TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
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7ème chambre 1ère section
N° RG 20/05511
N° Portalis 352J-W-B7E-CSIAJ
N° MINUTE :
Assignation du :
19 Juin 2020
JUGEMENT
rendu le 28 Mai 2024
DEMANDERESSES
S.E.L.A.R.L. S21Y en qualité de liquidateur de la Société ATLANTE CONSTRUCTION
[Adresse 5]
[Localité 7]
S.A.S. ATLANTE CONSTRUCTION
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentées par Me Martine GHIO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1664
DÉFENDERESSE
S.C.I. PIERRIMMO 5
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Stéphane PERFETTINI de la SELEURL ASCODE AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0170
Décision du 28 Mai 2024
7ème chambre 1ère section
N° RG 20/05511 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSIAJ
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Perrine ROBERT, Vice-Président
MonsieurMathieu DELSOL, Juge
Madame Malika KOURAR, Juge
assistée de Madame Ines SOUAMES, Greffier,
DÉBATS
A l’audience du 18 Mars 2024 tenue en audience publique devant Monsieur DELSOL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues aux deuxième alinéa de l’article de l’article 450 du Code de procédure civile
Signé par Madame Perrine ROBERT, Présidente, et par Madame Inès SOUAMES, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La Société Civile Immobilière PIERRIMMO 5 a confié à la Société ATLANTE CONSTRUCTION des travaux importants de restructuration d'un immeuble dont elle est propriétaire, situé [Adresse 3].
Les parties ont signé, le 07 décembre 2017 :
- un devis portant sur la partie « commerces » de l’immeuble d’un montant de 53 586,98 € TTC ;
- un devis portant sur la partie « logements » de l’immeuble d’un montant de 344 408,75 € TTC ;
- un devis portant sur les parties communes de l’immeuble d’un montant de 249 416,60 € TTC.
La maîtrise d’oeuvre complète a été confiée au cabinet FEVRE ET GAUCHER, devenu 5-CINQ ARCHITECTURE.
Ces travaux ont été réceptionnés le 17 octobre 2018 pour la partie « Commerces », et le 28 novembre 2018 pour les parties « Logements » et « Parties communes ».
Le 07 mai 2019, le maître d’œuvre des travaux a établi le projet de décompte suivant :
Décision du 28 Mai 2024
7ème chambre 1ère section
N° RG 20/05511 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSIAJ
*Solde cumulé des travaux restant dû par le maître d’ouvrage : 65 130,34 € HT
*Déduction du montant des pénalités de retard : - 31 329,45 € HT
*Déduction de la facture EDF : - 5 185,47 € HT
*Solde HT : 28 615,42 € HT
TVA : + 4 120,58 €
Solde TTC restant dû à l’entreprise : 32 736 € TTC.
La SCI PIERRIMMO 5 a payé la somme de 32.736 € TTC.
Suite à plusieurs échanges de courriers, la société ATLANTE CONSTRUCTION a, par courrier du 09 octobre 2019 adressé à la société PIERRIMMO 5, contesté le montant des pénalités de retard et a réclamé le paiement de travaux supplémentaires et d’intérêts de retard.
C’est dans ce contexte que par acte d’huissier en date du 19 juin 2019, la société ATLANTE CONSTRUCTION a assigné en paiement la SCI PIERRIMMO 5 devant le Tribunal Judiciaire de PARIS.
Par jugement du 10 mars 2022, le Tribunal de Commerce de CRETEIL a mis la Société ATLANTE CONSTRUCTION en redressement judiciaire, désignant la SELARL AJASSOCIES en la personne de Me Nicolas DESHAYES Administrateur Judiciaire.
Par jugement du même tribunal du 08 juin 2022, la Société ATLANTE était mise en liquidation judiciaire La SELARL S21Y en la personne de Me [N] [K] était désignée liquidateur, alors que Me [E] [X] était maintenu administrateur.
*
Dans ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 03 mars 2023, la société ATLANTE CONSTRUCTION, représentée par la société SELARL S21Y, prise en la personne de Maître [N] [K], liquidateur demande au Tribunal de :
« RECEVOIR la Société ATLANTE CONSTRUCTION en ses demandes
| DIRE la SCI PIERRIMMO 5 irrecevable, et en tout état de cause, mal fondé,
LA DEBOUTER de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
1/ Sur les travaux supplémentaires :
DIRE et JUGER la Société ATLANTE CONSTRUCTION bien fondée à solliciter la somme de 18 530,40 € TTC au titre des travaux supplémentaires
2/ Sur les pénalités de retard :
CONSTATER que le montant du DGD payé par la SCI PIERRIMMO 5 comprend la déduction de pénalités de retard à hauteur de 35 709,48 €
Par conséquent ;
DIRE et JUGER la Société ATLANTE CONSTRUCTION bien fondée à solliciter le paiement de la somme de 35 709,48 € TTC montant dû sur le marché qui a été compensé par les pénalités de retard indues
3/ Sur les intérêts de retard :
DIRE et JUGER la Société ATLANTE CONSTRUCTION bien fondée à solliciter le paiement des intérêts de retard au taux figurant sur ses factures conformément à l'article L 441-10 du code de commerce, soit la somme de 3 831,90 €
EN CONSEQUENCE ;
CONDAMNER la SCI PIERRIMMO 5 à payer à la Société ATLANTE CONSTRUCTION la somme de 58 071,77 € (18 530,40 + 35 709,48 + 3 831,90 )
LA CONDAMNER au paiement des intérêts de retard au taux égal à 3 fois le taux d'intérêt légal à compter de la date d'exigibilité des factures impayées en vertu de l'article L441-10 du code de commerce
CONDAMNER la SCI PIERRIMMO 5 au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
LA CONDAMNER au paiement des entiers dépens en vertu de l’article 699 du Code de Procédure Civile »
Au soutien de ses prétentions, elle expose que :
- les travaux supplémentaires d’un montant de 18.530,40 euros TTC sans devis préalable sont établis par le courrier du maître d’œuvre ; elle conteste la qualification de marché à forfait en ce que le marché résulte de trois devis, et ne se caractérise pas par un prix global et définitif au sens de l’article 1793 du code civil ; elle ajoute que la créance est certaine et exigible puisque les travaux figurent dans le courrier du maître d’œuvre, ont été facturés sur la même base que les travaux précédemment réalisés, ont apporté une plus value au chantier, ne procèdent pas d’une mésestimation des devis initiaux ;
- les pénalités de retard déduites par le maître d’oeuvre n’étaient pas dues ; elle demande le paiement du montant correspondant au motif que :
* selon la jurisprudence, l'application de l’article 4.3.1 du CCPA relatif aux pénalités de retard doit avoir fait l'objet d'une mise en demeure préalable accordant à l'entreprise un délai suffisant pour remédier au retard , alors qu’aucune mise en demeure n’a été délivrée ;
*les pénalités de retard ont été réclamées pour la première fois avec le DGD du Maître d’oeuvre du 07 mai 2019, alors qu’elle démontre avoir notifié son décompte général le 27 décembre 2018 ; selon la norme AFNOR P 03-001, le Maître d'Ouvrage avait 30 jours après la remise du projet de décompte final par l'entrepreneur au Maître d’œuvre pour modifier le projet de l'entrepreneur ;
* les motifs de ce retard ont été expliqués dans son courrier du 22 mai 2019 et dans le courrier du maître d’œuvre du 14 mai 2019 et sont principalement dus à un retard de livraison de parquet par le fournisseur choisi par le maître de l’ouvrage, et d’autre part, à la découverte d’un vide sous dalle dans le hall d’entrée qui a nécessité des études et des travaux supplémentaires ;
* ces pénalités sont une clause pénale susceptible de modération par le juge, alors que le maître d’œuvre s’est dit opposé au paiement des pénalités par l’entreprise en raison de la grande qualité des travaux réalisés ;
* les désordres qui lui sont reprochés (passage d’une évacuation, manque de continuité dans le flocage, défaut d’étanchéité sur le mur mitoyen) ne sont pas établis et ne lui sont pas imputables, rappelant que la réception a eu lieu sans réserves et que la garantie de parfait achèvement est expirée.
- des intérêts de retard en application de l’article 441-10 du code de commerce ; elle rappelle qu’il importe peu que ces intérêts ne soient pas prévus contractuellement et qu’ils sont dus par l’effet de la loi.
Elle souligne que la société défenderesse sollicite de nouveau le paiement des pénalités de retard et de la participation électrique (EDF) pour compensation, alors que ces pénalités ont déjà été réduites. Elle ajoute que la demande de la société défenderesse est irrecevable en ce qu’elle est contraire à l’interdiction des poursuites prévue à l’article L.622-21 du code de commerce et que la défenderesse n’a pas déclaré la créance de pénalités de retard dans le délai prévu à l’article L.622-24 du code de commerce.
*
Dans ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 14 septembre 2023, la société PIERRIMMO 5 demande au Tribunal de :
« - Déclarer recevable et bien-fondée la société PIERRIMMO 5 en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Débouter la société ATLANTE CONSTRUCTION de l’intégralité de ses demandes de condamnations dirigées à l’encontre de la société PIERRIMMO 5 ;
- Condamner Maître [N] [K] de la société S21Y, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ATLANTE CONSTRUCTION, à la somme de 3 500 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- Ecarter l’exécution provisoire attachée à la décision à intervenir ;
- Condamner Maître [N] [K] de la société S21Y, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ATLANTE CONSTRUCTION, aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Maître [C] [L] dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile. »
Au soutien de ses prétentions, elle expose que :
- les travaux supplémentaires dont le paiement est réclamé n’ont fait l’objet d’aucun devis, comme le reconnaît la demanderesse elle-même, de sorte que la preuve de leur acceptation n’est pas rapportée ; elle rappelle que le CCAP renvoie au CCAG applicable aux marchés privés, selon lequel l’article 11.2.2 de la Norme NFP 03.001, intitulé « Travaux sans autorisation », contractualisée, prévoit qu’à défaut d’accord exprès de sa part sur la réalisation de travaux supplémentaires, « le maître d’ouvrage ne doit aucun paiement supplémentaire si les ouvrages modifiés ont entraîné pour l’entrepreneur des dépenses supérieures à celles afférentes aux ouvrages initialement prévus », alors qu’il s’agit au surplus d’un marché à forfait ; ni l’origine ni la valeur des travaux ne sont déterminées ; divers désordres ont été constatés suite à la réception et s’opposent au paiement des travaux supplémentaires ;
- les pénalités de retard étaient dues en application de l’article 4.3.1 du CCAP, et leur calcul a été confirmé par le maître d’oeuvre ; l’application desdites pénalités n’était d’ailleurs nullement soumise à une mise en demeure préalable ; en effet, aucune obligation de ce type n’est mentionnée dans le CCAP applicable aux travaux ; aucun retard ou cause de prorogation du délai ne lui a été notifiée au sens de l’article 4.2.1 du CCAP de sorte que le délai prévu contractuellement devait s’appliquer ;
- les intérêts de retard réclamés ne sont pas prévus au contrat ; les retards de paiement ne sont pas justifiés ;
*
L’ordonnance de clôture a été rendue le 06 octobre 2023.
L’affaire a été mise en délibéré au 28 mai 2024.
MOTIFS
A titre liminaire, il est rappelé que les demandes de “dire et juger” et “juger que” ne constituent pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile et que le tribunal, qui est chargé de trancher les différends, n'a pas à y répondre.
Sur la demande en paiement au titre des travaux supplémentaires
Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L’article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
En l’espèce, il est constant que les travaux supplémentaires dont la société ATLANTE CONSTRUCTION réclame le paiement n’ont fait l’objet d’aucune signature de devis.
Le CCAP signé par les parties stipule en sa clause 3.4.1 (page 6) que : « les prix ne sont ni révisables, ni actualisables. Les prix sont nets, globaux et forfaitaires ».
La société ATLANTE CONSTRUCTION, qui reconnaît qu’aucun devis n’a été signé pour les travaux supplémentaires allégués, ne rapporte pas la preuve d’un accord exprès de la société PIERRIMMO 5 sur ces travaux.
Dès lors, en application du caractère forfaitaire du marché, en l’absence d’acceptation exprès des travaux supplémentaires allégués et de leur prix, la demande en paiement ne peut prospérer.
En conclusion, la demande en paiement de la société ATLANTE CONSTRUCTION au titre des travaux supplémentaires sera rejetée.
Sur la demande en paiement au titre des pénalités de retard
L’article 4.3.1 du CCAP signé par les parties et applicable aux travaux stipule :
« 4.3.1.1. Si un entrepreneur n'a pas terminé les prestations qui lui incombent, dans les délais partiels prévus au calendrier d'exécution, y compris les travaux de finition ou de remise en état après le passage des autres corps d'état, une retenue pourra être opérée provisoirement sur les sommes qui lui sont dues.
Cette retenue provisoire pourra être transformée en pénalité définitive si l'une des deux conditions suivantes est remplie :
1°) à l'expiration de son marché, l'entrepreneur défaillant n'a pu respecter son délai contractuel d'exécution,
2°) bien qu'ayant, à l'issue de son marché, rattrapé son retard, la défaillance de cet entrepreneur a perturbé la bonne marche des entreprises sur le chantier et provoqué des retards pour les autres corps d'état.
Le taux de cette retenue sera basé sur le montant toutes taxes comprises du marché, par jour calendaire de retard.
1/500ème (un cinq centième) du montant du marché pour les 15 premiers jours, avec un minimum de 200 € /jour.
1/300ème (un trois centième) du montant du marché au-delà, sans limite avec un minimum de 300 €/jour.
Les pénalités ne sont pas plafonnées. Elles pourront être négociées à la diligence du Maître d'Ouvrage avec un minimum de 10 %. »
Contrairement à ce que soutient la société ATLANTE CONSTRUCTION, aucune mise en demeure préalable n’est nécessaire à l’exigibilité des pénalités de retard contractuellement stipulées.
Les parties s’accordent sur l’application de la norme AFNOR NFP 03-001 au marché de travaux.
Cette norme prévoit que :
« Article 19.5.1 Sauf dispositions contraires du cahier des clauses administratives particulières, dans le délai de 60 jours à dater de la réception ou de la résiliation, l'entrepreneur remet au maître d’œuvre le mémoire définitif des sommes qu'il estime lui être dues en application du marché. (...) »
« Article 19.6.1. Le maître d’œuvre examine le mémoire définitif et établit le décompte définitif des sommes dues en exécution du marché. Il remet ce décompte au maître de l'ouvrage. »
Article 19.6.2. Le maître de l'ouvrage notifie à l'entrepreneur ce décompte définitif dans un délai de 45 jours à dater de la réception du mémoire définitif par le maître d'oeuvre. Ce délai est porté à 4 mois à dater de la réception des travaux dans le cas d'application du paragraphe 19.5.4 .
Si le décompte n'est pas notifié dans ce délai, le maître de l'ouvrage est réputé avoir accepté le mémoire définitif remis au maître d'oeuvre après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours. La mise en demeure est adressée par l'entrepreneur au maître d'ouvrage avec copie au maître d'oeuvre.
Article 19.6.3. L'entrepreneur dispose de 30 jours à compter de la notification pour présenter, par écrit, ses observations éventuelles au maître
d'oeuvre et pour en aviser simultanément le maître de l'ouvrage. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte définitif »
La société ATLANTE CONSTRUCTION produit une lettre adressée au maître d’oeuvre le 27 décembre 2018 communiquant les « factures de DGD » n°2018/3097, n°2018/3098 et n°2018/3099 correspondant aux travaux des parties communes, logements, et commerces. Ces « factures DGD » correspondent en réalité au mémoire définitif au sens de la norme AFNOR précitée.
Par courrier du 14 mai 2019 adressé à la société PIERRIMMO 5, le maître d’oeuvre a indiqué que le retard pris pour les parties Logements et Commerces s’élevait à 25 jours (après déduction de 3 jours d’intempéries) et pouvaient faire l’objet de pénalités de retard d’un montant de 35.709,48 euros TTC.
Dans son courrier du 21 mai 2019, adressé après le délai de 45 jours stipulé à l’article 19.6.2, la société PIERRIMMO 5 a contesté le prix des travaux sollicité par la société ATLANTE CONSTRUCTION en déduisant le montant des pénalités de retard qu’elle estimait dû.
La société PIERRIMMO 5, qui a dépassé le délai de 45 jours prévu par la norme précitée, ne pouvait donc plus, le 21 mai 2019, contester le solde réclamé par la société ATLANTE CONSTRUCTION et en déduire le montant des pénalités de retard.
La société PIERRIMMO 5 est donc redevable de la somme de 35.709,48 euros TTC qu’elle a déduit à tort du solde restant dû sur le prix des travaux.
En conséquence, la société PIERRIMMO 5 sera condamnée à payer à la société ATLANTE CONSTRUCTION, représentée par son liquidateur, la somme de 35.709,48 euros TTC au titre du solde restant dû sur le prix des travaux.
Sur la demande en paiement au titre des intérêts de retard
L’article L.441-10 du code de commerce dispose que : « I.-Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues ne peut dépasser trente jours après la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée.
Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours après la date d'émission de la facture.
Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois après la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier.
En cas de facture périodique au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts, le délai convenu entre les parties ne peut dépasser quarante-cinq jours après la date d'émission de la facture.
II.-Les conditions de règlement mentionnées au I de l'article L. 441-1 précisent les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l'année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l'année en question. Pour le second semestre de l'année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l'année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due. »
L’indemnité forfaitaire prévue par ce texte s’élève à la somme de 40 euros.
En l’espèce, la société ATLANTE CONSTRUCTION produit :
- une facture n°F19/3333 d’un montant de 3.596,57 euros, à laquelle est annexé un tableau mentionnant de multiples factures et les jours de retard correspondants ; seules les factures n°2018/3097 (17.978,94 euros TTC,), n°2018/3098 (2.311,88 euros TTC) et n°2018/3099 (5.872,02 euros TTC) semblent correspondre au solde restant du à la société ATLANTE CONSTRUCTION ; les autres factures mentionnées ne sont pas produites ou concernent les travaux supplémentaires qui n’ont pas été acceptés par le maître de l’ouvrage ; le tableau mentionne un total de 641,03 euros de pénalités de retard (en incluant les trois indemnités forfaitaires de recouvrement de 40€ par facture).
- une facture n°F19/3419 d’un montant de 235,33 euros pour intérêts de retard, faisant référence à la facture F19/3333 précitée ;
Les éléments produits par la société ATLANTE CONSTRUCTION sont insuffisamment précis et ne peuvent fonder le paiement de la somme de 3.831,90 euros au titre des intérêts de retard qu’elle réclame.
En revanche, l’article L.441-10 du code de commerce, d’ordre public, doit s’appliquer sur la somme de 35.709,48 euros au titre du solde restant dû par la société PIERRIMMO 5, à compter du 31 janvier 2019, date d’échéance figurant sur les factures n°2018/3097, n°2018/3098et n°2018/3099 impayées.
Contrairement à ce que soutient la société PIERRIMMO 5, ces pénalités de retard sont prévues par la loi et n’ont pas à figurer au contrat pour être appliquées.
En conséquence, la somme de 35.709,48 euros TTC sera assortie des intérêts de retard prévus à l’article L.441-10 du code de commerce. Le surplus de la demande en paiement au titre des intérêts de retard formée par la société ATLANTE CONSTRUCTION sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
•Sur les dépens :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, la société PIERRIMMO 5, partie perdante, sera condamnée aux dépens.
•Sur les frais irrépétibles :
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce, la société PIERRIMMO 5 sera condamnée à payer la société ATLANTE CONSTRUCTION la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
•Sur l’exécution provisoire :
L’article 514 du Code de procédure civile, issu de l’article 3 du décret du 19 novembre 2019 applicable aux instances introduites au 01er janvier 2020, dispose que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
En conséquence, l’exécution provisoire est de droit et aucun élément ne justifie en l’espèce de l’écarter comme le permet l’article 514-1 du code de procédure civile, étant compatible avec la nature du présent litige.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe :
REJETTE la demande en paiement de la société ATLANTE CONSTRUCTION, représentée par la société SELARL S21Y, prise en la personne de Maître [N] [K], liquidateur, au titre des travaux supplémentaires ;
CONDAMNE la société PIERRIMMO à payer la somme de 35.709,48 euros TTC à la société la société ATLANTE CONSTRUCTION, représentée par la société SELARL S21Y, prise en la personne de Maître [N] [K], liquidateur au titre du solde restant dû sur le prix des travaux ;
DIT que la somme de 35.709,48 euros TTC sera assortie des intérêts de retard prévus à l’article L.441-10 du code de commerce à compter du 31 janvier 2019 ;
REJETTE le surplus de la demande de la société ATLANTE CONSTRUCTION, représentée par la société SELARL S21Y, prise en la personne de Maître [N] [K], liquidateur, au titre des intérêts de retard ;
CONDAMNE la société PIERRIMMO 5 aux dépens ;
CONDAMNE la société PIERRIMMO à payer la somme de 2.500 euros à la société ATLANTE CONSTRUCTION, représentée par la société SELARL S21Y, prise en la personne de Maître [N] [K], liquidateur au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit et DIT n’y avoir lieu à l’écarter.
Fait et jugé à Paris le 28 Mai 2024
Le Greffier Le Président
Inès SOUAMESPerrine ROBERT