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02/05/2024 | FRANCE | N°21/03216

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/1 nationalité a, 02 mai 2024, 21/03216


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/1 nationalité A

N° RG 21/03216 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CT475

N° PARQUET : 21/36

N° MINUTE :

Assignation du :
12 Janvier 2021

VB



[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 02 Mai 2024








DEMANDERESSE

Madame [F] [D] [L]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3] (GHANA)

représentée par Me Alain TAMEGNON HAZOUME, avocat au barreau de PARIS, av

ocat plaidant, vestiaire #D0060


DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
Parvis du Tribunal de Paris
75859 PARIS CEDEX 17

Madame Sophie BOURLA-OHNONA, Vice-Procureure
Décision du 02/05/2024...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/1 nationalité A

N° RG 21/03216 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CT475

N° PARQUET : 21/36

N° MINUTE :

Assignation du :
12 Janvier 2021

VB

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 02 Mai 2024

DEMANDERESSE

Madame [F] [D] [L]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3] (GHANA)

représentée par Me Alain TAMEGNON HAZOUME, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0060

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
Parvis du Tribunal de Paris
75859 PARIS CEDEX 17

Madame Sophie BOURLA-OHNONA, Vice-Procureure
Décision du 02/05/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 21/03216

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière

DEBATS

A l’audience du 07 Mars 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire,
en premier ressort,

Prononcé en audience publique, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 12 janvier 2021 par Mme [F] [D] [L] au procureur de la République,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 15 septembre 2022,

Vu la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 6 octobre 2022, par mention au dossier,

Vu les dernières conclusions de Mme [F] [D] [L] notifiées par la voie électronique le 7 avril 2023,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 19 avril 2023,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 1er février 2024 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 15 février 2024,

Vu le renvoi de l’affaire à l'audience de plaidoiries du 7 mars 2024,

Décision du 02/05/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 21/03216

MOTIFS

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 26 avril 2021. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Mme [F] [D] [L], se disant née le 25 décembre 1990 à [Localité 2] (Bénin), revendique la nationalité française par filiation maternelle. Elle expose que sa mère, Mme [J] [H] [U] dit [Z], née le 22 octobre 1951 à [Localité 6] (Dahomey), est elle-même française par filiation paternelle, pour être issue de [N] [U] dit [Z], né le 21 décembre 1924 à [Localité 1] (Dahomey), français par arrêt rendu le 15 mars 1946 par la cour d'appel de l'Afrique occidentale française sur le fondement du décret du 5 septembre 1930, comme né d'un père demeuré légalement inconnu mais présumé d'origine française, de souche européenne.

Le ministère public sollicite du tribunal de débouter Mme [F] [D] [L] de sa demande.

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code, sans possibilité, pour lui, d'invoquer les certificats délivrés à des membres de sa famille, fussent-ils ses ascendants, dans la mesure où la présomption de nationalité française qui est attachée à ces certificats ne bénéficie qu'à leurs titulaires, et ce même s'ils n'ont fait l'objet d'aucune contestation.

Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par la demanderesse, l'action relève des dispositions de l’article 18 du code civil aux termes duquel est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.

Il doit être également rappelé que les effets sur la nationalité de l’accession à l’indépendance des anciens territoires d’outre-mer d’Afrique (hors Algérie, Comores et Djibouti) sont régis par la loi n°60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil (soit ses articles 32 à 32-5), qui s’est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, qui s’est lui-même substitué aux articles 13 et 152 à 156 du même code dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 octobre 1945 et modifiée par la loi du 28 juillet 1960.

Il résulte de l’application combinée de ces textes que seuls ont conservé la nationalité française :
- les originaires du territoire de la République française (et leur conjoint, veuf ou descendant) tel que constitué le 28 juillet 1960, et qui étaient domiciliés au jour de son accession à l'indépendance sur le territoire d'un Etat qui avait eu antérieurement le statut de territoire d'outre-mer de la République française, c'est-à-dire en ce notamment inclus La Réunion, auxquels étaient assimilés les “métis” (et leurs descendants) nés de parents dont l’un, demeuré légalement inconnu, était présumé de souche européenne et d’origine française, reconnus comme tels citoyens français par jugements rendus sur le fondement du décret du 5 septembre 1930 pour l’Afrique Occidentale Française,
- les personnes qui ont souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française,
- celles qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l’un des nouveaux Etats anciennement sous souveraineté française,
- enfin, celles, originaires de ces territoires, qui avaient établi leur domicile hors de l’un des Etats de la Communauté lorsqu’ils sont devenus indépendants,
- les enfants mineurs de 18 ans suivant la condition parentale selon les modalités prévues à l’article 153 du code de la nationalité française de 1945 dans sa version issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945 telle que modifiée par la loi du 28 juillet 1960.

Le domicile au sens du droit de la nationalité s’entend d’une résidence effective présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations ; il ne se réduit pas au lieu de travail.

Il appartient ainsi à Mme [F] [D] [L], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, la nationalité française du parent duquel elle la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Décision du 02/05/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 21/03216

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et le Bénin, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 43 de l'accord de coopération en matière de justice signé le 27 février 1975 et publié les 9 et 10 janvier 1978 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et certifiés conformes à l'original par ladite autorité.

Par ailleurs, nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil et de celui des ascendants qu’il revendique, par la production de copies intégrales des actes d’état civil en original, étant précisé que le premier bulletin de la procédure rappelle la nécessité de produire de tels actes.

En l'espèce, pour justifier de son état civil, Mme [F] [D] [L] produit une copie, délivrée le 5 décembre 2019, de son acte de naissance n°89 mentionnant qu'elle est née le 25 décembre 1990 à [Localité 2] (Bénin), de [Localité 3] [L], né le 2 septembre 1964 à [Localité 4] (Togo), dessinateur en bâtiment, et de [J] [H] [U] dit [Z], née le 22 octobre 1951 à [Localité 6], l'acte ayant été dressé le 26 décembre 1990 par [P] [B], maire, suivant déclaration du père et rectifié suivant jugement n°0120/EC-2/SAVA/2019 du 9 juillet 2019 par le tribunal de première instance de 2e classe de Savalou (pièce n°4 de la demanderesse).

Elle produit également la copie conforme à la minute, délivrée le 15 juillet 2019, du jugement n°120/EC-2/SAVA/2019 rendu le 9 juillet 2019 par le tribunal de première instance de 2e classe de Savalou, rectifiant son acte de naissance (pièce n°12-1 de la demanderesse).

Le tribunal relève d'emblée que ce jugement est produit en simple photocopie. Or, une photocopie étant exempte de garantie d’authenticité et d'intégrité, le jugement rectificatif de l'acte de naissance de Mme [F] [D] [L] ne peut revêtir une quelconque force probante.

Il est donc rappelé qu'un acte de naissance dressé ou rectifié en exécution d'une décision de justice est indissociable de celle-ci. En effet, l'efficacité de ladite décision de justice, même si elle existe de plein droit, reste toujours subordonnée à sa propre régularité internationale. La valeur probante de l'acte de naissance de la demanderesse est ainsi subordonnée à la régularité internationale du jugement en exécution duquel il a été dressé.

En l'espèce, la demanderesse ne produit pas une copie probante du jugement mentionné sur son acte de naissance, privant le tribunal de la possibilité d'examiner la régularité internationale de cette décision au regard de l'ordre juridique français et d'apprécier si son acte de naissance a bien été dressé en respectant le dispositif de ces jugements.

Il en résulte que l'acte de naissance de la demanderesse ne peut faire foi au sens de l'article 47 du code civil.

De surcroît, en tout état de cause, comme relevé à juste titre par le ministère public, l'acte de naissance de la demanderesse ne mentionne pas la profession de la mère de celle-ci alors que le jugement rectificatif précité a ordonné à l'officier d'état civil d'ajouter cette mention sur l'acte.

La demanderesse soutient que l'absence de la mention de la profession de la mère ne rend pas son acte de naissance inopposable alors que de manière traditionnelle, les actes de naissance établis au Bénin ne comportent pas cette information ; que l'omission d'une telle mention n'entache aucunement la régularité et l'efficacité de l'acte, d'autant qu'aucune disposition de droit local ne l'impose et que cette mention n'est pas substantielle.

Toutefois, nonobstant le caractère substantiel ou non de la mention de la profession de la mère selon la législation en vigueur au Bénin, force est de constater que les mentions contenues dans l'acte de naissance de la demanderesse ne sont pas identiques à celle contenues dans le dispositif du jugement l'ayant rectifié. La demanderesse n'a pas formulé d'observations sur cette discordance entre son acte de naissance et le jugement rectificatif, pourtant indissociables, comme cela été précédemment rappelé.

Or, cette discordance ôte toute force probante à l'acte de naissance de la demanderesse.

Mme [F] [D] [L] ne justifie donc pas d'un état civil fiable et certain, de sorte qu'elle ne peut revendiquer la la nationalité française à aucun titre.

En conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés par le ministère public, Mme [F] [D] [L] sera déboutée de sa demande tendant à se voir reconnaître la nationalité française par filiation maternelle. En outre, dès lors qu'elle ne peut revendiquer la nationalité française à aucun titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'elle n'est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [F] [D] [L], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

Par voie de conséquence, la demande de recouvrement des dépens au profit de Maître [X] [S] sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [F] [D] [L] de sa demande tendant à voir dire et juger qu'elle est de nationalité française ;

Juge que Mme [F] [D] [L], se disant née le 25 décembre 1990 à [Localité 2] (Bénin), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Condamne Mme [F] [D] [L] aux dépens ;

Rejette toute autre demande.

Fait et jugé à Paris le 02 Mai 2024

La GreffièreLa Présidente
Christine KermorvantMaryam Mehrabi


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/1 nationalité a
Numéro d'arrêt : 21/03216
Date de la décision : 02/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-02;21.03216 ?
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