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02/05/2024 | FRANCE | N°20/09098

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/1 nationalité a, 02 mai 2024, 20/09098


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/1 nationalité A

N° RG 20/09098
N° Portalis 352J-W-B7E-CSZ35

N° PARQUET : 20/815

N° MINUTE :

Assignation du :
16 Septembre 2020

C.B.


[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 02 Mai 2024








DEMANDEUR

Monsieur [W] [B]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1] (AUSTRALIE)

représenté par Me Sandrine TANON LOPES, avocat au barreau de PARIS, avocat

plaidant, vestiaire #C2160


DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
Parvis du Tribunal de Paris
75859 PARIS CEDEX 17

Madame Sophie BOURLA-OHNONA, Vice-Procureure

Décision du 2 mai 2024
...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/1 nationalité A

N° RG 20/09098
N° Portalis 352J-W-B7E-CSZ35

N° PARQUET : 20/815

N° MINUTE :

Assignation du :
16 Septembre 2020

C.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 02 Mai 2024

DEMANDEUR

Monsieur [W] [B]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1] (AUSTRALIE)

représenté par Me Sandrine TANON LOPES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2160

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
Parvis du Tribunal de Paris
75859 PARIS CEDEX 17

Madame Sophie BOURLA-OHNONA, Vice-Procureure

Décision du 2 mai 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 20/09098

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière

DEBATS

A l’audience du 07 Mars 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 16 septembre 2020 par M. [W] [B] au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 24 mai 2023,

Vu les dernières conclusions de M. [W] [B] notifiées par la voie électronique le 15 août 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 15 février 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 7 mars 2024,

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

Décision du 2 mai 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 20/09098

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 19 mars 2021. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Le 29 août 2019, M. [W] [B], se disant né le 17 décembre 1966 à Boston, Etat du Massachusetts (Etats-Unis), de nationalités américaine et australienne, a souscrit une déclaration de nationalité française devant le consulat général de France à Sydney (Australie), sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, à raison de son mariage célébré le 12 mai 2015 à [Localité 3] (Gers) avec Mme [L] [Y], née le 3 juillet 1976 à [Localité 2] (Hauts-de-Seine), de nationalité française. Récépissé lui en a été remis le 26 septembre 2019 (pièce n°1 du ministère public et pièce n°2 du demandeur).

Par décision du 8 janvier 2020, notifiée le 28 février 2020, le ministère de l'intérieur a refusé l’enregistrement de cette déclaration aux motifs, d'une part, que sa conjointe n'ayant pas été inscrite sur les registres des français établis hors de France pendant toute la durée de leur communauté de vie à l'étranger, il ne pouvait souscrire à une déclaration de nationalité française moins de cinq ans après son mariage, et d'autre part, qu'il n'avait pas produit son acte de mariage en original et l'original de la traduction concernant son union avec Mme [P] [E], ainsi que l'original du jugement de divorce et l’orignal de sa traduction concernant cette union (pièce n° 3 du demandeur et pièce n°2 du ministère public).

M. [W] [B] conteste ce refus d'enregistrement dans le cadre de la présente instance.

Sur la recevabilité de l'action de M. [W] [B]

Le ministère public sollicite du tribunal, à titre principal, de déclarer M. [W] [B] irrecevable en ses demandes. Il fait valoir que lors de la délivrance de l'assignation, le délai prévu par les dispositions de l'article 26-3 alinéa 2 du code civil était expiré.

M. [W] [B] sollicite d'être déclaré recevable en ses demandes. Il n'a toutefois pas cru devoir répondre au moyen soulevé par le ministère public.

Le tribunal rappelle donc que l’article 26-3 alinéas 1 et 2 du code civil dispose que la décision du ministre ou du directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire qui refuse d’enregistrer les déclarations qui ne satisfont pas aux conditions légales, est motivée et notifiée au déclarant qui peut la contester devant le tribunal judiciaire durant un délai de six mois.

Selon l'article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Or, aux termes de l'article 789, 6° du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, entré en vigueur le 1er janvier 2020, « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.
Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état.
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.»

Il s'ensuit qu'il appartenait au ministère public de soulever la fin de non-recevoir invoquée devant le juge de la mise en état. Il n’entre pas dans les compétences de la présente formation de jugement de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministère public.

Dès lors, le ministère public sera déclaré irrecevable à soulever la fin de non-recevoir précitée, et l'action de M. [W] [B] sera jugée recevable.

Sur les demandes de M. [W] [B]

M. [W] [B] sollicite du tribunal de « constater que [sa] déclaration au titre de l’article 21-2 du code civil en vue d’acquérir la nationalité française est recevable », de « constater qu' [il] remplit les conditions pour souscrire une déclaration de nationalité française au titre du mariage en vertu du premier alinéa de l’article 21-2 du code civil », de « constater que le ministère public a acquiescé aux moyens développés par [lui] à l’appui de son action en contestation du refus d’enregistrement de sa déclaration de nationalité française » et de «rejeter les conclusions du ministère public comme mal fondées ».

Ces demandes constituent des moyens et non des prétentions au sens de l'article 4 du code procédure civiles. Elles ne donneront donc pas lieu à mentions au dispositif.
Décision du 2 mai 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 20/09098

M. [W] [B] sollicite également du tribunal d'« annuler la décision de refus d'enregistrement de [sa] déclaration de nationalité française en date du 8 janvier 2020 ».

Il est rappelé que le tribunal judiciaire n'a pas le pouvoir d'annuler la décision du ministère de l’intérieur de refus d'enregistrement d'une déclaration de nationalité française, mais peut seulement, si les conditions en sont remplies, en ordonner l’enregistrement, demande par ailleurs formée par M. [W] [B].

Cette demande sera donc jugée irrecevable.

Sur le fond

Aux termes de l’article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006 modifiée par la loi n°2011-672 du 16 juin 2011, ici applicable, l’étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu’à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.
Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l’étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n’est pas en mesure d’apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l’étranger au registre des Français établis hors de France.
En outre, le mariage célébré à l’étranger doit avoir fait l’objet d’une transcription préalable sur les registres de l’état civil français. Le conjoint étranger doit également justifier d’une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

En vertu de l’article 26-3 alinéas 3 et 4 du code civil, la décision de refus d’enregistrement de la déclaration de nationalité française fondée sur l’article 21-2 du même code doit intervenir un an au plus après la date à laquelle a été délivré au déclarant le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à la preuve de recevabilité de la déclaration. L'article 26-4 du code civil poursuit qu'à défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement.

En l'espèce, le récépissé de la déclaration a été remis à M. [W] [B] le 26 septembre 2019. La décision de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité française, en date du 8 janvier 2020, lui a été notifiée le 28 février 2020, soit moins d'un an après la remise du récépissé (pièces n°2 et 3 du demandeur et pièce n°2 du ministère public).

Dès lors, il appartient à M. [W] [B] de rapporter la preuve, d'une part, d'un état civil fiable et certain, et, d'autre part, de ce que les conditions de la déclaration de nationalité française posées par l'article 21-2 du code civil sont remplies.

Il est en effet rappelé que nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil.

En l'espèce, le mariage de M. [W] [B] et Mme [L] [X] [Y] a été célébré 12 mai 2015 à [Localité 3] (Gers) (pièce n°1 du demandeur).

Le ministère public fait valoir que la déclaration de nationalité française de nationalité française a été souscrite moins de cinq ans après le mariage alors que M. [W] [B] ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, ni que son épouse française a été inscrite pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger au registre des Français établis hors de France, de sorte que la déclaration de nationalité française ne pouvait être utilement souscrite par le demandeur qu’après un délai de cinq ans à compter du mariage.

En réponse, M. [W] [B] renvoie à son argumentaire contenu dans son assignation.

Or, aux termes de l'alinéa 3 de l'article 768 du code de procédure civile, les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

Partant, il doit être considéré que M. [W] [B] n'apporte pas de réponse au moyen soulevé par le ministère public.

Par ailleurs, il ne produit aucune pièce permettant d'établir qu'il aurait résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage.

Il ne justifie pas davantage que son épouse ait été inscrite pendant toute la durée de leur communauté de vie à l'étranger au registre des Français établis hors de France. A cet égard, il produit l'extrait du registre des français établis hors de France concernant Mme [L] [Y], indiquant qu'elle y a été inscrite du 5 décembre 2012 au 31 janvier 2018, puis du 5 octobre 2018 au 3 octobre 2023 (pièce n°4 du demandeur). Ainsi, l'épouse du demandeur n'y a pas été inscrite du 1er février 2018 au 4 octobre 2018, radiation confirmée par un mail du 3 octobre 2018 qui lui a été adressé par le consulat général de France à Sydney (pièce n°5 du demandeur).

Dès lors, le délai de communauté de vie exigé au titre de l'article 21-2 du code civil précité est en l'espèce de cinq années. Or, la déclaration de nationalité française souscrite le 29 août 2019 a fait suite à moins de cinq ans de mariage.
Décision du 2 mai 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 20/09098

Les conditions légales posées par l'article 21-2 du code civil ne sont donc pas réunies.

En conséquence, M. [W] [B] sera débouté de de sa demande tendant à voir juger qu'il est de nationalité française sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, ainsi que de ses demandes subséquentes. Par ailleurs, dès lors qu'il ne revendique la nationalité française à aucun autre titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'il n'est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, la mention de la présente décision sera ordonnée en application de cet article.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [W] [B], qui succombe, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement en premier ressort et contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Juge le ministère public irrecevable en sa demande relative à la fin de non-recevoir ;

Juge l'action de M. [W] [I] [B] recevable ;

Dit irrecevable la demande de M. [W] [I] [B] tendant à voir annuler la décision de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité française en date du 8 janvier 2020 ;

Déboute M. [W] [I] [B] de la demande d’enregistrement de sa déclaration de nationalité française souscrite le 29 août 2019, devant le consulat de France à Syndney (Australie), sous la référence n° 16/2019, et de ses demandes subséquentes ;

Juge que M. [W] [I] [B], né le 17 décembre 1966 à Boston, Etat du Massachusetts (Etats-Unis), n’est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue à l’article 28 du code civil en marge des actes concernés ;

Condamne M. [W] [I] [B] aux dépens ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

Fait et jugé à Paris le 02 Mai 2024

La GreffièreLa Présidente
Christine KermorvantMaryam Mehrabi


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/1 nationalité a
Numéro d'arrêt : 20/09098
Date de la décision : 02/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-02;20.09098 ?
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