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03/05/2024 | FRANCE | N°24/80226

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Jex cab 2, 03 mai 2024, 24/80226


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS





N° RG 24/80226 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4CUB

N° MINUTE :

Notification :
CCC parties LRAR
CE avocats toque
le :



SERVICE DU JUGE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT RENDU LE 03 MAI 2024
DEMANDERESSE

S.C.I. DE BETHEMONT
RCS PARIS 444 020 325
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Nicolas MAHASSEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B115

DÉFENDERESSE

S.A.S. LES BÂTISSEURS DU DÔME
RCS PARIS 901 680 413
[Adresse 2]
[Localité 3]
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résentée par Me Célia AKDAR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E0585

JUGE : Madame Sophie CHODRON DE COURCEL, Juge

Juge de l’Exécution par délégation du Prési...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 24/80226 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4CUB

N° MINUTE :

Notification :
CCC parties LRAR
CE avocats toque
le :

SERVICE DU JUGE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT RENDU LE 03 MAI 2024
DEMANDERESSE

S.C.I. DE BETHEMONT
RCS PARIS 444 020 325
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Nicolas MAHASSEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B115

DÉFENDERESSE

S.A.S. LES BÂTISSEURS DU DÔME
RCS PARIS 901 680 413
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Célia AKDAR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E0585

JUGE : Madame Sophie CHODRON DE COURCEL, Juge

Juge de l’Exécution par délégation du Président du Tribunal judiciaire de PARIS.

GREFFIER : Madame Vanessa PAVLOVSKI

DÉBATS : à l’audience du 28 Mars 2024 tenue publiquement,

JUGEMENT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe
contradictoire
susceptible d’appel

* * *
* *
*
EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 8 janvier 2024, la société LES BÂTISSEURS DU DÔME a procédé à l’inscription d’une hypothèque judiciaire provisoire sur un bien appartement à la SCI DE BETHEMONT. Cette inscription a été autorisée par ordonnance rendue le 14 décembre 2023 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris. Elle a été dénoncée à la société LES BÂTISSEURS DU DÔME par acte du 11 janvier 2024.

Par acte du 9 février 2024, la SCI DE BETHEMONT a assigné la société LES BÂTISSEURS DU DÔME devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris.

La SCI DE BETHEMONT sollicite l’annulation de l’acte de dénonciation du 11 janvier 2024, la caducité de la mesure conservatoire, la mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire, subsidiairement, son cantonnement. Elle demande également la condamnation de la société LES BÂTISSEURS DU DÔME à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La société LES BÂTISSEURS DU DÔME sollicite le débouté des demandes adverses, la condamnation de la SCI DE BETHEMONT à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est fait référence aux conclusions respectives visées et déposées à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d’annulation de l’acte de dénonciation du 11 janvier 2024

L’article 114 du code de procédure civile dispose que «Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. »

1/L’article R 532-5 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que « A peine de caducité, huit jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d'inscription ou la signification du nantissement, le débiteur en est informé par acte d'huissier de justice.
Cet acte contient à peine de nullité :
1° Une copie de l'ordonnance du juge ou du titre en vertu duquel la sûreté a été prise ; toutefois, s'il s'agit d'une obligation notariée ou d'une créance de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il n'est fait mention que de la date, de la nature du titre et du montant de la dette;
2° L'indication, en caractères très apparents, que le débiteur peut demander la mainlevée de la sûreté comme il est dit à l'article R.512-1 ;
3° La reproduction des articles R.511-1 à R.512-3 et R.532-6. »

En l’espèce, la SCI DE BETHEMONT soutient que l’acte de dénonciation qui lui a été remis contient seulement 17 feuillets au lieu des 19 feuillets indiqués dans l’acte, ce qui lui causerait un grief et justifierait l’annulation de l’acte de dénonciation. Or, elle ne soulève aucune cause de nullité prévue par un texte et, au surplus, elle ne démontre pas le grief qu’elle allègue, les informations prescrites lui ayant été communiquées.

2/ En application de l’article 658 du code de procédure civile, l’huissier de justice doit aviser l’intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple un certain nombre d’éléments. Cependant, cette exigence n’est pas prescrite à peine de nullité. Au surplus, la société LES BÂTISSEURS DU DÔME verse un avis de remise à personne morale de l’acte de dénonciation comportant une copie de l’acte signifié.

En conséquence, la SCI DE BETHEMONT sera déboutée de sa demande d’annulation de l’acte de dénonciation du 11 janvier 2024.

Sur la demande de caducité de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire

L’alinéa 1er de l’article R511-7 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que « Si ce n'est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire. »

En l’espèce, par acte du 8 janvier 2024, la société LES BÂTISSEURS DU DÔME a procédé à l’inscription d’une hypothèque judiciaire provisoire sur un bien appartement à la SCI DE BETHEMONT. La société LES BÂTISSEURS DU DÔME avait donc jusqu’au 7 février 2024 minuit pour introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire. Or, il ressort de l’ordonnance de référé rendue le 22 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Paris que la société LES BÂTISSEURS DU DÔME a assigné le 25 janvier 2023 la SCI DE BETHEMONT devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, lequel s’est déclaré incompétent au profit du président du tribunal judiciaire de Paris. Cette ordonnance du 22 décembre 2023 a condamné la SCI DE BETHEMONT à délivrer à la société LES BÂTISSEURS DU DÔME la garantie financière de 2.000.000 euros prévue à l’article 9.1 du contrat de contractant général signé le 29 septembre 2021 et modifié par avenant le 15 décembre 2022 de sorte qu’elle a obtenu un titre exécutoire sur une des réclamations ayant justifié la mesure conservatoire. Au demeurant, l’introduction d’une action en référé en vue d’obtenir une provision répond aux exigences du texte, même si le juge des référés rejette la demande de provision (voir en ce sens civ 2, 18 février 1999 n°96-15.272). Au surplus, la société LES BÂTISSEURS DU DÔME a interjeté appel de cette ordonnance de référé le 10 janvier 2024 notamment en ce qu’elle l’a déboutée de ses demandes en paiement formées à l’encontre de la SCI DE BETHEMONT.

La SCI DE BETHEMONT sera déboutée de sa demande de caducité de l’inscription d’hypothèque provisoire.

Sur les demandes de mainlevée et de cantonnement de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire

L’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que : « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. »

L'article L.512-1 prévoit que le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article L. 511-1 ne sont pas réunies.
 
Selon l'article R. 512-1 du même code, en cas de contestation d'une mesure conservatoire, il incombe au créancier de prouver que les conditions requises pour sa validité sont réunies.
 
La créance paraissant fondée en son principe
 
En l’espèce, il ressort de l’ordonnance de référé rendue le 22 décembre 2023 que la SCI DE BETHEMONT a été condamnée à délivrer à la société LES BÂTISSEURS DU DÔME la garantie financière de 2.000.000 euros prévue à l’article 9.1 du contrat de contractant général signé le 29 septembre 2021 et modifié par avenant le 15 décembre 2022. Un titre exécutoire ayant été obtenu sur ce point, la créance apparaît nécessairement comme fondée en son principe à cet égard.

Quant aux factures émises sur le fondement du contrat de contractant général, l’ordonnance de référé relève un certain nombre d’éléments qui impliqueraient, pour statuer sur la demande en paiement, d’interpréter les pièces contractuelles et d’analyser les manquements reprochés au contractant général. En effet, la société QUALICONSULT a émis des avis suspendus sur les fondations des bâtiments et un avis défavorable s’agissant du non-respect de l’étude de sol aux termes de laquelle les fondations devaient être ancrées de 1,20 m par rapport au niveau du fini, le contrôleur technique relevant que tel n’était pas le cas. La SCI DE BETHEMONT a fait part d’inquiétudes quant à la réalisation du gros oeuvre par courrier du 27 décembre 2022 notamment sur la non-conformité des ouvrages aux plans architectes, un doute au regard de la solidité des ouvrages exécutés émis par le bureau de contrôle et préconisant un audit structurel. Par courrier du 17 janvier 2023, la SCI DE BETHEMONT a résilié le contrat invoquant des manquements contractuels. Surtout, par courriel du 16 mars 2023, l’assistant à maître d’ouvrage indiquait à la SCI DE BETHEMONT qu’il ressortait des sondages structurels « des manquements majeurs quant au respect du DTU 21 « exécution ds ouvrages en béton »  […] des manquements majeurs inquiétants pour la stabilité des ouvrages ». De tels éléments sont de nature à renverser l’apparence de la créance alléguée par la société LES BÂTISSEURS DU DÔME quant aux factures émises.

Quant aux retenues de garantie, la société LES BÂTISSEURS DU DÔME soutient que l’article 20.5 de la norme NFP 03-001, auquel renvoie l’article 28.1 du contrat, fait obligation au Maître de l’ouvrage de consigner entre les mains d’un tiers le montant de la retenue de garantie. Or, la dernière édition en vigueur de la norme NF P 03-001 à laquelle renvoie l’article 28.1 du contrat signé le 29 septembre 2021 est celle de 2017 qui précisément prévoit que le prélèvement d'une retenue de garantie sur les paiements d'acomptes est facultatif et ne s’applique donc que si le marché le prévoit, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Ainsi, c’est au regard du principe de créance établi au seul montant de 2.000.000 euros que doit être appréciée la menace sur le recouvrement.

La menace de recouvrement
 
Le risque pesant sur le recouvrement de la créance est souverainement apprécié par les juges du fond, de sorte que la Cour de cassation a dégagé à ce sujet peu de règles de droit, il est admis en doctrine et en jurisprudence que ce risque est évalué à partir d'un faisceau d'indices au premier rang desquels le comportement du débiteur, l’étendue et la nature de son patrimoine, les sûretés grevant déjà ses biens.
 
En l’espèce, la créance que la SCI DE BETHEMONT prétend détenir à l’encontre de la société LES BÂTISSEURS DU DÔME d’un montant de 1.232.695,09 euros n’est pas justifiée, le tableau récapitulatif versé constituant une preuve établie par elle-même est dépourvu de valeur probante.

La société LES BÂTISSEURS DU DÔME justifie que la SCI DE BETHEMONT dispose d’un capital social s’élevant seulement à la somme de 109.763,29 euros, qu’elle ne publie pas ses comptes postérieurement à l’année 2008 et qu’une précédente mesure de saisie conservatoire pratiquée en octobre 2023 n’a été que très partiellement fructueuse à hauteur de 3.858,49 euros tandis qu’une seconde pratiquée en novembre 2023 a été totalement infructueuse. Surtout, l’état hypothécaire des biens immobiliers appartenant à la SCI DE BETHEMONT en février 2024 fait apparaître des inscriptions hypothécaires de l’ordre de 3.700.000 euros, sans tenir compte de l’hypothèque judiciaire provisoire contestée dans la présente instance. Enfin, il convient également de tenir compte de l’arrêt du chantier concerné par le contrat de contractant général litigieux conclu entre les parties pour un prix de réalisation de plus de 12.000.000 euros. L’ensemble de ces circonstances caractérise une menace sur le recouvrement du principe de créance retenu au montant de 2.000.000 euros.
 
En conséquence, il y a lieu de débouter la SCI DE BETHEMONT de sa demande de mainlevée et d’ordonner le cantonnement de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire opérée le 8 janvier 2024 sur un bien immobilier appartenant à la SCI DE BETHEMENT au montant de 2.000.000 euros.

Sur les dispositions de fin de jugement

La société LES BÂTISSEURS DU DÔME sera condamnée aux dépens.

Il convient d’allouer à la SCI DE BETHEMONT une indemnité de procédure d’un montant de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution,

Déboute la SCI DE BETHEMONT de sa demande d’annulation de l’acte de dénonciation du 11 janvier 2024,

Déboute la SCI DE BETHEMOT de sa demande de caducité de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire,

Déboute la SCI DE BETHEMONT de sa demande de mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire inscrite le 8 janvier 2024,

Cantonne l’hypothèque judiciaire provisoire inscrite le 8 janvier 2024 sur le bien immobilier appartenant à la SCI DE BETHEMONT au montant de 2.000.000 euros,

Condamne la société LES BÂTISSEURS DU DÔME à verser à la SCI DE BETHEMONT la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société LES BÂTISSEURS DU DÔME aux dépens.

Fait à Paris, le 03 mai 2024

LE GREFFIERLE JUGE DE L’EXÉCUTION


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Jex cab 2
Numéro d'arrêt : 24/80226
Date de la décision : 03/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-03;24.80226 ?
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