TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
4ème chambre 1ère section
N° RG 21/12746
N° Portalis 352J-W-B7F-CVDF6
N° MINUTE :
Assignations des :
30 Septembre 2021
11 Février 2022
24 et 28 Mars 2022
JUGEMENT
rendu le 28 Mai 2024
DEMANDEURS
Monsieur [T] [X]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Adresse 11] (ISRAEL)
représenté par Me Emmanuel ESKINAZI de la SELARL LEVY ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0119
Madame [K] [X]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Adresse 11] (ISRAEL)
représentée par Me Emmanuel ESKINAZI de la SELARL LEVY ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0119
DÉFENDEURS
Madame [B] [D] épouse [X]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Adresse 10] (ISRAEL)
représentée par Me Benjamin SEMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1623
Décision du 28 Mai 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 21/12746 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVDF6
Monsieur [Z] [D]
[Adresse 12]
[Adresse 12] (DANEMARK)
représenté par Me Isabelle MONIN LAFIN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #755
Monsieur [M] [D]
[Adresse 6]
[Adresse 6] (SUISSE)
représenté par Me Isabelle MONIN LAFIN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #755
S.A. [9]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Stéphanie COUILBAULT de la SELARL CABINET MESSAGER - COUILBAULT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D1590
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Julie MASMONTEIL, Juge
Pierre CHAFFENET, Juge
assistés de Véronique BABUT, Greffier lors des débats
et de Nadia SHAKI, Greffier lors de la mise à disposition au greffe
DÉBATS
A l’audience du 13 Mars 2024 tenue en audience publique devant Madame MASMONTEIL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSE DES FAITS
[I] [D] est décédé le [Date décès 5] 2017. Selon l'affirmation sacramentelle dressée le 5 mai 2017, le défunt a laissé pour lui succéder :
- Ses trois enfants, héritiers réservataires : M. [Z] [D], M. [M] [D] et Mme [B] [D] épouse [X] ;
- Ses deux petits-enfants, légataires universels aux termes d'un testament du 2 août 1995 : M. [T] et Mme [K] [X].
La succession a été dévolue de la manière suivante :
- ¼ à M. [Z] [D]
- ¼ à M. [M] [D]
- ¼ à Mme [B] [D] épouse [X]
- ¼ au titre de la quotité disponible, soit 1/8e à M. [T] [X] et 1/8e à Mme [K] [X].
De son vivant, [I] [D] a souscrit deux contrats d'assurance sur la vie auprès de la société anonyme [9] (ci-après la société [9]) par l'intermédiaire de la banque populaire.
Outre le contrat FRUCTI REVENU n°109-FR-000972 souscrit le 16 février 2010, lequel a été institué en faveur de Mme [R] [O] qui a perçu la somme de 25.205,71 euros au décès de [I] [D], ce dernier a souscrit le contrat FRUCTI NEO n°FTNEO001599 le 18 octobre 2013, institué initialement en faveur de Mme [R] [O] pour 20% et de ses " héritiers selon les règles de la dévolution successorale ". [I] [D] a finalement modifié la clause bénéficiaire par avenant du 19 août 2015, pour restreindre le bénéfice du contrat à " ses héritiers selon les règles de la dévolution successorale ".
A son décès, le capital de ce dernier contrat, d'un montant de 1.821.881.06 euros, a été partagé par tiers entre ses trois enfants à proportion de leurs parts héréditaires.
Par ordonnance du 29 mars 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a condamné la société [9] à communiquer à M. [T] et Mme [K] [X] les deux contrats précités ainsi que les clauses bénéficiaires, les clauses de changement de bénéficiaires le cas échéant, les avenants modificatifs, le détail des versements des primes d'assurances, le montant du capital versé, l'identité des bénéficiaires et la date et les modalités de délivrance du capital.
Contestant le versement et la répartition du capital versé par la société [9], M. [T] [X] et Mme [K] [X] ont attrait cette dernière devant le tribunal judiciaire de Paris, par acte d'huissier délivré le 30 septembre 2021. La société [9] a fait délivrer une assignation en intervention forcée aux trois enfants de l'assuré suivant actes des 11 février, 24 mars et 28 mars 2022. Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 5 juillet 2022.
Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 20 février 2023, M. [T] [X] et Mme [K] [X] demandent au tribunal de :
" Vu l'article 721 du Code Civil,
Vu l'article L 132-8 du Code des assurances,
Vu l'article L 132-23-1 du Code des assurances
Vu l'article 514 du Code de procédure civile
(…)
- Dire et juger que Monsieur [T] [X] et Madame [K] [X] sont bénéficiaires des capitaux décès du contrat Fructi Néo n°FTNEO001599 à hauteur d'un huitième du capital chacun,
En conséquence,
- Condamner la Société [9] au paiement de la somme de 228.258,96 euros à Monsieur [T] [X] au titre de sa part brute dans le capital décès afférent au contrat Fructi Néo n°FTNEO001599, augmentée du double des intérêts légaux pour les mois de novembre et décembre 2017 et du triple des intérêts à compter du mois de janvier 2018 et jusqu'au complet paiement à intervenir,
- Condamner la Société [9] au paiement de la somme de 228.258,96 euros à Madame [K] [X] au titre de sa part brute dans le capital décès afférent au contrat Fructi Néo n°FTNEO001599, augmentée du double des intérêts légaux pour les mois de novembre et décembre 2017 et du triple des intérêts à compter du mois de janvier 2018 et jusqu'au complet paiement à intervenir,
- Débouter la Société [9] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Débouter les consorts [D] de toutes demandes, fins et conclusions éventuellement formées à l'encontre de Monsieur [T] et de Madame [K] [X],
- Condamner la Société [9] au paiement de la somme de 3.000 euros à Monsieur [T] [X] au titre des frais irrépétibles,
- Condamner la Société [9] au paiement de la somme de 3.000 euros à Madame Elle [X] au titre des frais irrépétibles,
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- Condamner la Société [9] au paiement des entiers dépens ".
Ils soutiennent que la société [9] ne pouvait considérer que la clause du contrat désignant les bénéficiaires comme étant "mes héritiers selon les règles de la dévolution successorale " ne visait que les seuls enfants de [I] [D], héritiers réservataires, et que si le contrat d'assurance vie est certes hors succession, le testament est un élément à prendre en compte pour déterminer la volonté du défunt. Ils font valoir qu'en l'espèce, le testament de [I] [D] est de nature à établir sa volonté de ne pas les exclure du bénéfice du contrat litigieux, volonté corroborée par le fait que le défunt a exprimé un choix au moment de désigner les bénéficiaires du contrat en cochant la dernière case, au détriment de la case précédente libellée de la manière suivante " Mes enfants nés ou à naître (…) à défaut mes héritiers selon les règles de la dévolution successorale " et par laquelle il aurait pu, s'il l'avait voulu, donner la préférence à ses enfants.
Ils précisent, en réponse aux arguments des défendeurs, que la mention du testament dans le contrat d'assurance vie n'est pas une exigence légale et que la jurisprudence de la Cour de cassation admet que les juges du fond interprètent la volonté du défunt à la lumière d'un testament rédigé antérieurement au contrat d'assurance vie. Sur l'argument de MM. [M] et [Z] [D], qui soutiennent que les sentiments de leur père à leur égard ont changé entre la rédaction du testament et le contrat d'assurance vie, ils répondent que la procuration qu'ils versent au débat est dénuée de toute force probante.
Ils en concluent qu'il convenait de répartir le capital selon les mêmes modalités que la succession, ¼ de la quotité disponible devant leur revenir, soit la somme de 228.258, 96 euros chacun, augmentée, en application de l'article L.132-23-1 du code des assurances, des intérêts au double du taux légal pour les mois de novembre et décembre 2017 et au triple de l'intérêt au taux légal à compter du mois de janvier 2018 et jusqu'au paiement à intervenir. Ils relèvent que le paiement des sommes par l'assureur n'est pas libératoire et ne saurait être pris en compte pour écarter l'application des intérêts de retards.
Ils sollicitent que la société [9] soit condamnée à leur payer la somme de 3.000 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Ils s'opposent à la demande formulée par l'assureur tendant à ce que l'exécution provisoire du jugement soit écartée, puisque leurs propres demandes, de nature pécuniaire, ne présentent pas de caractère irréversible et ne sont pas susceptibles d'entraîner des conséquences manifestement excessives au regard de la situation financière des parties. Ils ajoutent enfin que le dépôt éventuel de déclarations fiscales rectificatives ne justifie pas de faire droit à cette demande.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 janvier 2023, la société [9] demande au tribunal de :
" In limine litis,
Vu les articles 14, 122 et 331 du Code de procédure civile,
- Déclarer recevable et bien fondée l'assignation en intervention forcée de [Z], [M] et [B] [D] directement concernés par la demande des Consorts [X] qui revendiquent une part des fonds qui leur ont été versés au titre du contrat " FRUCTI NEO ", n° FTNEO001599 ;
Sur le fond,
- A titre principal, rejeter la demande de paiement des Consorts [X] dirigée contre [9] ;
- A titre subsidiaire, si le Tribunal retient que les deux demandeurs auraient du percevoir 1/8echacun du capital décès (227 735,13 €), et que les trois appelés en cause, enfants de l'assuré, n'étaient bénéficiaires que d'un quart chacun du capital plutôt que 1/3 qu'ils ont reçu,
Juger que le paiement ne pourra intervenir au profit des deux petits enfants (227 735,13 € brut de fiscalité chacun) que dans les conditions prévues aux dispositions du Code général des Impôts (Art. 757B, 292BII Annexe II et 806 III CGI) ;
Rejeter la demande de paiement d'intérêts de retard présentée par les Consorts [X] ;
Condamner les Consorts [D] à restituer l'indu à [9] : M. [M] [D] 1/12e du capital décès, soit 151.823,42 € Décision du 28 Mai 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 21/12746 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVDF6
M. [Z] [D] 1/12e du capital décès, soit 151.823,42 € Mme [B] [D] 1/12e du capital décès, soit 151.823,42 €
- Rejeter toute demande complémentaire dirigée contre la Société [9], y compris les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts des appelés en cause et de réduction de restitution de l'indu ;
- Ecarter l'exécution provisoire au regard des difficultés fiscales tenant aux rectifications fiscales en cas d'infirmation;
- Condamner toute partie perdante à verser à la Société [9] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner toute partie perdante aux entiers dépens de l'instance qui pourront, en application de l'article 699 du Code de procédure civile, être directement recouvrés par la Selarl MESSAGER COUILBAULT représentée par Maître Stéphanie COUILBAULT-DI TOMMASO, Avocat au Barreau de Paris ".
La société [9] demande au tribunal, in limine litis, de juger recevable et bien fondée l'assignation en intervention forcée de M. [M] [D], M. [Z] [D] et Mme [B] [D] épouse [X], qui sont directement intéressés par la décision à venir.
Sur le fond, la société [9] fait valoir que le contrat d'assurance vie est " hors succession " en application de l'article L. 132-12 du code des assurances et que le contrat en cause, modifié le 19 août 2015, ne renvoie pas aux dispositions testamentaires. Elle rappelle qu'il appartient aux juges du fond, dans le cadre de leur pouvoir souverain d'appréciation, d'interpréter la clause bénéficiaire, et que si le testament antérieur n'a pas été repris dans ladite clause, c'est que l'assuré n'a pas entendu étendre ses dispositions testamentaires à son contrat d'assurance vie. Ainsi, la société défenderesse soutient qu'elle n'a pas commis de faute en versant les capitaux aux héritiers réservataires.
A titre subsidiaire, la société [9] demande au tribunal de rejeter la demande relative aux intérêts majorés de retard, sachant qu'elle s'est libérée des fonds sans attendre et que les dispositions de l'article L.132-23-1 du code des assurances, invoquées par les demandeurs pour fonder cette prétention, ont été mises en place pour lutter contre les contrats en déshérence. Elle demande également, dans le cas où le tribunal ferait droit à la demande principale de M. [T] et Mme [K] [X], à ce que les enfants du défunt soient condamnés à lui restituer les sommes indues, c'est-à-dire 1/12e du capital chacun, soit 151.823,42 euros chacun, et conteste par ailleurs toute réduction de paiement, partielle ou intégrale, telle que sollicitée aux termes des conclusions de ces derniers. A cet égard, elle souligne que sa faute ne peut pas être qualifiée de " grave " et qu'ils ne rapportent pas la preuve d'un préjudice réparable. La société [9] relève d'abord que Mme [B] [D] épouse [X] ne démontre pas avoir dépensé les fonds. Elle fait ensuite valoir qu'en vertu des dispositions de l'article R.196-1 du livre des procédures fiscales, les trois enfants pourront réclamer le remboursement des droits versés à l'administration fiscale.
La société défenderesse demande à ce que l'exécution provisoire du jugement à venir soit écartée, compte tenu des démarches fiscales à accomplir, et des éventuelles difficultés fiscales, résultant de déclarations rectificatives, de réclamations et de restitutions de droits, en cas d'infirmation par la cour d'appel.
Enfin, elle demande au tribunal de condamner toute partie perdante à lui verser une indemnité de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 mars 2023, MM. [Z] et [M] [D], demandent au tribunal de :
" REJETER les demandes de Monsieur [T] et Madame [K] [X] au principal, à l'égard de [9].
JUGER en conséquence l'appel en intervention forcée de [9] à l'égard de Messieurs [M] et [Z] [D] sans objet.
A titre subsidiaire,
REJETER en toute hypothèse, toutes demandes de [9] à l'égard de Messieurs [M] et [Z] [D], si les demandes au principal de Monsieur [T] [X] et de Madame [K] [X] devaient être accueillies à l'encontre de [9].
JUGER en effet que l'acceptation des demandes au principal ne pourrait résulter que d'une faute de [9] à l'égard des concluants, résultant de sa seule décision intentionnelle, lors du versement des capitaux décès.
Et en conséquence,
CONDAMNER en toute hypothèse [9] à tenir Messieurs [M] et [Z] [D] quittes et indemnes de l'ensemble de leurs frais de justice.
CONDAMNER [9] au paiement d'une somme de 10.000€, à répartir par moitié entre les concluants, au titre des frais irrépétibles, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel en intervention forcée.
A titre subsidiaire,
LIMITER en toute hypothèse, à l'égard de Messieurs [M] et [Z] [D], le montant des restitutions dues à la société [9] et fondées sur la répétition de l'indu à la somme maximale, si ce n'est inférieure, de 90.000€ par héritier ".
MM. [D] rappellent que les primes versées sur un contrat d'assurance vie, et les capitaux en résultant, sont hors succession, et échappent au périmètre du leg universel institué par [I] [D] dans son testament de 1995. A l'instar de la société [9], ils relèvent que le contrat ne fait référence ni à ses petits-enfants, ni à son testament de 1995.
Ils font valoir que [I] [D] avait, peu avant de souscrire au contrat litigieux, donné une procuration sur son compte bancaire dans la banque allemande [7] à M. [M] [D], en cas de décès, ce qui démontre selon eux qu'il n'était plus question pour l'assuré, de se référer à la volonté qu'il avait exprimée en 1995 dans son testament.
Enfin, ils soutiennent qu'informés de la question objet des débats dès le mois de juillet 2017 par le courrier du notaire, les demandeurs n'ont entrepris aucune démarche avant l'année 2021, exprimant de fait, leur accord sur le versement, au seul profit des trois enfants, des capitaux des assurances vie.
A titre subsidiaire, ils retiennent que le versement du capital à leur profit, sur la base d'une interprétation de la société [9], qui a manqué à son devoir de prudence, constitue une attitude fautive à l'origine de leur préjudice, justifiant qu'ils soient exonérés de tout paiement sur le fondement de la restitution de l'indu, ou, à tout le moins que le tribunal déduise du montant de la restitution les sommes versées à l'administration fiscale. Ils décrivent avoir subi, outre un préjudice de désorganisation budgétaire, un préjudice moral de désillusion occasionné par la perception dans un premier temps des capitaux et de la nécessité dans un second temps de devoir les restituer. Ils concluent que le montant de la restitution ne pourrait s'élever, au maximum, qu'à la somme de 90.000 euros.
Enfin, ils sollicitent que la société [9] soit condamnée à leur payer la somme de 10.000 euros, à répartir par moitié entre eux, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel en intervention forcée.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 février 2023, Mme [B] [D] épouse [X] sollicite du tribunal de :
" Vu l'article L 132-8 du Code des assurances,
Vu les articles 1302-1, 1302-3, 1240 et 1347 du Code civil
(..)
Dire et juger que le paiement de l'indu procède d'une faute grave de la part de la Société [9], ayant causé un préjudice à Madame [X],
Dire et juger que la restitution sera réduite en intégralité soit d'un montant de 151.823,42 euros,
Débouter la Société [9] du surplus de ses demandes, fins et conclusions,
Condamner la Société [9] au paiement de la somme de 3.000 euros à Madame [B] [X] au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Rappeler que l'exécution provisoire du jugement à intervenir est de droit".
En premier lieu, Mme [B] [D] épouse [X] soutient que l'assureur, qui ne démontre pas avoir effectué les démarches de recherche des bénéficiaires, alors même qu'il s'agit d'une obligation légale, a été informé par le notaire en charge de la succession d'une part de l'existence de légataires universels, d'autre part des difficultés d'interprétation relatives à la clause bénéficiaire du contrat d'assurance vie. Ainsi, en omettant de rechercher quelle était la volonté du souscripteur à l'aune du testament conformément à la jurisprudence dont elle est nécessairement informée en sa qualité de professionnelle, la société [9] a violé, de manière délibérée, les obligations légales qui lui incombaient. Elle déduit de ces circonstances qu'il est justifié que le tribunal réduise la restitution en intégralité au titre de la répétition de l'indu.
En deuxième lieu, elle soulève que la gravité de la faute lui a causé un lourd préjudice. Elle précise avoir déjà utilisé les fonds pour rénover sa maison, rendant difficile leur restitution, et s'être acquittée des droits de succession sans bénéficier de l'abattement fiscal. Elle indique ensuite qu'au regard de l'ancienneté de la déclaration de succession, il lui sera impossible de solliciter la restitution des sommes versées auprès de l'administration fiscale. Elle explique enfin subir un préjudice moral, du fait de la dégradation de ses relations avec les demandeurs, ses enfants.
En dernier lieu, elle demande à ce que la société [9] soit condamnée à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture a été prononcée le 6 juin 2023.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux dernières écritures du demandeur conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes tendant à voir " juger " et " dire et juger " ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes. Il ne sera donc pas statué sur ces " demandes ", si elles ne constituent pas une prétention, et ne donneront pas lieu à mention au dispositif.
Sur l'intervention forcée
Conformément à l'article 331 du code de procédure civile, " Un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal.
Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.
Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense ".
En l'espèce, aucune des parties ne s'opposant à la mise en cause par la société [9] des trois enfants de [I] [D], à savoir M. [Z] [D], M. [M] [D] et Mme [B] [D] épouse [X], la demande de la société [9] tendant à voir déclarer recevable l'assignation en intervention forcée est sans objet.
Sur la demande principale en paiement du capital issu du contrat FRUCTI NEO n°FTNEO001599
A titre liminaire, il sera relevé que le moyen par lequel MM.[D] reprochent aux demandeurs de n'avoir réalisé aucune démarche avant l'année 2021, alors qu'ils étaient informés de la difficulté relevée par le notaire en charge de la succession dès 2017, est inopérant, dès lors que cette abstention ne peut pas s'analyser, comme il est soulevé à tort, comme un accord de leur part sur le principe du versement et la répartition du capital objet du présent débat.
L'article L. 132-8 du code des assurances prévoit que " Le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés.
Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis.
Est notamment considérée comme remplissant cette condition la désignation comme bénéficiaires des personnes suivantes :
-les enfants nés ou à naître du contractant, de l'assuré ou de toute autre personne désignée ;
-les héritiers ou ayants droit de l'assuré ou d'un bénéficiaire prédécédé.
L'assurance faite au profit du conjoint profite à la personne qui a cette qualité au moment de l'exigibilité.
Les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires. Ils conservent ce droit en cas de renonciation à la succession.
En l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans la police ou à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre. Cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord de l'assuré, lorsque celui-ci n'est pas le contractant. Cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire.
Lorsque l'assureur est informé du décès de l'assuré, l'assureur est tenu de rechercher le bénéficiaire, et, si cette recherche aboutit, de l'aviser de la stipulation effectuée à son profit ".
En application de l'article L. 132-12 du même code, " Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l'assuré ".
Aux termes de son testament du 2 août 1995, [I] [D] a pris les dispositions suivantes, reprises littéralement dans l'affirmation sacramentelle du 5 mai 2017 rédigée par Me [G], notaire :
" TESTAMENT
Je soussigné [I] [D] demeurant à [Adresse 13], déclare ma dernière volonté comme suit :
Je lègue à mes deux petits enfants, [K] et [T] [X] nés respectivement le [Date naissance 4] 1990 et le [Date naissance 3] 1992, l'intégralité des biens de toute nature, mobiliers et immobiliers qui composeront ma succession, sans exception ni réserve.
( …)
Dans l'éventualité où mes enfants, ou l'un deux devait refuser l'exécution de ce testament, je lègue à mes deux petits enfants sus-nommés, la quotité disponible la plus large permise par la loi ".
La clause bénéficiaire, non nominative, du contrat FRUCTI NEO n°FTNEO001599 de [I] [D], dans sa dernière version issue de la modification opérée par ce dernier le 19 août 2015, désigne les bénéficiaires comme étant ses " héritiers selon les règles de la dévolution successorale ".
L'avenant précise dans son encadré " Pour votre information " à destination du contractant que le terme " héritier " s'entend de la manière suivante : " au sens large, personne qui succède au défunt par l'effet soit de la loi, soit du testament ".
Il se déduit de ces textes et notamment des dispositions du contrat d'assurance-vie litigieux, qui fait loi entre les parties qui l'ont signé, que le terme " héritiers " peut s'entendre à la fois des successeurs du défunt en application du droit des successions mais également des personnes désignées comme légataires à titre universel aux termes d'un testament. Il appartient alors au tribunal de rechercher quelle a été la volonté du souscripteur au moment de la signature du contrat et de sa modification, étant précisé que s'il est constant que le contrat d'assurance sur la vie ne fait pas partie de la succession, cette circonstance ne fait pas obstacle à la prise en compte de dispositions testamentaires éventuellement prévues par le défunt, dès lors qu'elles sont susceptibles d'apporter un éclairage sur sa volonté au moment de la désignation des bénéficiaires du contrat.
En l'espèce, il est exact que la clause bénéficiaire ne fait pas expressément référence aux dispositions testamentaires formulées 18 ans auparavant, ni par renvoi, ni par citation.
Toutefois, le tribunal relève que [I] [D] n'a pas entendu procéder à une désignation nominative et expresse des bénéficiaires similaire à celle de son testament, de sorte qu'il ne peut être déduit de l'absence de mention expresse de ses petits-enfants dans le contrat, qu'il entendait, automatiquement, les exclure de la clause litigieuse.
Le tribunal n'a pas trouvé dans les pièces versées au débat par les parties d'indications ou d'informations permettant de vérifier si [I] [D] avait formalisé, y compris dans des actes distincts du contrat litigieux, une volonté différente de celle exprimée formellement dans son testament.
La procuration sur le compte bancaire allemand du défunt produite en défense par MM. [M] et [Z] [D], laquelle a été signée le 24 septembre 2013 par M. [M] [D], et supposée, selon leurs écritures, démontrer qu'il n'était plus question pour leur père de se référer à sa volonté exprimée en 1995, ne comporte pas la signature de [I] [D] dans l'encadré figurant au-dessus de son nom en dernière page, et ne peut donc pas être indicative d'un éventuel changement de sentiment. A supposer même que cette procuration soit l'expression d'un rapprochement entre [I] [D] et l'un de ses enfants, il ne pourrait en être déduit qu'elle viendrait remettre en cause les dispositions prises par le défunt en 1995, ce dernier n'ayant au demeurant pas modifié les termes de son testament et ce jusqu'à son décès en 2017, ce qu'aucun des défendeurs ne conteste.
Il n'est donc pas justifié qu'entre 1995 et 2015, [I] [D] ait exprimé sa volonté autrement que par la signature de son contrat d'assurance vie, dont les termes doivent donc être précisément analysés.
Or, il ressort de la lecture de l'avenant ayant modifié ladite clause que le 19 août 2015, [I] [D] a exprimé son choix en cochant la dernière des options prérédigées suivantes, réitérant le choix qu'il avait fait à la souscription, tout en évinçant Mme [O] du bénéfice de ce contrat :
- " mon conjoint à la date du décès, à défaut mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés en cas de prédécès, à défaut mes héritiers selon les règles de la dévolution successorale ",
ou
- " mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés en cas de prédécès, à défaut mes héritiers selon les règles de la dévolution successorale ",
ou
- " mes héritiers selon les règles de la dévolution successorale ".
En cochant cette dernière option, [I] [D], qui avait pris connaissance de la définition du terme " héritiers " laquelle apparaissait en gras dans l'encadré précédant immédiatement l'encadré au sein duquel il a dû exprimer son choix, a implicitement rejeté les deux autres options.
Ainsi que le relèvent justement les demandeurs, si le stipulant avait souhaité désigner ses enfants, au détriment de ses petits-enfants qu'il a institué légataires universels, il aurait dû cocher la case précédente. En ne procédant à ce choix, ni au moment de la signature initiale du contrat, ni au moment de sa modification, il a exprimé une volonté claire de désigner comme bénéficiaires non ses seuls enfants mais l'ensemble de ses héritiers, terme incluant, au vu des éléments d'explications donnés au défunt, toutes les personnes mentionnées à son testament, soit également ses petits-enfants. Que dix-huit années séparent la signature de ces deux actes juridiques ne fait pas obstacle à cette interprétation, à défaut pour la société [9] et MM. [Z] et [M] [D], de démontrer un changement de sentiment, suivi d'une volonté claire et exprimée, d'instituer ses enfants comme seuls bénéficiaires du contrat ou comme bénéficiaires de premier rang.
Dans ces conditions, les règles de la dévolution successorale étaient applicables dans la répartition des capitaux issus du contrat FRUCTI NEO n°FTNEO001599 et devaient impliquer la distribution suivante :
- ¼ à M. [Z] [D] : soit la somme de 455.470,26 euros (1.821.881,06 /4) ;
- ¼ à M. [M] [D] : soit la somme de 455.470,26 euros (1.821.881,06 /4) ;
- ¼ à Mme [B] [D] épouse [X] : soit la somme de 455.470,26 euros (1.821.881,06 /4) ;
- ¼ au titre de la quotité disponible, soit 1/8e à M. [T] [X] et 1/8e à Mme [K] [X], soit chacun la somme de 227.735,13 euros (1.821.881,06 /8).
Les demandeurs, qui sollicitent le paiement de la somme de 228.258,96 euros sans expliquer au tribunal le calcul effectué pour parvenir à cette somme, auraient donc dû recevoir, la somme de 227.735,13 euros (1.821.881,06 /8) au décès de leur grand-père.
Il convient donc de condamner la société [9], qui ne conteste pas le montant précité de 227.735,13 euros, à payer cette somme à chacun des demandeurs, dans les conditions prévues aux dispositions des articles 757B, 292BII annexe II et 806 III du code général des impôts.
Sur les intérêts de retard
Conformément à l'article L. 132-23-1 du code des assurances, dans sa version applicable au litige, " L'entreprise d'assurance dispose d'un délai de quinze jours, après réception de l'avis de décès et de sa prise de connaissance des coordonnées du bénéficiaire ou au terme prévu pour le contrat, afin de demander au bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie de lui fournir l'ensemble des pièces nécessaires au paiement.
A réception de ces pièces, l'entreprise d'assurance verse, dans un délai qui ne peut excéder un mois, le capital ou la rente garantis au bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie.
Plusieurs demandes de pièces formulées par l'entreprise d'assurance ne peuvent concerner des pièces identiques ou redondantes.
Au-delà du délai prévu au deuxième alinéa, le capital non versé produit de plein droit intérêt au double du taux légal durant deux mois puis, à l'expiration de ce délai de deux mois, au triple du taux légal. Si, au-delà du délai de quinze jours mentionné au premier alinéa, l'entreprise a omis de demander au bénéficiaire l'une des pièces nécessaires au paiement, cette omission n'est pas suspensive du délai de versement mentionné au présent article ".
Contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, l'article précité et les sanctions qu'il prévoit par le versement d'intérêts doublés voire triplés a pour objectif d'inciter les assureurs à payer rapidement les bénéficiaires, et non à sanctionner l'assureur qui s'est libéré des sommes en commettant une faute ou une erreur dans l'interprétation de la clause bénéficiaire. Il n'y a donc pas lieu d'assortir les sommes réclamées des intérêts doublés et triplés tels que sollicités par les demandeurs. Leur demande à ce titre sera rejetée.
Sur la répétition de l'indu
En application de l'article 1302 alinéa 1er du code civil, " Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution ".
L'article 1302-1 du même code prévoit ensuite que " Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu. "
Aux termes de l'article 1302-3 du code civil, " La restitution est soumise aux règles fixées aux articles 1352 à 1352-9. Elle peut être réduite si le paiement procède d'une faute ".
Les textes susvisés permettent de tenir compte de la gravité de la faute commise par celui qui a payé, et non pas seulement de l'importance du préjudice subi par celui qui a reçu indûment le paiement, pour déterminer le montant d'une éventuelle réduction.
En l'espèce, il est constant qu'à la suite du décès de leur père, M. [Z] [D], M. [M] [D] et Mme [B] [D] épouse [X] ont perçu chacun indûment 1/12e du capital décès, soit 151.853,427 euros chacun.
Sur la faute de l'assureur
Est versé au débat un courrier du 5 juillet 2017, aux termes duquel Maître [G], notaire, sollicite du destinataire, la [8] - successions, [Adresse 1], le déblocage des fonds détenus pour le compte du défunt, à l'exception des assurances-vie, et rappelle que les légataires universels sont Mme [K] [X] et M. [T] [X], conformément à l'attestation de dévolution successorale. Il ajoute enfin en caractères gras " en ce qui concerne les assurances-vie, compte tenu de l'interprétation possible de la clause bénéficiaire, il y a lieu de les conserver en l'état tant qu'un accord n'aura pas été trouvé entre les héritiers ".
La société [9] ne conteste pas qu'elle avait connaissance de ce courrier et partant de la difficulté relevée par le notaire lorsqu'elle a libéré les fonds au profit des trois enfants de [I] [D].
Dès lors, en procédant à la libération des fonds, alors même qu'il était invité par le notaire chargé de la succession à les conserver en l'état afin qu'un accord puisse être trouvé entre les héritiers, l'assureur a commis une faute de nature à réduire son droit à répétition, et ce en dépit du caractère équivoque de la clause litigieuse.
Sur les préjudices invoqués
- par MM. [D]
S'agissant du règlement des droits de successions, et contrairement à ce que soutiennent M. [Z] [D] et M. [M] [D], le fait de devoir effectuer des démarches auprès de l'administration fiscale pour obtenir un remboursement ne constitue pas en soi un préjudice indemnisable.
Par ailleurs, étant eux-mêmes informés par le notaire d'une difficulté potentielle relative à l'interprétation de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie de leur père, aux termes du courrier susvisé dont ils ne contestent pas avoir été les destinataires, et partant, parfaitement avisés d'un contentieux possible et probable sur la distribution des fonds opérée par l'assureur, MM. [D] sont mal fondés à invoquer un préjudice de désorganisation budgétaire résultant de l'obligation de remboursement ainsi qu'un préjudice moral de désillusion.
En tout état de cause, l'obligation de restituer le capital perçu ne peut constituer à lui seul, un préjudice.
- par Mme [D] épouse [X]
Mme [B] [D] épouse [X] indique qu'il lui serait difficile de restituer les sommes, qu'elle a déjà investies dans la rénovation de sa maison. Toutefois, elle ne fournit aucune pièce permettant de vérifier l'impossibilité de répéter l'indu.
Elle ne justifie pas non plus de l'impossibilité qu'elle invoque de réaliser une demande de remboursement auprès des services fiscaux, s'étant déjà acquittée des droits de mutation. Les justificatifs versés par elle en pièces 12 et 15 (courrier du service des impôts du 14 septembre 2017, certificat d'acquittement de l'impôt du 27 octobre 2017) n'attestent que du paiement effectif par Mme [D] de ses droits de succession, tandis que celui en pièce 10, fait état d'une procédure gracieuse (avis de dégrèvement), dont le tribunal n'est pas mis en mesure de vérifier qu'elle concerne bien les droits de succession qu'elle évoque et sans que ce document ne permette de préjuger du refus futur, de la part de l'administration fiscale, de revenir sur les impositions acquittées et d'opérer des rectifications.
Enfin, elle allègue d'un préjudice moral consistant en une dégradation de ses relations avec ses enfants, sans pour autant fournir au tribunal les pièces permettant d'en attester.
*
Au regard de ces éléments, seule la faute commise par la société [9], professionnelle de l'assurance, est de nature à justifier une réduction du montant de la restitution. Compte tenu de la gravité de cette faute, ce montant sera réduit de 15%.
En conséquence, MM. [D] et Mme [D] épouse [X] seront condamnés chacun à verser, au titre de la répétition de l'indu, la somme de 129.049, 91 euros à la société [9].
Sur les demandes accessoires
Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. En l'espèce, la société [9], partie perdante, sera condamnée aux dépens.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
En l'espèce, il n'est pas inéquitable de condamner la société [9] à verser sur le fondement de l'article susvisé les sommes suivantes :
- à M. [T] [X] la somme de 1.500 euros,
- à Mme [K] [X] la somme de 1.500 euros,
- à M. [M] [D] la somme de 1.500 euros,
- à M. [Z] [D] la somme de 1.500 euros,
- à Mme [B] [D] épouse [X] la somme de 3.000 euros.
Sur l'exécution provisoire
Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, issu du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances engagées à compter du 1er janvier 2020, " les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement ". En l'espèce, à défaut pour la société [9] d'expliciter au tribunal en quoi l'exécution provisoire attachée au jugement serait de nature à créer des " difficultés fiscales ", et alors que les demandeurs qui sont les principaux concernés par les conséquences fiscales d'une infirmation de la décision s'opposent à la demande, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit. Il sera rappelé en tant que de besoin que cette exécution se fait aux risques et périls des parties et que la libération des capitaux ne pourra intervenir qu'après réception de l'ensemble des documents exigés par la réglementation fiscale.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe :
CONDAMNE la société anonyme [9] à verser à M. [V] [X] la somme de 227.735,13 euros dans les conditions prévues aux dispositions des articles 757B, 292BII annexe II et 806 III du code général des impôts ;
CONDAMNE la société anonyme [9] à verser à Mme [K] [X] la somme de 227.735,13 euros dans les conditions prévues aux dispositions des articles 757B, 292BII annexe II et 806 III du code général des impôts ;
DEBOUTE M. [T] [X] et Mme [K] [X] de leur demande en paiement d'intérêts de retard ;
CONDAMNE M. [M] [D] à restituer, au titre de la répétition de l'indu, la somme de 129.049,91 euros à la société anonyme [9] ;
CONDAMNE M. [Z] [D] à restituer, au titre de la répétition de l'indu, la somme de 129.049,91 euros à la société anonyme [9] ;
CONDAMNE Mme [B] [D] épouse [X] à restituer, au titre de la répétition de l'indu, la somme de 129.049,91 euros à la société anonyme [9] ;
CONDAMNE la société anonyme [9] à payer à M. [V] [X] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société anonyme [9] à payer à Mme [K] [X] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société anonyme [9] à payer à M. [Z] [D] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société anonyme [9] à payer à M. [M] [D] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société anonyme [9] à payer à Mme [B] [D] épouse [X] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société anonyme [9] aux entiers dépens ;
DIT N'Y AVOIR LIEU à écarter l'exécution provisoire de droit ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l'exposé du litige ;
Fait et jugé à Paris le 28 Mai 2024.
Le GreffierLa Présidente
Nadia SHAKIGéraldine DETIENNE