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28/05/2024 | FRANCE | N°21/12418

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 4ème chambre 1ère section, 28 mai 2024, 21/12418


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




4ème chambre 1ère section

N° RG 21/12418
N° Portalis 352J-W-B7F-CVGV4

N° MINUTE :




Assignation du :
1er Octobre 2021









JUGEMENT
rendu le 28 Mai 2024
DEMANDERESSE

S.A. BNP PARIBAS LEASE GROUP
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Pascal SIGRIST, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0098


DÉFENDERESSE

Association IPOMA
[Adresse 2]
[

Localité 3]
représentée par Me Harry BENSIMON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0740


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Julie MASMONTEIL, Juge
Pierre CHAFFENET, Juge

...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

4ème chambre 1ère section

N° RG 21/12418
N° Portalis 352J-W-B7F-CVGV4

N° MINUTE :

Assignation du :
1er Octobre 2021

JUGEMENT
rendu le 28 Mai 2024
DEMANDERESSE

S.A. BNP PARIBAS LEASE GROUP
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Pascal SIGRIST, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0098

DÉFENDERESSE

Association IPOMA
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Harry BENSIMON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0740

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Julie MASMONTEIL, Juge
Pierre CHAFFENET, Juge

assistés de Nadia SHAKI, Greffier,

Décision du 28 Mai 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 21/12418 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVGV4

DÉBATS

A l’audience du 19 Mars 2024 tenue en audience publique devant Monsieur CHAFFENET, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 11 avril 2019, l’association Ipoma a conclu avec la SA BNP Paribas Lease Group (ci-après la société BNP) un contrat n° A1E41544 pour la location d’un copieur multifonction de marque Xerox fourni par la société Espace Burotic et pour un loyer trimestriel de 567 euros HT à compter du 1er juin 2019.

Invoquant l’absence de tout paiement des loyers, la société BNP, par l’intermédiaire de son mandataire, la société Eurorecx, a mis en demeure, par courrier en date du 26 décembre 2019, l’association Ipoma d’avoir à lui régler les loyers impayés et les accessoires.

Ce courrier et les relances ensuite adressées étant restés sans retour, par lettre recommandée datée du 6 juillet 2020 et reçue le 9 juillet 2020, la société BNP a fait part à l’association Ipoma de la résiliation de leur contrat et l’a en conséquence mise en demeure de restituer le copieur ainsi que de lui régler les loyers impayés, outre l’indemnité de résiliation prévue au contrat.

Après sommation délivrée le 6 novembre 2022 restée vaine, la société BNP a fait citer l’association Ipoma devant le tribunal judiciaire de Paris par acte d’huissier de justice en date du 1er octobre 2021.

Par dernières écritures régularisées par la voie électronique le 4 juillet 2022, la société BNP demande au tribunal de :

« Vu l’article 1103 du Code Civil,
Vu les pièces versées aux débats,
DEBOUTER l’association IPOMA de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
CONSTATER que la résiliation du contrat de location n° A1E41544 est intervenue de plein droit le 6 juillet 2020.
En conséquence,
CONDAMNER l’association IPOMA à payer à la société BNP PARIBAS LEASE GROUP les sommes qui suivent, avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2020, date de la mise en demeure :
- 4.475,10 € TTC, au titre des loyers impayés et des accessoires
Loyers du 01/06/2019 et du 01/07/2019 au 01/07/2020 soit 5 X 734,60 € TTC : 3.917,87 € TTC
- Pénalité de 10% : 10% X 3.917,87= 391,78 € TTC
- Abonnement pack services simplifiés : 5 X 13,17 € TTC = 65,85 € TTC
- Frais de dossier : 99,60 € TTC
- 9.979,20 € HT soit 11.975,04 € TTC au titre de l’indemnité contractuelle de résiliation, en application de l’article 8 des conditions générales du contrat
o Loyers à échoir : 01/10/2020 au 01/07/2020 : 16 X 567 € HT = 9.072 € HT
o Pénalité de 10 % : 10% X 9.072 = 907,20 € HT
o TVA 20% : 1.995,84 €
- 197,24 € au titre du coût de la sommation de payer.
ORDONNER la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de 1343-2 du Code civil,
CONDAMNER l’association IPOMA à payer à la société BNP PARIBAS LEASE GROUP la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
LA CONDAMNER aux entiers dépens comprenant les frais de sommation.
ECARTER l’exécution provisoire de droit de la décision à intervenir en application de l’article 514-1 du CPC, dans l’hypothèse où il serait fait droit aux demandes de l’association IPOMA ».

Elle objecte tout d’abord qu’en l’absence de mise en cause de la société Espace Burotic et partant de tout débat contradictoire avec cette société, l’association Ipoma ne peut valablement invoquer ni la nullité du contrat de vente passé avec elle, ni lui reprocher d’éventuelles manoeuvres dolosives qui l’auraient amenée à souscrire les engagements critiqués.

Elle s’oppose ensuite à toute application au contrat de vente des dispositions du code de la consommation, dès lors que ce contrat de vente a été uniquement conclu entre deux sociétés commerciales et que l’association était ainsi tierce à cette convention.

Sur la nullité du contrat de location lui-même, elle soutient qu’en raison de l’interdépendance des conventions, l’absence de nullité du contrat de vente ne peut que justifier le débouté de la demande de nullité du contrat de location ; qu’aucune manoeuvre dolosive n’est établie par l’association Ipoma dans le cadre de ce contrat ; que la défenderesse ne peut pas davantage se prévaloir des dispositions du code de la consommation relatives au contrat de prêt, la location conclue ne s’assimilant pas à un tel contrat puisqu’aucune somme d’argent n’a été mise à sa disposition ; que ce contrat de location a en outre été conclu dans le cadre de l’activité professionnelle de l’association et qu’enfin, en qualité de bailleresse, elle n’était pas tenue de vérifier la pertinence économique et l’opportunité des obligations souscrites par l’association.

Soulignant l’absence de tout paiement des loyers, elle sollicite alors la résiliation de plein droit du contrat de location et le règlement de l’ensemble des loyers impayés jusqu’à la mise en demeure adressée à l’association. Elle sollicite en outre, conformément à la clause stipulée au contrat, l’application d’une pénalité de retard et de l’indemnité de résiliation, outre différents frais engagés en vain en raison des manquements de la défenderesse.

Par dernières écritures régularisées par la voie électronique le 17 mai 2022, l’association Ipoma demande au tribunal de :

« Vu les articles susvisés,
Vu la jurisprudence précitée,
Vu les pièces versées au débat
(...)
- DECLARER les demandes de l’Association IPOMA recevables et la déclarer bien-fondée.
- Débouter la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP de l’ensemble de ses demandes, fins et pretentions ;
Et partant:
- DECLARER que le contrat conclu entre l’Association IPOMA et ESPACE BUROTIC est nul car contrevenant aux dispositions éditées par le code de la consommation
- DECLARER que la Société ESPACE BUROTIC a commis un dol à l’encontre de l’Association IPOMA
- DECLARER que la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP a délibérément participé au dol commis par la Société ESPACE BUROTIC ;
Au surplus,
- DECLARER que la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP a commis des fautes personnelles :
- En laissant prospérer l’activité de la Société ESPACE BUROTIC par la fourniture de financements malgré les nombreux manquements de cette dernière qu’elle ne pouvait prétendre ignorer,
- En accordant des financements inappropriés,
- En manquant à ses obligations d’informations et de conseils à l’égard de l’Association IPOMA
En conséquence,
- DECLARER que les Sociétés SPACE BUROTIC et BNP PARIBAS LEASE GROUP sont solidairement responsables de l’ensemble des conséquences de leurs fautes à l’égard de l’Association IPOMA ;
- PRONONCER la nullité ou à défaut la résolution du contrat de vente liant l’Association IPOMA et la Société ESPACE BUROTIC ;
- PRONONCER la nullité ou à défaut la résolution du contrat de financement affecté liant l’Association IPOMA et la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP ;
- DECLARER que la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP ne pourra se prévaloir des effets de l’annulation à l’égard de l’Association IPOMA ;
- ORDONNER le remboursement des sommes versées par l’Association IPOMA à la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP au jour du jugement à intervenir, outre celles à venir.
- DIRE qu’à défaut pour la Société ESPACE BUROTIC de récupérer le matériel fourni dans un délai de 1 mois à compter de la signification du jugement, celui-ci sera définitivement acquis par l’Association IPOMA,
- CONDAMNER la Société ESPACE BUROTIC à garantir l’Association IPOMA de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre,
- CONDAMNER la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP au paiement des entiers dépens outre 3.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure Civile ».

Décision du 28 Mai 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 21/12418 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVGV4

Elle conclut en premier lieu à la nullité du contrat de vente invoquant, d’une part, le défaut au sein du bon de commande, de certaines mentions obligatoires prévues par le code de la consommation et, d’autre part, l’existence de manoeuvres dolosives de la société Espace Burotic. Elle soutient alors que cette nullité entraîne celle du contrat de financement en raison de l’indivisibilité entre les deux conventions.

Elle se prévaut en outre de manoeuvres dolosives de la part de la société BNP, lui reprochant d’avoir laissé la société Espace Burotic, tiers de connivence, tenir des propos commerciaux mensongers en transmettant des simulations d’économie et de performance volontairement erronées, laissant accroire à d’importants profits, et d’avoir conforté ce flou sur l’opération réalisée en attendant la signature de l’attestation de réception pour adresser son accord pour le financement et le tableau d’amortissement correspondant.

Elle oppose ensuite une faute du loueur, au visa des articles L. 312-48 et L. 312-55 du code de la consommation, pour ne pas avoir vérifié la régularité du contrat principal que son financement devait soutenir et pour ne pas s’être non plus assuré de la validité du bon de commande avant la remise des fonds. Elle fait également valoir un manquement de la société BNP à son devoir de mise en garde en raison du caractère excessif du financement accordé au regard de ses capacités financières et en l’absence de toute démarche accomplie par la demanderesse pour se renseigner sur sa situation avant de conclure leur engagement.

La clôture a été ordonnée le 21 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux dernières écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir « déclarer » ou encore « dire » ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Il ne sera donc pas statué sur ces “demandes” qui ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

Sur les demandes en nullité et en résolution formées par l’association Ipoma

Sur la demande tendant à voir « PRONONCER la nullité ou à défaut la résolution du contrat de vente liant l’Association IPOMA et la Société ESPACE BUROTIC »

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 6 du code de procédure civile, « à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder » et qu’il incombe alors à chacune des parties, conformément à l’article 9 du même code, « de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Sauf alors à violer ces dispositions, le juge n’a pas à pallier, dans le cadre de son délibéré et hors tout débat contradictoire, la carence des parties dans les explications et les preuves qu’elles apportent au soutien du bien-fondé, en droit comme en fait, de leurs prétentions.

En l’espèce, le tribunal observe qu’au sein du dispositif de ses dernières écritures, l’association Ipoma ne désigne nullement le contrat dont elle sollicite la nullité ou la résolution. Toutefois, dans le corps de ses écritures, elle conclut de manière réitérée à l’annulation du « contrat de vente conclu entre [elle] et la Société ESPACE BUROTIC », reprochant à cette dernière non seulement le défaut de différentes mentions sur le bon de commande, mais également d’avoir trompé son consentement par des manoeuvres dolosives.

Toutefois, la société BNP souligne à juste titre qu’aucun contrat de vente n’a été formé entre l’association Ipoma et la société Espace Burotic, laquelle, en outre, n’a pas été mise en la cause par l’association Ipoma.

En effet, aux termes d’un montage contractuel connu et d’ailleurs rappelé par l’association défenderesse dans ses conclusions, le matériel objet des débats a été acheté par la société BNP à la société Espace Burotic, ainsi qu’en atteste une facture entre ces deux sociétés du 19 avril 2019, puis a été loué à l’association Ipoma en vertu du contrat conclu le 11 avril 2019 avec la société BNP, cette convention ne contenant aucune option d’achat.

Si la défenderesse critique dans ses écritures le « bon de commande » de la société Espace Burotic qu’elle produit en pièce numérotée 2, le tribunal relève que ce document atteste d’une convention de maintenance du photocopieur conclue par l’association Ipoma avec la société Espace Burotic, mais ne caractérise aucunement la vente alléguée.

Dans ces circonstances, aucune vente n’ayant été réalisée entre la société Espace Burotic et l’association Ipoma, la demande en nullité et en résolution d’un tel contrat se trouve nécessairement dépourvue d’objet et ne peut pas prospérer.

Au surplus et en toute hypothèse, il y a lieu de retenir que :

- d’une part, le contrat de vente ayant été conclu entre deux sociétés commerciales et à titre professionnel, les dispositions du code de la consommation ne lui sont pas applicables et l’association Ipoma, tierce à la vente, ne peut pas davantage exercer l’action en nullité pour dol de ce contrat, action réservée aux seules parties ainsi que l’énonce l’article 1181 du code civil,

- à supposer que la défenderesse entende remettre en cause le contrat de maintenance au visa des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissements, elle ne met aux débats aucun élément probant de nature à renseigner le tribunal sur les conditions de conclusion de ce contrat,

Décision du 28 Mai 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 21/12418 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVGV4

- cette carence probatoire exclut également toute caractérisation d’un dol au moment de la conclusion de ce contrat et le reste des moyens, portant « sur l’économie et la rentabilité attendue » du montage contractuel opéré, est tout autant inopérant, dès lors que la lecture des contrats produits permet de constater que le bon de commande critiqué fait apparaître l’ensemble des renseignements financiers nécessaires pour calculer son coût et partant, apprécier son opportunité économique.

Aucun moyen tant en fait qu’en droit n’est enfin développé par l’association Ipoma au soutien de sa demande en résolution.

Cette demande sera en conséquence entièrement rejetée.

Sur la demande tendant à voir « PRONONCER la nullité ou à défaut la résolution du contrat de financement affecté liant l’Association IPOMA et la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP »

De nouveau, le tribunal observe qu’aucun « contrat de financement » ne lie l’association Ipoma et la société BNP. Il se déduit toutefois des moyens développés par la défenderesse dans le corps de ses écritures qu’elle vise le contrat de location conclu avec la demanderesse le 11 avril 2019.

L’association Ipoma fonde tout d’abord sa demande sur l’indivisibilité de l’ensemble contractuel. Néanmoins, sa précédente demande en nullité et résolution de contrat ayant été rejetée, ce moyen ne peut pas, en toute hypothèse, prospérer.

Elle invoque ensuite l’existence de manoeuvres dolosives au moment de la conclusion du contrat de location.

A cet égard, selon l’article 1137 du code civil, « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ».

L’article 1138 du même code prévoit que : « Le dol est également constitué s'il émane du représentant, gérant d'affaires, préposé ou porte-fort du contractant.
Il l'est encore lorsqu'il émane d'un tiers de connivence ».

L’association Ipoma invoque alors de nouveau des manoeuvres afin de la tromper sur l’opportunité économique du contrat de location conclu par l’intermédiaire de la société Espace Burotic, relevant en particulier « les propos mensongers du commercial étayés par simulation d’économie et de performance volontairement erronées gonflant de manière disproportionnée les profits escomptables ».

Cependant, ainsi que rappelé à l’article 1137 du code civil, l’erreur sur la valeur de la prestation fournie ne peut constituer une manoeuvre dolosive, de sorte que le coût total de la location, disproportionné selon l’association Ipoma, ne permet pas de justifier le dol qu’elle invoque.
Décision du 28 Mai 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 21/12418 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVGV4

Il ressort ensuite de la lecture du contrat de location signé par l’association Ipoma que figurent en mentions apparentes et dénuées de toute ambiguïté la référence du photocopieur loué, le montant des loyers, le nombre de ces derniers, leur fréquence ainsi que les frais de « montage dossier ». La défenderesse était donc en capacité, par une simple opération mathématique, de connaître le prix total par rapport au matériel loué et son intérêt par rapport à son activité.

Il y a donc lieu de considérer que l’association Ipoma s’est engagée en pleine connaissance des conséquences du contrat de location. Elle ne justifie par ailleurs par aucune pièce des « propos mensongers » qu’elle impute au commercial de la société Espace Burotic, ni de ce que ce dernier aurait pu obtenir des informations complémentaires sur la situation de l’association, susceptibles de justifier une mise en garde particulière au regard de l’opération envisagée.

Si la défenderesse reproche encore à la société BNP d’avoir « attendu la signature de l’attestation de réception de travaux pour adresser à ses clients leur accord de financement et leur tableau d’amortissement », ces indications apparaissent parfaitement décorrélées des termes du litige dont est saisie la juridiction.

Enfin, le tribunal relève de nouveau que l’association Ipoma ne développe aucun moyen, en droit comme en fait, au soutien d’une éventuelle cause de résolution du contrat.

En conséquence, la demande en nullité et résolution du contrat de location sera rejetée.

De ce fait, il y a également lieu dès à présent de rejeter la demande de l’association Ipoma tendant à obtenir « le remboursement des sommes versées par l’Association IPOMA à la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP au jour du jugement à intervenir, outre celles à venir ».

Sur la demande en résiliation du contrat de location

Conformément à l’article 1103 du code civil, “Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits”.

S’agissant de la résolution des conventions, l’article 1224 du même code prévoit que : “La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice”.

Selon l’article 1225 du code civil, “La clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat.
La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire”.

En l’espèce, la société BNP produit la page, signée par l’association Ipoma, contenant les conditions générales du contrat de location du photocopieur.

Décision du 28 Mai 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 21/12418 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVGV4

Il ressort de l’article 8.2 de ces conditions que « Le bailleur peut demander la résiliation du contrat en cas de (i) non-respect de l’un des des engagements pris au présent contrat ou perte ou diminution des garanties fournies (...). La résiliation interviendrait sans qu’il y ait besoin d’aucune formalité judiciaire, le locataire reconnaissant avoir été mis en demeure par les présentes ».

La société BNP justifie alors de l’envoi à l’association Ipoma, par lettre recommandée datée du 6 juillet 2020 et reçue le 9 juillet 2020, d’une mise en demeure l’informant de la résiliation de leur convention par application de l’article 8.2 ci-avant rappelé et l’enjoignant à lui payer notamment les loyers échus à compter du 1er juin 2019 et jusqu’au 1er janvier 2020.

L’association Ipoma ne conteste pas dans ses écritures l’absence de règlement de ces loyers, ni ne fait plus généralement valoir aucun moyen pour contester la résiliation sollicitée par la société BNP.

La résiliation du contrat liant les parties sera en conséquence considérée comme acquise au 6 juillet 2020.

Cette résiliation emporte, à titre de restitution, le droit pour la société BNP de reprendre le matériel loué dont elle est propriétaire, cette possibilité étant prévue à l’article 9.2 des conditions générales : « dès la fin de la location ou en cas de résiliation anticipée du contrat, le locataire est tenu de restituer l’équipement en bon état général, de fonctionnement et d’entretien au bailleur et à l’endroit désigné par celui-ci, les frais de transport incombant au locataire ».

Il sera donc fait droit à la demande de l’association Ipoma sollicitant que le matériel loué soit repris, sans que l’absence d’exécution de cette obligation, qui lui incombe en vertu du contrat qu’elle a signé, puisse justifier à un quelconque moment le transfert de la propriété du photocopieur à son profit.

Sur les demandes indemnitaires de la société BNP

Sur les loyers échus impayés

Le contrat prévoit un loyer trimestriel de 567 euros hors taxes, soit 680,40 euros TTC.

Le décompte produit par la société BNP fait certes état d’un loyer total mensuel de 734,60 euros TTC. Toutefois, ce décompte inclut des « prestations » supplémentaires, facturées à hauteur de 45,17 euros par trimestre et correspondant à des « prestations de service et prestations de couverture d’assurance ». Aucun accord entre les parties n’est alors démontré par la société BNP sur ces prestations supplémentaires et sur leur coût, l’ensemble de ces éléments ne figurant nullement au contrat signé par l’association Ipoma.

Il ne sera donc pas tenu compte de ces frais dans le calcul des loyers revenant à la société BNP.

A la date retenue pour la résiliation du contrat le 6 juillet 2020, l’association Ipoma se trouvait donc redevable des seules échéances de loyer comprises entre le 1er juin 2019 et le 1er juillet 2020 soit la somme de 3.628,80 euros.
Décision du 28 Mai 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 21/12418 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVGV4

Sur l’abonnement « Pack Services Simplifiés »

Il n’est mis aux débats aucune preuve d’un éventuel accord de l’association Ipoma pour la souscription de ce pack, dont il n’est pas fait mention dans le contrat du 11 avril 2019.

La société BNP échouant ainsi à rapporter la preuve d’une quelconque dette à cet égard de la défenderesse, sa demande en paiement de la somme de 65,85 euros sera rejetée.

Sur la demande au titre des frais de dossier

Ainsi que précédemment exposé, le contrat du 11 avril 2019 prévoit le paiement par l’association Ipoma d’une somme de 83 euros HT, soit 99,60 euros TTC, au titre des « frais montage dossier ».

La défenderesse n’alléguant, ni ne justifiant s’être acquittée de cette somme, elle sera en conséquence condamnée à la payer.

Sur l’indemnité contractuelle de résiliation

Selon l’article 8.3 des conditions générales, en cas de résolution conforme à la clause 8.2 citée ci-avant, « la résiliation entraîne, au profit du bailleur, le paiement par le locataire ou ses ayants droit, en réparation du préjudice subi en sus des loyers impayés et de leurs accessoires, d’une indemnité égale à la somme des loyers restant à échoir au jour de la résiliation ».

L’article 8.4 ajoute que : « l’indemnité prévue ci-dessus sera majorée d’une somme forfaitaire égale à 10 % de la dite indemnité à titre de clause pénale ».

Tout d’abord, il se déduit de la lecture de ces clauses que seule peut faire l’objet d’une majoration l’indemnité contractuelle, constituée des loyers à échoir. En conséquence, la demande de la société BNP tendant à l’application de cette pénalité aux loyers échus et non réglés par l’association Ipoma doit être rejetée.

Compte tenu de la durée initialement fixée du contrat de location, il restait, à la date de sa résiliation, seize loyers à échoir, soit une somme totale de 9.072 euros (567 x 16). En application de la clause 8.4 des conditions générales, l’indemnité supplémentaire s’évalue à 10 % de cette somme, soit 907,20 euros.

En revanche, les indemnités contractuelles ainsi fixées ayant pour objet exclusif de réparer un préjudice commercial et ne constituant pas la contrepartie d'une prestation de services ou d'une livraison de biens, celles-ci ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée.

En conséquence, il y a lieu de condamner l’association Ipoma à payer à la société BNP une somme totale de 9.979,20 euros au titre de l’indemnité contractuelle.

Sur les frais de sommation

Le contrat conclu le 11 avril 2019 n’imposant pas, pour sa résolution, le recours à une sommation de payer délivrée par huissier de justice, les frais de celle délivrée le 6 novembre 2022 à la demande de la société BNP ne peuvent pas être indemnisés sur le fondement contractuel, mais pourront être inclus au titre de l’appréciation d’éventuels frais irrépétibles.

Sur les intérêts de retard et leur capitalisation

Conformément à l’article 1231-6 du code civil, « Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 1343-2 de ce code, « Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ».

En application de ces dispositions, il sera dit que les sommes auxquelles l’association Ipoma a été condamnée, pour un montant total de 13.707,60 euros (3.628,80 + 99,60 + 9.979,20), produiront intérêts au taux légal à compter de la réception le 9 juillet 2020 par la défenderesse de la mise en demeure adressée par la société BNP.

Les intérêts échus seront capitalisés conformément à l’article 1343-2 susvisé.

Sur la responsabilité contractuelle de la société BNP

Conformément à l’article 768 alinéa 2 du code de procédure civile, « Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ».

En outre, en vertu du dernier alinéa de ce même article, « Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées ».

En l’espèce, si l’association Ipoma développe dans ses écritures différents moyens pour conclure à une éventuelle faute de la société BNP, elle se borne à solliciter, dans le dispositif de ses écritures, à voir « DECLARER que les Sociétés SPACE BUROTIC et BNP PARIBAS LEASE GROUP sont solidairement responsables de l’ensemble des conséquences de leurs fautes à l’égard de l’Association IPOMA ».

Cette demande ne s’analyse pas en une prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elle ne tend pas à la condamnation de la société BNP à une quelconque indemnité en lien avec la responsabilité recherchée. En outre, l’association Ipoma ne développe dans le corps de ses conclusions aucun moyen tendant à la caractérisation d’un préjudice en lien causal avec les fautes qu’elle allègue.

En conséquence, le tribunal, qui n’est saisi d’aucune prétention, n’a pas à se prononcer sur cette responsabilité.

Au surplus et en toute hypothèse, il est observé que l’association Ipoma fonde cette responsabilité sur différents manquements reprochés à la société BNP en qualité de prêteuse, préalablement à une prétendue « libération des fonds ». Or, le contrat de location ne prévoyait aucune option d’achat et les liens unissant les parties portaient uniquement sur un contrat de location et non de prêt d’argent, de sorte que les moyens développés par l’association défenderesse ne pouvaient pas, en toute hypothèse, prospérer.

Sur la demande en garantie formée contre la société Espace Burotic

Conformément à l’article 14 du code de procédure civile, “Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée”.

En l’espèce, aux termes de ses écritures, l’association Ipoma semble également rechercher la responsabilité de la société Espace Burotic – entendant la voir déclarer, avec la société BNP, « solidairement responsables de l’ensemble des conséquences de leurs fautes à l’égard de l’Association IPOMA » – et sollicite alors sa condamnation à la garantir de toute condamnation à son encontre.

Néanmoins, ainsi que le souligne la société BNP, il résulte de la procédure que la société Espace Burotic n’a jamais été appelée en la cause.

N’ayant dès lors pas été régulièrement attraite à l’instance et n’ayant pas pu présenter sa défense, la demande présentée par l’association Ipoma à l’encontre de la société Espace Burotic ne peut qu’être rejetée, sauf à violer les dispositions de l’article 14 susvisé.

Sur les autres demandes

L’association Ipoma, succombant, sera condamnée aux dépens, lesquels, exhaustivement énumérés à l’article 695 du code de procédure civile, n’incluent pas les frais de la sommation, cet acte ne constituant pas un préalable nécessaire à l’introduction ou au déroulé de l’instance.

Il convient, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de mettre à sa charge une partie des frais non compris dans les dépens et exposés par la société BNP à l’occasion de la présente instance. Elle sera ainsi condamnée à lui payer la somme de 2.000 euros à ce titre, en ce compris les frais de la sommation.

L'exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances introduites comme en l'espèce à compter du 1er janvier 2020. Il n’y a pas lieu de l’écarter, étant relevé que la demande de la société BNP à cette fin ne valait que « dans l’hypothèse où il serait fait droit aux demandes de l’association IPOMA ».

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

Déboute l’association Ipoma de sa demande de voir « PRONONCER la nullité ou à défaut la résolution du contrat de vente liant l’Association IPOMA et la Société ESPACE BUROTIC »,

Déboute l’association Ipoma de sa demande de voir « PRONONCER la nullité ou à défaut la résolution du contrat de financement affecté liant l’Association IPOMA et la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP »,

Déboute l’association Ipoma de sa demande de voir« ORDONNER le remboursement des sommes versées par l’Association IPOMA à la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP au jour du jugement à intervenir, outre celles à venir »,

Constate la résiliation du contrat de location conclu le 11 avril 2019 entre la SA BNP Paribas Lease Group et l’association Ipoma à la date du 6 juillet 2020,

Ordonne, en conséquence, la restitution du copieur mutlifonction Xerox objet de ce contrat à la SA BNP Paribas Lease Group,

Condamne l’association Ipoma à payer à la SA BNP Paribas Lease Group les sommes suivantes :
- 3.628,80 euros au titre des loyers échus jusqu’au 6 juillet 2020,
- 99,60 euros au titre des frais de dossier,
- 9.979,20 euros au titre de l’indemnité contractuelle,

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2020, lesquels seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

Déboute la SA BNP Paribas Lease Group du surplus de ses demandes indemnitaires,

Rejette la demande en garantie de l’association Ipoma formée contre la société Espace Burotic, non en la cause,

Condamne l’association Ipoma à payer à la SA BNP Paribas Lease Group la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles,

Condamne l’association Ipoma aux dépens,

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire des parties,

Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit du jugement.
Fait et jugé à Paris le 28 Mai 2024.

Le GreffierLa Présidente
Nadia SHAKIGéraldine DETIENNE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 4ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/12418
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;21.12418 ?
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