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24/05/2024 | FRANCE | N°23/05114

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 24 mai 2024, 23/05114


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 23/05114 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZTNR

N° PARQUET : 23/406

N° MINUTE :


Assignation du :
30 Mars 2023

A.F.P.


[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 24 Mai 2024

DEMANDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 6]
[Localité 3]

Sophie Bourla Ohnona, vice-procureure


DEFENDEUR

Monsieur [P] [O]

domicilié : chez M. et Mme [B]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représenté par Me Anaïs PLACE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0208





Décision du 24/05/2024
Chambre du contentieux
de la natio...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 23/05114 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZTNR

N° PARQUET : 23/406

N° MINUTE :

Assignation du :
30 Mars 2023

A.F.P.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 24 Mai 2024

DEMANDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 6]
[Localité 3]

Sophie Bourla Ohnona, vice-procureure

DEFENDEUR

Monsieur [P] [O]
domicilié : chez M. et Mme [B]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représenté par Me Anaïs PLACE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0208

Décision du 24/05/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 23/05114

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Manon Allain, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 22 Mars 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire,
En premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Manon Allain, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions du ministère public constituées par l'assignation délivrée le 30 mars 2023 à M. [P] [O],

Vu les dernières conclusions de M. [P] [O] notifiées par la voie électronique le 1er février 2024,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 2 février 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 22 mars 2024,

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 19 avril 2023. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Le 18 mars 2022, M. [P] [O], se disant né le 25 mars 2004 à [Localité 4] (Guinée), a souscrit une déclaration de nationalité française devant le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de Nevers, sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, sous le numéro de dossier DnhM 19/2022 (pièce n° 1 du ministère public).

Par décision du 9 mai 2022, l'enregistrement de la déclaration a été ordonnée par le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de Nevers, sous le n° 14/22 (pièce n°1 du ministère public).
Le ministère public sollicite l'annulation de l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [P] [O], en faisant valoir notamment que les pièces versées pour établir son état civil n'ont pas été valablement légalisées et que le jugement supplétif de naissance produit par le défendeur ne comporte aucune motivation.

Sur la recevabilité

La recevabilité de l'action n'étant pas contestée par M. [P] [O], la demande du ministère public tendant à voir déclarer son action recevable est sans objet au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur le fond

Aux termes de l'article 21-12, 3e alinéa 1° du code civil, l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance, peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France.

L'article 26-4 alinéa 2 du code civil dispose que dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites.

Il appartient donc au ministère public de rapporter la preuve que les conditions prévues à l'article 21-12 du code civil n'étaient pas remplies lors de la souscrption de la déclaration de nationalité française.

A cet égard, il y a lieu de relever que conformément aux dispositions de l’article 16 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 dans sa version issue du décret n°2005-25 du 14 janvier 2005 ici applicable, la souscription de la déclaration prévue à l’article 21-12 du code civil doit être accompagnée de la production d’un extrait de l’acte de naissance du mineur.

Il est également rappelé que nul ne peut revendiquer la nationalité française, à quelque titre que ce soit, s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil par la production d'un acte de naissance, qui, comme tout acte d'état civil communiqué, s’il est établi par une autorité étrangère, doit, au préalable, selon la coutume internationale et sauf convention contraire, être légalisé pour produire effet en France et répondre aux exigences de l’article 47 du code civil – selon lequel tout acte de l’état civil des Français et étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

M. [P] [O] devait donc justifier d'une identité certaine, attestée par des actes d'état civil probants au sens de cet article, établissant un état civil fiable et apporter la preuve qu’il satisfait aux conditions posées par les dispositions de l'article 21-12, 3e alinéa 1° du code civil précitées.

En l’absence de convention entre la France et la République de Guinée emportant dispense de la formalité de la légalisation prévue par les dispositions internationales, tout acte ne peut faire foi au sens de ce texte que s’il est légalisé par le consul français en République de Guinée ou à défaut par le consulat de la République de Guinée en France.

La légalisation des actes d'origine étrangère permet d'attester de la véracité d'une signature sur un acte, de la qualité du signataire de l'acte, et de l'identité du sceau ou du timbre apposé sur l'acte.

Aux termes de l'article 2 du décret n°2007-1205 du 10 août 2007 relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs et des chefs de poste consulaire en matière de légalisation d'actes, « la légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, de la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont il est revêtu. Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté du ministre des affaires étrangères ».

L'article 4 du même décret en vigueur lors de l’introduction de l’instance, relatif aux attributions des différentes autorités, dispose que les ambassadeurs et les chefs de poste consulaire peuvent légaliser les actes publics émanant d'une autorité de l'État de résidence et destinés à être produits en France, ce qui exclut toute autre autorité.

Sur l'état civil de M. [P] [O]

En l'espèce, pour justifier de son état civil, M. [P] [O] avait produit :

- un extrait, dont copie délivrée le 24 juin 2021, du registre de l'état civil daté du 19 avril 2021 portant transcription n°172 d'un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n°310, rendu par la Justice de Paix de [Localité 4], le 8 avril 2021, aux termes duquel M. [P] [O] est né le 25 mars 2004 à [Localité 4], en République de Guinée, de [G] [Z] [O] et de [V] [C], qui porte un cachet de la légalisation de la signature de [G] [I], officier d'état civil, apposée par Mme [V] [U], chargée des affaires consulaires à l'ambassade de Guinée à [Localité 5] (pièce n°4 du ministère public).

- l'original du jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n°310 rendu par la Justice de Paix de [Localité 4], le 8 avril 2021, aux termes duquel M. [P] [O] est né le 25 mars 2004 à [Localité 4], en République de Guinée, de [G] [Z] [O] et de [V] [C], qui porte en son verso un cachet de la légalisation de la signature de [K] [J], juge de paix, apposée par Mme [V] [U], chargée des affaires consulaires à l'ambassade de Guinée à [Localité 5] (pièce n°3 du ministère public).

Contrairement à ce que soutient le ministère public, le demandeur avait produit la copie du jugement supplétif rendu le 8 avril 2021 revêtu des cachets et signatures du juge et du greffier en chef. Le jugement supplétif ayant été versé en original, le juge de paix qui a rendu la décision à l'audience constitue l'autorité ayant également délivré l'acte, de sorte que la légalisation de son identité par l'autorité consulaire guinéenne en France est suffisante à considérer régulière la légalisation du jugement supplétif.

Le tribunal relève ainsi que les documents produits par le demandeur, l'extrait du registre de l'état civil et le jugement qui tient lieu d'acte de naissance, ont été légalisés par « Mme [V] [U], chargée des affaires consulaires », le 5 novembre 2021 et sont accompagnés d'un cachet et d'un tampon du consulat du la République de Guinée en France. Les actes ont donc été valablement légalisés et sont opposables en France.

S'agissant du contenu des documents, le ministère public ne conteste pas l'acte de naissance, mais critique le jugement supplétif.

A ce titre, le ministère public fait valoir que le jugement supplétif de naissance est inopposable en France en l'absence de motivation, ayant été rendu sans exposé des motifs de la requête, au visa de pièces jointes non identifiées et sur les déclarations de témoins dont la teneur des propos et les liens avec l'intéressé ne sont pas précisés.

Or, le tribunal rappelle qu'il n'appartient pas au juge français d'apporter une appréciation sur le fond du jugement étranger et sur ce qui a fondé la décision du juge étranger.

Dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que M. [P] [O] justifie d'un état civil fiable et certain.

Sur la prise en charge par l'aide sociale à l’enfance et la souscription de la déclaration de nationalité française

Le ministère public ne conteste pas que ces conditions sont remplies.

M. [P] [O] verse aux débats les copies de l'ordonnance de placement provisoire, rendue le 6 février 2018, par le procureur de la République du tribunal de grande instance de Gap et de l'ordonnance d'ouverture d'une tutelle d'état, rendues par le juge des tutelles des mineurs du tribunal de grande instance de Nevers, le 23 avril 2018, ces décisions l'ayant confié à l'aide sociale à l'enfance du 6 février 2018 jusqu'à sa majorité, ce que confirme le Président du Pôle Cohésion Sociale et Solidarités, par attestation du 2 février 2018 (pièce n° 10 du défendeur).

Ainsi, le 18 mars 2022, jour de la souscription, force est de constater que M. [P] [O] était confié depuis au moins trois ans à l'ASE, qu'il était mineur et qu'il résidait en France.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il est justifié que M. [P] [O] remplit les conditions posées par les dispositions de l'article 21-12, 3e alinéa 1°.

En conséquence, il y a lieu de dire que l'enregistrement de la déclaration de nationalité française que M. [P] [O] a souscrit, sous le numéro DnhM 19/2022, est régulier et de débouter le ministère public de sa demande d'annulation de l'enregistrement de la déclaration souscrite le 18 mars 2022.

En application des articles 21-12, 3e alinéa 1° et 26-5 du code civil, il sera donc jugé que M. [P] [O] (Guinée), a acquis la nationalité française le 18 mars 2022, date à laquelle la déclaration de nationalité française a été souscrite.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, la mention de la présente décision sera ordonnée en application de cet article.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

La procédure ayant permis au défendeur d’établir ses droits, M. [P] [O] sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par décision mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Dit sans objet la demande du ministère public relative à la recevabilité de son action ;

Déboute le ministère public de sa demande d'annulation de l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [P] [O], le 18 mars 2022, en vertu de l’article 21-12 du code civil, devant le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de Nevers, sous le numéro de dossier DnhM 19/2022 ;

Juge que M. [P] [O], né le 25 mars 2004 à [Localité 4] (Guinée), a acquis la nationalité française le 18 mars 2022 ;

Ordonne la mention prévue à l’article 28 du code civil en marge des actes concernés ;

Condamne M. [P] [O] aux dépens ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

Fait et jugé à Paris le 24 Mai 2024

La GreffièreLa Présidente
M. ALLAIN A. FLORESCU-PATOZ


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 23/05114
Date de la décision : 24/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-24;23.05114 ?
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