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22/05/2024 | FRANCE | N°22/00328

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/1 nationalité a, 22 mai 2024, 22/00328


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/1 nationalité A

N° RG 22/00328
N° Portalis 352J-W-B7G-CV4GV

N° PARQUET : 17/1176

N° MINUTE :

Assignation du :
18 Octobre 2017

M.M.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :






JUGEMENT
rendu le 22 Mai 2024








DEMANDEUR

Monsieur [O] [S]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2] (MAROC)

représenté par Me Stéphanie CALVO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #

A0599



DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 4]
[Localité 1]

Madame Laureen SIMOES, Substitute
Décision du 22 mai 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Sectio...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/1 nationalité A

N° RG 22/00328
N° Portalis 352J-W-B7G-CV4GV

N° PARQUET : 17/1176

N° MINUTE :

Assignation du :
18 Octobre 2017

M.M.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 22 Mai 2024

DEMANDEUR

Monsieur [O] [S]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2] (MAROC)

représenté par Me Stéphanie CALVO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0599

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 4]
[Localité 1]

Madame Laureen SIMOES, Substitute
Décision du 22 mai 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 22/00328

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière

DEBATS

A l’audience du 13 Mars 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile par Madame Maryam Mehrabi, Magistrate rapporteure, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort

Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 18 octobre 2017 par M. [O] [H] [C] au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 14 juin 2019,

Vu l'ordonnance de retrait du rôle rendue le 28 novembre 2019,

Vu les conclusions aux fins de reprise d'instance et récapitulatives de M. [O] [H] [C] notifiées par la voie électronique le 27 novembre 2021,

Vu le rétablissement de l'affaire à l'audience de mise en état du 27 janvier 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 1er février 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 13 mars 2024,

MOTIFS

Sur la procédure

Le ministère public sollicite du tribunal de « constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ». Cette demande de « constat », qui ne constitue pas une prétention au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile, ne donnera pas lieu à mention au dispositif.

Le tribunal rappelle toutefois qu'aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 18 juin 2018. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur la demande de “donner acte”

La demande de “donner acte” formulée par M. [O] [H] [C], qui ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, ne donnera pas lieu à mention au dispositif.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

M. [O] [H] [C], se disant né le 9 octobre 1965 à [Localité 3] (Algérie), revendique la nationalité française par filiation paternelle, sur le fondement de l'article 17 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi 73-43 du 9 janvier 1973. Il fait valoir que son père, [Z] [U] [C], né le 24 novembre 1931 à [Localité 3] (Algérie), est devenu français à 21 ans en application de l'article 44 de l'ordonnance du 19 octobre 1945 pour avoir alors sa résidence en France et ce depuis l'âge de 16 ans et a conservé de plein droit la nationalité française lors de l'accession à l'indépendance de l'Algérie pour ne pas avoir été saisi par la loi algérienne de nationalité et qu'il a été jugé français par arrêt de la cour d'appel de Paris du 27 janvier 2015.

Le ministère public soulève la désuétude, sur le fondement de l'article 30-3 du code civil. Il sollicite du tribunal de dire que M. [O] [H] [C] n'est pas recevable à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalite française et de constater en tout état de cause que l'intéressé n'est pas français.

Décision du 22 mai 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 22/00328

Etant rappelé qu'une demande de "constat" ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, la demande précitée du ministère public s'analyse en une prétention au sens de ces dispositions à voir "juger" que le demandeur n'est pas de nationalite française.

Sur la désuétude

Aux termes de l’article 30-3 du code civil, lorsqu’un individu réside ou a résidé habituellement à l’étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d’un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n’ont pas eu la possession d’état de Français.

L’application de l’article 30-3 du code civil invoqué par le ministère public doit être examiné au regard des seuls termes de ce texte, lequel n’institue pas un délai de prescription susceptible de suspension ou d’interruption mais instaure une perte du droit à apporter la preuve devant les tribunaux de sa nationalité française, sanctionnant le non usage de celle-ci aux personnes qui résident habituellement à l’étranger et dont les ascendants n’ont pas plus été sur le sol français depuis un certain temps. Il s’ensuit qu’il ne peut donc être constaté une inégalité entre l’action négatoire du ministère public, qui peut être combattue par la possession d’état reconnue par l’article 21-13 du code civil, et l’action déclaratoire de nationalité française, dont l’exercice n’est pas davantage subordonné à un délai, dès lors que l’intéressé dispose d’éléments de possession d’état durant la période visée.

Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6 du code précité, lequel impose de mentionner, dans le jugement, la date à laquelle la nationalité française a été perdue, ou, le cas échéant, la date à laquelle elle avait été perdue par les auteurs de l’intéressé, en précisant que ce dernier n’a jamais été français.

Pour l'application de l’article 30-3 précité, il convient de déterminer :
- que le requérant revendique la nationalité française par filiation,
- que le requérant réside ou a résidé habituellement a l'étranger et qu’il n’a pas eu de possession d’état de français, c’est à dire qu’il n’a pas été en possession de passeport ou carte nationale d’identité française, inscrit au Consulat ou sur les listes électorales notamment,
- que le ou les ascendants dont il tient par filiation la nationalité, sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle a l’étranger et que son parent direct, duquel il revendique la nationalité française, n’a pas davantage de possession d’état de français.

A cet égard, il ressort de la rédaction même de l'article 30-3 du code civil, que le législateur a distingué entre la condition de résidence habituelle à l'étranger, pour laquelle sont concernés « les ascendants dont il tient la nationalité », de la condition propre à la possession d'état pour laquelle sont visés les seuls « père et mère ». Ainsi, s'agissant de la fixation à l'étranger pendant plus de 50 ans des « ascendants » du demandeur, il n'y a pas de distinction quant au degré d'ascendance, et sont donc également concernés les grands-parents, à condition qu'ils appartiennent à la branche par laquelle est revendiquée la nationalité française.

Le délai cinquantenaire s’apprécie en la personne de l’ascendant du requérant à l’action déclaratoire. Le point de départ de la résidence a l’étranger de l’ascendant est :
- pour les ascendants nés avant l’accession à l’indépendance du pays où ils résident, constitué par la date de cette accession à l’indépendance puisque c’est bien depuis cette date qu’elles sont fixées a l’étranger,
- pour ceux nés postérieurement à cette accession à l’indépendance, la date depuis laquelle ces ascendants ayant été susceptibles de transmettre la nationalité française, sont fixés à l’étranger c’est à dire depuis l’accession à l’indépendance également, le texte de l’article 30-3 incluant tous les ascendants et non pas seulement la première génération de ceux-ci.

La fixation à l'étranger s'entend d'une absence de résidence en France.

L’article 30-3 du code civil interdit ainsi, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude.

Édictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir.

Ainsi, le requérant qui agit en action déclaratoire de nationalité française alors qu’il réside ou a résidé habituellement à l’étranger et que ses ascendants y ont été fixés depuis plus de 50 ans sans avoir eu d’élément de possession d’état pour venir faire exception, sur cette période, à la désuétude encourue du fait de leur fixation à l’étranger, a déjà perdu la nationalité française, comme il résulte de l’application de l’article 23-6 du code civil, sans qu’aucune régularisation postérieure ne puisse intervenir.

L'Algérie ayant accédé a l’indépendance le 3 juillet 1962, les personnes et leurs ascendants dont ils tiendraient la nationalité française, qui y ont résidé depuis plus de 50 années à compter de cette date, résident à l’étranger depuis plus de 50 ans, ne sont plus admis à faire la preuve qu’ils ont la nationalité française à compter du 4 juillet 2012, s’ils n’ont pas eu de possession d’état de français.

En l’espèce, M. [O] [H] [C] revendique la nationalité française par filiation paternelle.

La saisine datant du 18 octobre 2017 pour un délai de 50 ans acquis le 4 juillet 2012, seule la démonstration d’une résidence habituelle en France de M. [O] [H] [C] ou d’un de ses ascendants paternels, ou la démonstration d’une possession d’état de français de lui-même ou son père avant le 4 juillet 2012 permet d’écarter la désuétude.

Le ministère public fait valoir que la résidence habituelle du demandeur est fixée à [Localité 2] au Maroc et qu'il ne produit aucun élément tendant à démontrer qu'il a fixé son domicile en France ; qu'il ne justifie d'aucun élément de possession d'état de Français pour lui-même ou pour son père ; que le père du demandeur n'a pas plus sa résidence fixée en France en ce qu'il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 27 janvier 2015 qu'il résidait à [Localité 2] (Maroc).

Le demandeur n'a formulé aucune observation sur la désuétude soulevée par le ministère public.

Aucune pièce n’est produite, ni aucun élément même invoqué, pour rapporter la preuve d’une résidence en France de M. [O] [H] [C] ou de ses ascendants paternels pendant la période visée par l’article 30-3 du code civil.

Par ailleurs, il n’est pas rapporté en l’espèce d’élément d’une possession d’état de français de l’intéressé ou de son père avant le 4 juillet 2012.

Il apparaît ainsi que M. [O] [H] [C] a agi après le 4 juillet 2012 alors que ni lui, ni son père, n'ont d’élément de possession d’état de la nationalité française avant cette date, et aucun de lui ou de ses ascendants paternels n’ont eu une résidence habituelle sur le territoire français au cours du délai cinquantenaire fixé par l'article 30-3 du code civil.

Par suite, il convient de faire droit à la demande du ministère public en ce qui concerne la désuétude soulevée.

Toutefois, le ministère public demande au tribunal de dire que M. [O] [H] [C] est irrecevable à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française.

Or, comme précédemment rappelé l'article 30-3 du code civil ne constitue pas une fin de non recevoir mais édicte une règle de preuve.

Il sera donc jugé que M. [O] [H] [C] n'est pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française.

Dès lors, il n'y a pas lieu à statuer sur la demande du ministère public tendant à voir juger que le demandeur n'est pas de nationalité française.

Par ailleurs, en application du dernier alinéa de l’article 23-6 du code civil, le jugement détermine la date à laquelle la nationalité française a été perdue.

En l'espèce, au regard des éléments précédemment relevés, il y a lieu de juger que M. [O] [H] [C] est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, la mention de la présente décision sera ordonné en application de cet article.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [O] [H] [C] qui succombe, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Juge que M. [O] [H] [C] n'est pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande du ministère public tendant à voir juger que M. [O] [H] [C] n'est pas de nationalité française ;

Juge que M. [O] [H] [C], né le 9 octobre 1965 à [Localité 3] (Algérie), est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012 ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Condamne M. [O] [H] [C] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 22 Mai 2024

La GreffièreLa Présidente
Christine KermorvantMaryam Mehrabi


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/1 nationalité a
Numéro d'arrêt : 22/00328
Date de la décision : 22/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-22;22.00328 ?
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