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24/05/2024 | FRANCE | N°24/80360

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Jex cab 2, 24 mai 2024, 24/80360


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS





N° RG 24/80360 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4I7N

N° MINUTE :

Notification :
CCC parties LRAR
CE avocat demandeur toque
CCC avocat défendeur toque
le :



SERVICE DU JUGE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT RENDU LE 24 MAI 2024
DEMANDEUR

Monsieur [D] [R]
né le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 6] (CHINE)
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Myriam DUMONTANT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C2370

DÉFENDERESSE

S.A.S. GECODIS
RCS PARI

S 420 690 893
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Xavier KREMER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : #PN214

JUGE : Madame Sophie CHODRON DE ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 24/80360 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4I7N

N° MINUTE :

Notification :
CCC parties LRAR
CE avocat demandeur toque
CCC avocat défendeur toque
le :

SERVICE DU JUGE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT RENDU LE 24 MAI 2024
DEMANDEUR

Monsieur [D] [R]
né le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 6] (CHINE)
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Myriam DUMONTANT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C2370

DÉFENDERESSE

S.A.S. GECODIS
RCS PARIS 420 690 893
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Xavier KREMER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : #PN214

JUGE : Madame Sophie CHODRON DE COURCEL, Juge

Juge de l’Exécution par délégation du Président du Tribunal judiciaire de PARIS.

GREFFIER : Madame Vanessa PAVLOVSKI

DÉBATS : à l’audience du 08 Avril 2024 tenue publiquement,

JUGEMENT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe
contradictoire
susceptible d’appel

* * *
* *
*
EXPOSE DU LITIGE

Suivant arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 9 mars 2023, la société GECODIS a été condamnée à remettre à M. [R] une attestation destinée à pôle emploi, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et des bulletins de paye conformes à l’arrêt dans le délai d’un mois suivant la notification de l’arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document sur une période de deux mois.

Cet arrêt a été signifié à la société GECODIS le 7 avril 2023.

Par acte du 29 février 2024, M. [R] a assigné la société GECODIS devant le juge de l’exécution de Paris. 

M. [R] sollicite la liquidation de l’astreinte provisoire prononcée par la cour d’appel de Paris à la somme de 67.100 euros et la condamnation de la société GECODIS à lui verser cette somme et elle a abandonné sa demande fixation d’une nouvelle astreinte à l’audience. Elle demande également la condamnation de la société GECODIS à lui verser les sommes de 5.000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Enfin, elle sollicite qu’il soit ordonné le versement des intérêts au taux légal sur les salaires et sommes afférentes sollicités sur le fondement des dispositions de l’article 1231-6 du code civil à compter de la saisine de la juridiction de céans et pour les dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l’article 1231-7 du code civil à compter du jugement à intervenir, la condamnation de la société GECODIS aux dépens et le débouté des demandes adverses.

La société GECODIS sollicite la minoration du taux de l’astreinte, la liquidation uniquement jusqu’au 7 juin 2023 et le débouté de la demande de dommages intérêts. Reconventionnellement, elle sollicite la compensation entre la somme de 2.432,09 euros indûment saisi sur les comptes bancaire de la société GECODIS avec le montant de l’astreinte qui pourrait être prononcée et le débouté du surplus des demandes adverses.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait référence aux conclusions respectives visées et déposées à l'audience.

 MOTIFS DE LA DÉCISION

 Sur la liquidation d'astreinte

L’article L 131-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose que l’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir

L'article L.131-2 alinéa 2 du même code prévoit que « L'astreinte est provisoire ou définitive. L'astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif. »

L'article L131-4 alinéa 1 du même code précise que « Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. » Le dernier alinéa prévoit que l’astreinte est supprimée en tout ou partie lorsque l’inexécution ou le retard dans l’exécution provient d’une cause étrangère.

Enfin, il convient de rappeler qu'en présence d'une obligation de faire, il appartient au débiteur, conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil, de prouver qu’il a exécuté l’obligation.

En ce qu'elle impose, au stade de sa liquidation, une condamnation pécuniaire au débiteur de l'obligation, l'astreinte est de nature à porter atteinte à son droit au respect de ses biens garanti à l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le juge statuant sur une telle liquidation doit en conséquence apprécier, de manière concrète, au regard du but légitime poursuivi par l'astreinte, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il la liquide et l'enjeu du litige (2e Civ., 20 janvier 2022, n° 19-23.721, n°20-15.261 et n°19-22.435, trois arrêts publiés au rapport), le juge n'ayant pas à prendre en considération les facultés financières du  débiteur de l'injonction (2ème Civ., 20 janvier 2022, n°19-22.435, publié).

En l'espèce, suivant arrêt rendu par la cour d’appel de paris le 9 mars 2023, la société GECODIS a été condamnée à remettre à M. [R] une attestation destinée à pôle emploi, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et des bulletins de paye conformes à l’arrêt dans le délai d’un mois suivant la notification de l’arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document sur une période de deux mois. Il convient de relever que par bulletins de paye conformes, dans la mesure où il n’est pas exigé la remise de bulletins de paie mensuels et qu’un bulletin de paye rectificatif conforme à l’arrêt y satisfait, il convient de ne comptabiliser qu’un document dans le cadre de la liquidation de l’astreinte.

Cet arrêt a été signifié à la société GECODIS le 7 avril 2023 de sorte que l’astreinte a commencé à courir le 7 mai 2023 et jusqu’au 6 juillet 2023 soit pendant 61 jours, représentant 6.100 euros par document donc pour quatre documents un maximum de liquidation de l’astreinte de 24.400 euros.

Par mail du 18 septembre 2023, soit postérieurement à la période considérée pour la liquidation de l’astreinte, le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte et l’attestation destinée à pôle emploi ont été transmis. De même, le bulletin de paie rectificatif a été remis par mail du 23 novembre 2023, soit après la période considérée pour la liquidation de l’astreinte.

La société GECODIS justifie qu’elle a envoyé un mail auquel serait joints les documents à son conseil le 7 juin 2023. Cependant, il n’est pas contesté que ces documents n’ont pas été transmis à M. [R] pendant le délai pendant lequel courait l’astreinte. La société GECODIS évoque un malentendu entre son conseil et elle-même sur la nécessité pour son conseil de transmettre ces documents et non directement par elle-même. Elle invoque à ce titre une cause étrangère, néanmoins les relations entre un conseil et son client, en particulier un malentendu sur la manière d’exécuter un jugement en l’absence de toute précision dans le mail sur la nécessité pour le conseil de transmettre les documents et surtout en l’absence de démonstration de l’impossibilité dans laquelle elle serait de les transmettre elle-même ne caractérise pas une cause étrangère. La société GECODIS sera ainsi déboutée de sa demande consistant ne liquider l’astreinte que jusqu’à la date du 7 juin 2023 et à la supprimer postérieurement à cette date.

Néanmoins, ce courriel adressé à son conseil caractérise un comportement tendant à l’exécution de son obligation et le malentendu entre elle-même et son conseil constitue une difficulté rencontrée dont il convient de tenir compte.

Ainsi, il convient de liquider l’astreinte prononcée par l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 9 mars 2023 à la somme de 12.200 euros (3.050 euros par document) pour la période comprise entre le 7 mai 2023 et le 6 juillet 2023, étant précisé que M. [R] ne démontre pas une disproportion entre ce montant et l’enjeu du litige.

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive

L’article 121-3 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.

La jurisprudence a délimité les contours de la notion d’abus en ce qu’il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l’appréciation de ses droits.

En l’espèce, la société GECODIS a été condamnée le 9 mars 2023 à remettre les documents de fin de contrat, sous astreinte par jour de retard et par document. Or, ces documents n’ont été transmis que le 7 juin 2023 à son conseil sans qu’aucune difficulté particulière ne soit invoquée entre ces deux dates. La société GECODIS a ainsi fait preuve d’une légèreté blâmable caractérisant une résistance abusive en laissant s’écouler un délai de pratiquement trois mois alors que la décision de justice lui intimait une remise dans un délai d’un mois à compter de la notification, la signification ayant été délivrée le 7 avril 2023.

Cependant, M. [R] ne démontre pas un préjudice qui en résulterait, notamment il ne justifie pas qu’il aurait eu droit aux indemnités chômage ni, le cas échéant, le montant de celles-ci. Partant, il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts.

Sur le point de départ des intérêts

L’article 1231-6 du code civil prévoit que « Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. »

L’article 1231-7 du même code dispose : « En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. »

L’alinéa 2 de l’article R121-1 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que « Le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution. »

En l’espèce, M. [R] sollicite que le versement des intérêts au taux légal sur les salaires et sommes afférentes soit ordonné à compter de la saisine de cette juridiction, soit à compter de l’assignation délivrée le 29 février 2024. Or, tant le jugement rendu le 20 mai 2019 que l’arrêt rendu le 9 mars 2023, confirmant le jugement sur les sommes dues au titre des salaires et sommes afférentes, n’ont pas prévu de point de départ spécifique pour les intérêts. La demande de M. [R] à ce titre reviendrait à modifier le dispositif de ces décisions, ce qui n’entre pas dans les pouvoirs du juge de l’exécution. 

Quant aux dommages et intérêts, il en est de même puisque l’arrêt de la Cour d’appel ne précise pas de point de départ spécifique. Enfin, il ressort des développements qui précèdent que la demande en dommages-intérêts pour résistance abusive a été rejetée par la présente juridiction.

M. [R] sera déboutée de ses demandes tendant à la fixation d’un point de départ aux intérêts au taux légal.

Sur la demande de compensation

L’article 1347-1 du code civil prévoit que « Sous réserve des dispositions prévues à la sous-section suivante, la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.
Sont fongibles les obligations de somme d'argent, même en différentes devises, pourvu qu'elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre. »

L’article 1348 du même code prévoit que « La compensation peut être prononcée en justice, même si l'une des obligations, quoique certaine, n'est pas encore liquide ou exigible. A moins qu'il n'en soit décidé autrement, la compensation produit alors ses effets à la date de la décision. »

En l’espèce, s’agissant d’une répétition de l’indu alléguée à la suite d’une saisie-attribution non contestée dans le délai prévu à l’article R3211-11 du code des procédures civiles d’exécution, elle ne peut plus être remise en cause devant le juge de l’exécution et en l’absence de titre exécutoire statuant sur ce point, l’exigibilité fait défaut de sorte qu’une compensation légale n’est pas possible.

Quant au caractère certain, la société GECODIS ne démontre pas que des cotisations sociales étaient dues s’agissant d’un contrat de professionnalisation signé avant le 1er janvier 2019, date à laquelle ce type de contrat ne bénéficie plus d’exonérations de charges sociales. En outre, elle ne justifie pas du montant qu’elle allègue à ce titre. Partant, le caractère certain fait également défaut et une compensation judiciaire n’est pas envisageable.

En conséquence, la société GECODIS sera déboutée de sa demande de compensation entre le trop-perçu allégué résultant de la saisie-attribution pratiquée à son encontre le 9 novembre 2023 et le montant au titre de la liquidation de l’astreinte.

Sur les dispositions de fin de jugement

La société GECODIS sera condamnée aux dépens et il convient d’allouer à M. [R] une indemnité de procédure d’un montant de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l'exécution,

Condamne la société GECODIS à verser à M. [R] la somme de 12.200 euros au titre de la liquidation de l'astreinte relative à l’obligation de remettre à M. [R] des documents, prévue dans l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 9 mars 2023,

Condamne la société GECODIS à verser M. [R] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

 Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société GECODIS aux dépens,

Fait à Paris, le 24 mai 2024

LE GREFFIERLE JUGE DE L’EXÉCUTION


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Jex cab 2
Numéro d'arrêt : 24/80360
Date de la décision : 24/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-24;24.80360 ?
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