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03/05/2024 | FRANCE | N°23/01284

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 2ème section, 03 mai 2024, 23/01284


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS



3ème chambre
2ème section


N° RG 23/01284
N° Portalis 352J-W-B7G-CYNVE

N° MINUTE :


Assignation du :
08 Décembre 2022

















JUGEMENT
rendu le 03 Mai 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. LES PETITS PIGMENTS
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Maître David WOLFF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G153


DÉFENDERESSE

Madame [H] [B]
exerçant à titre individuel sous la dénomination com

merciale LITTLE MEN, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de BEAUVAIS sous le numéro 838 958 049
[Adresse 1]
[Localité 2]

défaillant





Copies délivrées le :
- Maître WOLFF #G153 (exécutoire)

D...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section


N° RG 23/01284
N° Portalis 352J-W-B7G-CYNVE

N° MINUTE :

Assignation du :
08 Décembre 2022

JUGEMENT
rendu le 03 Mai 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. LES PETITS PIGMENTS
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Maître David WOLFF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G153

DÉFENDERESSE

Madame [H] [B]
exerçant à titre individuel sous la dénomination commerciale LITTLE MEN, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de BEAUVAIS sous le numéro 838 958 049
[Adresse 1]
[Localité 2]

défaillant

Copies délivrées le :
- Maître WOLFF #G153 (exécutoire)

Décision du 03 Mai 2024
3ème chambre 2ème section
N° RG 23/01284 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYNVE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Véra ZEDERMAN, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge

assisté de Madame Caroline REBOUL, Greffière lors des débats et de Monsieur Quentin CURABET, Greffier lors du prononcé.

DEBATS

A l’audience du 08 Mars 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 26 Avril 2024, puis prorogé au 03 Mai 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

1. La société ‘Les Petits pigments’ reproche à Mme [H] [B] d’avoir, dans le cadre d’une activité professionnelle sous le nom commercial ‘Little men’, reproduit et utilisé sans droit les contenus rédactionnels de son site internet www.lespetitspigments.fr$gt; sur le site www.little-men.fr$gt;, ce qu’elle qualifie de contrefaçon de droits d’auteur, subsidiairement de concurrence déloyale et parasitaire.

2. Elle a assigné Mme [B] le 8 décembre 2022, demandant le retrait des contenus contrefaits du site little-men.fr$gt; sous astreinte, la condamnation de Mme [B] à lui payer 20 000 euros de dommages et intérêts pour contrefaçon, subsidiairement pour concurrence déloyale, ainsi que 2 000 euros de préjudice moral et 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

3. Sur la contrefaçon de droits d’auteur, elle expose avoir donné au texte de son site internet une « personnalité » correspondant à son argumentaire commercial (produits fabriqués en France ou dans l’UE, réduction des déchets et suppression du plastique) grâce notamment au travail d’une rédactrice professionnelle dont elle communique l’attestation.

4. Subsidiairement, sur la concurrence déloyale, elle fait valoir que la défenderesse et elle sont en concurrence directe, de sorte que l’usage non seulement de ses textes mais aussi d’une police de caractères très proche crée selon elle un risque de confusion dans l’esprit du public. Elle ajoute que l’importance quantitative des textes repris caractérise une concurrence parasitaire, enfin que l’affirmation selon laquelle les produits sont fabriqués en France ou dans l’Union européenne (reprise de son site internet) est trompeuse de la part de la défenderesse, dont un des produits est fabriqué en Chine.

5. Elle allègue un préjudice tenant aux « centaines d’heures » de travail qu’elle a dû déployer pour lancer son activité. S’agissant de l’affirmation trompeuse, elle estime qu’en raison du risque de confusion cette affirmation lui porte, à elle, un préjudice d’image et de notoriété.

6. Quoique régulièrement assignée à sa personne, Mme [B] n’a pas constitué avocat.

7. L’instruction a été close le 11 septembre 2023.

MOTIVATION

I . Demandes principales

1 . Contrefaçon de droit d’auteur

8. Conformément à l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur l’œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.

9. En application de la directive 2001/29 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, qui harmonise la notion d’œuvre conditionnant la protection encadrée par ce texte, une oeuvre implique un objet original, c’est-à-dire une création intellectuelle propre à son auteur, qui en reflète la personnalité en manifestant ses choix libres et créatifs ; et cet objet doit être identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité, ce qui exclut une identification reposant essentiellement sur les sensations de la personne qui reçoit l’objet (CJUE, 12 septembre 2019, Cofemel, C-683/17, points 29 à 35).

10. Eu égard à ses objectifs, la protection associée au droit d’auteur, dont la durée est longue, est réservée aux objets méritant d’être qualifiés d’oeuvres (CJUE, Cofemel précité, point 50).

11. Par ailleurs, la propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils se sont exprimés (Cass. 1re Civ., 29 novembre 2005, n°04-12-721 ; 1re Civ., 16 janvier 2013, n°12-13.027).

12. La demanderesse invoque un travail original tenant à « un univers original dédié à la création » et « un travail de réécriture » par une rédactrice professionnelle, Mme [G] [J]. Elle communique un document (sa pièce 5) qu’elle appelle « attestation » et qu’elle affirme émaner de cette Mme [J]. Ce document, dactylographié, n’est accompagné d’aucun moyen de vérifier l’identité de son auteur. Dès lors, en lui-même il ne permet de rien prouver.

13. Le contenu dont la reproduction est critiquée est le suivant :
a- « L’enfance est une période extraordinaire où s’entrecroisent découverte du monde, apprentissages, conscience du moi, et pendant laquelle l’enfant multiplie les conquêtes. Elle est aussi un moment clé dans la construction de soi. »
b- « Parce que nous avons tous un rôle à jouer dans la préservation de notre planète, nous faisons de gros efforts (y compris auprès de nos fournisseurs), pour réduire au maximum les emballages et surtout l’utilisation du plastique. »
c- « Soucieux de valoriser notre artisanat et nos industries locales, nous avons fait le choix de sélectionner en priorité des produits fabriqués en France. Malgré tous nos efforts cela est parfois impossible et nous devons alors nous réorienter vers des produits fabriqués en Union européenne. »
d- « Laissez-nous un message ! Vous avez une question ou souhaitez nous faire une proposition, vous rencontrez un problème ou simplement pour nous encourager... Utilisez ce formulaire. »
e- « Notre actualité, nos coups de coeur et tout ce qu’on ne peut pas mettre dans nos Box. »

14. Ces phrases courtes articulent des idées attendues selon un vocabulaire usuel, dans des structures standard. Elles ne reflètent pas en elles-mêmes de choix créatifs reflétant la personnalité de leur auteur.

15. Plus généralement, la demanderesse n’expose pas ce qui constituerait l’originalité de son site internet dans son ensemble.

16. Le contenu de ce site en général et les phrases litigieuses en particulier ne sont donc pas protégés par le droit d’auteur.

2 . Concurrence déloyale

17. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l’article 1240 du code civil, consiste en des agissements s’écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre. L’appréciation de la faute doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits.

18. Constitue également une concurrence déloyale et est ainsi fautif au sens de l’article 1240 du code civil le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indument des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité (Cass. Com., 4 février 2014, n°13-11.044 ; Cass. Com., 26 janvier 1999, n° 96-22.457), et qu’il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l’industrie.

19. Constitue encore une concurrence déloyale la pratique commerciale trompeuse au sens de l’article L. 121-2 du code de la consommation qui confère à son auteur un avantage indû sur un concurrent.

20. La demanderesse démontre, par des captures d’écran réalisées par un huissier de justice (sa pièce 4) que les 5 extraits de texte litigieux se trouvent sur le site internet littlemen.fr. Elle démontre également, par des captures du site archive.org (réalisées par le même huissier) que le site internet lespetitspigments.fr contenait déjà, au mot près, les extraits b- et c- le 19 septembre 2021, les extraits a- et d- (à ceci près que dans le texte du site de la demanderesse, « vous avez une question » se trouve après « vous rencontrez un problème ») le 29 novembre 2021. En revanche le tribunal n’a pas été en mesure de retrouver l’extrait e- sur les captures d’écran du site de la demanderesse.

21. Pour imputer ces faits à Mme [B], la demanderesse communique seulement l’extrait Kbis de celle-ci, qui indique qu’elle exerce son activité dans le même domaine (« E-commerce, vente en ligne de box pour enfants, accessoires, prêt à porter, jouets ») sous le même nom commercial, à savoir « Little men ». La demanderesse ne communique aucun autre élément. En particulier, le constat d’huissier portant sur le site internet litigieux ne montre pas les pages « mentions légales » et elle n’allègue ni ne démontre s’être renseignée sur le titulaire du nom de domaine du site litigieux.

22. La demanderesse considère donc, implicitement mais nécessairement, que la coïncidence entre le nom du site litigieux et le nom de Mme [B], dans le même domaine d’activité, est une preuve suffisante pour imputer ce site à celle-ci.

23. Pourtant, la coexistence de plusieurs entreprises ayant le même nom est possible, au point même que la jurisprudence a dû élaborer le régime de la concurrence déloyale par risque de confusion. Une telle homonymie, en l’absence d’éléments qui la corroborent, est ainsi insuffisante pour retenir une présomption défavorable au défendeur qui n’a pas comparu pour confirmer l’allégation, étant rappelé que la preuve d’un fait incombe à celui qui l’allègue.

24. Par conséquent, l’ensemble des demandes, qui sont toutes dirigées contre Mme [B] à raison de l’activité de ce site internet dont l’imputabilité ne lui est pas démontrée, sont rejetées.

II . Dispositions finales

25. Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

26. La société Les Petits pigments perd le procès. Elle est donc tenue aux dépens et sa demande d’indemnité de procédure est rejetée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal :

Rejette l’ensemble des demandes.

Met les dépens à la charge de la société Les Petits pigments.

Fait et jugé à Paris le 03 Mai 2024

Le GreffierLa Présidente
Quentin CURABETIrène BENAC


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 3ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 23/01284
Date de la décision : 03/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-03;23.01284 ?
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