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30/04/2024 | FRANCE | N°22/07889

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jtj proxi fond, 30 avril 2024, 22/07889


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître DELPORTE


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître DESCOINS

Pôle civil de proximité


PCP JTJ proxi fond

N° RG 22/07889 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYSP7

N° MINUTE :
1 JTJ






JUGEMENT
rendu le mardi 30 avril 2024

DEMANDERESSE
Madame [S] [U],
demeurant [Adresse 1] - [Localité 2]

représentée par Maître DESCOINS, avocat au barreau de Paris, vestiaire #R99


DÉFENDERESSEr>S.C.I. PASSY,
dont le siège social est sis [Adresse 3] - [Localité 2]

représentée par Maître DELPORTE, avocat au barreau de Paris, vestiaire #D0010


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Anne BR...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître DELPORTE

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître DESCOINS

Pôle civil de proximité

PCP JTJ proxi fond

N° RG 22/07889 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYSP7

N° MINUTE :
1 JTJ

JUGEMENT
rendu le mardi 30 avril 2024

DEMANDERESSE
Madame [S] [U],
demeurant [Adresse 1] - [Localité 2]

représentée par Maître DESCOINS, avocat au barreau de Paris, vestiaire #R99

DÉFENDERESSE
S.C.I. PASSY,
dont le siège social est sis [Adresse 3] - [Localité 2]

représentée par Maître DELPORTE, avocat au barreau de Paris, vestiaire #D0010

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Anne BRON, Vice-présidente, statuant en juge unique
assistée de Laura JOBERT, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 30 janvier 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 30 avril 2024 par Anne BRON, Vice-présidente assistée de Laura JOBERT, Greffier

Décision du 30 avril 2024
PCP JTJ proxi fond - N° RG 22/07889 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYSP7

EXPOSE DU LITIGE

La SCI PASSY et Madame [S] [U] sont respectivement propriétaires d’appartements situés aux 3ème et 4ème étages d’un immeuble situé [Adresse 1] [Localité 2].

Des désordres de fissures sont apparus dans le logement de Madame [S] [U] et le syndicat des copropriétaires a accepté de prendre en charge la moitié des travaux réparatoires, imputés en partie à un affaissement partiel évolutif de l’immeuble, évalués suivant un devis du 10 mars 2022 à la somme de 12673,10 €.

Par acte de commissaire de justice signifié les 2 décembre 2022, Madame [S] [U] a fait assigner la SCI PASSY devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins d’indemnisation de ses préjudices résultant de travaux effectués dans son appartement par la SCI PASSY.

Lors de l'audience du 30 janvier 2024, Madame [S] [U] demande au tribunal conformément à son acte introductif d’instance la condamnation de la SCI PASSY à lui payer :

6318,55 € en réparation de son préjudice matériel,2610 € en réparation de son préjudice de jouissance arrêté en novembre 2022, 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,Et demande subsidiairement le prononcé d’une expertise judiciaire.

En défense, la SCI PASSY s’oppose aux demandes et au prononcé de l’exécution provisoire et sollicite la condamnation de Madame [S] [U] à lui payer la somme de 2500 € au titre des frais irrépétibles.

Le juge se réfère pour un exposé plus ample des prétentions et moyens et des parties à leurs conclusions écrites soutenues oralement en application de l’article 455 du Code de procédure civile.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 30 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes d’indemnisation
Sur la nature des désordres, leur origine et la responsabilité
Suivant l’article 12 du code de procédure civile, « Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. »
En l’espèce, Madame [S] [U] forme ses demandes d’indemnisation sur le fondement tout à la fois de la responsabilité pour faute et du fait des choses sans caractériser de faute de la SCI PASSY et en indiquant uniquement que les désordres dont elle demande réparation proviendraient des travaux engagés par la SCI PASSY dans son logement.
Il s’ensuit que la responsabilité de la SCI PASSY est en réalité recherchée par Madame [S] [U] en raison de sa qualité de propriétaire de l’appartement voisin et de maître d’ouvrage, le fondement juridique de son action étant donc celui du trouble anormal de voisinage.
Nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage. Ce principe s'applique à tous les occupants d'un immeuble en copropriété quel que soit le titre de leur occupation.
Le propriétaire est responsable de plein droit des troubles anormaux de voisinage provenant de son fonds.
La responsabilité résultant de troubles qui dépassent les inconvénients normaux de voisinage implique de caractériser un rapport de voisinage, un trouble anormal, un préjudice et un lien de causalité entre ce trouble et le préjudice.

En l’espèce, il ressort des explications concordantes des parties, des procès verbaux d’assemblée générale versés au débat et du constat d’huissier établi à l’initiative du syndicat des copropriétaires le 23 janvier 2020 qu’un affaissement de l’immeuble dû à des problèmes de structure avait généré dans l’appartement de Madame [S] [U] des fissures (fissure traversante sous le bar de la cuisine) et des affaissements du sol dans le coin cuisine à l’angle avec le mur d’entrée et du plan de travail de la cuisine, le sol du séjour présentant une pente vers la porte d’entrée.

Avant que la SCI PASSY ne débute ses travaux, un constat d’huissier établi le 26 mai 2021 avait constaté ces mêmes désordres chez Madame [S] : léger affaissement du sol du séjour, importante fissure sous le bar et dans le coin cuisine à l’angle du mur, décollement du plan de travail. D’autres fissures moins importantes étaient relevées dans ce constat. Un affaissement du plafond était concomitamment constaté chez la SCI PASSY.

Le 3 juin 2021, Madame [S] [U] alertait par mail la SCI PASSY avec des photographies d’une augmentation importante des fissures préexistantes et de l’affaissement important du sol de la cuisine, à la suite de la suppression de cloisons dans le logement de la SCI PASSY.

Au regard des désordres constatés chez Madame [S] [U], une pose d’étais était réalisée dès le 4 juin 2021 par la SCI PASSY sur le lieu de suppression d’une cloison en plâtre, puis la SCI PASSY procédait à la pose d’un IPN pris en charge financièrement par le syndicat des copropriétaires.

Le constat d’huissier du 8 juin 2021 et les photographies contenues dans ce constat faisaient ressortir l’aggravation conséquente des désordres constatés les 23 janvier 2020 et 26 mai 2021, c’est-à-dire des fissures dans le coin cuisine et sous le bar et de l’affaissement du plan de travail et du sol décrit comme branlant. Un écart important était également constaté entre la plinthe du parquet et de la cuisine. Une fissuration entre le revêtement de sol et le carrelage mural et au dessus d’une rangée de carrelage en bas de mur étaient également constatées dans la salle de bains.

Selon le rapport d’expertise amiable du 25 octobre 2021 de l’assureur de Madame [S] [U], les désordres chez MadameValérie [U] relèvent tout à la fois des problèmes de structure connus qui ont affecté l’immeuble et des travaux réalisés chez la SCI PASSY, l’appréciation de l’expert sur la qualification juridique de la responsabilité de la SCI PASSY qui ne relève pas de ses pouvoirs étant sans incidence sur l’appréciation technique du lien de causalité entre les travaux réalisés par la SCI PASSY et l’aggravation des fissures préexistantes chez Madame [S] [U].

L’architecte intervenu le 21 juin 2023 qui a constaté l’importante fissure sous le bar et des décollements du plancher des cloisons au niveau de la salle de bain, de la cuisine et de l’entrée, a imputé ces désordres à l’affaissement du centre de l’appartement consécutive à la suppression des cloisons dans l’appartement inférieur, l’affaissement mesuré étant de 1 à 3 cm.

L’expertise amiable du 11 mars 2022 de l’assureur de la copropriété conclut également à la préexistance de désordres chez Madame [S] [U] et à une aggravation probable de ceux-ci en raison des travaux entrepris par la SCI PASSY.

En revanche, selon le rapport d’expertise amiable de l’assureur de la SCI PASSY, la cause des désordres ne peut être imputée aux travaux réalisés par son assurée dès lors que l’immeuble était affecté de problèmes de structure antérieurement à ces travaux et que des désordres avaient été constatés dans l’appartement de Madame [S] [U].

Toutefois, il ressort de l’ensemble de ces éléments d’appréciation, de la concomitance entre la suppression d’une cloison chez la SCI PASSY et l’aggravation des désordres préexistants chez Madame [S] [U], de la nécessité immédiate de poser des étais puis un IPN pour renforcer le plancher haut, et des appréciations techniques des deux expertises amiables rappelées ci avant et d’un architecte, que les travaux entrepris chez la SCI PASSY ont entraîné une aggravation des désordres de fissures présents chez Madame [S] [U], et ce sans préjudice de la responsabilité du syndicat des copropriétaires tenant à la préexistence des désordres aux travaux entrepris par la SCI PASSY.

Ces désordres caractérisent un trouble excédant ceux résultant habituellement de travaux et établissent ainsi un trouble anormal de voisinage.

En qualité de propriétaire du fonds dont provient le trouble, la SCI PASSY doit ainsi être déclarée de plein droit responsable de ce trouble anormal de voisinage, sans qu’il n’y ait lieu d’ordonner une expertise judiciaire qui n’est pas utile en l’espèce à la résolution du litige.

Sur l’évaluation des préjudices
Suivant l’article 1231-2 du code civil, les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte, ni profit. Le juge doit cantonner l’indemnisation aux seules prestations nécessaires pour parvenir à la réparation de l’entier préjudice.
Ainsi, ne peut être indemnisé de manière intégrale que le préjudice direct et certain.
Il est rappelé que chacun des co-responsables d’un même dommage est tenu à l’égard de la victime de le réparer intégralement, la victime n’étant pas tenue de s’adresser à l’ensemble des coauteurs ni de diviser ses recours pour obtenir la réparation de son préjudice.

Par ailleurs, si c’est à juste titre que la SCI PASSY souligne que ni Madame [S] [U] ni le syndicat des copropriétaires ne peuvent lui opposer unilatéralement le partage de responsabilités qu’ils lui ont proposé, le tribunal ne peut davantage y procéder en l’espèce en l’absence de toute demande en ce sens, de mise en en cause du syndicat des copropriétaires et de recours à son encontre présenté par la SCI PASSY.

En l’espèce, Madame [S] [U] produit un devis du 10 mars 2022 évaluant à la somme de 12673,10 € TTC le coût des travaux réparatoires permettant de remédier aux désordres, étant rappelé que des rebouchages partiels et raccords de peinture ne peuvent être admis au regard du principe de réparation intégrale du préjudice.
Cette évaluation du préjudice matériel, qui n’est pas sérieusement contestable, sera donc entérinée, et il sera alloué à Madame [S] [U] la somme de 6318,55 € qu’elle demande, représentant un peu moins de la moitié du coût de ce devis, compte tenu de son choix de diviser son action au regard de la prise en charge effective ou à venir de la seconde moitié du devis par le syndicat des copropriétaires.

Par ailleurs, les désordres constatés dans les lieux caractérisent pour son occupante un trouble de jouissance. Il y a donc lieu, au regard de la nature et de l’ampleur des désordres, et de la taille de son logement, de lui allouer à ce titre pour la période pour laquelle elle demande réparation entre mai 2021 et novembre 2022 (soit 18 mois et non 29 mois) la somme de 60 € par mois représentant la somme totale de 1080 €.

II- Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, la SCI PASSY qui succombe supportera les dépens de l'instance, sa demande au titre des frais irrépétibles étant par conséquent rejetée.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

L’équité justifie en l’espèce de condamner la SCI PASSY à payer à Madame [S] [U] la somme de 1200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'exécution provisoire est de droit conformément à l'article 514 du code de procédure civile et il n’y a pas lieu de l’écarter.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,

Condamne la SCI PASSY à payer à Madame [S] [U] la somme de 6318,55 € en réparation de son préjudice matériel et 1080 € en réparation de son trouble de jouissance,

Rejette toutes les autres demandes des parties,

Condamne la SCI PASSY à payer à Madame [S] [U] la somme de 1200 € au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens, et rejette la demande de la SCI PASSY au titre des frais irrépétibles,

Condamne la SCI PASSY aux dépens,

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jtj proxi fond
Numéro d'arrêt : 22/07889
Date de la décision : 30/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-30;22.07889 ?
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