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23/05/2024 | FRANCE | N°20/07999

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 23 mai 2024, 20/07999


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire
délivrée le :
à Maître BUNIAK

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître GUERRIER





8ème chambre
2ème section


N° RG 20/07999
N° Portalis 352J-W-B7E-CSUFW


N° MINUTE :




Assignation du :
28 Août 2020







JUGEMENT
rendu le 23 Mai 2024

DEMANDERESSE

S.C.I. VALENSIMMO
[Adresse 1]
[Localité 8]

représentée par Maître Nicolas GUERRIER de la SCP NICOLA

S GUERRIER ET ALAIN DE LANGLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0208


DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] - [Localité 6] représenté par son syndic, le Cabinet JEANDIN IMMOBILIER
[Adresse ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire
délivrée le :
à Maître BUNIAK

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître GUERRIER

8ème chambre
2ème section

N° RG 20/07999
N° Portalis 352J-W-B7E-CSUFW

N° MINUTE :

Assignation du :
28 Août 2020

JUGEMENT
rendu le 23 Mai 2024

DEMANDERESSE

S.C.I. VALENSIMMO
[Adresse 1]
[Localité 8]

représentée par Maître Nicolas GUERRIER de la SCP NICOLAS GUERRIER ET ALAIN DE LANGLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0208

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] - [Localité 6] représenté par son syndic, le Cabinet JEANDIN IMMOBILIER
[Adresse 2]
[Localité 7]

représenté par Maître Nathalie BUNIAK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1260

Décision du 23 Mai 2024
8ème chambre
2ème section
N° RG 20/07999 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSUFW

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-président
Madame Anita ANTON, Vice-présidente
Madame Lucie AUVERGNON, Juge

assistés de Madame Nathalie NGAMI-LIKIBI, Greffière lors des débats, et de Madame Lucie RAGOT, Greffière lors du prononcé,

DÉBATS

A l’audience du 21 Mars 2024 tenue en audience publique devant Madame Anita ANTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

L'immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 4] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis et a pour syndic le cabinet Craunot.

La SCI Valensimmo est propriétaire du local commercial situé au rez-de-chaussée de l'immeuble composé du lot n°1.

Selon un acte sous seing privé en date du 18 avril 2013 et un avenant en date du 10 mars 2016, la SCI Valensimmo a donné à bail ce local à la SARL Belavi pour l'exploitation d'un commerce de débit de boisson à consommer sur place ou à emporter et de restauration avec cuisson.

La SCI Valensimmo souhaitant faire installer dans son local un conduit d'extraction des fumées de cuisine répondant aux normes en vigueur a, par lettre recommandée du 20 décembre 2019, demandé l'inscription à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale du projet de résolution suivante :

"L'assemblée générale, après en avoir délibéré, autorise la réalisation d'un conduit d'extraction des fumées émanant de la cuisine du restaurant situé au rez-de-chaussée de l'immeuble, actuellement exploité par Nordmarais, selon les caractéristiques techniques et l'implantation spécifiquement prévues dans le rapport de JRM Ingénierie et dans le respect des règlements sanitaires et de sécurité applicables".

Le Cabinet Craunot a inscrit ainsi à l'ordre du jour de l'assemblée générale convoquée pour le 25 juin 2020 la résolution n°24 :

"L'assemblée générale, vu les articles 11, 7º du décret du 17 mars 1967 er 25 b) de la loi du 10 juillet 1965, après en avoir débattu
- Autorise la SCI Valensimmo propriétaire du lot n°1 d'effectuer les travaux de mise en place d'u conduit d'extraction du restaurant suivant projet joint à la convocation, dont il assume l'intégralité du coût ainsi que des frais annexes
- Reconnait que ces travaux n'affectent les parties communes que de manière conforme à leur destination
- Estime suffisants les éléments qui étaient joints à l'ordre du jour".

Toutefois, en sa résolution n°4, l'assemblée générale n'a pas autorisé la réalisation des travaux sollicités ("En conséquence, l'assemblée générale n'autorise pas ces travaux", rejet par 815/1.001èmes) en précisant :

"Il est demandé à ce qu'une visite en présence des représentants du syndicat des copropriétaires, de la partie adverse de la SCI Valensimmo ainsi que des hommes de l'art pour valider les points techniques notamment sur l'écart entre le conduit et les ouvrants donnant sur la cour [soit réalisée].
Il sera nécessaire de fournir un plan métré à l'échelle.
Le propriétaire devra présenter des garanties quant aux nuisances olfactives et sonores, il sera nécessaire de garantir l'entretien de ce conduit."

Par exploit d'huissier délivré le 28 décembre 2021, la SCI Valensimmo a assigné le syndicat des copropriétaires devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins, principalement, de se voir autorisée à exécuter à ses frais les travaux d'installation d'un conduit d'extraction des fumées de cuisine et de voir fixées les modalités de réalisation de ces travaux.

Par conclusions récapitulatives n°2 notifiées par voie électronique le 4 novembre 2022, la SCI Valensimmo demande au tribunal de :

"Vu l'article 30 de la Loi du 10 Juillet 1965,
Vu la jurisprudence,
Vu le refus opposé par l'assemblée générale du 25 juin 2020 dans sa résolution n°4,

DEBOUTER le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4] représenté par le Cabinet Craunot de l'intégralité de ses demandes.

AUTORISER la SCI Valensimmo à exécuter à ses frais les travaux d'installation d'un conduit d'extraction des fumées de cuisine.

FIXER les modalités de réalisation de ces travaux.

DISPENSER la SCI Valensimmo de toute participation à la dépense commune des frais de procédure dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires.

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] [Localité 4] à la somme de 5.000€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir".

Par conclusions récapitulatives et responsives n°4 notifiées par voie électronique le 28 novembre 2022, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 4] demande au tribunal de :

"DEBOUTER la SCI Valensimmo de sa demande d'autorisation judiciaire d'effectuer les travaux pour la pose d'un conduit d'extraction des fumées de cuisine,

DEBOUTER la SCI Valensimmo de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

REJETER la demande d'exécution provisoire,

CONDAMNER la SCI Valensimmo au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la SCI Valensimmo aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Nathalie Buniak, avocat au barreau de Paris et ce, en vertu des articles 699 et suivants du code de procédure civile."

Pour l'exposé des moyens, il est renvoyé aux écritures précitées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 mai 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 21 mars 2024.

À l'issue des débats, les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision au 23 mai 2024, date à laquelle elle a été prononcée par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'autorisation judiciaire d'effectuer des travaux de pose d'un extracteur

La SCI Valensimmo soutient que :

- l'installation du conduit d'extraction des fumées envisagée est conforme aux normes en vigueur,

- le Cabinet JRM Ingénierie a fourni les pièces demandées et les explications sur la nécessité d'avoir un nouveau conduit pour exploiter pleinement le local commercial (avec une cuisine supérieure à 20kW), sur l'absence de nuisances et avec des plans (vues 3D),

- l'assemblée générale n'avait donc aucun motif valable pour s'opposer à cette demande,

- le syndicat des copropriétaires indique que le dossier n'était pas complet et pouvait manifestement porter atteinte aux droits des autres copropriétaires sans démontrer les atteintes alléguées,

- lors de l'assemblée, les copropriétaires ont évoqué une prétendue préoccupation esthétique, alors que la gaine à installer passerait dans la cour anglaise qui ne permet aucune vue particulière ni apport de lumière,

- s'agissant des devis et des entreprises qui devront intervenir, à ce stade sans autorisation donnée par l'assemblée pour l'installation d'un conduit d'extraction, la production d'un devis ne revêt aucune utilité, puisque cette production n'interviendra qu'au moment de l'exécution de travaux et qu'il est peu aisé de faire chiffrer un projet non validé et de s'engager dès à présent avec une entreprise alors qu'il n'y a aucune assurance s'agissant de la réalisation des travaux,

- dès que l'autorisation d'installer le conduit sera donnée, la SCI Valensimmo et sa locataire feront chiffrer les travaux par trois entreprises dans le cadre d'un appel d'offre (le montant total des travaux à prévoir étant d'environ 40.000 €),

- le dossier présenté était conforme aux exigences de la loi : le dossier mentionne bien l'installation d'un conduit rigide emboité double peau (pour éviter toute difficulté quant à son étanchéité) sur des supports antivibratils,

- il est de jurisprudence constante qu'un refus de réalisation des travaux d'améliorations ne peut être opposé au motif que les conditions de réalisation sont indéterminées en ce qui concerne leur incidence sur la vie des copropriétaires, l'esthétique de l'immeuble et leur conformité à la règlementation (3ème Civ., 20 juillet 1999 ; Ca Paris, 23 e Ch.B, 27 novembre 1997, Loyers et Copr. 1998, comm. 145),

- au paragraphe 5 (page 9) de l'étude technique produite par la SCI Valensimmo, il est indiqué la liste des textes réglementaires à respecter au sein de laquelle figure le Règlement sanitaire départemental ; il est également indiqué que : "Le rejet du conduit de fumée se situera à au moins 8m de tout ouvrant. Une portion verticale de conduit avant le rejet sera prévue si besoin afin de respecter les 8m réglementaires.",

- le respect de l'obligation fixée par l'article 63-1 du Règlement sanitaire de Paris est donc prévu, contrairement à ce qu'indique le syndicat des copropriétaires,

- l'étude technique permet de voir le futur emplacement du conduit et sa position en toiture par rapport aux autres cheminées,

- la SCI Valensimmo produit aux débats une attestation du Cabinet JRM Ingénierie, en charge du projet depuis le départ, ainsi que des plans côtés qui permettent de réaliser que le projet respecte la règlementation en vigueur et que les distances règlementaires notamment sont respectées,

- le dossier est complet et le maintien du refus du syndicat d'autoriser la SCI Valensimmo à réaliser ces travaux, à ses frais exclusifs, s'analyse comme étant fautif et abusif,

- les travaux d'amélioration visés peuvent parfaitement concerner un copropriétaire sollicitant l'autorisation d'installer un conduit d'extraction des fumées de cuisine d'un restaurant qui a pour finalité de permettre l'exploitation dans le lot de copropriété d'une activité commerciale conforme à la destination de l'immeuble (CA Paris Pôle 4, chambre 2, 16 Janvier 2013 - n° 10/23429), ce qui est le cas en l'espèce,

- le règlement de copropriété stipule en son article 3 en page 15 que : "Les boutiques peuvent être à l'usage de n'importe quel commerce […]", l'activité de restaurant nécessitant l'installation d'un conduit d'extraction des fumées est donc autorisée,

- le courrier de la Préfecture de police mentionne la présence d'appareils de cuisson d'une puissance totale inférieure à 20 kW, puisqu'en l'état, et en l'absence de conduit d'extraction de fumées, la SCI Valensimmo est contrainte de limiter l'exploitation de son local ; il décrit en effet l'installation existante au 21 janvier 2019 et il s'agit de l'installation du conduit litigieux, qui constitue une amélioration pour le local, en ce qu'il permettra que la cuisine dépasse les 20kW et soit considérée comme une grande cuisine.

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que :

- l'assemblée générale, à la résolution n°4, a fait part de ses craintes concernant l'écart entre le conduit et les ouvrants donnant sur la cour, a estimé qu'elle était insuffisamment informée et a souhaité la communication d'un plan métré à l'échelle,

- il a été demandé au copropriétaire concerné de présenter des garanties quant aux nuisances olfactives et sonores concernant la pose de ce conduit et de prévoir un contrat d'entretien,

- ainsi, le dossier soumis à l'autorisation des copropriétaires par la SCI Valensimmo est loin d'être complet et pouvait manifestement porter atteinte aux droits des autres copropriétaires,

- dans son courrier en date du 20 décembre 2019, la SCI Valensimmo a uniquement communiqué une étude technique établie par la Société Jrm Ingenierie et n'a pas joint des devis pour la pose de ce conduit, ainsi que les contrats d'assurance des entreprises susceptibles d'intervenir sur les parties communes,

- or en cas de désordres sur les parties communes, le syndicat des copropriétaires doit connaître les entreprises qui devront intervenir et leurs coordonnées, ainsi que celles de leurs assureurs,

- l'étude de Jrm Ingenierie est en contradiction avec le rapport établi par la Préfecture de Police de PARIS et retranscrit dans le cadre du courrier versé aux débats qui relève que "la cuisine de ce restaurant dispose d'appareils de cuisson d'une puissance totale inférieure à 20 kW" et indique que "cette cuisine est appelée "office" au sens de la règlementation de sécurité incendie et n'est pas assujettie aux articles PE15 et 16 relatifs aux installations d'appareils de cuisson destinés à la restauration",

- par ailleurs, il aurait fallu que la SCI Valensimmo communique un devis sur les travaux à entreprendre, qui devrait inclure les travaux d'étanchéité du conduit, ainsi que les travaux acoustiques qui sont essentiels dans ce domaine puisque l'étanchéité des conduits doit être certaine, ainsi que l'absence de bruit,

- l'assemblée générale a le droit de refuser un projet qui lui est soumis, si elle estime être insuffisamment informée sur les tenants et les aboutissants de ce projet,

- ainsi, la Cour de Cassation a validé le refus d'une copropriété de voter les travaux nécessaires à l'installation d'un restaurant au motif qu'il résultait des plans versés aux débats que les gaines d'extraction des fumées débouchaient sur le toit terrasse, à proximité des fenêtres des résidents, qui devaient supporter quotidiennement les odeurs persistantes de cuisson (3ème Civ., 12 janvier 2005, n°03-18-939),

- l'assemblée générale a refusé le projet qui lui était soumis par la SCI Valensimmo et l'a invitée à organiser une visite en présence des représentants du syndicat des copropriétaires, de la SCI Valensimmo, ainsi que des hommes de l'art pour valider les points techniques,

- or au lieu de faire droit à la demande de l'assemblée générale, la SCI Valensimmo a assigné directement devant le Tribunal, ce qui démontre sa volonté de passer en force sans respecter les droits des autres copropriétaires,

- le projet de la SCI Valensimmo est évasif au point que celle-ci réclame, dans son assignation, que les modalités d'exécution soient fixées par le Tribunal lui-même,

- or le Tribunal n'est ni architecte, ni ingénieur, ni une entreprise du bâtiment et il lui est impossible de fixer les modalités de réalisation des travaux qui ne sont pas des règles juridiques,

- malgré ses demandes répétées, les plans fournis n'indiquent toujours pas la faisabilité du projet et le respect des 8m et ce parce qu'il n'est pas faisable et parce que, comme indiqué, un simple calcul le prouve sur le plan métré fourni.

En droit, en vertu de l'article 25 de la du 10 juillet 1965, ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant : "b) l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant des parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci".

En application de l'article 30 de la même loi, lorsque l'assemblée générale refuse l'autorisation prévue à l'article 25 b, tout copropriétaire peut être autorisé judiciairement à exécuter, aux conditions fixées par le juge, tous travaux d'amélioration conformes à la destination de l'immeuble.

Pour que le tribunal soit valablement saisi, il est indispensable de justifier que l'assemblée générale a, au préalable, opposé un refus formel à la demande d'autorisation qui lui a été présentée par le ou les copropriétaires souhaitant entreprendre les travaux (3ème Civ., 26 janvier 2000, n° 98-14.798 : CA Paris, 28 févr. 2001, n° 2000/02908 : CA Paris, 17 mai 2001, n° 2000/05474 : CA Paris, 12 janv. 2006, n° 05/04847).

Un refus formel de l'assemblée générale est la condition nécessaire et suffisante pour saisir le tribunal ; la loi n'exige pas que la décision du syndicat soit en outre irrévocable, après épuisement des recours judiciaires en vertu de l'article 42, alinéa 2 de la loi (CA Paris, 12 juin 2008, n° 07/14880).

Un refus provisoire dans l'attente des précisions complémentaires, du résultat de mesures d'instruction techniques, judiciaires ou privées ou d'autres événements ne s'analyse pas en un refus au sens de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965, mais en une position d'attente et de réserve. (CA Paris, 12 juin 2008 : précité).

Aux termes de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1965, un règlement conventionnel de copropriété détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ;

Il résulte enfin de l'article 9 de la loi précitée que chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ; il est de principe que dès lors que le règlement de copropriété ne prohibe pas l'exercice d'activités spécifiques, le propriétaire d'un lot dont la destination est commerciale, est libre d'exercer ou d'y faire exercer le commerce de son choix, sans aucune autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires.

En l'espèce, le règlement de copropriété (pièce n°6 de la SCI Valensimmo) stipule en page 14 article 3 I° "Chaque copropriétaire aura, en ce qui concerne les locaux lui appartenant exclusivement, le droit d'en faire jouir et disposer comme de choses lui appartenant, sauf l'effet des stipulations qui vont suivre et encore, à la condition de ne pas nuire aux droits des autres propriétaires et ne de rien faire qui puisse compromettre la solidité de l'immeuble".

Par lettre du 20 décembre 2019 adressée au syndic, la SCI Valensimmo a sollicité la convocation d'une assemblée générale extraordinaire courant janvier 2020 et l'inscription d'un projet de résolution pour l'autoriser à entreprendre des travaux d'installation d'un conduit d'extraction des fumées émanant de la cuisine du local commercial situé au rez-de-chaussée de l'immeuble et lui appartenant,

en y joignant uniquement une étude technique de la société Jrm Ingénierie en date du 13/12/2009 (pièce n°1 du syndicat des copropriétaires).

Cette étude technique ne mentionne pas les fenêtres et les conduits des propriétaires de l'immeuble. En page 8 de l'étude, la photographie concernant la vue du bas de la cour intérieure de l'immeuble, ne permet pas de s'assurer que la distance de 8 mètres est respectée entre la fenêtre présente sur la photographie et le projet d'implantation du conduit (pièce n°8 de la SCI Valensimmo).

Aucun devis d'entreprise n'a été joint au projet de résolution.

Le syndicat des copropriétaires soutient que le projet présenté à l'assemblée générale était lacunaire.

En sa résolution n°4, l'assemblée générale a décidé ce qui suit :

4° AUTORISATION A DONNER A LA SCI VALENSIMMO DE REALISER A SES FRAIS DES TRAVAUX D'INSTALLATION D'UN CONDUIT D'EXTRACTION DU RESTAURANT AU SEIN DE LA COURETTE (ARTICLE 25)

POUR : SCI VALENSIMMO 147e soit 147e / 1 001e
CONTRE : Mr ou Mme [B] [A] 62e, M. et Mme [D] [Z] OU [Y] [T] 46e, M. et Mme [E] OU [R] 85e, Mr [X] [K] 31e, M. et Mme [P] 82e, M. et Mme [O] 82e, Mr [J] [V] 86e, Mr [L] [S] 37e, Mr [M] [K] 65e, MLLE [N] [G] 79e, Mrs [W] & [I] 35e, Mm [U] [H] 46e, M. et Mme [C] 79e soit 815e / 1 001e
en assemblée générale, et sur accord du syndicat et de son Président, la résolution 24 est portée en premier vote pour échanger sur le projet de la SCI VALENSIMMO.

L'assemblée générale, vu les articles 11, 7° du décret du 17 mars 1967 et 25 b) de la loi du 1 juillet 1965, après en avoir débattu, à la majorité des présents et représentés soit 147e/1 001e POUR et 815e/1 001e CONTRE, :

- Autorise la SCI Valensimmo propriétaire du lot n°1 d'effectuer les travaux de mise en place d'un conduit d'extraction du restaurant suivant projet joint à la convocation, dont il assume l'intégralité du coût ainsi que des frais annexes
- Reconnait que ces travaux n'affectent les parties communes que de manière conforme à leur destination :
-Estime suffisants les éléments qui étaient joints à l'ordre du jour ;

En conséquence, l'assemblée générale n'autorise pas ces travaux ;

Il est demandé à ce qu'une visite en présence des représentant du syndicat des copropriétaires, de la partie adverse de la SCI Valensimmo ainsi que des hommes de l'art pour valider les points techniques notamment sur l'écart entre le conduit et les ouvrants donnant sur la cour [soit réalisée].

Il sera nécessaire de fournir un plan métré à l'échelle.
Le propriétaire devra présenter des garanties quant aux nuisances olfactives et sonores, il sera nécessaire de garantir l'entretien de ce conduit." (pièce n°5 de la SCI Valensimmo).

Il en résulte que, si l'assemblée générale a refusé le projet qui lui était soumis en l'état par la SCI Valensimmo, elle ne lui a pour autant pas opposé un refus définitif puisqu'elle l'a invité à organiser une visite en présence des représentants du syndicat des copropriétaires, de la SCI Valensimmo, ainsi que des hommes de l'art pour valider les points techniques.

L'assemblée générale des copropriétaires n'a donc pas opposé un refus formel à la demande de travaux de la SCI Valensimmo.

Au surplus, il sera relevé qu'il ne ressort pas des pièces produites que la SCI Valensimmo ait communiqué à l'assemblée générale un plan avec des cotations précises sur les différentes portions du conduit par rapport aux fenêtres des appartements et des velux de toit des chambres de services du dernier étage même si elle produit aujourd'hui devant le tribunal un extrait de l'étude technique de la société Jrm Ingéniérie avec, cette fois, des annotations correspondants à des états projetés cotés (pages 5, 7 et 8 : pièce n°12 de la SCI Valensimmo).

L'étude de la société Jrm Ingéniérie a été établie dont l'objectif de :

"- dimensionner le futur conduit d'extraction
- simuler l'implantation du conduit sur des vues 2D et 3D
- donner des préconisations techniques concernant : l'implantation du conduit, les fixations, la sécurité incendie, l'acoustique" (pièce n° 8 de la SCI Valensimmo)

La SCI Valensimmo sollicite du tribunal qu'il autorise les travaux d'installation d'un conduit d'extraction des fumées de cuisine conformes à ces préconisations et qu'il fixe les modalités de réalisation de ces travaux, sans produire aucun devis d'une entreprise décrivant un projet détaillé de travaux qui soit conforme à ces préconisations.

Or, cette seule étude ne permet pas de connaître précisément les travaux envisagés par la SCI Valensimmo.

En outre, aucun rapport d'étude acoustique comprenant des mesures acoustiques effectuées sur le site et une étude d'impact acoustique ne semble avoir été réalisé.

Il ne ressort pas plus des pièces versées aux débats d'éléments précis sur les dispositifs anti-vibratoires et sur l'entretien du conduit pour éviter toutes nuisances sonores et olfactives ou toutes coulures sur la façade.

Dans ces conditions, les éléments produits par la SCI Valensimmo ne permettent ni aux copropriétaires ni au tribunal de déterminer le projet précis et complet de travaux, d'apprécier s'il est conforme au règlement de copropriété, et s'il permet de limiter les nuisances acoustiques,

l'absence de perte de lumière dans les logements du fait de la gaine extérieure et la conformité du projet au regard de la réglementation en vigueur et des autorisations administratives.

Par conséquent, il convient de débouter la SCI Valensimmo de ses demandes d'autorisation à exécuter à ses frais les travaux d'installation d'un conduit d'extraction des fumées de cuisine et de fixation des modalités de réalisation de ces travaux.

Sur les demandes accessoires

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

L'équité et la situation économique des parties commandent de condamner la SCI Valensimmo, succombante, aux dépens qui seront recouvrés par Maître Nathalie Buniak, avocat en ayant fait la demande et ce, en vertu des articles 699 et suivants du code de procédure civile, ainsi qu'à verser la somme de 3.000 euros au syndicat des copropriétaires du au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, le copropriétaire qui à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires.

En l'espèce, la SCI Valensimmo succombant, il y a lieu de la débouter de sa demande de dispense.

S'agissant d'une assignation délivrée postérieurement au 1er janvier 2020 (II de l'article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019), l'exécution provisoire est de droit, à moins que la décision rendue n'en dispose autrement, en application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile.

Aucun élément ne justifie en l'espèce que l'exécutoire provisoire, qui est compatible avec la nature de la présente affaire, soit écartée, conformément à l'article 514-1 du code de procédure civile.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

DEBOUTE la SCI Valensimmo de ses demandes d'autorisation judiciaire d'exécuter à ses frais les travaux d'installation d'un conduit d'extraction des fumées de cuisine et de fixation des modalités de réalisation de ces travaux ;

CONDAMNE la SCI Valensimmo aux entiers dépens de l'instance, qui seront recouvrés par Maître Nathalie Buniak, avocat en ayant fait la demande et ce, en vertu des articles 699 et suivants du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI Valensimmo à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 9] [Localité 5] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SCI Valensimmo de sa demande de dispense de toute participation à la dépense commune des frais de la présente procédure en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

DIT n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit du présent jugement ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 23 Mai 2024.

La GreffièreLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 20/07999
Date de la décision : 23/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-23;20.07999 ?
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