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03/05/2024 | FRANCE | N°24/80117

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Jex cab 2, 03 mai 2024, 24/80117


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS





N° RG 24/80117 - N° Portalis 352J-W-B7I-C34UX

N° MINUTE :

Notification :
CCC parties LRAR
CCC avocat demandeur toque
CE avocat défendeur toque
le :



SERVICE DU JUGE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT RENDU LE 03 MAI 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER
RCS NANTERRE 582 052 049
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Emmanuel BOUTTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B0190

DÉFENDERESSE

S.A.S. LINVOSGES
RCS EPINA

L 475 682 480
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Jocelyne LEMAIRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : #PN68

JUGE : Madame Sophie CHODRO...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 24/80117 - N° Portalis 352J-W-B7I-C34UX

N° MINUTE :

Notification :
CCC parties LRAR
CCC avocat demandeur toque
CE avocat défendeur toque
le :

SERVICE DU JUGE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT RENDU LE 03 MAI 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER
RCS NANTERRE 582 052 049
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Emmanuel BOUTTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B0190

DÉFENDERESSE

S.A.S. LINVOSGES
RCS EPINAL 475 682 480
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Jocelyne LEMAIRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : #PN68

JUGE : Madame Sophie CHODRON DE COURCEL, Juge

Juge de l’Exécution par délégation du Président du Tribunal judiciaire de PARIS.

GREFFIER : Madame Chloé GAUDIN lors des débats et Madame Vanessa PAVLOVSKI lors de la mise à disposition

DÉBATS : à l’audience du 21 Mars 2024 tenue publiquement,

JUGEMENT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe
contradictoire
susceptible d’appel

* * *
* *
*
EXPOSE DU LITIGE

Suivant jugement rendu le 7 mai 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre et l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 2 novembre 2023, la société BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER a été condamnée à verser à la société LINVOSGES les sommes de :
- 319.623,90 euros avec intérêts sur la base de trois fois le légal à compter de chacune des échéances impayées,
- 3.120 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
- la somme de 10.000 euros (5.000 euros x 2) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- les dépens liquidés à la somme de 74,54 euros.
L’arrêt a prévu la capitalisation des intérêts.

Ce jugement a été signifié à la société BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER par acte du 23 juillet 2021, tandis que cet arrêt lui a été signifié par acte du 20 décembre 2023.

Par acte du 2 janvier 2024, la société LINVOSGES a pratiqué une saisie-attribution sur les comptes de la société BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER. Cette saisie a été dénoncée à cette dernière le 4 janvier 2024.

Par acte du 22 janvier 2024, la société BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER a assigné la société LINVOSGES devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris.

La société BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER sollicite la nullité du procès-verbal de saisie-attribution, la caducité de la saisie-attribution, la mainlevée de la saisie-attribution et des délais de paiement consistant en un premier versement de 50 % de la somme saisie puis un échelonnement du restant sur un an. Elle demande également la condamnation de la société LINVOSGES à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La société LINVOSGES sollicite le débouté des demandes adverses, l’irrecevabilité de la demande de délais de paiement, subsidiairement le cantonnement de la saisie-attribution. Elle demande également la condamnation de la société BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER à lui verser la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est fait référence aux conclusions respectives visées et déposées à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la contestation

Il résulte de l’article R. 211-11 du code des procédures civiles d’exécution qu’à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour, ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.

L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple et en remet une copie, à peine de caducité de l'assignation, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience.

En application de l’article 125 du code de procédure civile, les causes d’irrecevabilité de la saisie-attribution doivent être relevées d’office par le juge de l’exécution, qui est tenu de vérifier la régularité de sa saisine.
En l’espèce, la saisie-attribution signifiée au tiers saisi le 2 janvier 2024 a été dénoncée au débiteur le 4 janvier 2024. La contestation élevée par assignation du 22 janvier 2024 a été dénoncée à l’huissier instrumentaire le premier jour ouvrable suivant.

La contestation est donc recevable.

Sur la demande de nullité de la saisie-attribution

Les causes de nullités de la saisie sont prévues à l’article R211-1 du code des procédures civiles d’exécution qui dispose : « Le créancier procède à la saisie par acte d'huissier de justice signifié au tiers.
Cet acte contient à peine de nullité :
1° L'indication des nom et domicile du débiteur ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
2° L'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation ;
4° L'indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu'il lui est fait défense de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu'il doit au débiteur ;
5° La reproduction du premier alinéa de l'article L.211-2, de l'article L.211-3, du troisième alinéa de l'article L.211-4 et des articles R.211-5 et R.211-11.
L'acte indique l'heure à laquelle il a été signifié. »

Il convient de rappeler qu'un acte pratiqué pour un montant erroné n'est pas nul mais que ses effets peuvent être limités au montant effectivement retenu.

En l’espèce, le procès-verbal de saisie-attribution du 2 janvier 2024 comporte un décompte distinguant ce qui est réclamé à titre :
→ principal :
- 319.623,90 euros,
- article 700 10.000 euros
- dommages et intérêts 3.120 euros, en réalité ce montant correspond à l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
- les dépens 324,18 euros,
→ intérêts : 36.413,19 euros, ainsi que la provision sur intérêts de 998,23 euros
→ frais : 1.004,09 euros, 439,84 euros, 338,24 euros 91,22 euros, 84,17 euros, 51,07 euros et 66,31 euros.

Il indique également les acomptes à déduire pour un montant total de 189.500 euros. La société BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER ne démontre pas qu’elle a procédé à des versements d’acomptes pour un montant supérieur à celui retenu dans le décompte.

En outre, juste en dessous du tableau de décompte figure le détail du calcul des intérêts.

Ainsi, le décompte figurant sur le procès-verbal de saisie-attribution est plus détaillé encore que les exigences légales et permet de vérifier chacun des éléments réclamés ainsi que le montant des acomptes déduits.

Au surplus, « l’état des comptes société BTW à l’égard de la société LINVOSGES » au 6 janvier 2023 versé constitue une preuve établie à soi-même et ne reprend pas les condamnations résultant du jugement rendu le 7 mai 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre et l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 2 novembre 2023 fondant la mesure d’exécution forcée contestée.

En conséquence, la société BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER sera déboutée de sa demande de nullité de la saisie-attribution.

Sur la demande de caducité de la saisie-attribution

L’article R 211-3 du code de procédures civiles d’exécution prévoit qu’à peine de caducité, la saisie est dénoncée au débiteur par acte d'huissier de justice dans un délai de huit jours.

En l’espèce, la société LINVOSGES verse l’acte de dénonciation à la société BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER de la saisie-attribution contestée. Cet acte a été établi le 4 janvier 2024 et conservé à l’étude en application de l’article 656 du code de procédure civile.

La demanderesse sera donc déboutée de sa demande de caducité de la saisie-attribution contestée.

Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution

Il résulte de l’article L.111-7 du code des procédures civiles d’exécution que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance mais que l’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.
L'article L211-1 du même code prévoit que « Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »

L’article L.121-2 du même code prévoit que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.

Il résulte de ces textes que pour trancher la demande de mainlevée de la mesure inutile ou abusive, il appartient au juge de l'exécution de se placer au jour où il statue (voir en ce sens l’arrêt Civ. 2, 20 octobre 2022, n° 20-22.801, publié au bulletin n°10 Partie I Procédures civiles d’exécution).

Il convient de relever que la société BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER ne formule aucun moyen au soutien de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution contestée, partant elle ne peut qu’être déboutée de cette prétention.

Sur la demande de délais de paiement

L’article 510 alinéa 3 du code de procédure civile dispose qu’après signification d'un commandement ou d'un acte de saisie, selon le cas, le juge de l'exécution a compétence pour accorder un délai de grâce.

L’article 1343-5 du code civil dispose que « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge. Toute stipulation contraire est réputée non écrite. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment. »

Enfin, il convient de rappeler l’effet attributif immédiat des sommes saisies dans le cadre d’un acte de saisie-attribution en application de l’article L.211-2 du code des procédures civiles d’exécution.

En l’espèce, la saisie-attribution pratiquée le 2 janvier 2024 pour un montant total 183.315,54 euros a été fructueuse en totalité.

Cette saisie-attribution constitue un élément nouveau et ouvre la compétence du juge de l’exécution de sorte que la demande de délais de paiement est recevable.

Cependant, l’effet attributif immédiat de la saisie-attribution entraîne l’attribution immédiate du montant total réclamé, la saisie étant intégralement fructueuse, au créancier saisissant de sorte qu’aucune créance ne demeure et que la demande de délais de paiement est, bien que recevable, sans objet. La société BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les dommages-intérêts pour résistance abusive

L’article 121-3 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.

La jurisprudence a délimité les contours de la notion d’abus en ce qu’il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l’appréciation de ses droits.

En l’espèce, il résulte des dévelopements qui précèdent que la société BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER a échoué dans toutes ses prétentions, qu’elle n’a pas respecté les délais octroyés par le jugement et l’arrêt fondant les poursuites, que la saisie-attribution a révélé qu’elle détenait sur ses comptes de l’ordre de trois fois le montant restant dû. L’ensemble de ces éléments caractérise une légèreté blâmable de la part de la BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER dans l’appréciation de ses droits.

Cependant la société LINVOSGES se contente d’affirmer que cette résistance abusive est « extrêmement préjudiciable au créancier » et réclame la somme de 15.000 euros. La société LINVOSGES échoue à démontrer et à justifier un préjudice correspondant à un tel montant, étant précisé que les intérêts de retard sont de trois fois le taux de l’intérêt légal et que la capitalisation des intérêts a été ordonnée.

La société LINVOSGES sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Sur les dispositions de fin de jugement

La BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER sera condamnée aux dépens.

Il convient d’allouer à la société LINVOSGES la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution,

Déclare recevables la contestation de la saisie-attribution et la demande de délais de paiement,

Déboute la société BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER de l’ensemble de ses demandes,

Déboute la société LINVOSGES de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Condamne la société BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER à verser à la société LINVOSGES la somme de 1.000 euros au titre de l‘article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société BLANCHISSERIE TEINTURERIE WARTNER aux dépens.

Fait à Paris, le 03 mai 2024

LE GREFFIERLE JUGE DE L’EXÉCUTION


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Jex cab 2
Numéro d'arrêt : 24/80117
Date de la décision : 03/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-03;24.80117 ?
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