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16/05/2024 | FRANCE | N°23/09897

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr référé, 16 mai 2024, 23/09897


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Madame [I] [W]


Copie exécutoire délivrée
le :

à : Maître Elisabeth WEILLER

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR référé

N° RG 23/09897 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3S5U

N° MINUTE :







ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 16 mai 2024


DEMANDERESSE

S.A. IMMOBILIERE 3F,
[Adresse 1]

représentée par Maître Elisabeth WEILLER de la SCP MENARD - WEILLER, avocats au barreau de PARIS,<

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DÉFENDERESSE

Madame [I] [W],
[Adresse 2]

comparante en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Pascale GAULARD, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Sanaâ A...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Madame [I] [W]

Copie exécutoire délivrée
le :

à : Maître Elisabeth WEILLER

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR référé

N° RG 23/09897 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3S5U

N° MINUTE :

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 16 mai 2024

DEMANDERESSE

S.A. IMMOBILIERE 3F,
[Adresse 1]

représentée par Maître Elisabeth WEILLER de la SCP MENARD - WEILLER, avocats au barreau de PARIS,

DÉFENDERESSE

Madame [I] [W],
[Adresse 2]

comparante en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Pascale GAULARD, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Sanaâ AOURIK, Greffière lors des débats, et d’Aurélia DENIS, Greffière lors du délibéré

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 09 février 2024

ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 16 mai 2024 par Pascale GAULARD, Vice-présidente, assistée de Aurélia DENIS, Greffière

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 27 mai 2015, la société SA D'HLM IMMOBILIERE 3F a consenti un bail d’habitation à Mme [I] [W] sur des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 3], moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 587,60 euros.

Par acte de commissaire de justice du 1er septembre 2023, la bailleresse a fait délivrer à la locataire un commandement de payer la somme principale de 3555,10 euros au titre de l'arriéré locatif dans un délai de six semaines, en visant une clause résolutoire.

La commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de Mme [I] [W] le 1er septembre 2023.

Par assignation du 30 novembre 2023, la société SA D'HLM IMMOBILIERE 3F a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en référé pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, être autorisée à faire procéder à l’expulsion de Mme [I] [W] et obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer majoré de 50% et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,5326,22 euros à titre de provision sur l’arriéré locatif arrêté au 31 octobre 2023,350 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 1er décembre 2023, mais aucun diagnostic social et financier n'est parvenu au greffe avant l'audience.

Prétentions et moyens des parties

À l'audience du 9 février 2024, la société SA D'HLM IMMOBILIERE 3F maintient l'intégralité de ses demandes, et précise que la dette locative, actualisée au 30 janvier 2024, s'élève désormais à 6504,80 euros. Elle déclare, par ailleurs, accepter le plan d'apurement de cette dette proposé par la défenderesse, dans l’attente de la décision de la commission de surendettement. La société SA D'HLM IMMOBILIERE 3F considère enfin qu'il n'y a pas eu de reprise du paiement intégral du loyer courant avant l'audience, au sens de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989.

Mme [I] [W] reconnaît en effet le montant de la dette locative et demande à pouvoir se maintenir dans les lieux moyennant le versement d'une mensualité d'apurement de 200 euros, en plus du loyer courant.

La société SA D'HLM IMMOBILIERE 3F sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours des délais de paiement.

En application de l'article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les parties ont été invitées à produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.

Mme [I] [W] a indiqué faire l’objet d’une telle procédure et présente la décision de recevabilité de son dossier en date du 26 janvier 2024.

MOTIVATION

1. Sur la demande de constat de la résiliation du bail

1.1. Sur la recevabilité de la demande

La société SA D'HLM IMMOBILIERE 3F justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.

Elle justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.

Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

1.2. Sur la résiliation du bail

Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat de bail litigieux, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l’espèce, si un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales a bien été signifié à la locataire le 1er septembre 2023 et que la somme de 3555,10 euros n’a pas été réglée par cette dernière dans le délai de six semaines suivant la signification de ce commandement, les stipulations du contrat de bail doivent prévaloir sur les dispositions légales qui ne peuvent avoir d'effet rétroactif sur les contrats conclus antérieurement à leur entrée en vigueur, conformément à l'article 2 du code civil. Le juge des référé n'a pas compétence pour apprécier la volonté des parties de voir appliquer le droit nouveau à leur contrat bail, il n'y a pas lieu de constater la résiliation de plein droit du bail par l'effet du commandement de payer litigieux (attention, motivation subséquente à adapter...).

La bailleresse est donc bien fondée à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 14 octobre 2023.

Cependant, eu égard à la volonté de la locataire de s’acquitter de sa dette et à l’accord de la bailleresse, et à la recevabilité du dossier de surendettement déposé par Mme [I] [W], il convient de suspendre la résiliation du bail au respect du plan d’apurement précisé ci-après.

Décision du 16 mai 2024
PCP JCP ACR référé - N° RG 23/09897 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3S5U

Il est rappelé aux parties que :

En application de l’article 24 VI de la loi du 06/07/89, ces délais de paiement sont applicables selon les cas jusqu’à approbation du plan conventionnel de redressement, la décision imposant des mesures, le jugement prononçant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ou avec liquidation judiciaire ou toute autre décision de clôture de la procédure de traitement du surendettement .

En application de l’article L714-1 du code de la consommation, si le bailleur est avisé de nouveaux délais et modalités de paiement de la dette fixés par la commission de surendettement pendant le cours des délais de paiement accordés par la présente décision, ces délais et modalités se substituent à ceux accordés, des dispositions particulières étant prévues en cas de moratoire de paiement de la dette locative .

En cas de respect des modalités du plan d’apurement, la clause résolutoire sera, à l’issue de ce plan, réputée n’avoir pas joué, et l’exécution du contrat de bail pourra se poursuivre. En revanche, à défaut de paiement d’une seule échéance comprenant le loyer et la mensualité d’apurement, la clause résolutoire sera acquise, et le bail sera résilié de plein droit, sans qu’une nouvelle procédure judiciaire ne soit nécessaire. Dans ce cas, il est ordonné à la locataire ainsi qu’à tous les occupants de son chef de quitter les lieux, et, pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, la bailleresse sera autorisée à faire procéder à l’expulsion de toute personne y subsistant, dès l’expiration d’un délai de deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux.

2. Sur la dette locative

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’espèce, la société SA D'HLM IMMOBILIERE 3F verse aux débats un décompte démontrant qu’à la date du 30 janvier 2024, Mme [I] [W] lui devait la somme de 6504,80 euros, échéance de décembre 2022 incluse.

Mme [I] [W] n’apportant aucun élément de nature à remettre en cause ce montant sera condamnée à payer cette somme à la bailleresse, à titre de provision.

Toutefois, eu égard aux délais de paiement évoqués ci-avant, il convient de différer l'exigibilité de cette somme en autorisant Mme [I] [W] à se libérer de cette dette selon les modalités détaillées ci-après.

3. Sur l’indemnité d’occupation

Le cas échéant, en cas de maintien dans les lieux de la locataire ou de toute personne de son chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d’occupation sera due.

L'indemnité d'occupation a un caractère mixte indemnitaire et compensatoire dans la mesure où elle est destinée, à la fois à rémunérer le propriétaire de la perte de jouissance du local et à l'indemniser du trouble subi du fait de l'occupation illicite de son bien. Elle entre ainsi dans le champ d'application de l'article 1231-5 du code civil qui permet au juge, même d'office, de modérer une clause pénale manifestement excessive.

Au vu des éléments de fait propres à l'affaire, l'indemnité mensuelle d'occupation sera fixée, non au montant réclamé par le bailleur, manifestement excessif (loyer majoré de 50% outre les charges) mais au montant du loyer et des charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, afin de réparer le préjudice découlant pour le demandeur de l'occupation indue de son bien et de son impossibilité de le relouer.

L’indemnité d’occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à la société SA D'HLM IMMOBILIERE 3F ou à son mandataire.

4. Sur les frais du procès et l'exécution provisoire

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.

Mme [I] [W], qui succombe à la cause, sera condamnée aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité commande par ailleurs de faire droit à hauteur de 100 euros à la demande de la société SA D'HLM IMMOBILIERE 3F concernant les frais non compris dans les dépens, en application des dispositions précitées.

Selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Selon le dernier alinéa de l’article 514-1 du même code, le juge ne peut toutefois pas écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé. La présente ordonnance sera donc assortie de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer du 1er septembre 2023 n’a pas été réglée dans le délai de deux mois,

CONSTATE que les conditions d’acquisition des effets de la clause résolutoire prévue au contrat conclu le 27 mai 2015 entre la société SA D'HLM IMMOBILIERE 3F, d’une part, et Mme [I] [W], d’autre part, concernant les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 3] étaient réunies le 14 octobre 2023,

CONDAMNE Mme [I] [W] à payer à la société SA D'HLM IMMOBILIERE 3F la somme de 6504,80 euros (six mille cinq cent quatre euros et quatre-vingts centimes) à titre de provision sur l’arriéré locatif arrêté au 30 janvier 2024, échéance de décembre 2023 incluse,

AUTORISE Mme [I] [W] à se libérer de sa dette en réglant chaque mois pendant 33 mois, en plus du loyer courant, une somme minimale de 200 euros (deux cents euros), la dernière échéance étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais,

DIT que le premier règlement devra intervenir dans les dix jours suivant la signification de la présente décision, puis, pour les paiements suivants, en même temps que le loyer, au plus tard le dixième jour de chaque mois, sauf meilleur accord entre les parties,

RAPPELLE que ces délais de paiement sont applicables selon les cas:
- jusqu’à approbation du plan conventionnel de redressement, la décision imposant des mesures,
- jugement prononçant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ou avec liquidation judiciaire,
- toute autre décision de clôture de la procédure de traitement du surendettement.

RAPPELLE que si le bailleur est avisé de nouveaux délais et modalités de paiement de la dette fixés par la commission de surendettement pendant le cours des délais de paiement accordés par la présente décision, ces délais et modalités se substituent à ceux accordés,

SUSPEND les effets de la clause résolutoire pendant l’exécution des délais de paiement accordés à Mme [I] [W],

DIT que si les délais accordés sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais été acquise,

DIT qu’en revanche, pour le cas où une mensualité, qu'elle soit due au titre du loyer et des charges courants ou de l’arriéré, resterait impayée quinze jours après l’envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception,

le bail sera considéré comme résilié de plein droit depuis le 2 novembre 2023,
le solde de la dette deviendra immédiatement exigible,
la bailleresse pourra, à défaut de libération spontanée des lieux et dès l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, faire procéder à l’expulsion de Mme [I] [W] et à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l’assistance de la force publique,
le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,
Mme [I] [W] sera condamnée à verser à la société SA D'HLM IMMOBILIERE 3F une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, et ce, jusqu’à la date de libération effective et définitive des lieux,
RAPPELLE que la présente ordonnance est exécutoire de droit à titre provisoire,

CONDAMNE Mme [I] [W] à payer à la société SA D'HLM IMMOBILIERE 3F la somme de 100 euros (cent euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [I] [W] aux dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer du 1er septembre 2023 et celui de l'assignation du 30 novembre 2023.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.

La greffière Le juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr référé
Numéro d'arrêt : 23/09897
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "conditionnelle" ordonnée au fond avec suspension des effets de la clause résolutoire

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;23.09897 ?
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