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22/05/2024 | FRANCE | N°21/13577

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/1 nationalité a, 22 mai 2024, 21/13577


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/1 nationalité A

N° RG 21/13577
N° Portalis 352J-W-B7F-CVLRI

N° PARQUET : 21/1037

N° MINUTE :

Assignation du :
19 Octobre 2021

C.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :






JUGEMENT
rendu le 22 Mai 2024








DEMANDEUR

Monsieur [I] [R]
Chez M. [U] [R]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Me Anne BREMAUD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1341




DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 8]
[Localité 2]

Monsieur Arnaud FENEYROU, Vice-Procureur
Décision du 22 mai 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/1 nationalité A

N° RG 21/13577
N° Portalis 352J-W-B7F-CVLRI

N° PARQUET : 21/1037

N° MINUTE :

Assignation du :
19 Octobre 2021

C.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 22 Mai 2024

DEMANDEUR

Monsieur [I] [R]
Chez M. [U] [R]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Me Anne BREMAUD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1341

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 8]
[Localité 2]

Monsieur Arnaud FENEYROU, Vice-Procureur
Décision du 22 mai 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 21/13577

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière

DEBATS

A l’audience du 20 mars 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile par Madame Clothilde Ballot-Desproges, Magistrate rapporteure, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

Vu les articles 56, 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions de M. [I] [R] constituées par l'assignation délivrée le 19 octobre 2021 au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 24 mai 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 29 février 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 20 mars 2024,

MOTIFS

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 4 février 2022. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

M. [I] [R], se disant né le 25 septembre 1990 à [Localité 4] (Sénégal), revendique la nationalité française par filiation maternelle, sur le fondement de l'article 18 du code civil. Il fait valoir que sa mère, Mme [U] [R], est française par double droit du sol pour être née le 19 août 1972 à [Localité 7], de Mme [G] [W], née le 3 décembre 1956 à [Localité 4] (Sénégal), et de M. [E] [R], né le 1er janvier 1943 à [Localité 5] (Mali), parents étrangers nés sur un territoire qui avait lors de leurs naissances le statut de colonie ou territoire d'outre-mer.

Il indique que son action fait suite à la décision de classement sans suite de sa demande de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 24 décembre 2004 par le directeur des services de greffe judiciaires du service de la nationalité des français nés et établis hors de France au motif qu'il n'avait pas répondu à une demande de communication de pièces complémentaires.

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code, sans possibilité, pour lui, d'invoquer les certificats délivrés à des membres de sa famille, fussent-ils ses ascendants, dans la mesure où la présomption de nationalité française qui est attachée à ces certificats ne bénéficie qu'à leurs titulaires, et ce même s'ils n'ont fait l'objet d'aucune contestation.

Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par le demandeur, l'action relève des dispositions de l’article 18 du code civil aux termes duquel est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.

Il appartient ainsi à M. [I] [R], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, la nationalité française du parent duquel il la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et le Sénégal, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par les articles 34 et 35 de la convention de coopération en matière judiciaire signée le 29 mars 1974 et publiée par décret numéro 76-1072 du 17 novembre 1976 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et certifiés conformes à l'original par ladite autorité.

Enfin, nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil et de celui des ascendants qu’il revendique, par la production de copies intégrales d'actes d’état civil en original, étant précisé que le premier bulletin de la procédure rappelle la nécessité de produire de tels actes.

En l'espèce, M. [I] [R] produit une copie, délivrée le 30 juin 2021, de son acte de naissance mentionnant qu'il est né le 25 septembre 1990 à [Localité 4], d'[X] [R], né en 1962, ouvrier, et de [U] [R], née en 1972, ménagère, l'acte ayant été dressé le 31 décembre 1990 et portant en mentions marginales « inscription de déclaration tardive » (pièce n°1 du demandeur).

Le ministère public fait valoir que cet acte n'a pas été dressé conformément à la loi sénégalaise, en l'absence de la mention de l'heure à laquelle il a été dressé, en contrariété avec l'article 40 du code de la famille sénégalais.

Aux termes de l'article 40 alinéa 8 du code de la famille sénégalais, tel qu'issu de la loi n°72-61 du 12 juin 1972, « tout acte de l'état civil, quelqu'en soit l'objet, énonce l'année, le mois, le jour et l'heure où il est reçu, les prénoms et nom de l'officier de l'état civil, les prénoms, nom, professions et domiciles de tous ceux qui y sont dénommés ».

Il est rappelé qu'un acte d'état civil est un acte par lequel un officier d'état civil constate personnellement un fait. Les mentions qui y sont apposées permettent ainsi d'attester de ce fait, soit, en l'espèce, de la naissance de l'intéressé.

Or, l'heure à laquelle l'acte a été reçu n'apporte pas d'indication quant à ladite naissance. En ce sens, si la mention de l'heure à laquelle l'acte a été dressé est bien une mention obligatoire selon les dispositions de l'article 40 alinéa 8 du code de la famille sénégalais, elle n'est pas une mention substantielle.

Le ministère public soutient également que l'acte ne mentionne pas les dates complètes, ni les lieux de naissance des père et mère.

Or ces mentions ne sont pas exigées par l'article 52 du code de la famille sénégalais qui prévoit uniquement que seuls les prénoms, nom, âge, profession et domicile des père et mère doivent figurer sur l'acte, ce qui est le cas en l'espèce.

En outre contrairement à ce que soutient le ministère public, la mention d'inscription de déclaration tardive figure sur l'acte de naissance du demandeur.

Par ailleurs, le ministère public indique également que la copie de l'acte de naissance ne fait pas apparaître que l'acte a été dressé conformément aux dispositions de l'article 51 du code de la famille sénégalais relatives à l'inscription de déclaration tardive.

L'article 51 alinéa 4 dudit code prévoit qu'en cas de déclaration tardive de naissance, l'officier d'état civil ne peut dresser l'acte qu'à la condition que le déclarant produise à l'appui de sa déclaration un certificat émanant d'un médecin ou d'une sage-femme ou qu'il fasse attester la naissance par deux témoins.

Il est d'abord relevé que cette disposition n'impose nullement que les documents produits lors de la déclaration tardive doivent être mentionnés dans l'acte de naissance.

Par ailleurs, il n'appartient pas au présent tribunal de vérifier que le déclarant avait rempli les conditions pour déclarer la naissance, cette vérification relevant des attributions de l'officier d'état civil ayant dressé l'acte.

L'acte de naissance de M. [I] [R], qui n'est pas autrement critiqué par le ministère public, apparaît donc probant au sens des dispositions de l'article 47 du code civil. Il est ainsi justifié d'un état civil fiable et certain en ce qui concerne le demandeur.

Le ministère public ne soulève aucune autre contestation quant à la chaîne de filiation et à la nationalité française revendiquée par M. [I] [R].

Pour justifier de l'état civil de Mme [U] [R], il est produit une copie de son acte de naissance mentionnant qu'elle est née le 19 août 1972 à [Localité 6], de [E] [R], né à [Localité 5] (Mali) vers 1943, et de [G] [W], née à [Localité 4] (Sénégal) le 3 décembre 1956, l'acte ayant été dressé le 21 août 1972 sur déclaration du père. L'acte porte en outre mention d'une rectification par décision du procureur de la République en ce que le père est né le 1er janvier 1943 à [Localité 5] (Mali) (pièce n°2 du demandeur).

Il est ainsi justifié d'un état civil fiable et certain en ce qui concerne Mme [U] [R] ainsi que de son lien de filiation paternelle à l'égard de M. [E] [R], sa naissance ayant été déclarée par ce dernier.

En ce qui concerne M. [E] [R] il est également justifié d'un état civil fiable et certain en ce qui le concerne, ainsi que de sa naissance au Mali alors territoire français, par la production d'une copie, délivrée le 12 février 2019, de son acte de naissance, dressé sur les registres du service central de l'état civil, mentionnant qu'il est né le 1er janvier 1943 à [Localité 5] (Mali) (pièce n°5 du demandeur).

Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance de Mme [U] [R], sa situation est régie par les dispositions les dispositions de l’article 23 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, selon lequel est français, l'enfant légitime ou naturel, né en France lorsque l’un de ses parents au moins y est lui-même né, ces dispositions étant applicables à l'enfant né en France d'un parent né sur un territoire qui avait, au moment de la naissance de ce parent, le statut de colonie ou de territoire d'outre-mer de la République française.

Dès lors, Mme [U] [R] est française pour être née en France d'un père qui né sur un territoire qui avait, au moment de la naissance de celui-ci, le statut de colonie ou de territoire d'outre-mer de la République française, en application de ces dispositions.

Aux termes de l'article 311-14 du code civil, « la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant », soit, en l'espèce la loi française.

En vertu de l'article 311-25 du code civil issu de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, la filiation est établie, à l'égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant.

Le lien de filiation maternelle de M. [I] [R] à l'égard de Mme [U] [R] est donc établi par la désignation de cette dernière dans l'acte de naissance de l'intéressé

En conséquence, M. [I] [R] justifiant d'un lien de filiation légalement établi avec Mme [U] [R] et rapportant la preuve de la nationalité française de cette dernière, il sera jugé qu'il est français en application de l'article 18 du code civil, précité.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

L'instance ayant été nécessaire pour l'établissement des droits de M. [I] [R], chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Par voie de conséquence, la demande de recouvrement des dépens au profit de Maître [K] [M] sera rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

M. [I] [R] conservant la charge de ses propres dépens, sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Juge que M. [I] [R], né le 25 septembre 1990 à [Localité 4] (Sénégal), est de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens ;

Rejette toute autre demande.

Fait et jugé à Paris le 22 Mai 2024

La GreffièreLa Présidente
Christine KermorvantMaryam Mehrabi


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/1 nationalité a
Numéro d'arrêt : 21/13577
Date de la décision : 22/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-22;21.13577 ?
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