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02/05/2024 | FRANCE | N°23/03571

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 02 mai 2024, 23/03571


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 23/03571 -
N° Portalis 352J-W-B7H-CZLIO

N° PARQUET : 23/3571

N° MINUTE :

Requête du :
28 Février 2023

CB



[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :






JUGEMENT
rendu le 02 Mai 2024
DEMANDERESSE

Madame [R] [X] [J]
[Adresse 1]
[Localité 3] BURKINA-FASO

représentée par Me Pierre BELEBENIE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D1987 et Me Elisabeth LOCOH,

avocat au barreau du Val d’Oise, avocat plaidant.



DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
Parvis du Tribunal de Paris
75859 PARIS CEDEX 17

Madame Virginie P...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 23/03571 -
N° Portalis 352J-W-B7H-CZLIO

N° PARQUET : 23/3571

N° MINUTE :

Requête du :
28 Février 2023

CB

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 02 Mai 2024
DEMANDERESSE

Madame [R] [X] [J]
[Adresse 1]
[Localité 3] BURKINA-FASO

représentée par Me Pierre BELEBENIE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D1987 et Me Elisabeth LOCOH, avocat au barreau du Val d’Oise, avocat plaidant.

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
Parvis du Tribunal de Paris
75859 PARIS CEDEX 17

Madame Virginie PRIE, Substitute

Décision du 02/05/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 23/03571

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

Assistées de Madame Manon Allain, Greffière

DEBATS

A l’audience du 07 Mars 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile par Madame Clothilde Ballot-Desproges, Magistrate rapporteure, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.

JUGEMENT

Contradictoire,
en premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Madame Manon Allain, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455, 757, 768 et 1045-2 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions de Mme [R] [X] [J] constituées par la requête reçue au greffe du tribunal judiciaire de Paris le 28 février 2023 et le bordereau de communication de pièces notifié par la voie électronique le 24 mars 2023, le 17 avril 2023 et le 25 janvier 2024,

Vu l'avis du ministère public notifié par la voie électronique le 29 août 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 26 janvier 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 7 mars 2024,

Décision du 02/05/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 23/03571

MOTIFS

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1040 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de la requête est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 12 avril 2023. La condition de l’article 1040 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action en contestation de la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française

Mme [R] [X] [J], se disant née le 31 mai 1994 à [Localité 3] (Burkina Faso), revendique la nationalité française par filiation paternelle, sur le fondement de l'article 18 du code civil. Elle fait valoir que son père, M. [P] [J], né le 25 octobre 1957 à [Localité 2] (Burkina Faso), est français sur le fondement de l'article 17-2 du code de la nationalité française pour être issu d'un père français en sa qualité de métis reconnue par arrêt de la Cour d'appel d'Abidjan du 12 novembre 1954.

Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 22 octobre 2021 par le directeur des services de greffe judiciaires du pôle de la nationalité française du tribunal judiciaire de Paris au motif qu'elle était irrecevable à faire la preuve qu'elle avait par filiation la nationalité française en application de l'article 30-3 du code civil (pièce n°1 de la demanderesse).

Le ministère public émet un avis défavorable à la délivrance d'un certificat de nationalité française à Mme [R] [X] [J].

Sur les demandes de Mme [R] [X] [J]

Mme [R] [X] [J] sollicite du tribunal de « constater [qu'elle] justifie de la qualité de française ».

Cette demande constitue un moyen et non une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile. Elle ne donnera pas lieu à mention au dispositif.

Mme [R] [X] [J] sollicite également du tribunal d'ordonner les mentions prévues par l'article 28 du code civil.

Il n’appartient pas au tribunal judiciaire saisi d’un recours fondé sur les articles 31-3 du code civil et 1045-2 du code de procédure civile d’ordonner l’apposition de la mention prévue à l’article 28 du code civil.

Conformément à l’article 28 du code civil, c'est le certificat de nationalité française délivré à la suite d'un recours juridictionnel qui fera lui-même l’objet d'une mention en marge de l'acte de naissance de la personne concernée, à la condition toutefois qu'il s’agisse d'une première délivrance. L’apposition de la mention sera demandée par le service de la nationalité du tribunal judiciaire ou de la chambre de proximité, une fois le certificat de nationalité délivré. En cas de rejet du recours, aucune mention ne sera apposée en marge de l’acte de naissance de l’intéressée.

Dès lors, sa demande est irrecevable.

Sur le fond

Aux termes de l’article 30-3 du code civil, lorsqu’un individu réside ou a résidé habituellement à l’étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d’un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n’ont pas eu la possession d’état de Français.

Ce texte instaure une perte du droit à apporter la preuve devant les tribunaux de sa nationalité française, sanctionnant le non usage de celle-ci aux personnes qui résident habituellement à l’étranger et dont les ascendants n’ont pas plus été sur le sol français depuis un certain temps.

Pour l'application de l’article 30-3 précité, il convient de déterminer :
- que le requérant revendique la nationalité française par filiation,
- que le requérant réside ou a résidé habituellement a l'étranger et qu’il n’a pas eu de possession d’état de français, c’est à dire qu’il n’a pas été en possession de passeport ou carte nationale d’identité française, inscrit au Consulat ou sur les listes électorales notamment,
- que le ou les ascendants dont il tient par filiation la nationalité, sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle a l’étranger et que son parent direct, duquel il revendique la nationalité française, n’a pas davantage de possession d’état de français.

Le délai cinquantenaire s’apprécie en la personne de l’ascendant du requérant. Le point de départ de la résidence a l’étranger de l’ascendant est :
- pour les ascendants nés avant l’accession à l’indépendance du pays où ils résident, constitué par la date de cette accession à l’indépendance puisque c’est bien depuis cette date qu’elles sont fixées a l’étranger,
- pour ceux nés postérieurement à cette accession à l’indépendance, la date depuis laquelle ces ascendants ayant été susceptibles de transmettre la nationalité française, sont fixés à l’étranger c’est à dire depuis l’accession à l’indépendance également, le texte de l’article 30-3 incluant tous les ascendants et non pas seulement la première génération de ceux-ci.

La fixation à l'étranger s'entend d'une absence de résidence en France.

L’article 30-3 du code civil interdit ainsi, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude.

Le Burkina Faso ayant accédé a l’indépendance le 5 août 1960, les personnes et leurs ascendants dont ils tiendraient la nationalité française, qui y ont résidé depuis plus de 50 années à compter de cette date, résident à l’étranger depuis plus de 50 ans, ne sont plus admis à faire la preuve qu’ils ont la nationalité française à compter du 5 août 2010, s’ils n’ont pas eu de possession d’état de français.

En l’espèce, Mme [R] [X] [J] revendique la nationalité française par filiation paternelle.

La saisine datant du 28 février 2023, pour un délai de 50 ans acquis le 5 août 2010, seule la démonstration d’une résidence habituelle en France de Mme [R] [X] [J] ou d’un de ses ascendants paternels, ou la démonstration d’une possession d’état de français d'elle-même ou de son père avant le 5 août 2010, permet d’écarter la désuétude.

Le ministère public fait valoir que Mme [R] [X] [J] et son ascendant résident à l'étranger et qu'il ne justifie pas d'une possession d'état de français pour elle-même ou pour son père.

Mme [R] [X] [J] fait valoir que son grand-père dispose d'éléments de possession d’état de français durant le délai.

Il ressort de la rédaction même de l'article 30-3 du code civil, que le législateur a distingué entre la condition de résidence habituelle à l'étranger, pour laquelle sont concernés « les ascendants dont il tient la nationalité », de la condition propre à la possession d'état pour laquelle sont visés les seuls « père et mère ».

Dès lors, ce moyen est rejeté.

Mme [R] [X] [J] fait également valoir que l'acte de naissance de son père a été transcrit sur les registres du service central d'état civil en 1958, que son père n'a obtenu un certificat de nationalité française qu'en 2018 du fait d'un refus injustifié en 2008, qu'il dispose depuis 2018 d'éléments de possession d'état de français et que le conseiller des français établis hors de France atteste que la famille maternelle de Mme [R] [X] [J] « est une grande famille française bien connue au Burkina Faso, et ce, depuis plus de 60 ans » (pièces n°5, 6, 7, 12, 13, 14, 17 et 19 de la demanderesse).

Le ministère public fait valoir à juste titre que ni le refus de délivrance opposé au père de la demanderesse en 2008 et les démarches qui s'en sont suivies, ni l'attestation du conseiller des français établis hors de France, ne caractérisent un élément de possession d'état de français en ce qu'ils ne démontrent pas que l'Etat français l'a toujours tenu pour français, étant en outre relevé que le père de la demanderesse n'est inscrit sur le registres des français établis hors de France que depuis 2018.

En outre, les éléments de possession d'état du père de la demanderesse sont soit antérieurs à l’indépendance du Burkina Faso, soit postérieurs à l’expiration du délai.

Il apparaît ainsi que Mme [R] [X] [J] a agi après le 5 août 2010 alors que ni elle, ni son père n'ont d’élément de possession d’état de la nationalité française avant cette date, et aucun d'elle ou de ses ascendants paternels n’ont eu une résidence habituelle sur le territoire français au cours du délai cinquantenaire fixé par l'article 30-3 du code civil.

Elle n'est donc pas admise à faire la preuve qu’elle a, par filiation, la nationalité française.

En conséquence, il y a lieu de débouter Mme [R] [X] [J] de sa demande de délivrance d'un certificat de nationalite française.

Sur les demandes accessoires

Sur l’exécution provisoire

Au regard du sens de la présente décision, l'exécution provisoire, au demeurant exclue en matière de nationalité par les dispositions de l'article 1045 du code de procédure civile, ne sera pas ordonnée.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [R] [X] [J], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1040 du code de procédure civile ;

Déclare irrecevable la demande de Mme [R] [X] [J] d'ordonner les mentions prévues par l'article 28 du code civil ;

Déboute Mme [R] [X] [J], née le 31 mai 1994 à [Localité 3] (Burkina Faso), de sa demande de délivrance d'un certificat de nationalité française ;

Condamne Mme [R] [X] [J] aux dépens ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 02 Mai 2024

La GreffièreLa Présidente
Manon AllainAntoanela Florescu-Patoz


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 23/03571
Date de la décision : 02/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-02;23.03571 ?
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