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23/05/2024 | FRANCE | N°24/01734

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr référé, 23 mai 2024, 24/01734


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Monsieur [I] [Y]
Madame [D] [Y]


Copie exécutoire délivrée
le :

à : Maître Nicolas GUERRIER

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR référé

N° RG 24/01734 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4AHH

N° MINUTE : 4







ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 23 mai 2024


DEMANDERESSE

S.A. REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS,
[Adresse 1]

représentée par Maître Nicolas GUERRIER de la SCP NICO

LAS GUERRIER ET ALAIN DE LANGLE, avocats au barreau de PARIS,

DÉFENDEURS

Monsieur [I] [Y],
[Adresse 2]

comparant en personne

Madame [D] [Y],
[Adresse 2]

non comparante, ni représen...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Monsieur [I] [Y]
Madame [D] [Y]

Copie exécutoire délivrée
le :

à : Maître Nicolas GUERRIER

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR référé

N° RG 24/01734 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4AHH

N° MINUTE : 4

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 23 mai 2024

DEMANDERESSE

S.A. REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS,
[Adresse 1]

représentée par Maître Nicolas GUERRIER de la SCP NICOLAS GUERRIER ET ALAIN DE LANGLE, avocats au barreau de PARIS,

DÉFENDEURS

Monsieur [I] [Y],
[Adresse 2]

comparant en personne

Madame [D] [Y],
[Adresse 2]

non comparante, ni représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Françoise THUBERT, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Aurélia DENIS, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 22 avril 2024

ORDONNANCE
réputée contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 23 mai 2024 par Françoise THUBERT, Vice-présidente, assistée de Aurélia DENIS, Greffier

Décision du 23 mai 2024
PCP JCP ACR référé - N° RG 24/01734 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4AHH

FAITS ET PROCEDURE

Par acte du 19/ 04/ 2006 à effet au 19/ 04/ 2006, la REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS (RIVP) a donné à bail à M.[M] [I] et Mme [Y] [D] un appartement à usage d'habitation, situé [Adresse 2], pour un loyer de 461,31 euros et 192,45 euros de provision sur charges prévues par la règlementation HLM.

Les échéances de loyer n'étant pas régulièrement payées, un commandement de payer rappelant la clause résolutoire insérée au bail a été délivré à M.[M] [I] et Mme [Y] [D] le 8/ 11/ 2023 pour avoir paiement d'un arriéré de 3595,50 euros en principal.

Par acte de commissaire de justice du 30/ 01/ 2024, la RIVP a fait assigner M.[M] [I] et Mme [Y] [D] aux fins de :

- voir constater la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire pour impayé de loyer,
- voir ordonner l’expulsion de M.[M] [I] et Mme [Y] [D] ainsi que tous occupants de leur chef avec assistance de la force publique et d’un serrurier,
- voir ordonner le transport et la séquestration des meubles se trouvant dans les lieux dans tout garde meuble ou autre local de son choix aux frais, risques et péril de M.[M] [I] et Mme [Y] [D]

- voir condamner solidairement M.[M] [I] et Mme [Y] [D] au paiement à titre provisionnel :

D’une somme de 3 255,18 euros au titre de l’arriéré au 8/ 01/ 2024 inclus, à parfaire, avec intérêts de retardD’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer actuel et des charges à compter de la résiliation jusqu’à libération des lieux par remise des clés, procès-verbal d’expulsion , ou déménagement des expulsés ou décision du juge de l’exécution statuant sur le sort des meublesD’une somme de 400,00 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens incluant les frais de commandement, de l’assignation.
L’assignation a été dénoncée à M.LE PREFET de PARIS le 31/ 01/ 2024.

A l'audience du 22/04/2024, le bailleur réduit sa demande au titre de l’arriéré à la somme de 2 484,73 euros, au 12/ 04/ 2024 , mars 2024 inclus, maintient ses autres demandes.
Sur le délai au commandement de payer de deux mois, et non 6 semaines, il précise que le bail datant de 2006, il convient d’appliquer l’article 24 de la loi du 06/07/89 avant entrée en vigueur de la loi du 27/07/2023.

Il précise qu’ il ne s’oppose pas à des délais de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire , sollicite en cas de non- respect la fixation et la condamnation au paiement de l’indemnité d’occupation.
Décision du 23 mai 2024
PCP JCP ACR référé - N° RG 24/01734 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4AHH

M.[M] [I]. Il sollicite selon leurs revenus et charges des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire. Il précise que les revenus de Mme [M] sont irréguliers en raison de problèmes de santé, qu’il a un salaire de 3500 euros, qu’ils ont cinq enfants à charge, que les impayés ont résulté de frais pour assister leur famille.

Mme [M] [D] n’a pas comparu ni été représentée, bien que régulièrement assignée selon les dispositions des articles 656 à 658 du code de procédure civile, faute de pouvoir reçu en délibéré, malgré autorisation.

Aucun diagnostic social n’a été reçu au Greffe.

Il a été mis dans le débat les termes de la loi du 27/07/2023, pour demander les motifs de la délivrance d’un commandement de payer mentionnant un délai de deux mois plutôt que 6 semaines pour régler la dette qui y était réclamée.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité :

En application de l’article 24 II de la loi du 06/07/89, les bailleurs personnes morales autres qu’une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au 4ème degré inclus, ne peuvent faire délivrer, sous peine d’irrecevabilité de la demande, une assignation aux fins de constat de la résiliation du bail avant expiration d’un délai de deux mois suivant la saisine de la CCAPEX prévue à l’article 7-2 de la loi du 31/05/1990. Cette saisine est réputée constituée lorsque persiste une situation d’impayés, préalablement signalée dans les conditions réglementaires aux organismes payeurs des aides au logement en vue d’assurer le maintien du versement des aides mentionnées à l’article L821-1 du Code de la Construction et de l'Habitation. Cette saisine qui contient les mêmes informations que celles des signalements par les commissaires de justice des commandements de payer prévus au I du présent article, s’effectue par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa de l’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée.

Le bailleur justifie de la saisine de la CCAPEX le 09/11/2023 pour signaler les impayés. Il est donc recevable en son action, l’assignation ayant en outre été dénoncée au préfet de PARIS six semaines avant l’audience en application de l’article 24 III de la loi.

Sur la résiliation du bail :

Le commandement de payer délivré le 8/ 11/ 2023 reproduisait la clause résolutoire insérée au bail et les dispositions exigées à l'article 24 de la loi du 6 Juillet 1989. Il a imparti un délai de deux mois au locataire pour régler la dette.

Les dispositions de la loi 2023-668 du 27/07/2023 entrée en vigueur le 29/07/2023 ont modifié l’article 24 de la loi du 06/07/89, notamment pour ce délai.

La loi du 27/07/2023 ne prévoit pas de dispositions transitoires.

En vertu de l’article 2 du code civil, la loi n’a pas d’effet rétroactif et ne dispose que pour l’avenir.

Cependant, la loi du 06/07/89 a un caractère d’ordre public de protection d’une part pour l’ensemble de ses dispositions, sans que puisse être distinguées les dispositions plus favorables ou moins favorables en termes de délai, et les lois d’ordre public sont d’application immédiate, pour des motifs d’intérêt général tenant au droit au logement et droit de propriété.

D’autre part, il convient de rappeler que la règle selon laquelle la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur si elles ne sont pas définitivement réalisées trouve également application.

Or la durée du délai de l’article 24 I de la loi du 06/07/89 est un effet légal du contrat, si bien que le délai contractuel de deux mois qui figure au bail, depuis le 29/07/2023 ne trouve plus application, le nouveau délai légal étant de six semaines.

Par conséquent, le bailleur qui a décidé de signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail, doit désormais pour tout commandement de payer postérieur à cette date du 29/07/2023, mentionner le nouveau légal délai de six semaines imparti pour régler la dette.

L’application dans le temps de la loi du 27/07/2023 envisagée par le bailleur contrevient aux principes d’application immédiate de la loi d’ordre public de protection et à la règle précitée.

Dès lors la mention d’un délai erroné dans le commandement de payer ne constitue pas une simple erreur de reproduction d’un délai dans l’acte de procédure, cause de nullité pour vice de forme avec preuve du grief, à rapporter par la partie qui l’invoque, en application de l’article 114 du code de procédure civile.

La mention d’un délai de deux mois ne constitue pas non plus une manifestation de volonté expresse du bailleur pour déroger à l’application de la loi du 27/07/2023, et consentir volontairement un délai plus long que le délai de 6 semaines , puisque celui-ci invoque les termes du contrat de bail et l’application de la loi antérieure en vertu du principe de non-rétroactivité de la loi de l’article 2 du code civil.

Par conséquent, un commandement de payer avec un délai qui y figure qui ne respecte pas les nouvelles dispositions, alors qu’il peut conduire à une déchéance d’un droit, doit se voir substituer le délai légal applicable, sauf dans le cas où cette application irrégulière cause nécessairement grief au locataire, à savoir la possibilité de régler la dette dans le délai légal pour éviter la résiliation dudit bail, ce qui impose alors au juge de mettre dans le débat ce grief s’agissant de dispositions d’ordre public pour une formalité substantielle.

Il convient donc de substituer le délai légal de six semaines au délai de deux mois.

Il sera noté en effet qu’au cas présent les locataires de bonne foi n’avaient pas réglé la dette dans le délai compris entre six semaines et deux mois, bien que le bailleur soit à l’origine d’une application dans le temps de la loi qui contrevient aux principes précités, si bien qu’il n’existe pas de grief, qui puisse faire encourir une nullité de ce commandement.

Le bail s'est trouvé résilié de plein droit au 20/12/2023 à minuit soit à compter du 21/12/ 2023.

M.[M] [I] et Mme [Y] [D] disposent de revenus de 3500 euros par mois et ont cinq enfants à charge. Ils sont en capacité de régler leur dette.

Selon le décompte produit aux débats, le loyer courant est payé depuis janvier 2024, ce qui répond aux critères prévus par l’article 24 V et VII de la loi du 06/07/89 modifiée par la loi, pour permettre la suspension des effets de la clause résolutoire .

En l’absence d’opposition du bailleur et compte tenu de l’apurement possible par les débiteurs selon les revenus disponibles, il convient donc de suspendre les effets de la clause résolutoire sous réserve du respect des délais de paiement accordés en application de l’article 24 de la loi du 06/07/89, et d’office pour Mme [M] [D], selon les modalités fixées au dispositif.

En cas de non-paiement des mensualités ou du loyer courant, il convient de rappeler qu’en application de l’article 24 VII de la loi du 06/07/89, la résiliation reprendra ses effets et en l’absence de départ volontaire, il pourra être procédé à l'expulsion de M.[M] [I] et Mme [Y] [D] et de tout occupant de leur chef, avec assistance de la force publique le cas échéant, sous réserve du délai pour quitter les lieux.

En ce cas le bailleur sera autorisé à faire procéder à la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant le logement dans tout garde meuble de son choix aux frais, risques et péril de M.[M] [I] et Mme [Y] [D] à défaut de local désigné.

Sur la demande en paiement de l'arriéré :

Il ressort du commandement, de l'assignation et du décompte fourni que M.[M] [I] et Mme [Y] [D] restent devoir une somme de 2 484,73 euros au titre des loyers et charges dus à la date du 12/ 04/ 2024, mars 2024 inclus.

Il convient en conséquence de condamner solidairement M.[M] [I] et Mme [Y] [D] au paiement de cette somme, sous réserve des loyers échus depuis cette date et éventuellement impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 8/ 11/ 2023.

Il convient de dire que la dette sera apurée par mensualités de 100,00 euros selon modalités au dispositif.

Sur l'indemnité d'occupation :

En cas de non-respect des délais par les locataires, compte tenu du bail antérieur et afin de préserver les intérêts du bailleur, il convient de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due de la date de résiliation au départ effectif des lieux par remise des clés, procès–verbal d’expulsion au montant du loyer indexé et des charges révisées, qui auraient été payés si le bail s’était poursuivi, et de condamner solidairement M.[M] [I] et Mme [Y] [D] au paiement de celle-ci.

Sur les dépens :

Il y a lieu de condamner solidairement M.[M] [I] et Mme [Y] [D] aux dépens incluant les frais de commandement, de l’assignation, de signification de la décision, les frais de l’exécution forcée étant dus par le débiteur en application de l’article L111-8 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.

Sur l’article 700 du Code de Procédure Civile :

En équité, il convient de débouter la RIVP de sa demande en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

Le Juge des contentieux de la protection, statuant en référé, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au Greffe :

Renvoie les parties à se pourvoir et dès à présent vu les articles 834 et 835 du Code de Procédure Civile,

DECLARE le bailleur recevable à agir

CONSTATE la résiliation du bail conclu entre les parties à compter du 21/12/ 2023, portant sur les lieux loués situés au [Adresse 2]

SUSPEND les effets de la clause résolutoire

CONDAMNE solidairement M.[M] [I] et Mme [Y] [D] à payer à la RIVP, la somme provisionnelle de 2 484,73 euros au titre des loyers et charges dus au 12/ 04/ 2024, mars 2024 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 8/ 11/ 2023

AUTORISE M.[M] [I] et Mme [Y] [D] à s'acquitter de la dette par 24 mensualités de 100,00 euros, payables en plus du loyer courant, au plus tard le 5 de chaque mois et pour la première fois le 5 du mois suivant la signification de la présente ordonnance, la dernière étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts

RAPPELLE qu'en cas de respect par M.[M] [I] et Mme [Y] [D] des délais accordés et du paiement des loyers courants, la résiliation du bail sera réputée n'avoir jamais été acquise

RAPPELLE qu'à défaut d'un seul versement de la mensualité à son échéance ou du loyer courant, la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible et la résiliation reprendra tous ses effets

DIT que la RIVP pourra alors faire procéder à l'expulsion de M.[M] [I] et Mme [Y] [D], ainsi que de tous les occupants de leur chef, avec le concours de la force publique le cas échéant, sous réserve des dispositions de l'article L412-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution

AUTORISE, en ce cas, la RIVP à faire procéder à la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant le logement dans tout garde meuble de son choix aux frais, risques et péril de M.[M] [I] et Mme [Y] [D] à défaut de local désigné

CONDAMNE, en ce cas, solidairement M.[M] [I] et Mme [Y] [D] à payer à la RIVP à titre de provision, l'indemnité d'occupation due de la date de la résiliation jusqu'au départ effectif des lieux, par remise des clés, procès-verbal d’expulsion ou de reprise, égale au montant des loyers indexés et charges révisées, qui auraient été payés si le bail s’était poursuivi

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit

DEBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,

CONDAMNE solidairement M.[M] [I] et Mme [Y] [D] aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer, de l’assignation, de signification de la décision

DEBOUTE la RIVP de sa demande en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr référé
Numéro d'arrêt : 24/01734
Date de la décision : 23/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-23;24.01734 ?
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