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29/05/2024 | FRANCE | N°24/02828

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 3ème section, 29 mai 2024, 24/02828


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le
Expédition exécutoire délivrée à :
- Maître Blaise, vestiaire E250
Copie certifiée conforme délivrée à :
- Maître Liard, vestiaire J002




3ème chambre
3ème section

N° RG 24/02828 -
N° Portalis 352J-W-B7I-C4HNW

N° MINUTE :

Assignation du :
08 Février 2024











JUGEMENT
SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND
rendu le 29 mai 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. LUTETIA MEDICAL
[Adresse 1]
[Localité 2]
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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le
Expédition exécutoire délivrée à :
- Maître Blaise, vestiaire E250
Copie certifiée conforme délivrée à :
- Maître Liard, vestiaire J002

3ème chambre
3ème section

N° RG 24/02828 -
N° Portalis 352J-W-B7I-C4HNW

N° MINUTE :

Assignation du :
08 Février 2024

JUGEMENT
SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND
rendu le 29 mai 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. LUTETIA MEDICAL
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Aude BLAISE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E0250 et Maître Jonathan AMOUYAL de la SELAS AMOUYAL TAX & LAW, avocat au barreau de Nice, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

Société META PLATFORMS IRELAND LIMITED
[Adresse 4],
[Localité 3] (IRLANDE)

représentée par Maître Bertrand LIARD du cabinet WHITE AND CASE LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J002

Décision du 29 mai 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 24/02828 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4HNW

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
assisté de Lorine MILLE, greffière

DEBATS

A l’audience du 24 avril 2024, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 29 mai 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Lutetia medical est une société de droit français spécialisée dans la greffe de cheveux. Elle se présente comme étant l’unique société française bénéficiaire d’un accord d’exclusivité pour l’utilisation en France des brevets et marques déposés par le groupe DHI sur la technique d’implantation directe de cheveux.
Elle est titulaire de la marque verbale française « DHI » n° 4072938 déposée et enregistrée le 26 février 2014 pour les produits de la classe 10 : « appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires, membres, yeux et dents artificiels ; prothèses ; implants artificiels ; mobilier spécial à usage médical, coutellerie chirurgicale, chaussure orthopédique ».
La société Meta Platforms Ireland Limited (ci-après MPIL) est une société de droit irlandais, hébergeur de Facebook et Instagram pour tous les utilisateurs en France.
La société Lutetia medical indique avoir découvert sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram, deux comptes proposant des greffes capillaires selon la technique « DHI », constituant selon elle une atteinte à ses droits de propriété intellectuelle :
- « Monsieur [Z] » sur Facebook,
- « monsieur.[Z] » sur Instagram.
Le 5 juillet 2023, la société Lutetia medical a mis en demeure l’éditeur des contenus illicites de cesser toute utilisation illégitime et irrégulière de sa marque sur les comptes Facebook et Instagram, sans en obtenir de réponse satisfaisante.
Le 29 décembre 2023, la société Lutetia medical a adressé une lettre de notification de contenu illicite à la défenderesse hébergeuse des services Facebook et Instagram. Cette dernière a retiré divers contenus en ligne argués de violation la marque déposée « DHI », sans supprimer les comptes prétendument contrefaisants.
Par acte introductif d’instance du 19 février 2024, la société Lutetia medical a fait assigner devant le présent tribunal judiciaire de Paris, selon la procédure accélérée au fond, la société MPIL.
Aux termes de son assignation, la société Lutetia medical demande au tribunal de :
- Dire que le tribunal judiciaire de Paris est territorialement compétent afin de connaître du litige,
- Ordonner à la société Meta Platforms Ireland Limited la suppression des pages intitulées « Monsieur [Z] » sur Facebook et « monsieur.[Z] » sur Instagram, courant à l’expiration d’un délai de huit (8) jours suivant la signification du jugement à intervenir puis sous astreinte de mille euros (1 000 euros) par jour de retard ;
- Ordonner à la société Meta Platforms Ireland Limited à défaut, le retrait de toutes publications sur les pages « Monsieur [Z] » et « monsieur.[Z] », reproduisant le signe ou comportant l’hashtag « DHI » de la marque verbale précitée, sous astreinte de mille euros (1 000 euros) par infraction constatée, courant à l’expiration d’un délai de huit (8) jours suivant la signification du jugement à intervenir puis sous astreinte de mille euros (1 000 euros) par jour de retard ;
- Dire qu’il leur sera référé en cas de difficulté ;
- Se réserver la liquidation des astreintes prononcées.
Par conclusions récapitulatives en date du 18 avril 2024, la demanderesse a modifié ses demandes et n’a maintenu que sa seule demande de suppression des comptes, sans astreinte ni demande complémentaire relative aux frais et dépens.
En réponse, la société MPIL par des conclusions signifiées le 23 avril 2024 demande au tribunal de :
- Déterminer si les comptes Facebook (https://www.facebook.com/monsieur[Z]/) et Instagram (https://www.instagram.com/monsieur.[Z]/) sont illicites au regard du droit français, et si la société Lutetia Medical a subi un quelconque préjudice.
L’affaire a été mise en délibéré au 29 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur la note en délibéré
Aux termes de l’article 445 du code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.
Par message du 21 mai 2024, la société Lutetia Medical a communiqué une note en délibéré.
Toutefois, cette note ne faisant suite à aucun argument développé par le ministère public, non plus qu’à aucune demande du président, elle sera, comme sa pièce jointe, déclarée irrecevable.
Sur la demande de suppression des comptes contenant les publications poursuivies :
Selon l’article 6.I.8 de la loi LCEN, “le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, peut prescrire à toute personne susceptible d’y contribuer toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne”.

La charge de la preuve, selon les conditions prévues par ces dispositions, repose sur la demanderesse. Il lui appartient de prouver que le contenu est hébergé par un service de communication au public en ligne (1), qu’il est prohibé par la loi française (2) et qu’il lui est personnellement dommageable (3).

(1) sur la publication du contenu sur un service de communication au public en ligne

Il est constant que les réseaux sociaux Facebook et Instagram, sont des services de communication au public en ligne. Les pièces versées au débat par la demanderesse démontrent l’existence d’un compte Facebook intitulé « Monsieur [Z] » et un compte Instagram intitulé « monsieur.[Z] », grâce aux captures d’écran qui permettent de voir l’ensemble des mentions et publications ou posts caractéristiques de ces réseaux sociaux (pièces 7,8,9,10,11 et 12 de la demanderesse). Ces deux comptes sont hébergés par la société MPIL pour les utilisateurs français, comme l’atteste cette dernière.

Il est, de ce fait, établi que les contenus litigieux sont hébergés par un service de communication au public en ligne.

(2) sur le caractère illicite du contenu

Aux termes de l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle « est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque ».
Suivant l’article L.716-4 du même code, « l’atteinte portée au droit du titulaire du la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4 ».
La société Lutetia medical est titulaire de la marque verbale française n°4072938 « DHI » enregistrée le 26 février 2014 pour désigner des produits de la classe 10 : « appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires, membres, yeux et dents artificiels ; prothèses ; implants artificiels ; mobilier spécial à usage médical, coutellerie chirurgicale, chaussures orthopédiques ».
Cette marque est exploitée par la demanderesse pour des services de greffe de cheveux et d’implant capillaire prestés par sa maison médicale établie en France.
Les publications produites des comptes « Monsieur [Z] » et « monsieur.[Z] », respectivement sur Facebook et Instagram démontrent l’utilisation répétitive du signe « DHI » pour désigner des services de greffe capillaire. Ces faits établissent l’usage des signes litigieux dans la vie des affaires.
Ces usages sur les comptes susmentionnés relèvent d’une double identité, relative aussi bien au signe verbal « DHI » protégé de la demanderesse qu’aux services proposés de greffe capillaire. Il en résulte un risque de confusion dans l’esprit du public, et ce d’autant plus que le centre médical de la demanderesse est le seul en France à détenir la certification officielle DHI pour prester cette méthode d’implant (conclusions page 13 de la demanderesse).
Ces contenus sont donc illicites et la caractérisation d’une contrefaçon par imitation est démontrée.
(3) l’existence d’un dommage
Le caractère dommageable des publications en cause résulte de leur caractère illicite puisqu’elles sont contrefaisantes des droits détenus par la société Lutetia medical sur le signe « DHI ».
La publication de contenus sur des célébrités ayant subi une greffe « DHI » à la clinique de la demanderesse sur les deux comptes Facebook et Instagram démontre l’intention de s’approprier des résultats qui ne sont pas les siens, de la part de l’exploitant de ses comptes.
En outre, ces usages ont conduit à une banalisation et une déperdition du caractère distinctif de la marque de la demanderesse ainsi qu’une économie d’investissements promotionnels réalisée par l’auteur de l’atteinte aux droits.
Il s’ensuit que la suppression de certaines des publications est insuffisante pour arrêter les agissements illicites de ces comptes sur les réseaux sociaux.
Dès lors, la demande de suppression définitive des comptes « Monsieur [Z] » sur Facebook et « monsieur.[Z] » sur Instagram sera prononcée.
Sur les demandes accessoires
Suivant les demandes de la société Lutetia medical, chaque partie à l’instance conservera la charge de ses propres frais irrépétibles et dépens.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant selon la procédure accélérée au fond, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

Déclare irrecevable la note en délibéré de la société Lutetia Medical ;

Constate le caractère contrefaisant des comptes « Monsieur [Z] » sur Facebook et « monsieur.[Z] » sur Instagram causant un préjudice à la société Lutetia Medical ;

Ordonne à la société META PLATFORMS IRELAND Ltd de supprimer les comptes « Monsieur [Z] » sur Facebook (https://www.facebook.com/monsieur[Z]/) et « monsieur.[Z] » sur Instagram (https://www.instagram.com/monsieur.[Z]), et ce dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres frais et dépens ;

Rappelle que le présent jugement est exécutoire par provision.

Fait et jugé à Paris le 29 mai 2024

La greffièreLe président
Lorine MilleJean-Christophe Gayet


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 3ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 24/02828
Date de la décision : 29/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-29;24.02828 ?
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