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03/05/2024 | FRANCE | N°21/09513

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 03 mai 2024, 21/09513


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 21/09513 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU27I

N° PARQUET : 21/538

N° MINUTE :


Assignation du :
15 Juin 2021


C.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 03 Mai 2024

DEMANDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 6]
[Localité 3]
Arnaud FENEYROU, Vice-Procureur


DEFENDERESSE

Madame [U] [O] [W]
domicili

ée : chez Mme [V] [P]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Me Raymond MAHOUKOU, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0420, Me Yossey Bobor YOMO, avocat au barreau de VAL D’OISE, avocat...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 21/09513 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU27I

N° PARQUET : 21/538

N° MINUTE :

Assignation du :
15 Juin 2021

C.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 03 Mai 2024

DEMANDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 6]
[Localité 3]
Arnaud FENEYROU, Vice-Procureur

DEFENDERESSE

Madame [U] [O] [W]
domiciliée : chez Mme [V] [P]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Me Raymond MAHOUKOU, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0420, Me Yossey Bobor YOMO, avocat au barreau de VAL D’OISE, avocat plaidant

Décision du 03/05/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 21/09513

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Manon Allain, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 08 Mars 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire,
En premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Manon Allain, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 14 juin 2021 par le procureur de la République à Mme [U] [O] [W],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 2 septembre 2022, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 21 octobre 2022,

Vu la décision du 21 octobre 2022, par mention au dossier, de révocation de l’ordonnance de clôture rendue le 2 septembre 2022 et de réouverture des débats,

Vu les dernières conclusions de Mme [U] [O] [W] notifiées par la voie électronique le 9 mai 2023,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 16 mai 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 2 février 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 8 mars 2024,

Décision du 03/05/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 21/09513

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 19 juillet 2021. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire, conformément à la demande du ministère public, que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action en annulation d'enregistrement de la déclaration de nationalité française

Le 7 juillet 2014, Mme [U] [O] [W], née le 18 décembre 1972 à [Localité 4] (Bénin), de nationalité béninoise, a souscrit une déclaration de nationalité française devant la préfecture des Hauts-de-Seine, sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, sous le numéro de dossier 2014DX013312, à raison de son mariage célébré le 11 juin 2005, à [Localité 5] (Seine-Saint-Denis), avec M. [Y] [X] [T], né le 30 décembre 1971 à [Localité 7] (Côte d'Ivoire), de nationalité française. Cette déclaration a été enregistrée le 30 mars 2015 sous le numéro 06286/15 (pièce n°1 du ministère public).

Le ministère public sollicite la recevabilité de son action et l'annulation de cet enregistrement en faisant valoir que la déclaration de nationalité française a été souscrite par fraude. Il fait valoir que Mme [U] [O] [W] a fraudé en produisant un acte de naissance apocryphe.

Mme [U] [O] [W] demande au tribunal de :
- dire et juger que le procureur est forclos dans son action,
- déclarer caduque et irrecevable l'assignation du ministère public,
- condamner le procureur à lui verser 2 000 euros au titre des dommages-intérêts, 2 000 euros pour procédure abusive, 2 000 euros au titre du préjudice moral, 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner le procureur aux dépens.

Sur la recevabilité

Mme [U] [O] [W] soulève l'irrecevabilité de l'action du ministère public sur le fondement de l'article 2224 du code civil.

Le ministère public sollicite du tribunal de déclarer son action recevable. Il expose que son action a été engagée dans les deux ans de la découverte de la fraude.

Aux termes de l’article 26-4 du code civil, dans ses deuxième et troisième alinéa, dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l’enregistrement d’une déclaration acquisitive de nationalité française peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites.

L’enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l’enregistrement de la déclaration prévue à l’article 21-2 par mariage constitue une présomption de fraude.

Selon l'article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Le tribunal rappelle qu'aux termes de l'article 789, 6° du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, entré en vigueur le 1er janvier 2020, « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.
Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état.
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état. »

En l'espèce, Mme [U] [O] [W] soulève une fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action du ministère public, dont l'examen relève toutefois du juge de la mise en état.

En conséquence, Mme [U] [O] [W] n'est plus recevable à soulever une fin de de non recevoir titrée de la prescription. L'action du ministère public sera donc jugée recevable.

Sur le fond

Aux termes de l’article 21-2 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, ici applicable, l'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de deux ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux et que le conjoint français ait conservé sa nationalité. Le conjoint étranger doit en outre justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française. Le délai de communauté de vie est porté à trois ans lorsque l'étranger, au moment de sa déclaration, ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue pendant au moins un an en France à compter du mariage. La déclaration est faite dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants. Par dérogation aux dispositions de l'article 26-1, elle est enregistrée par le ministre chargé des naturalisations.

Aux termes de l’article 26-4 du code civil, dans ses deuxième et troisième alinéa, dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l’enregistrement d’une déclaration acquisitive de nationalité française peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites.

L’enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte.

En l'espèce, l'action a été engagée par le ministère public par assignation délivrée le 14 juin 2021 alors que la déclaration de nationalité française a été enregistrée le 30 mars 2015.

L'action ayant ainsi été engagée par le ministère public plus de deux ans après l'enregistrement de la déclaration de nationalité française, celui-ci ne peut se prévaloir de la présomption de fraude.

Il appartient donc au ministère public de rapporter la preuve de la fraude qu'il invoque et, au regard des éléments qu'il relève, de l'absence d'un état civil fiable et certain de Mme [U] [O] [W] à la date de la souscription de la déclaration de nationalité française.

Le ministère public rappelle à juste titre que nul ne peut se voir reconnaître la nationalité française, sur quelque fondement que ce soit, s'il ne justifie d'un état civil fiable et certain répondant aux exigences de l'article 47 du code civil.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Le ministère public soutient que lors de la souscription de la déclaration de nationalité française, Mme [U] [O] [W] a produit un acte de naissance apocryphe.

Pour en justifier, il produit :
- la copie produite par Mme [U] [O] [W] lors de la souscription de nationalité française, délivrée le 8 août 1997, d'un extrait de son acte de naissance n°9422, qui indique qu’elle est née le 18 décembre 1972 et que l'acte a été dressé le 19 décembre 1972 par M. [R] [L], délégué du gouvernement sur les registres de l'état civil de [Localité 4] (pièce n°3 du ministère public),
- une copie, délivrée le 17 janvier 2019, d'un extrait de l'acte de naissance n°9422 qui indique qu'elle est née le 18 décembre 1968 et que l'acte a été dressé le 19 décembre 1968 par M. [R] [L], délégué du gouvernement sur les registres de l'état civil de [Localité 4] (pièce n°4 du ministère public),
- une demande de l'ambassade de France au Bénin adressée le 15 juillet 2020 au service de l'état civil de [Localité 4], que lui soit adressée une photocopie de la souche manuscrite du registre où figure l'acte de naissance n°9422, du 19 décembre 1968, dressé par [R] [L], délégué du gouvernement (pièce n°5 du ministère public),
- une photocopie de la souche manuscrite du registre de l'état civil de l'acte de naissance n°9422, qui indique que Mme [U] [O] [W] est née le 18 décembre 1968 et que l'acte a été dressé le 19 décembre 1968.

Ainsi, la photocopie de souche de l'acte de naissance n°9422 de Mme [U] [O] [W] constitue la preuve que Mme [U] [O] [W] est née le 18 décembre 1968, et non le 18 décembre 1972 comme il résulte de la copie délivrée le 8 août 1997 de son acte de naissance qu'elle a produite lors de la souscription de sa déclaration de nationalité française, dont la date de naissance ne correspond pas à la réalité d'un élément essentiel de l'acte, ce qui constitue un mensonge de la part de Mme [U] [O] [W].

Mme [U] [O] [W] prétend que l'acte de naissance figurant dans les registres de l'année 1968 est un faux que son ex-mari a mis en place et qui a été annulé.
Or le tribunal relève que les vérifications effectuées confirment l'existence de l'acte de naissance n°9422 et la véracité de ses mentions. De plus, elle échoue à rapporter la preuve contraire, les actes d'état civil qu'elle produit étant en photocopie, par conséquent dénués de toute garantie d’authenticité et d’intégrité, et partant de force probante.

L’enregistrement de la déclaration de nationalité française, souscrite par mensonge, sera donc annulé et il sera jugé que Mme [U] [O] [W], qui ne revendique la nationalité française à aucun autre titre, n’est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, la mention de la présente décision sera ordonnée en application de cet article.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Mme [U] [O] [W], qui succombe, sera condamnée aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Mme [U] [O] [W] ayant été condamnée aux dépens, sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ne peut qu'être rejetée.

Sur les autre demandes indemnitaires

Mme [U] [O] [W], qui succombe, est déboutée de ses demandes.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Dit Mme [U] [O] [W] irrecevable à soulever la fin de non-recevoir tirée de la prescription;

Juge recevable l'action du ministère public ;

Annule l’enregistrement intervenu le 30 mars 2015, de la déclaration de nationalité française souscrite le 7 juillet 2014, sous le numéro 2014DX013312, sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, par Mme [U] [O] [W], se disant née le 18 décembre 1972 à [Localité 4] (Bénin), devant le préfet des Hauts-de-Seine, et enregistré sous le numéro 06286/15 ;

Juge que Mme [U] [O] [W], née le 18 décembre 1968 à [Localité 4] (Bénin), n’est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Rejette toutes demandes plus amples ;

Condamne Mme [U] [O] [W] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 03 Mai 2024

La GreffièreLa Présidente
M. ALLAIN A. FLORESCU-PATOZ


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 21/09513
Date de la décision : 03/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-03;21.09513 ?
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