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28/05/2024 | FRANCE | N°22/04496

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 4ème chambre 1ère section, 28 mai 2024, 22/04496


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




4ème chambre 1ère section

N° RG 22/04496
N° Portalis 352J-W-B7G-CWIPF

N° MINUTE :



Assignation du :
24 Février 2023




JUGEMENT
rendu le 28 Mai 2024






DEMANDERESSE

CAISSE DE CREDIT MUTUEL MARQUION
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Justine OUAZAN-BOUHOURS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1656, avocat postulant, et par Me Jean-Baptiste ZAAROUR, avoc

at au barreau de VALENCIENNES, avocat plaidant


DÉFENDERESSES

S.A. ING BANK N.V. prise en sa succursale en France
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Frédéric BELLANCA, a...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

4ème chambre 1ère section

N° RG 22/04496
N° Portalis 352J-W-B7G-CWIPF

N° MINUTE :

Assignation du :
24 Février 2023

JUGEMENT
rendu le 28 Mai 2024

DEMANDERESSE

CAISSE DE CREDIT MUTUEL MARQUION
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Justine OUAZAN-BOUHOURS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1656, avocat postulant, et par Me Jean-Baptiste ZAAROUR, avocat au barreau de VALENCIENNES, avocat plaidant

DÉFENDERESSES

S.A. ING BANK N.V. prise en sa succursale en France
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Frédéric BELLANCA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #Ll0015

Madame [Y] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4]
défaillante

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Julie MASMONTEIL, Juge
Pierre CHAFFENET, Juge

assistés de Véroniquer BABUT, Greffier lors des débats
et de Nadia SHAKI, Greffier lors de la mise à disposition
Décision du 28 Mai 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 22/04496 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWIPF

DÉBATS

A l’audience du 13 Mars 2024 tenue en audience publique devant Madame MASMONTEIL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [I] et Mme [M] [P] épouse [I] (ci-après les époux [I]) étaient titulaires d’un compte de dépôt dans les livres de la Caisse de Crédit Mutuel de Marquion (ci-après la Caisse de Crédit mutuel).

Mme [Y] [I], fille de M. [B] [I], était titulaire d’un compte de dépôt ouvert dans les livres de la société de droit néerlandais ING Bank N.V (ci-après ING Bank).

Le 29 janvier et le 1er février 2019, Mme [Y] [I] a encaissé, sur son compte ING Bank, deux chèques tirés sur le compte de dépôt des époux [I] :
Un chèque n°7427649 du 15 janvier 2019 d’un montant de 8.000 euros ;Un chèque n°7427650 du 22 janvier 2019 d’un montant de 4.000 euros.
Le 11 octobre 2019, Mme [M] [P] épouse [I] a déposé un complément de plainte contre sa belle-fille, Mme [Y] [I], dans le cadre d’une enquête pour abus de faiblesse, vol et harcèlement moral, déclarant à cette date le vol de trois chèques sur le compte commun qu’elle partage avec son mari M. [B] [I], dont les deux chèques susvisés.

Un protocole de transaction amiable a été signé entre les époux [I] et leur banque, par lequel cette dernière a accepté de procéder au remboursement de la somme de 12.000 euros en leur faveur correspondant au montant des deux chèques précités, sur lesquels il a été constaté des différences de signatures, non conformes au spécimen de signature figurant au contrat d’ouverture de compte.

Par courrier du 22 septembre 2021, la Caisse de Crédit mutuel a sollicité amiablement ING Bank pour obtenir le partage des débours et la prise en charge à 50% du préjudice subi soit 6.000 euros.

Par courrier du 20 janvier 2022, la Caisse de Crédit mutuel a demandé à Mme [Y] [I] de lui régler la somme de 12.000 euros, dans un délai de 8 jours, à la suite des vols dénoncés par les époux [I].

A défaut de réponse de l’une ou l’autre des parties sollicitées, la Caisse de Crédit mutuel les a assignées devant le tribunal judiciaire de Paris suivant actes d’huissier de justice du 24 février 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2023, la Caisse de Crédit mutuel demande au tribunal de :

« Vu les articles 1240, 1302, 1302-1 et 1346 du Code civil,
(…)
A titre principal, 
Condamner Madame [Y] [I] au paiement d’une somme de 12.000,00 € en faveur de la Caisse de Crédit Mutuel de Marquion, à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice matériel et ce au titre de son action subrogatoire.
Subsidiairement,
Condamner Madame [Y] [I] au paiement d’une somme de 12.000,00 € en faveur de la Caisse de Crédit Mutuel de Marquion, à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice matériel et ce, au titre de la répétition du paiement indu.
En tout état de cause,
Constater la faute délictuelle de la Société ING BANK N.V.
En conséquence,
Condamner la Société ING BANK N.V à garantir le paiement des sommes dues par Madame [Y] [I] à la Caisse de Crédit Mutuel de Marquion, soit 12.000,00 €.
Subsidiairement,
Condamner la Société ING BANK N.V à garantir le paiement des sommes dues par Madame [Y] [I] pour moitié, au titre de la perte de chance de ne pas payer les chèques, provoquée par sa propre faute.
Très subsidiairement,
Condamner la Société ING BANK N.V in solidum de Madame [Y] [I] au paiement de la somme de 12.000,00 € en faveur de la Caisse de Crédit Mutuel de Marquion au titre du préjudice matériel causé par sa propre faute et subsidiairement sur ce point 6.000,00 € correspondant à 50 % du préjudice matériel de la Caisse de Crédit Mutuel, au titre de la perte de chance de ne pas payer les chèques.
En tout état de cause,
Condamner Madame [Y] [I] au paiement d’une somme de 2.500,00 € en faveur de la Caisse de Crédit Mutuel de Marquion au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Condamner la Société ING BANK N.V au paiement d’une somme de 2.500,00 € en faveur de la Caisse de Crédit Mutuel de Marquion au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens ».

A titre principal, la Caisse de Crédit mutuel recherche la responsabilité de Mme [Y] [I] sur le fondement de l’article 1346 du code civil, étant subrogée dans les droits des époux [I]. Elle estime qu’ayant indemnisé ces derniers, elle peut exercer une action en recouvrement.

Subsidiairement, elle fonde son action sur la répétition de l’indu, Mme [Y] [I] ayant bénéficié, sciemment, en détournant les chèques des époux [I], d’un paiement indu d’une valeur de 12.000 euros, au préjudice de la demanderesse.

En tout état de cause, la Caisse de Crédit mutuel sollicite la garantie d’ING Bank, au titre de ses propres fautes, en sa qualité d’établissement présentateur des chèques détournés. Elle explique qu’il appartenait à ING Bank, banquier encaisseur, au regard du montant particulièrement important présenté à l’encaissement, d’alerter la Caisse de Crédit mutuel, qui, en raison de l’utilisation du procédé d’image-chèque, ne pouvait pas vérifier la signature apposée sur les deux chèques, et de lui suggérer de solliciter la communication matérielle des chèques aux fins de vérifications. En réponse à l’argument adverse qui rappelle que les chèques d’un montant inférieur à 10.000 euros ne font pas l’objet d’une communication matérielle, à moins que celle-ci ne soit expressément demandée par la banque tirée, la Caisse de Crédit mutuel souligne que les deux chèques, de 8.000 euros et de 4.000 euros, ont été présentés puis tirés à quelques jours d’intervalle, et que leur combinaison était bien supérieure à 10.000 euros, outre le fait que ces sommes étaient manifestement disproportionnées au regard des habitudes de leur cliente Mme [Y] [I]. La demanderesse fait aussi valoir que la signature des chèques et les endos étaient identiques, ce qui constitue une anomalie apparente. Dans ces circonstances, en s’abstenant de prévenir la Caisse de Crédit mutuel, ING Bank a donc commis selon la demanderesse une faute engageant sa responsabilité délictuelle et justifiant la garantie invoquée. La Caisse de Crédit mutuel estime que cette garantie porte sur l’intégralité de la somme réclamée à Mme [I] ou, subsidiairement et conformément aux règles de partage interbancaire des débours résiduels sur les moyens de paiement scripturaux, émises par la fédération bancaire française, sur 50% de la somme sollicitée.

La Caisse de Crédit mutuel expose ensuite à titre subsidiaire, et aux visas des articles 331 du code de procédure civile et 1240 du code civil, que la responsabilité délictuelle d’ING Bank peut être recherchée en raison de la faute contractuelle que cette dernière a commise, en ne procédant pas à l’ensemble des vérifications nécessaires à la prise en charge de plusieurs chèques, au regard des opérations habituelles de Mme [Y] [I] et au titre de son obligation de prudence en matière d’anomalie apparente. Elle considère que cette faute lui a causé un préjudice résultant d’une perte de chance de ne pas émettre les paiements litigieux, qu’elle évalue à 50%.

Très subsidiairement, elle demande à ce que la société défenderesse soit condamnée in solidum avec Mme [Y] [I] au paiement des sommes, en réparation du préjudice causé par ses propres fautes.

Enfin, elle estime qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu’elle a engagés, et demande la condamnation de chacune des parties défenderesses à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 avril 2023, ING Bank demande au tribunal de :

« Vu les articles L. 131-19 et L. 131-38 du Code monétaire et financier,
Vu l’article 1240 du Code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
(…)
DEBOUTER la Caisse de Crédit Mutuel Marquion de toutes ses demandes, fins et conclusions, à titre principal et à titre subsidiaire, y compris de sa demande de condamnation in solidum,
- CONDAMNER la Caisse de Crédit Mutuel Marquion au paiement à la société ING Bank N.V. de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER la même aux entiers dépens ».

ING Bank soutient qu’elle n’a commis aucune faute, en l’absence d’obligation, pour l’établissement bancaire du bénéficiaire des chèques, de transmettre la copie des chèques à la banque tirée si ceux-ci sont inférieurs à 10.000 euros, à moins que la banque tirée n’en fasse expressément la demande. Elle précise que le seuil de 10.000 euros s’apprécie chèque par chèque et qu’en l’espèce, les deux chèques étaient chacun d’un montant inférieur à 10.000 euros. En l’absence d’anomalie apparente des chèques et compte tenu de leur montant, elle estime qu’elle n’avait pas à les adresser à la banque tirée, ni à lui suggérer d’en solliciter la communication.

Ensuite, ING Bank relève le caractère mal fondé de l’appel en garantie de la demanderesse, à défaut de fondement légal qui ne saurait être l’article 331 du code de procédure civile. Elle précise que la circulaire définissant les règles de partage interbancaire de débours résiduels sur moyens de paiement scripturaux n’a aucune force juridique et n’est au demeurant pas applicable à l’espèce, excluant de son champ d’application les opérations frauduleuses.

Par ailleurs, ING Bank fait valoir qu’il n’existe aucun lien causal entre la faute reprochée et le préjudice dont fait état la demanderesse, ce dernier étant en lien avec la fraude alléguée par les époux [I].

Enfin, elle demande au tribunal de condamner la partie demanderesse à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Mme [Y] [I], régulièrement attraite devant la juridiction par remise de l’assignation à domicile, dans les formes prévues aux articles 656 et 658 du code de procédure civile, n’ayant pas constitué avocat, le présent jugement sera réputé contradictoire.

La clôture a été ordonnée le 6 juin 2023.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux dernières écritures du demandeur conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient de préciser que les demandes tendant à voir « constater » ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes. Il ne sera donc pas statué sur ces « demandes », si elles ne constituent pas une prétention, et ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

Sur les demandes formulées à l’encontre de Mme [Y] [I]

A titre liminaire, il sera rappelé qu’en vertu de l’article 472 du code de procédure civile, l’absence de comparution du défendeur n’empêche pas qu’il soit statué sur le fond, le tribunal ne faisant alors droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

En application de l’article 1353 du code civil, « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».

Aux termes de l’article 1302 du code civil, « Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
La restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées ».

L’article suivant prévoit que : « Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ».

L’article 1346 du code civil prévoit que la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette.

Si, aux termes de ses écritures, la Caisse de Crédit mutuel sollicite des dommages et intérêts à titre principal au titre de son action subrogatoire et à titre subsidiaire au titre de la répétition de l’indu, il est observé qu’il s’agit en réalité d’une seule et même prétention indemnitaire, la demanderesse ne faisant valoir qu’un fondement légal, à savoir la répétition de l’indu, pour obtenir remboursement de la somme, le tribunal n’ayant pas, dans le cadre de ses délibérations, à pallier la carence des moyens de droit et de fait des parties.

La preuve de l’indemnisation, versée par la Caisse de Crédit mutuel, aux époux [I], permet de s’assurer que la première est effectivement subrogée dans les droits des seconds. Toutefois, il appartient à la subrogeante de démontrer que les sommes dont a bénéficié Mme [Y] [I] ont effectivement été reçues indûment par cette dernière.

A cet égard, la différence des signatures apposées sur les deux chèques litigieux avec celle de M. [B] [I], dont un spécimen est fourni par la Caisse de Crédit mutuel, est manifeste. Il ressort de la lecture du protocole transactionnel signé par les époux [I] qu’après avoir constaté cette différence, la Caisse de Crédit mutuel a néanmoins relevé que ladite signature « était (…) conforme à d’autres signatures apposées sur plusieurs conventions en sa possession, ainsi que sur deux opérations de virement de compte à compte en date du 19 décembre 2018 ». Le tribunal en déduit que la signature apparaissant sur les chèques litigieux avait déjà été utilisée pour justifier des opérations bancaires dont on ignore si elles ont fait l’objet de contestation par les époux [I].

Il n’est pas contesté que les sommes ont été créditées sur le compte de Mme [Y] [I], et qu’une plainte pour vol, s’intégrant dans une procédure déjà ouverte pour des faits d’abus de faiblesse, de vol et de harcèlement moral, a été déposée le 11 octobre 2019 par Mme [M] [P] épouse [I], contre sa belle-fille.

Le tribunal relève également que les signatures portées au recto et au verso des chèques litigieux sont identiques.

Toutefois, si ces éléments viennent supporter l’hypothèse d’un détournement frauduleux des fonds par Mme [Y] [I], le tribunal, qui ne peut raisonner par simples suppositions, n’est pas mis en mesure de vérifier que ces sommes n’étaient pas dues par l’un ou l’autre des titulaires du compte tiré à cette dernière. A défaut de précisions sur les circonstances ayant entouré l’émission, la signature et l’encaissement de ces chèques, et d’informations sur les suites pénales de la plainte déposée par Mme [M] [P] épouse [I], la Caisse de Crédit mutuel n’apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère indu des sommes encaissées.

En conséquence, la demande de la Caisse de Crédit mutuel formulée à l’encontre de Mme [Y] [I] sera rejetée.

Sur les demandes formulées à l’encontre d’ING BANK

* A titre principal, sur la demande de garantie de la condamnation de Mme [I]

Au vu du sens de la présente décision, les demandes visant à voir condamner ING Bank à garantir, intégralement ou partiellement, la condamnation de Mme [Y] [I] seront rejetées, étant devenues sans objet.

Décision du 28 Mai 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 22/04496 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWIPF

* A titre subsidiaire, sur la responsabilité délictuelle d’ING BANK

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Conformément à l’article L. 131-38 du code monétaire et financier, « Celui qui paie un chèque sans opposition est présumé valablement libéré.
Le tiré qui paie un chèque endossable est obligé de vérifier la régularité de la suite des endossements, mais non la signature des endosseurs ».

Il est constant que la banque présentatrice, qui intervient chronologiquement la première, est tenue de détecter les anomalies apparentes d'un chèque qu'elle est chargée d'encaisser pour le compte de son client.

En l’espèce, il ressort de la consultation des pièces versées aux débats que les chèques litigieux présentaient, au recto et au verso, des signatures strictement identiques. Cette identité constitue une anomalie apparente, aisément décelable dans le cadre d'un examen pratiqué par un préposé de la banque normalement diligent.

En s’abstenant de détecter cette anomalie et d’attirer l’attention de la Caisse de Crédit mutuel sur cette irrégularité, ING Bank a commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle à l’égard de la Caisse de Crédit mutuel, banque tirée.

Toutefois, au vu des circonstances de l'émission des chèques et en l'absence de démonstration du caractère indu des paiements litigieux, rien ne permet d'affirmer qu'alertée de l'anomalie, la Caisse de Crédit mutuel aurait pris attache avec M. [I] et que celui-ci, à supposer cette précaution prise, aurait refusé le transfert des fonds. Les éléments versés au débat sont donc insuffisants pour caractériser l’existence de la perte de chance alléguée par la Caisse de Crédit mutuel.

En conséquence, la Caisse de Crédit mutuel sera déboutée de l’ensemble de ses demandes indemnitaires à l’encontre d’ING Bank.

Sur les autres demandes

Succombant à l'instance, la Caisse de Crédit Mutuel sera condamnée aux dépens.

En l’espèce, l’équité commande de ne pas faire droit à la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile par ING Bank.

L'exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances introduites comme en l'espèce à compter du 1er janvier 2020. Il n’y a pas lieu de l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DEBOUTE la Caisse de Crédit Mutuel Marquion de sa demande tendant à la condamnation de Mme [Y] [I] au paiement de la somme de 12.000 euros ;

DEBOUTE la Caisse de Crédit Mutuel Marquion de sa demande tendant à la condamnation de la société de droit néerlandais ING Bank N.V à garantir le paiement des sommes dues par Mme [Y] [I] à la Caisse de Crédit Mutuel Marquion, soit 12.000 euros ;

DEBOUTE la Caisse de Crédit Mutuel Marquion de sa demande tendant à la condamnation de la société de droit néerlandais ING Bank N.V à garantir le paiement des sommes dues par Mme [Y] [I] pour moitié, au titre de la perte de chance de ne pas payer les chèques ;

DEBOUTE la Caisse de Crédit Mutuel Marquion de sa demande tendant à la condamnation in solidum de la société de droit néerlandais ING Bank N.V et de Madame [Y] [I] au paiement de la somme de 12.000 euros en faveur de la Caisse de Crédit Mutuel Marquion au titre du préjudice matériel ;

DEBOUTE la Caisse de Crédit Mutuel Marquion de sa demande tendant à la condamnation in solidum de la société de droit néerlandais ING Bank N.V et de Madame [Y] [I] à lui payer la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de ne pas payer les chèques ;

DEBOUTE la société de droit néerlandais ING Bank N.V de sa demande tendant à la condamnation de la Caisse de Crédit Mutuel Marquion à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la Caisse de Crédit Mutuel Marquion de sa demande tendant à la condamnation de Mme [Y] [I] à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la Caisse de Crédit Mutuel Marquion de sa demande tendant à la condamnation de la société de droit néerlandais ING Bank N.V à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Caisse de Crédit Mutuel Marquion aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige.

Fait et jugé à Paris le 28 Mai 2024.

Le GreffierLa Présidente
Nadia SHAKIGéraldine DETIENNE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 4ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/04496
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;22.04496 ?
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