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26/04/2024 | FRANCE | N°23/06128

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr référé, 26 avril 2024, 23/06128


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Me Pauline DE LASTEYRIE


Copie exécutoire délivrée
le :

à : Me Isabelle GABRIEL

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR référé

N° RG 23/06128 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2OMK

N° MINUTE :







ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 26 avril 2024


DEMANDERESSE

Compagnie d’assurance MUTUELLE D’ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS,
[Adresse 2]

représentée par Me Isabelle GABRIEL, av

ocat au barreau de PARIS,

DÉFENDEUR

Monsieur [C] [W],
[Adresse 1]

représenté par Me Pauline DE LASTEYRIE, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Joséphine DEMIGNE, Juge,...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Me Pauline DE LASTEYRIE

Copie exécutoire délivrée
le :

à : Me Isabelle GABRIEL

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR référé

N° RG 23/06128 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2OMK

N° MINUTE :

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 26 avril 2024

DEMANDERESSE

Compagnie d’assurance MUTUELLE D’ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS,
[Adresse 2]

représentée par Me Isabelle GABRIEL, avocat au barreau de PARIS,

DÉFENDEUR

Monsieur [C] [W],
[Adresse 1]

représenté par Me Pauline DE LASTEYRIE, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Joséphine DEMIGNE, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Aurélia DENIS, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 06 mars 2024

ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 26 avril 2024 par Joséphine DEMIGNE, Juge, assistée de Aurélia DENIS, Greffier

Décision du 26 avril 2024
PCP JCP ACR référé - N° RG 23/06128 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2OMK

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 1er juillet 1989, la Mutuelle d'Assurances du Corps de Santé Français (MACSF) a consenti un bail d’habitation à M. [C] [W] sur des locaux situés au [Adresse 1]) 2ème étage Escalier B, moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 681,58 euros et d’une provision pour charges de 74 euros.

Par acte de commissaire de justice du 19 avril 2023, le bailleur a fait délivrer au locataire un commandement de payer la somme principale de 3096,37 euros au titre de l'arriéré locatif, visant la clause résolutoire prévue dans le contrat.

La commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de M. [C] [W] le 21 avril 2023.

Par assignation du 6 juillet 2023, la Mutuelle d'Assurances du Corps de Santé Français (MACSF) a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en référé pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, être autorisée à faire procéder à l’expulsion de M. [C] [W] et obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,2362,10 euros à titre de provision sur l’arriéré locatif arrêté au 22 juin 2023,1800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 21 avril 2023, mais aucun diagnostic social et financier n'est parvenu au greffe avant l'audience.

L’affaire a été renvoyé à plusieurs reprises pour être ensuite appelée à l’audience du 6 mars 2024.

En application de l'article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le président a invité les parties à lui produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.

Prétentions et moyens des parties

A l'audience du 6 mars 2024, la MACSF sollicite l’autorisation de produire une note en délibéré afin de vérifier si M. [C] [W] s’acquitte du loyer courant.

Dans ses conclusions visées lors de l’audience, Monsieur [C] [W] sollicite, par l’intermédiaire de son conseil, la suspension des effets de la clause résolutoire en tout état de cause, à titre principal des délais de paiement rétroactifs au regard de la décision de surendettement intervenue et à titre subsidiaire des délais de paiement se décomposant comme suit : 12 mensualités de 20 euros pour lui permettre d’obtenir une aide de la part du FSL et 24 mensualités soldant ensuite la dette.

M. [C] [W] a précisé que la commission de surendettement des particuliers de [Localité 3] avait imposé un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire à son profit le 29 juin 2023, que la MACSF avait ensuite déposé un recours dans le délai de 30 jours, et que par décision du 18 janvier 2024, la juge du surendettement de Tribunal judiciaire a considéré que la situation de M. [C] [W] était irrémédiablement compromise et a prononcé le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entrainant l’effacement de toutes les dettes de ce dernier, en ce compris la dette locative.

Dans une note en délibéré en date du 11 mars 2024, la MACSF précise que M. [C] [W] a repris le paiement du loyer courant et qu'il est redevable, d’une dette de loyer.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

MOTIVATION

En application des dispositions des articles 848 et 849 du code de procédure civile, “Dans tous les cas d’urgence, le juge du tribunal d’instance peut, dans les limites de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
Il peut également allouer au créancier une provision, lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable.”

1. Sur la demande de constat de la résiliation du bail

1.1. Sur la recevabilité de la demande

La Mutuelle d'Assurances du Corps de Santé Français (MACSF) justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de deux mois avant l’audience.

Il justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.

Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

1.2. Sur la résiliation du bail

Sur l’acquisition de la clause résolutoire

Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat de bail litigieux, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l’espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de location a été signifié au locataire le 19 avril 2023. Or, d’après l'historique des versements, la somme de 3096,37 euros n’a pas été réglée par ce dernier dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement et aucun plan d’apurement n’a été conclu dans ce délai entre les parties.

Le bailleur est donc bien fondé à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 20 juin 2023.

Sur la demande de suspension des effets de la clause résolutoire

Cependant, l’article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 prévoit que le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années au locataire en situation de régler sa dette locative ; que pendant le cours des délais ainsi accordé, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus ; que ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges.

Toutefois, l’article 24 VIII de la loi précitée, dans sa version issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, applicable depuis le 1er mars 2019, dispose notamment que lorsqu’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire a été imposé par la commission de surendettement des particuliers ou prononcé par le juge ou lorsqu’un jugement de clôture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire a été rendu, le juge suspend les effets de la clause de résiliation de plein droit pendant un délai de deux ans à partir de la date de la décision imposant les mesures d’effacement ou du jugement de clôture, que ce délai ne peut affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges et que, si le locataire s’est acquitté du paiement des loyers et des charges conformément au contrat de location pendant le délai de deux ans mentionné au premier alinéa du présent VIII, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué, la clause reprenant son plein effet dans le cas contraire.

En l’espèce, que la commission de surendettement des particuliers de [Localité 3] a imposé le 29 juin 2023 un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au profit de M. [C] [W]. Cette décision a été contesté par le bailleur dans le délai de 30 jours imparti. Par jugement rendu le 18 janvier 2024, la juge du surendettement de Tribunal judiciaire a considéré que la situation de M. [C] [W] était irrémédiablement compromise et a prononcé le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entrainant l’effacement de toutes les dettes de ce dernier, en ce compris la dette locative. Or, ce jugement n’a pas fait l’objet d’une contestation.

Ainsi, si le bailleur verse un décompte actualisé à la somme de 3117,68 euros, force est de constater que la dette locative a fait l’objet d’un effacement par jugement du 18 janvier 2024 de sorte que M. [C] [W] se trouve aujourd’hui redevable des loyers courants et qu'il s’est acquitté du loyer du mois de mars 2024.

Il convient, en application des dispositions de l'article 24 VIII de la loi du 6 juillet 1989, de suspendre les effets de la clause résolutoire pendant un délai de deux ans à partir de la date de la décision imposant les mesures d’effacement ou du jugement de clôture, dans les conditions prévues au dispositif.

Il convient cependant de rappeler que ce délai n'affecte pas l’exécution du contrat de location et qu'il appartiendra notamment à M. [C] [W] de s'acquitter du paiement du loyer et des charges.

En cas de respect des modalités du plan d’apurement, la clause résolutoire sera, à l’issue de ce plan, réputée n’avoir pas joué, et l’exécution du contrat de bail pourra se poursuivre. En revanche, à défaut de paiement d’une seule échéance comprenant le loyer et la mensualité d’apurement, la clause résolutoire sera acquise, et le bail sera résilié de plein droit, sans qu’une nouvelle procédure judiciaire ne soit nécessaire. Dans ce cas, il est ordonné au locataire ainsi qu’à tous les occupants de son chef de quitter les lieux, et, pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, le bailleur sera autorisé à faire procéder à l’expulsion de toute personne y subsistant, dès l’expiration d’un délai de deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux.

2. Sur la dette locative

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’espèce, la Mutuelle d'Assurances du Corps de Santé Français (MACSF) verse aux débats un décompte démontrant qu’à la date du 11 mas 2024, M. [C] [W] lui devait la somme de 3117, 68 euros, soustraction faite des frais de procédure.

Toutefois, eu égard aux délais de paiement évoqués ci-avant, il convient de différer l'exigibilité de cette somme en autorisant M. [C] [W] à se libérer de cette dette selon les modalités détaillées ci-après.

3. Sur l’indemnité d’occupation

En cas de maintien dans les lieux du locataire ou de toute personne de son chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d’occupation sera due. Au regard du montant actuel du loyer et des charges, son montant sera provisoirement fixé à la somme mensuelle de None euros.

L’indemnité d’occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, à partir du 20 juin 2023, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à la Mutuelle d'Assurances du Corps de Santé Français (MACSF) ou à son mandataire.

4. Sur les frais du procès et l'exécution provisoire

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.

M. [C] [W], qui succombe à la cause, sera condamné aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité commande par ailleurs de faire droit à hauteur de 150 euros à la demande de la Mutuelle d'Assurances du Corps de Santé Français (MACSF) concernant les frais non compris dans les dépens, en application des dispositions précitées.

Selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Selon le dernier alinéa de l’article 514-1 du même code, le juge ne peut toutefois pas écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé. La présente ordonnance sera donc assortie de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

CONSTATONS que la dette locative visée dans le commandement de payer du 19 avril 2023 n’a pas été réglée dans le délai de deux mois,

CONSTATONS, en conséquence, que le contrat conclu le 1er juillet 1989 entre la Mutuelle d'Assurances du Corps de Santé Français (MACSF), d’une part, et M. [C] [W], d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 1]) 2ème étage Escalier B est résilié depuis le 20 juin 2023,

SUSPENDONS, en application des dispositions de l'article 24 VIII de la loi du 6 juillet 1989, les effets de la clause résolutoire, jusqu'au 19 janvier 2026 ;

RAPPELLONS que si M. [C] [W] s’acquitte intégralement du paiement des loyers et des charges conformément au contrat de location pendant ce délai, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais joué ;

DISONS qu’en revanche, pour le cas où une mensualité, qu'elle soit due au titre du loyer et des charges courants, resterait impayée quinze jours après l’envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception,

le bail sera considéré comme résilié de plein droit depuis le 20 juin 2023,
le solde de la dette deviendra immédiatement exigible,
le bailleur pourra, à défaut de libération spontanée des lieux et dès l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, faire procéder à l’expulsion de M. [C] [W] et à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l’assistance de la force publique,
le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,
M. [C] [W] sera condamné à verser à la Mutuelle d'Assurances du Corps de Santé Français (MACSF) une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, et ce, jusqu’à la date de libération effective et définitive des lieux,
DEBOUTONS la Mutuelle d'Assurances du Corps de Santé Français (MACSF) de sa demande en paiement au titre de l’arriéré locatif, compte-tenu de la procedure de rétablissement personnel,

CONDAMNONS M. [C] [W] à payer à la Mutuelle d'Assurances du Corps de Santé Français (MACSF) la somme de 150 euros (cent cinquante euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNONS M. [C] [W] aux dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer du 19 avril 2023 et celui de l'assignation du 6 juillet 2023.

RAPPELLONS que la présente ordonnance est exécutoire de droit à titre provisoire,

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.

La Greffière La Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr référé
Numéro d'arrêt : 23/06128
Date de la décision : 26/04/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "conditionnelle" ordonnée au fond avec suspension des effets de la clause résolutoire

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-26;23.06128 ?
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