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17/05/2024 | FRANCE | N°18/06653

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 2ème section, 17 mai 2024, 18/06653


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS



3ème chambre
2ème section


N° RG 18/06653
N° Portalis 352J-W-B7C-CNB5O

N° MINUTE :


Assignation du :
12 Juin 2018






JUGEMENT
rendu le 17 Mai 2024
DEMANDERESSE

Société N.V NUTRICIA
Eerste Stationsstraat 186
NL-2712 HM ZW ZOETERMEER (PAYS BAS)

représentée par Maître François POCHART de la SCP AUGUST & DEBOUZY ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0438


DÉFENDERESSES

Société EVEN SANTE INDUSTRIE
[Adresse 5]


[Localité 4]

représentée par Maître Emmanuel DE MARCELLUS de la SELARL DE MARCELLUS & DISSER Société d’Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0341

S.A. NESTLE HEALT...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section


N° RG 18/06653
N° Portalis 352J-W-B7C-CNB5O

N° MINUTE :

Assignation du :
12 Juin 2018

JUGEMENT
rendu le 17 Mai 2024
DEMANDERESSE

Société N.V NUTRICIA
Eerste Stationsstraat 186
NL-2712 HM ZW ZOETERMEER (PAYS BAS)

représentée par Maître François POCHART de la SCP AUGUST & DEBOUZY ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0438

DÉFENDERESSES

Société EVEN SANTE INDUSTRIE
[Adresse 5]
[Localité 4]

représentée par Maître Emmanuel DE MARCELLUS de la SELARL DE MARCELLUS & DISSER Société d’Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0341

S.A. NESTLE HEALTH SCIENCE
[Adresse 1]
[Localité 2] (SUISSE)

S.A. NESTRADE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3] (SUISSE)

représentées par Maître Yves BIZOLLON de BIRD & BIRD aarpi, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0255

Copies délivrées le :
- Maître POCHART #P438 (ccc)
- Maître DE MARCELLUS #A341 (exécutoire)
- Maître BIZOLLON #R255 (exécutoire)

Décision du 17 Mai 2024
3ème chambre 2ème section
N° RG 18/06653 - N° Portalis 352J-W-B7C-CNB5O

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Véra ZEDERMAN, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge

assistée de Monsieur Quentin CURABET, Greffier

DEBATS

A l’audience du 22 Mars 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Mai 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à isposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

1.La société NUTRICIA est spécialisée dans la recherche, la fabrication, le conditionnement, la commercialisation et la distribution de produits de nutrition médicale.
Elle a conclu en 2007 un accord avec la société EVEN SANTE INDUSTRIE (ci-après désignée ESI), spécialisée dans le développement et la fabrication de produits de nutrition clinique et d'assistance thérapeutique. Cet accord a pris fin en 2009.

2. Estimant que la société ESI fabriquait des produits concurrents similaires, pour le compte de la société NESTLE HEALTH SCIENCE SA (ci-après désignée NESTLE), filiale du groupe NESTLE, également spécialisée dans la nutrition médicale, NUTRICIA a obtenu le 13 octobre 2014 une ordonnance aux fins de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société ESI sur le fondement d'un brevet EP 940, relatif à une technologie dite " compacte ". NUTRICIA a obtenu des mesures similaires sur la base du même brevet pour saisir chez ESI les informations démontrant la contrefaçon d'un autre produit concurrent, le Nutriplen.

3. L'ordonnance du 13 octobre 2014 a fait l'objet d'une rétractation partielle par ordonnance du 14 novembre 2014.

4. NUTRICIA a assigné ESI, NESTLE et NESTRADE S.A (société du groupe NESTLE ayant une activité d'importation et d'exportation de produits finis, d'équipements techniques et de matières premières utilisées par le groupe Nestlé), le 28 novembre 2014, pour contrefaçon de la partie française de deux de ses brevets (EP 940 et EP 106).

5. Par ordonnance du 7 juillet 2016, le juge de la mise en état a sursis à statuer dans l'attente de la décision du directeur général de l'INPI, sur une demande de limitation de la partie française du brevet de NUTRICIA.

6. Le brevet EP 940 a été révoqué par la division d'opposition de l'OEB du 7 février 2017 (décision confirmée le 12 juin 2018 par la chambre des recours), et NUTRICIA a retiré sa demande de limitation de la partie française du brevet formulée devant l'INPI en 2015, le 27 février 2017.

7. Par ordonnance du 27 juin 2019, le juge de la mise en état a sursis à statuer sur les demandes dans l'attente de la décision de l'OEB sur le brevet EP 106.

8. Le 25 novembre 2021, la division d'opposition de l'OEB a révoqué le brevet EP 106, décision confirmée le 13 décembre 2022 par la chambre des recours.

9. Par conclusions du 30 mai 2023, la société NUTRICIA s'est désistée de ses demandes et par conclusions signifiées le 12 juillet 2023, elle a demandé au tribunal, à titre subsidiaire, de limiter le montant des condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

10. A l'appui de ses demandes, NUTRICIA fait valoir que les défenderesses n'ont pas conclu au fond depuis 2015 et que l'équité commande de ne pas faire droit à l'intégralité de la demande de NESTLE formée en application de l'article 700 du code de procédure civile, dont le montant ne saurait excéder 50 000 euros. Elle soutient qu'elle a fait le choix de ne pas assigner, en ce qui concerne le produit Nutriplen, sans que la société ESI en subisse un quelconque préjudice ; qu'il ne lui appartient pas de s'acquitter de l'intégralité des frais de justice engagés par ESI dans le cadre d'autres procédures, et notamment devant l'OEB ; que le montant dont elle devrait s'acquitter ne saurait excéder la somme de 20679 euros, correspondant aux honoraires de Me de Marcellus.

11. Par conclusions du 14 juin 2023, ESI a accepté le désistement et a maintenu sa demande de dommages et intérêts de 150 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil et de 457051, 41 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

12. Au soutien de ses demandes, ESI fait valoir que le paiement de ses frais est équitable, compte tenu de la longueur et de l'issue de l'instance ; que NUTRICIA est parfaitement en mesure d'assumer ces frais d'un point de vue économique ; qu'elle avait démontré la nullité du brevet EP 940 dans ses conclusions de 2015 ; que NUTRICIA a formé une demande additionnelle portant sur le brevet EP 106, la veille de la révocation du brevet EP 940 ; qu'elle a poursuivi l'instance en dépit de la révocation des brevets confirmée en appel ; qu'elle a maintenu ses demandes afin d'exercer des pressions sur elle ; que ses demandes en concurrence déloyale n'avaient aucune chance de prospérer et qu'elles ont été au demeurant également abandonnées ; qu'elle-même justifie de ses honoraires d'avocat ; que NUTRICIA n'a exercé aucune action au fond à la suite des opérations de saisie-contrefaçon de sorte que le procès-verbal de saisie-contrefaçon est nul ; que la saisie n'avait dans ces conditions que pour objet de recueillir des informations sur son savoir-faire ; qu'elle a été contrainte de communiquer lors de la saisie et sans aucune nécessité des informations sensibles sur ses clients ; qu'elle a été victime d'un discrédit incontestable et de dénigrement de la part de NUTRICIA.

13. Par conclusions du 15 juin 2023, NESTLE et NESTRADE ont accepté le désistement de NUTRICIA, et sollicité la somme de 150 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile.

14. Au soutien de leur demande, NESTLE et NESTRADE ont fait valoir que NUTRICIA a poursuivi une action en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire, la sachant pourtant vouée à l'échec ; qu'elle a ajouté une demande additionnelle portant sur le brevet EP 106, la veille de la révocation du brevet EP 940 ; qu'elle a poursuivi l'instance en dépit de la révocation des brevets confirmée en appel ; qu'elle l'a ainsi contrainte à l'engagement de frais importants.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le désistement

15. Selon les articles 394 et 395 du code de procédure civile, " le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l'instance. Le désistement n'est parfait que par l'acceptation du défendeur. Toutefois, l'acceptation n'est pas nécessaire si le défendeur n'a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste ".

16. En l'espèce, le désistement d'instance et d'action de la société N. V NUTRICIA sera constaté et sera déclaré parfait, compte tenu de son acceptation par les défenderesses.

Sur les dommages et intérêts

17. Selon l'article 1240 du code civil, " tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ".

18. En l'espèce toutefois, la désorganisation alléguée par ESI du fait de la saisie-contrefaçon n'est pas établie. Les opérations de saisie-contrefaçon ont eu lieu entre les 29 et 30 octobre 2014, et le 31 octobre 2014, ESI a obtenu la mise sous séquestre des informations par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Brest et leur maintien sous séquestre, entre les mains de l'huissier instrumentaire, par ordonnance du 3 novembre 2014. Enfin, par ordonnance de référé rétractation du 14 novembre 2014, la société ESI a été en mesure de récupérer les informations sur ses procédés de fabrication, l'origine, la forme, les quantités, la composition des ingrédients du Nutriplen. Il n'est ainsi produit aucun élément permettant d'établir que NUTRICIA a eu accès à des informations confidentielles sur les clients d'ESI. Le dénigrement allégué ne repose quant à lui sur aucun élément probant.
En conséquence, ESI sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

19. L'article 399 du code de procédure civile prévoit que " le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l'instance éteinte ".

20 Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, " le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;(...). Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent ".

21. Il résulte de ces dispositions que " l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile ne compense que les frais irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure suivie devant la juridiction qui l'alloue " (Ccas, Commission nationale de réparation des détentions, 12 septembre 2017, pourvoi n° 16CRD056).

21. A l'appui de leurs dires, NESTLE et NESTRADE produisent une attestation du Cabinet BIRD & BIRD AARPI (23 juin 2023, pièce BB73), selon laquelle, dans l'affaire portée devant le Tribunal Judiciaire de Paris, opposant la société N.V Nutricia (demanderesse) aux sociétés Nestlé Health Science SA, Nestrade SA et Even Santé Industrie (défenderesses), le montant des diligences facturé depuis le 13 octobre 2014 afin d'assurer la défense des intérêts des sociétés Nestlé Health Science et Nestrade est de 247 489,32 euros HT.
Ces honoraires comprennent les conclusions sur incident produites à deux reprises par NESTLE et NESTRADE et les conclusions au fond également produites à deux reprises.

22. Au regard des diligences de ces sociétés dans l’instance, il sera fait droit à la demande d'article 700 à hauteur de 50 000 euros.

23. A l'appui de ses dires, la société ESI produit une attestation de son general manager (pièce 25) aux termes de laquelle les coûts directs supportés par EVEN SANTE INDUSTRIE au titre de la procédure contentieuse NUTRICIA sont de 405 051,47 euros. Son commissaire aux comptes atteste ne pas avoir d'observations à formuler sur ces informations (pièce 25).

21. Toutefois, il n'y a pas lieu de prendre en compte les frais engagés dans le cadre des procédures d'opposition à l'encontre des brevets EP 940 et EP 106.
Or, ESI a seulement conclu à trois reprises sur incident. Compte tenu des diligences réalisées dans la présente procédure, il sera fait droit à sa demande au titre de l'article 700 à hauteur de 60 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal

CONSTATE le désistement d'instance et d'action de la société N.V NUTRICIA ;

DECLARE parfait ce désistement ;

CONSTATE l'extinction de l'instance enregistrée sous le n° 18/06653 ;

CONDAMNE la société N. V NUTRICIA à payer aux sociétés NESTLE HEALTH SCIENCE SA et NESTRADE SA, la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société N. V NUTRICIA à payer à la société EVEN SANTE INDUSTRIE la somme de 60 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société EVEN SANTE INDUSTRIE de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la société N.V NUTRICIA aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 17 Mai 2024

Le GreffierLa Présidente
Quentin CURABETIrène BENAC


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 3ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 18/06653
Date de la décision : 17/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-17;18.06653 ?
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