TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
C.C.C. + C.C.C.F.E.
délivrées le :
à
■
PEC sociétés civiles
N° RG 19/10844
N° Portalis 352J-W-B7D-CQWIW
N° MINUTE : 2
Assignation du :
13 août 2019
JUGEMENT
rendu le 29 avril 2024
DEMANDERESSE
Société [R] (SCI)
45, rue Cardinet
75017 Paris
représentée par Maître Barthélemy LEMIALE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0386
DÉFENDERESSE
Madame [F] [Y]
96, avenue Danielle Casanova
94200 IVRY SUR SEINE
représentée par Me Maxence MARCEL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0064
Décision du 29 avril 2024
PEC sociétés civiles
N° RG 20/12190 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTKIM
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Pascale LADOIRE-SECK, vice-présidente, présidente de la formation ;
Samantha MILLAR, vice-présidente ;
Olivier LICHY, vice-président ;
assistés de Robin LECORNU, Greffier,
DÉBATS
A l’audience du 04 septembre 2023, tenue en audience publique devant Pascale LADOIRE-SECK et Olivier LICHY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats,ont tenu l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.
Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au Greffe le 04 décembre 2023, prorogé au 12 février 2024, puis prorogé au 29 avril 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au Greffe
Contradictoire
En premier ressort
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La SCI [R] dont le siège social est situé 45, rue Cardinet à Paris 17ème arrondissement a été constituée le 8 septembre 1987 entre Monsieur [Z] [M] et la SCI [V] [G] dont Monsieur [Z] [M] était le gérant.
L’objet social de la SCI [R] est « L’acquisition, la gestion et l’exploitation par bail, location ou autrement de tous immeubles bâtis ou non bâtis dont elle pourrait devenir propriétaire. Et généralement toutes opérations quelconques pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet ci-dessus défini pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société ».
Monsieur [Z] [M] était le gérant de la SCI [R].
Il était également propriétaire d’un important patrimoine immobilier en nom propre et au travers d’autres sociétés civiles immobilières.
Le 1er octobre 2004, il a donné pouvoir à sa compagne Madame [F] [Y] afin d’effectuer en ses lieu et place, toute démarche administrative, notamment pour ce qui concerne les locations des appartements lui appartenant en nom propre ou aux SCI Gentyfi, Météor, [R] et [V] [G] dont il était le gérant.
A compter du mois de juin 2012, Madame [F] [Y] a perçu une rémunération de la SCI [R] d’un montant de 650 euros brut.
A la suite du décès de Monsieur [Z] [M] survenu le 26 juillet 2016, sa fille, Madame [V] [M] épouse [W], est devenue la nouvelle gérante de la SCI [R].
C'est dans ces conditions que par acte d’huissier de justice du 13 août 2019, la SCI [R] a assigné Madame [F] [Y] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
«CONSTATER que Madame [F] [Y] a, faisant usage des pouvoirs de gestion de fait qu’elle s’était arrogée au sein de la SCI [R], conclu de manière illicite un contrat de travail avec elle-même et à son propre profit,
En conséquence :
CONDAMNER Madame [F] [Y] à payer à la SCI [R] la somme de 44.617,9 euros en réparation du préjudice subi,
Et, en tout état de cause :
CONDAMNER Madame [F] [Y] à payer à la société [R], la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir. »
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives signifiées le 17 janvier 2023, la SCI [R] demande au tribunal de :
« Sur la recevabilité de l’action :
• JUGER la S.C.I. [R] recevable en son action,
Sur la responsabilité personnelle de Mme [Y] en tant que gérante de fait de la SCI [R] :
• CONSTATER la qualité de gérant de fait de Mme [Y] de la SCI [R] de 2004 à 2016,
• CONSTATER que Madame [F] [Y] a, faisant usage des pouvoirs de gestion de fait qu’elle s’était arrogée au sein de la SCI [R], conclu de manière illicite un contrat de travail avec elle-même et à son propre profit,
En conséquence :
• CONDAMNER Madame [F] [Y] à payer à la SCI [R] la somme de 44.617,9 euros en réparation du préjudice subi,
Sur les demandes reconventionnelles de Mme [Y] :
• JUGER irrecevable car prescrite la demande de Mme [Y] de rémunération au titre du mandat du 1er octobre 2004,
• REJETER l’intégralité des demandes de Mme [Y],
Et, en tout état de cause :
• CONDAMNER Madame [F] [Y] à payer à la société [R], la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
• ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir. »
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives signifiées le 17 février 2023, Madame [F] [Y] demande au tribunal de :
« A titre principal, sur les fins de non-recevoir :
- DECLARER la SCI [R] irrecevable à engager la responsabilité de madame [Y] pour de prétendues fautes de gestion en raison de l’acquisition de la prescription ;
A titre subsidiaire, sur le fond, :
- DEBOUTER la SCI [R] de l’ensemble de ses demandes ;
A titre reconventionnel, s’il était fait droit aux demandes de la SCI [R]
- CONDAMNER la SCI [R] à payer à madame [Y] la somme de 31.621,37 € à titre de rémunération / indemnisation pour le travail accompli pour la période 2012 à 2016 ;
A titre reconventionnel et en toute hypothèse,
- CONDAMNER la SCI [R] à payer à madame [Y] la somme de 59.800,00 € à titre de rémunération / indemnisation pour le travail accompli au sein de la société pour la période 2004 à 2012 ;
CONDAMNER la SCI [R] à payer à madame [Y] la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts ;
En tout état de cause,
- CONDAMNER la SCI [R] à payer à madame [Y] la somme de 10.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER la SCI [R] aux entiers dépens ;
- PRONONCER la compensation ;
- ORDONNER l’exécution provisoire ; »
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue par le juge de la mise en état par ordonnance du 27 février 2023.
L’affaire a été plaidée à l’audience collégiale du 04 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des demandes de la SCI [R]
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
L’article 2224 du code civil dispose que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
L’article 2234 du même code précise que « La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. »
En l’espèce, Monsieur [Z] [M] avait seul qualité pour agir en responsabilité à l’encontre de Madame [F] [Y] tant en sa qualité de gérant de la SCI [R] que pour le compte de la SCI [V] [G], associée de la SCI [R] dont il était aussi le gérant, et notamment pour contester le contrat de travail dont cette dernière a bénéficié à compter de juin 2012.
Or, i1 résulte des nombreuses pièces médicales versées aux débats par les parties que l’état de santé de Monsieur [Z] [M] a commencé à se détériorer à compter du 25 mai 2003, date de son hospitalisation à la suite d’un deuxième AVC au cours de laquelle un début de détérioration cognitive a été décelée, et s’est aggravé à la suite d’un troisième et quatrième AVC en 2007 et 2009, date à laquelle selon l’attestation du Professeur [I] [D] du 1er septembre 2017, « il est fait état d’une démence vasculaire avec un MMS de 14/30 et d’un syndrome dépressif », étant noté lors de la rééducation qui a suivi « un déficit moteur avec dépendance importante, de trouble thymique et troubles cognitifs important avec troubles du jugement ». Revu en consultation le 25 juin 2012, il était noté « sur le plan cognitif, il y a une légère dégradation avec aggravation, semble-t-il des troubles phasiques ».
Dans un certificat du 05 mars 2018 le Docteur [K] [S] relève que lors de l’hospitalisation de Monsieur [Z] [M] en avril 2007, il est noté une « altération majeure de ses capacités de décision, d'analyse et d’exécution. Son jugement était très altéré à la lecture de ces résultats. »
Le 4 septembre 2009, le même médecin certifiait que Monsieur [Z] [M] n’était « pas en mesure de prendre des décisions car il présente une maladie neurologique avec des troubles cognitifs sévères».
Le 23 août 2017, i1 confirme que la démence vasculaire de Monsieur [Z] [M] était déjà sévère en 2007, avec des troubles du comportement, du caractère, une agressivité entraînant des difficultés dans la prise en charge de sa maladie et qu’en 2009, « Monsieur [M] était totalement dépendant pour toutes les activités de la vie quotidienne et pour les activités instrumentales ».
Les comptes-rendus d‘hospitalisation de Monsieur [Z] [M] en 2007, 2009, 2010 et 2011 relèvent des troubles cognitifs en aggravation notamment des troubles de la mémoire et une aphasie. En 2009, ces troubles sont encore majorés, avec troubles du jugement et sont considérés comme sévères avec un score MMS à 14/30. En 2010, il est fait état d’un état grabataire et d’un syndrome dépressif. En 2011, le dossier clinique souligne 1’absence de discours spontané, les difficultés d’élocution et les probables troubles de la compréhension.
En 2014, le compte rendu d’hospitalisation note l’aggravation de l’état neurologique.
Dans un courrier du 14 décembre 2017, le Docteur [H] qui a vu Monsieur [Z] [M] en consultation pour la dernière fois en août 2015, a indiqué avoir constaté « une aggravation sur le plan moteur (était en fauteuil roulant) et altération sévère des fonctions supérieures. »
Enfin, en avril 2016, le compte rendu du bilan orthophonique de Monsieur [Z] [M], pris en charge en soins palliatifs, relève son « quasi-mutisme » et sa « compréhension altérée ».
Il résulte de l’ensemble de ces pièces que l’état de santé de Monsieur [Z] [M] ne lui permettait pas de prendre des décisions en ce qui concerne l’administration et la gestion des sociétés civiles dont il était le gérant et était dans l’impossibilité d’agir à l’encontre de Madame [F] [Y] dès 2009 jusqu’à son décès.
Le délai de prescription n’a donc commencé à courir qu’à compter du jour où l’impossibilité d’agir a cessé, c’est-à-dire à compter du jour où Madame [V] [M] épouse [W], héritière de Monsieur [Z] [M] et nouvelle gérante de la SCI [R] a elle-même pu exercer cette action, soit le 10 octobre 2016, date à laquelle elle est devenue la gérante de la société.
En conséquence, l’action en responsabilité du gérant introduite le 13 août 2019 par la SCI [R] représentée par sa nouvelle gérante Madame [V] [M] épouse [W] est recevable.
Sur la responsabilité de Madame [F] [Y]
Sur la gérance de fait de Madame [F] [Y]
Ainsi que l’autorise l’article 24 des statuts de la SCI [R], Monsieur [Z] [M] avait donné pouvoir à Madame [F] [Y] le 1er octobre 2004, d’effectuer toute démarche administrative en ce qui concerne la location des biens immobiliers lui appartenant soit en nom propre soit au travers des sociétés civiles dont il était le gérant.
Madame [F] [Y] s’est alors immiscée dans l’administration et la gestion de la SCI [R], l’état de santé de Monsieur [Z] [M] ne lui permettant plus d’administrer ses biens.
Elle a été ainsi « la seule interlocutrice des locataires, des artisans, des syndics, des avocats, de la banque, des impôts » ainsi qu’elle le reconnaît elle-même dans un courrier du 25 juillet 2008 adressé à Madame [V] [M] épouse [W].
En effet, elle a non seulement administré et géré les biens immobiliers en contractant les baux avec les locataires, en assurant les biens, en concluant les contrats d’entretien mais avait aussi procuration sur les comptes bancaires de la SCI [R], procédait aux déclarations fiscales et était l’interlocutrice de l’expert-comptable.
Elle a ainsi exercé une gestion de fait de la SCI [R] entre 2004 et 2016.
Sur la faute de Madame [F] [Y]
Aux termes de l’article 1240 du code civil, « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Sur la compétence du tribunal judiciaireOutre que Madame [F] [Y] n’a pas soulevé l’exception d’incompétence du tribunal judiciaire in limine litis conformément à l’article 74 du code de procédure civile, elle ne formule aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses conclusions.
Le tribunal ne répondra donc pas à cette prétention.
- Sur la faute de Madame [F] [Y]
Il sera rappelé que l’établissement d’un contrat de travail sous la forme d’un écrit ne constitue pas une condition de sa validité.
Ainsi, quand bien même aucun écrit n’avait été formalisé entre la SCI [R] et Madame [F] [Y], un contrat de travail a pu exister. L’absence de production de celui-ci n’est donc pas de nature à établir l’inexistence d’un tel contrat et ne fait pas obstacle à caractériser la faute de gestion alléguée.
Néanmoins, il est produit le volet salarié d’une attestation de déclaration préalable à l’embauche du 12 juin 2012 réalisée sur la plate-forme TESE (Titre emploi service entreprise) service de l’URSSAF, dont il résulte que Madame [F] [Y] a été embauchée par la SCI [R] qui figure en tant qu’employeur pour effectuer 8 heures de travail hebdomadaire moyennant un salaire mensuel de 650 euros pour des fonctions de gestionnaire.
Des salaires ont effectivement été payés à Madame [O] [Y] ainsi qu’en attestent les états récapitulatifs de l’URSSAF des années 2010 à 2016.
Il s’avère ainsi qu’un contrat de travail a été conclu entre la SCI [R] et Madame [O] [Y] le 12 juin 2012.
Si cette dernière affirme que Monsieur [Z] [M] a été le signataire de ce contrat, elle ne produit pas ce contrat de travail dont un exemplaire aurait dû lui être remis en sa qualité de salariée.
En tout état de cause, les éléments médicaux évoqués plus haut permettent d’établir que Monsieur [Z] [M] en sa qualité de gérant était dans l’incapacité d’engager valablement la SCI [R].
La conclusion du contrat de travail ne peut donc être considérée comme étant la décision de Monsieur [Z] [M] mais celle de Madame [F] [Y] qui prenait toutes les décisions relatives à la SCI [R].
Il n’est pas non plus démontré l’existence d’un lien de subordination entre la SCI [R] et Madame [F] [Y] dans la mesure où celle-ci reconnaît dans son courrier du 25 juillet 2008 être la seule interlocutrice des locataires, des artisans, des syndics, de la banque, des impôts et prendre des initiatives pour gérer le patrimoine de Monsieur [Z] [M], telle la vente de certains lots, décrivant la gestion au quotidien comme une tâche écrasante, précisant que l’état de son compagnon est irréversible. Il est clair qu’elle seule prenait les décisions sans en référer au gérant en exercice dont la détérioration des facultés cognitives et intellectuelles ne lui permettaient plus d’assumer ses fonctions de gérant de droit.
En outre, il n’est pas démontré que le travail effectué par Madame [F] [Y] était différent de ses fonctions de gérant de fait, aucun élément n’étant versé en ce sens.
Il apparaît ainsi que le contrat déclaré à l’URSSAF comme liant la SCI [R] et Madame [F] [R] ne peut être qualifié de contrat de travail pas en l’absence de lien de subordination et de réalisation de tâches autres que celles de la gestion de fait.
En rémunérant par le biais d’un contrat de travail fictif, les tâches qu’elle a accomplies dans le cadre de sa gestion de fait, Madame [F] [Y] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard de la SCI [R].
Elle a ainsi causé un préjudice à la SCI [R] qui a payé des salaires et des cotisations à l’URSSAF indus.
Elle sera donc condamnée à payer à la SCI [R] à titre de dommages et intérêts, la somme de 44.617,90 euros correspondant à la rémunération brute totale indue versée entre 2012 et 2016 (31.621,37 euros) ainsi qu’aux cotisations dues à l’URSSAF sur ces rémunérations (12.996,53 euros).
Sur les demandes reconventionnelles de Madame [F] [Y]
Sur la rémunération au titre des activités exercées entre 2004 et 2016
sur la prescriptionL’article 2224 du code civil dispose que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
Les demandes de rémunération de Madame [F] [Y] relatives aux prestations réalisées antérieurement au 13 août 2014 sont prescrites en application de l’article 2224 du code civil.
Sur la demande de rémunération relatives aux prestations réalisées postérieurement au 13 août 2014 L‘article 1986 du code civil dispose que « le mandat est gratuit, s’il n’y a pas de convention contraire »
Aux termes de l’article 1999 du code civil, « Le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l'exécution du mandat, et lui payer ses salaires lorsqu'il en a été promis.
S'il n'y a aucune faute imputable au mandataire, le mandant ne peut se dispenser de faire ces remboursements et paiement, lors même que l'affaire n'aurait pas réussi, ni faire réduire le montant des frais et avances sous le prétexte qu'ils pouvaient être moindres. »
En l’espèce, l’article 24 des statuts de la SCI [R] relatif à la délégation de pouvoir que le gérant peut donner à tous tiers ne prévoit aucune rémunération du tiers.
Le pouvoir établi par Monsieur [Z] [M] ès qualité de gérant le 1er octobre 2004 aux termes duquel il a donné pouvoir à Madame [F] [Y] afin d’effectuer en ses lieu et place, toute démarche administrative, notamment pour ce qui concerne la SCI [R], n’évoque aucune rémunération pour la tâche confiée à sa compagne.
Le « contrat de travail » du 12 juin 2012 tel qu’il résulte de la déclaration préalable à l’embauche effectuée auprès de l’URSSAF n’ayant pas été conclu par Monsieur [Z] [M] qui à cette date ne disposait plus de ses facultés intellectuelles et cognitives, il n’est pas justifié que la rémunération mensuelle de 650 euros relève de sa volonté.
En conséquence, Madame [F] [Y] sera déboutée de sa demande reconventionnelle au titre des activités exercées entre le 14 août 2014 et 2016.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral
Madame [F] [Y] qui succombe à la présente procédure et qui est déboutée de sa demande reconventionnelle ne justifie pas du préjudice moral allégué ni du montant de 50.000 euros sollicité. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Madame [F] [Y] succombant à l’instance, elle sera condamnée aux dépens de celle-ci.
Eu égard à la condamnation aux dépens, Madame [F] [Y] sera condamnée à payer à la SCI [R] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L’instance ayant été introduite devant la présente juridiction avant le 1er janvier 2020, il y a lieu d’appliquer les dispositions du code de procédure civile relatives à l’exécution provisoire dans leur rédaction antérieure au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019.
En application de l’article 515 ancien du code de procédure civile, hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi.
En l’espèce, il convient d’ordonner l’exécution provisoire qui apparaît nécessaire au regard de l’ancienneté du préjudice subi, et compatible avec la nature de l’affaire.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au Greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déclare recevable l’action de la SCI [R],
Condamne Madame [F] [Y] à payer à la SCI [R] la somme de 44.617,90 euros à titre de dommages et intérêts,
Déclare irrecevable la demande de rémunération de Madame [F] [Y] relative aux prestations réalisées antérieurement au 13 août 2014,
Déboute Madame [F] [Y] de sa demande de paiement au titre des activités exercées entre le 14 août 2014 et 2016,
Déboute Madame [F] [Y] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral allégué,
Condamne Madame [F] [Y] à payer à la SCI [R] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [F] [Y] aux entiers dépens,
Ordonne l’exécution provisoire.
Fait et jugé à Paris le 29 avril 2024
Le Greffier La Présidente
Robin LECORNU Pascale LADOIRE-SECK