nature à porter atteinte à la sécurité de l’immeuble, en raison du risque d’incendie en résultant.

C’est d’ailleurs en ce sens que la préfecture de police indique dans ce même courrier qu’il appartient, le cas échéant, au syndic de l’immeuble « représentant à ce titre l’ensemble des propriétaires, de prendre toute mesure, y compris par la voie judiciaire, en vue d’assurer la sécurité de l’immeuble ».

Ainsi, le non-respect de ces règles de sécurité concernant le restaurant « Carnets de voyages », engendre un risque certain pour la sécurité des copropriétaires et pour la sécurité de l’immeuble.

Il porte donc atteinte aux droits des autres copropriétaires au sens des dispositions visées en demande de l’article 9 I de la loi du 10 juillet 1965 (ex. : Cour d’appel de Paris, Pôle 4 – Chambre 2, 7 avril 2021, n° RG 17/14387).  

Dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] en condamnant in solidum la S.C.I. SRA et la S.A.R.L. FDP à faire procéder, par une entreprise qualifiée et assurée de leur choix et sous le contrôle de l’architecte désigné par la copropriété, à l’isolement de la porte d’intercommunication du restaurant « [6] » conformément aux recommandations formulées par la préfecture de police à la suite de la visite du 5 février 2020, sous astreinte de 300,00 € par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification du présent jugement.

L'astreinte courra pendant quatre mois et sera, le cas échéant, liquidée par le juge de l'exécution, conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution.

1.1.4 Sur la demande de réouverture du soupirail de la cave avec mise en oeuvre d’un dispositive s’opposant au passage des rongeurs ou de mise en oeuvre d’un extracteur avec sortie en rez-de-chaussée une ventilation efficace de la cave :

Il ressort du rapport d’architecte produit en demande en date du 21 octobre 2021 établi, à la suite d’une visite sur site réalisée contradictoirement, en présence du syndic de l’immeuble, d’un membre du conseil syndical, du conseil du syndicat des copropriétaires, d’un représentant de la S.C.I. SARA et du conseil de la S.C.I. SARA que « les caves privatives des deux locaux à usage de restaurant montrent une totale absence de ventilation des locaux des sous-sol » (pièce n° 17, page 9), ce dont il résulte :

- une température et une atmosphère dans toutes les caves privatives et dans le couloir des caves partie commune, qualifiées de « totalement contraire aux normes sanitaires et au règlement sanitaire »,
- un risque de propagation de germes incompatibles avec l’usage des caves privatives dédiées aux deux restaurants, en raison de la présence de chambres froides dont la chaleur s’évacue dans des caves privatives non ventilées »,
- une impossibilité de respecter la chaîne du froid, en raison de la température régnant dans les chambres froides, sans ventilation.

Décision du 30 Mai 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 20/10377 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTBI2

S’il n’est pas établi que les sociétés défenderesses auraient été à l’origine d’une obturation d’un soupirail situé dans la réserve constituant le lot n° 21, il n’en demeure pas moins que l’absence totale de ventilation de la cave privative à usage de restaurant appartenant à la S.C.I. SARA et exploitée par la S.A.R.L. FDP est établie et qu’elle est de nature à mettre en péril la sécurité et/ou la santé des autres copropriétaires au sein d’un immeuble ancien avec de nombreux éléments de structure en bois (ex. : Cour d’appel de Rennes, Quatrième chambre, 1er juillet 2010, n° RG 08/05745), de sorte que la violation des dispositions de l’article 9 I de la loi du 10 juillet 1965 est également caractérisée à ce titre, la circulation de l’air devant être rétablie.

Dans ces conditions, il convient de faire droit, pour partie, à la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] en condamnant in solidum la S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP à faire réaliser, par une entreprise qualifiée et assurée de leur choix et sous le contrôle de l’architecte désigné par la copropriété, une ventilation conforme aux règles de l’art de la cave privative située en sous-sol, constituant le lot n° 21 (réserve), sous astreinte de 300 € par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification du présent jugement.

L'astreinte courra pendant quatre mois et sera, le cas échéant, liquidée par le juge de l'exécution, conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution.

Le surplus de la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2], non justifié d’un point de vue technique, sera rejeté.

1.1.5 Sur la demande de remise en état du soupirail et du mur situé dans le couloir commun de la cave avec mise en oeuvre d’un dispositive s’opposant au passage des rongeurs :

La preuve n’est pas rapportée, en l’espèce, de l’allégation selon laquelle la S.C.I. SARA ou son locataire aurait été à l’origine de l’obturation alléguée d’un soupirail situé dans le couloir commun desservant les caves par un moteur compresseur ou groupe froid alimenté en eau situé au fond du couloir, dont un huissier de justice a constaté la présence le 31 juillet 2019 (pièce n° 9, page 2, et pièce n° 16 produites en demande, photographie), alors même que :
- les sociétés défenderesses soutiennent que ce moteur aurait été installé par le restaurant voisin dénommé « Parfums d’Asie » pour les besoins de son activité (dernières écritures, page 7),
- le syndic de l’immeuble lui-même procède à une confusion entre les deux restaurants voisins (Carnets de voyages et Parfums d’Asie) dans son courrier adressé à la S.C.I. SARA le 5 mai 2020, en indiquant à tort que cette dernière donnerait ses « lots à bail à la société GLG qui y exploite un fonde de commerce de « Restaurant Asiatique, restauration rapide et plats à emporter » sous l’enseigne « Parfums d’Asie » » (pièce n° 13 produite en demande).

Dès lors, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] devra être débouté de sa demande de condamnation in solidum, sous astreinte, de la S.C.I. SARA et de la S.A.R.L. FDP à faire procéder ou procéder à la remise en état du soupirail et du mur situé dans le couloir commun de la cave avec mise en oeuvre d’un dispositif s’opposant au passage des rongeurs.
Décision du 30 Mai 2024
8ème chambre 2ème section
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1-2 Sur la demande indemnitaire consécutive formée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] et sur sa demande de condamnation in solidum, sous astreinte, de la S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP à faire cesser et cesser les livraisons et approvisionnements par les parties communes et les escaliers des caves :

Le syndicat des copropriétaires a qualité à agir en réparation des préjudices personnels ressentis de la même manière par l'ensemble des copropriétaires, prenant ainsi un caractère collectif (ex. : Civ. 3ème, 23 novembre 2017, n° 16-20.805), au titre de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble, en application des dispositions de l'article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Le caractère collectif est établi en présence de préjudices personnels des copropriétaires qui relèvent normalement de l’action individuelle mais qui sont supportés par l’ensemble des copropriétaires ou par l’ensemble des lots de la même manière (ex. Civ. 3ème, 14 novembre 1990, n° 88-12.995, 17 octobre 2012, n° 11-17.066, 10 octobre 1984, n° 83-14.811, etc.).

La jurisprudence n'exige pas que le préjudice subi soit continu dès lors qu'il est collectif et touche uniformément l'ensemble des copropriétaires, de la même manière pour chacun d'eux (en ce sens, très clairement : Civ. 3ème, 9 juin 1993, n° 91-16.375 et 91-16.357, premiers moyens des pourvois).

Il appartient au syndicat des copropriétaires de rapporter la preuve du caractère collectif du trouble subi par l’ensemble des copropriétaires dont l’appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (ex. : Civ., 6 octobre 2009, n° 08-19.441, 26 janvier 2010, n° 08-21.438, 9 mai 2012, n° 11-12.088).

En l’espèce, la demande indemnitaire du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] repose sur :

- un compte-rendu d’enquête du bureau d’actions contre les nuisances professionnelles de la ville de [Localité 4] du 15 juin 2020 (inspecteur de salubrité) précisant que les nuisances sonores signalées “dues au fonctionnement du restaurant” exerçant sous l’enseigne “[6]” “proviennent en fait du restaurant voisin “PARFUMS D’ASIE””, la coupure de l’extraction d’air de cuisine de ce dernier montrant que “l’extraction d’air de cuisine de l’établissement “[6]” fonctionnant seule est peu audible de la cuisine de l’appartement le plus impacté du 5ème” (pièce n° 5 produite en demande, page 4),

- un procès-verbal de constats d’huissier (pièce n° 9 produite en demande) relatant avoir constaté :
* depuis la voie publique, de 18 heures 30 à 18 heures 40, le 31 juillet 2019, l’acheminement de comestibles et denrées périssables depuis la rue jusque dans le restaurant face droit par le hall intérieur de l’immeuble, des livraisons ayant eu lieu à quatre reprises,
* puis le 7 octobre 2019, à 18 heures 30, la presence de graisse en grande quantité au sol dans le passage à proximité de containers, l’encombrement d’une courette de divers objets et détritus ainsi que des odeurs de cuisine et un bruit important de ventilation (provenant du conduit d’extraction du restaurant “PARFUMS D’ASIE” et non du restaurant “CARNETS DE VOYAGE” exploité par la S.A.R.L. FDP) perceptibles depuis l’appartement d’une copropriétaire, fenêtre ouverte sur cour,

- un compte-rendu de visite sur site du 20 octobre 2021 de Monsieur [M], architecte, ayant constaté ce jour, à 12h00, une forte odeur de cuisine dans la courette (forte odeur d’ail en particulier) ainsi que des “nuisances sonores” qualifies de “très importantes” provenant du conduit spiralé (extracteur) du local de la S.C.I. SARA exploité par la S.A.R.L. FDP (pièce n° 17 produite en demande, page 8 en particulier).

Il est par ailleurs fait état en demande d’un courier en date du 8 janvier 2013 émanant du syndic de l’immeuble ayant pour objet “livraison du restaurant et encombrement des couloirs de caves” qui ne permet nullement d’établir la matérialité du prejudice allégué (pièce n° 11 produite en demande).

De même, aucun prejudice reel, certain et actuel, lié à l’absence de ventilation de la réserve appartenant à la S.C.I. SARA, n’est établi au travers des pieces produites.

S’il est incontestable que les non-conformités du conduit d’extraction du restaurant ont été à l’origine de nuisances olfactives et sonores plus ou moins intenses perceptibles depuis une courette de l’immeuble (dont aucun élément technique ne permet toutefois de determiner la localisation et l’intensité exactes alors qu’un autre restaurant voisin exerçant sous l’enseigne “Parfums d’Asie” est à l’origine de nuisances de même nature) et que des denrées et produits ont été approvisionnés en juillet et octobre 2019 par le restaurant exploité par la S.A.R.L. FDP, en salissant/encombrant des parties communes (hall intérieur, courette), il n’est pas pour autant établi l’existence d’un prejudice collectif uniformément ressenti par l’ensemble des copropriétaires (et non pas ceux de quelques appartements seulement) de nature à justifier l’allocation de la somme de 5.000,00 € sollicitée en demande à titre de dommages et intérêts.

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] souligne que la violation de stipulations du règlement de copropriété et les “nuisances olfactives” constatées depuis “de nombreuses années” auraient “nécessairement causé un prejudice à la collectivité des copropriétaires”, sans pour autant produire d’éléments de preuve suffisant pour établir la nature exacte (nuisances sonores, olfactives, visuelles : salissures, atteinte à la santé des occupants de l’immeuble, en l’absence de “caves saines”), la matérialité, la persistance dans la durée et le caractère collectif du préjudice allégué.

Dans ces conditions, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] devra être débouté de l’intégralité de sa demande de condamnation in solidum de la S.C.I. SARA et de la S.A.R.L. FDP à lui payer la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts.

De même, la preuve n’étant pas rapportée de la persistance dans le temps et de l’actualité des “livraisons et approvisionnements par les parties communes et les escaliers des caves” reprochés par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] à la S.C.I. SARA et à son locataire en s’appuyant sur un unique procès-verbal de constats d’huissier qui remonte aux mois de juillet et d’octobre 2019 (pièce n° 9), alors que les sociétés défenderesses indiquent dans leurs dernières écritures (page 6) avoir tenu compte “des demandes légitimes” du syndicat des copropriétaires “dès la fin de l’année 2020” en faisant en sorte que leurs fournisseurs “n’utilisent plus les parties communes, mais uniquement l’entrée du restaurant donnant sur la rue”, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] sera également débouté de sa demande de condamnation in solidum, sous astreinte, de la S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP à faire cesser et cesser les livraisons et approvisionnements par les parties communes et les escaliers des caves.
II – Sur les autres demandes :

S'agissant d'une assignation délivrée postérieurement au 1er janvier 2020 (II de l'article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019), l'exécution provisoire est de droit, à moins que la décision rendue n'en dispose autrement, en application des dispositions de l'article 514 du Code de procédure civile.

Aucun élément ne justifie en l'espèce que l'exécutoire provisoire, qui est compatible avec la nature de la présente affaire, soit écartée, conformément à l'article 514-1 du Code de procédure civile.

Au regard du sens de la présente décision, la S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP, qui succombent majoritairement à l’instance, seront condamnées in solidum aux entiers dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 3.500,00 € au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sera accordé à Maître Michel-Alexandre SIBON.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

Condamne in solidum la S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP à faire procéder, par une entreprise qualifiée et assurée de leur choix et sous le contrôle de l’architecte désigné par la copropriété, à la dépose du conduit d’extraction de la cuisine du lot n° 2 dépendant de l’immeuble sis [Adresse 2],

Dit n’y avoir lieu d’assortir la condamnation susvisée d’une astreinte,

Déboute le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] de sa demande de condamnation in solidum de la S.C.I. SARA et de la S.A.R.L. FDP à faire procéder et à procéder à la remise en état de l’escalier intérieur reliant le lot n° 2 et le lot n° 21,
Condamne in solidum la S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP à faire procéder, par une entreprise qualifiée et assurée de leur choix et sous le contrôle de l’architecte désigné par la copropriété, à l’isolement de la porte d’intercommunication du restaurant « [6] » conformément aux recommandations formulées par la préfecture de police à la suite de la visite du 5 février 2020, sous astreinte de 300,00 € par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification du présent jugement,

Dit que l’astreinte précitée courra pendant quatre mois et sera, le cas échéant, liquidée par le juge de l'exécution, conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution,

Condamne in solidum la S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP à faire réaliser, par une entreprise qualifiée et assurée de leur choix et sous le contrôle de l’architecte désigné par la copropriété, une ventilation conforme aux règles de l’art de la cave privative située en sous-sol, constituant le lot n° 21 (réserve), sous astreinte de 300 € par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification du présent jugement,

Dit que l’astreinte précitée courra pendant quatre mois et sera, le cas échéant, liquidée par le juge de l'exécution, conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution,

Déboute le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] du surplus de sa demande de condamnation in solidum, sous astreinte, de la S.C.I. SARA et de la S.A.R.L. FDP à faire procéder et procéder à la réouverture du soupirail de la cave avec mise en œuvre d’un dispositif s’opposant au passage des rougeurs ou à mettre en œuvre un extracteur avec sortie en rez-de-chaussée,

Déboute le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] de sa demande de condamnation in solidum, sous astreinte, de la S.C.I. SARA et de la S.A.R.L. FDP à faire procéder ou procéder à la remise en état du soupirail et du mur situé dans le couloir commun de la cave avec mise en oeuvre d’un dispositif s’opposant au passage des rongeurs,

Rejette le surplus des demandes de condamnatiion in solidum, sous astreinte, de la S.C.I. SARA et de la S.A.R.L. FDP à faire procéder et à procéder à divers travaux formé par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2],

Déboute le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] de l’intégralité de sa demande de condamnation in solidum de la S.C.I. SARA et de la S.A.R.L. FDP à lui payer la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts,

Déboute le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] de sa demande de condamnation in solidum, sous astreinte, de la S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP à faire cesser et cesser les livraisons et approvisionnements par les parties communes et les escaliers des caves, outre frais des procès-verbaux dressés pour les constater,
Condamne in solidum la S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP aux entiers dépens,

Accorde à Maître Michel-Alexandre SIBON, avocat, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la S.C.I. SARA et la S.A.R.L. FDP à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] la somme de 3.500,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 30 Mai 2024

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 20/10377
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;20.10377 ?
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