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26/04/2024 | FRANCE | N°22/05792

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 2ème section, 26 avril 2024, 22/05792


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies délivrées le :
- Maître Adrien AULAS#G0808 (exécutoire)
- Maître Arnaud SARRAILHE #C0822 (ccc)





3ème chambre
2ème section


N° RG 22/05792
N° Portalis 352J-W-B7G-CWZBD

N° MINUTE :


Assignation du :
11 Mai 2022















JUGEMENT
rendu le 26 Avril 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. AIRCLEANUP
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par Maître Adrien AULAS de l’AARPI LIGHTEN, avocat au

barreau de PARIS, vestiaire #G0808



DÉFENDEUR

Monsieur [U] [V] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Arnaud SARRAILHE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0822
et par...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies délivrées le :
- Maître Adrien AULAS#G0808 (exécutoire)
- Maître Arnaud SARRAILHE #C0822 (ccc)

3ème chambre
2ème section


N° RG 22/05792
N° Portalis 352J-W-B7G-CWZBD

N° MINUTE :

Assignation du :
11 Mai 2022

JUGEMENT
rendu le 26 Avril 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. AIRCLEANUP
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par Maître Adrien AULAS de l’AARPI LIGHTEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0808

DÉFENDEUR

Monsieur [U] [V] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Arnaud SARRAILHE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0822
et par Maître Olivier PITON de l’AARPI PITON GILLESPIE, avocat au barreau de APRIS, avocat plaidant, #G00349

Décision du 26 Avril 2024
3ème chambre 2ème section
N° RG 22/05792 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWZBD

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Vera ZEDERMAN, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge

Assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier

DEBATS

A l’audience du 12 Janvier 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 Avril 2024 puis prorogé au 26 Avril 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

1.M. [V] [F], après l'échec de deux années de discussions pour entrer au capital de la société Aircleanup, et estimant avoir accompli des prestations que cette prise de participation devait rémunérer, a émis le 3 mai 2021 des factures pour un montant de 87 300 euros que la société Aircleanup a refusé de payer. Il l'a alors assignée en paiement devant le tribunal de commerce.

2.Parallèlement, M. [V] [F] a déposé deux marques françaises ‘Air cleanup’ - une figurative, numéro 4757170, et une verbale, numéro 4766240 - respectivement les 19 avril 2021 et 12 mai 2021, enregistrées notamment pour désigner des murs végétaux et des appareils et machines pour la purification de l’air (classe 11). Seule la marque verbale, numéro 4766240, est toutefois invoquée dans le présent litige.

3.Il a par ailleurs réservé les noms de domaine ‘aircleanup.fr’ le 30 décembre 2020 et ‘air-cleanup.com’ le 23 juillet 2019. Il a enfin créé une société ‘Air cleanup’ le 1er juin 2021.

4.Estimant alors ces dépôts frauduleux et reprochant à M. [V] [F] une concurrence déloyale tenant à l’exploitation de ces signes et notamment un site internet dans lequel il s’attribuerait en particulier son nom et l’invention du mur végétal dépolluant qu’elle a breveté, la société Aircleanup l’a assigné devant le présent tribunal le 11 mai 2022 en revendication des marques et noms de domaine ainsi qu’en concurrence déloyale. L’instruction a été close le 23 avril 2023.

Prétentions des parties

5.La société Aircleanup, dans ses dernières conclusions (11 novembre 2022), résiste aux demandes reconventionnelles (y compris à l’exécution provisoire) et demande le transfert à son profit de la marque verbale Air cleanup (4766240) en ordonnant son inscription au registre, ainsi que des noms de domaines aircleanup.fr et air-cleanup.com, avec remise des codes d’accès et de l’interface d’administration des sites accessibles à ces adresses, le tout aux frais du défendeur et sous astreintes, la condamnation de M. [V] [F] à lui payer 30 000 euros en réparation de la concurrence déloyale et une provision de 5 000 euros sur la restitution des fruits perçus, à lui communiquer sous astreinte tous documents relatifs à son activité et à celle de ses sociétés Artefact et Air cleanup en lien avec le signe ‘Air clean up’, outre une mesure d’interdiction sous astreinte et 2 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

6.M. [V] [F], dans ses dernières conclusions (12 avril 2023), résiste à l’ensemble des demandes, estimant au surplus irrecevable la demande fondée sur la concurrence déloyale et réclame reconventionnellement 10 000 euros pour procédure abusive et 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Moyens des parties

7.La société Aircleanup, qui rappelle que l’action en revendication n’est pas soumise à l’exercice préalable d’une action devant l’INPI, soutient que l’enregistrement de la marque verbale ‘Air Cleanup’ par M. [V] [F] a été demandé en fraude de ses droits, afin de la priver d’un signe nécessaire à son activité. Elle dit ainsi utiliser le signe ‘Air Clean Up’ à titre de dénomination sociale et de nom commercial depuis sa création en novembre 2015, cette ancienneté devant être prise en compte selon elle, notamment à l’égard de la date de la rencontre avec M. [V] [F]. Elle fait valoir que les produits et services effectifs sont identiques à ceux réservés par M. [V] [F] via le dépôt frauduleux. Elle souligne que M. [V] [F] avait bien connaissance de son existence et de ses activités pour avoir été en discussions pendant deux ans en vue d’entrer à son capital. Elle souligne encore qu’il utilise la marque au soutien de son action en paiement des factures et qu’il tente, sur les sites aircleanup.fr et air-cleanup.com, d’usurper son identité en se prétendant titulaire de ses brevets (en parlant de « ses murs végétalisés brevetés »). Elle conteste enfin avoir donné son accord à ce que M. [V] [F] reprenne ses activités.

8.Elle estime par ailleurs que le dépôt frauduleux de la marque imitant sa dénomination sociale et son nom commercial, la création d’une société et l’exploitation de noms de domaines reprenant ces signes, ainsi que le fait de se faire passer pour le titulaire de ses brevets constituent des actes de concurrence déloyale. Contre la fin de non-recevoir qui lui est opposée à ce titre, elle soutient que c’est M. [V] [F], en personne, qui a déposé la marque, créé la société Air cleanup en choisissant son nom et son objet social et qui a procédé à l’enregistrement du nom de domaine ‘aircleanup.fr’ via une adresse email lui appartenant, et procédé à un renvoi de ce nom de domaine vers le site air-cleanup.com. Enfin elle souligne que bien que les sociétés Artefact et Aircleanup soient susceptibles de détenir des éléments pertinents permettant d’évaluer le préjudice (et à qui elle estime pouvoir les réclamer en tant que tiers au litige), cela ne la rend pas irrecevable à agir contre M. [V] [F].

9.Elle allègue avoir subi un préjudice d’image et de réputation, en ce que l’innovation et l’activité dont elle est à l’origine ont été attribuées dans l’esprit du public à M. [V] [F].

**

10.En défense, M. [V] [F] soutient d’abord que la procédure de déchéance de la marque appartenant à un tiers devait être ouverte auprès de l’INPI et que l’INPI lui-même n’a soulevé aucune opposition. Sur le fond, il fait valoir que la demanderesse a pour objet social « le commerce de détail de fleurs, plantes et graines etc » tandis que sa société ‘Air Cleanup’ a pour objet « les aménagements paysagers », de telle sorte qu’il ne pourrait y avoir de confusion entre les deux activités, outre que, selon lui, la société Aircleanup n’a pas d’activité réelle et ne saurait se prévaloir d’aucune notoriété dans les produits visés au dépôt de la marque. Il en déduit l’absence de fraude et estime que la demanderesse ne démontre pas d’intention frauduleuse de sa part. Au contraire, explique-t-il, les seules raisons pour lesquelles il a déposé la marque sont de faire fructifier deux ans de travail alors même que les activités qu’il souhaitait développer avaient été abandonnées par la société Aircleanup.

11.Contre la concurrence déloyale, M. [V] [F] invoque une fin de non-recevoir tirée de ce que l’action est dirigée contre lui, personne physique, alors qu’il n’exploite pas lui-même la marque litigieuse, cette exploitation étant faite par sa société Air cleanup « ou éventuellement » sa société Artefact, qui auraient donc dû être recherchées à ce titre. Sur le fond, il estime avoir démontré que la marque litigieuse n’avait pas été déposée de manière frauduleuse, que la demanderesse n’exploitait plus les brevets depuis plus de cinq ans et que les pratiques exercées ne pouvaient lui nuire, écartant également toute possibilité de préjudice. Il conteste par ailleurs la possibilité d’exiger la production de documents à des sociétés qui ne sont pas parties au procès, estimant que cette demande mérite un débat contradictoire.

12.Sur sa demande reconventionnelle pour procédure abusive, il reproche à la société Aircleanup d’avoir engagé la présente procédure contre lui après avoir rompu toute discussion avec lui et sa société Artefact puis avoir abandonné tous les projets qu’il avait initiés. Il estime que les procédures, devant ce tribunal et devant le tribunal de commerce, ont pour but de le discréditer et cela lui apparait d’autant plus vrai que ce n’est qu’après qu’il a soulevé, devant le tribunal de commerce, l’argument selon lequel le dépôt de marque n’avait jamais été contesté que la société Aircleanup l’a assigné ici.

MOTIVATION

13.L’action en revendication instituée par l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle ne relève pas de la compétence de l’INPI ; elle relève donc du tribunal judiciaire sans qu’aucune démarche préalable ne soit exigée par la loi.

I . Demande en revendication de marque

14.L’article L. 712-6, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle prévoit que si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut en revendiquer sa propriété en justice.

15.Un dépôt de marque est entaché de fraude au sens de l’article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle lorsqu’il est effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité (Cass. Com., 25 avril 2006, n° 04-15.641). Le transfert d’une marque pour fraude ne suppose pas la justification de droits antérieurs de la partie plaignante sur le signe litigieux, mais la preuve de l’existence d’intérêts sciemment méconnus par le déposant (Com., 19 décembre 2006, n° 05-14.431).

16.Cette notion doit également s’interpréter à la lumière de celle de mauvaise foi prévue (au titre des causes de nullité) par la directive 2015/2436, et qui est caractérisée lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine (CJUE, 29 janvier 2020, Sky, C-371/18, point 75 et jurisprudence citée).

17.La logique commerciale du dépôt de la marque litigieuse au regard des activités du déposant est un facteur pertinent (CJUE, 12 septembre 2019, Koton, C-104/18 P, point 62 in fine), mais sans pouvoir déduire une mauvaise foi de la seule absence d’activité économique, le déposant disposant d’un délai de cinq ans pour débuter l’usage sérieux de sa marque (CJUE, Sky, précité, points 76 et 78).

18.En l’espèce, la société demanderesse a été créée en 2015 et utilise depuis cette date le signe ‘Aircleanup’ à titre de dénomination sociale et de nom commercial. Elle a déposé des brevets français et européen, respectivement en novembre 2015 et novembre 2016, pour protéger des murs végétaux dépolluants.

19.Il est constant que les parties se connaissent depuis mars 2019, où ont débuté les discussions en vue de l’entrée de M. [V]-[F] au capital. Ainsi, lorsque celui-ci a procédé au dépôt de la marque Air cleanup en 2021, il avait connaissance de l’existence de la société Aircleanup sous ce même nom, ainsi que son domaine d’activité, pour avoir participé personnellement au développement des projets de la société, comme il l’allègue lui-même.

20.Le défendeur a procédé au dépôt de marques peu de temps après la rupture des pourparlers, précisément dans le but, comme il le dit lui-même, de « faire fructifier deux ans de travail » (de sa part) et « déposer la marque qu’il souhaite travailler ».

21.Le courriel qu’il invoque pour se dire autorisé par le dirigeant de la société Aircleanup à reprendre son activité (sa pièce 13) ne porte aucune autorisation à reprendre l’activité de l’entreprise ni aucun de ses actifs : M. [G], dirigeant de la société Aircleanup, n’y formule aucune proposition, écarte de façon diplomatique la possibilité annoncée par M. [V] [F] de facturer sa participation à un projet ([Localité 5]) et expose certes qu’il n’est pas lui-même en mesure d’assurer effectivement la direction de la société, mais il ne s’en déduit manifestement pas qu’il donne implicitement par ce constat une autorisation à son interlocuteur.

22.Le défendeur a ainsi sciemment choisi de s’approprier le nom du partenaire potentiel avec lequel il n’a finalement pas pu poursuivre la collaboration, ce qui caractérise la mauvaise foi et la fraude.

23.Par conséquent, la marque française verbale numéro 4766240 doit être transférée à la société Aircleanup.

II . Transfert des noms de domaine

24.Aux termes de l’article L. 45-2, 2° du code des postes et télécommunications, l’enregistrement ou le renouvellement des noms de domaine peut être refusé ou le nom de domaine supprimé lorsque celui-ci est susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf si le demandeur justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi.

25.Il est admis que lorsque les conditions de la suppression sont réunies, le titulaire du droit invoqué peut, plutôt que la suppression, demander le transfert du nom de domaine à son profit.

26.L’identité du titulaire des noms de domaine ne ressort pas de leur fiche de renseignement dite « Whois » : celui du nom de domaine aircleanup.fr car sa fiche mentionne comme titulaire le mot « année », dont il est constant qu’il ne s’agit pas d’une personne existante et en tout cas pas du titulaire du nom de domaine ; celui du nom de domaine air-cleanup.com car sa fiche contient une mention de confidentialité.

27.Néanmoins, M. [V] [F] ne conteste pas avoir déposé à son nom les deux noms de domaine litigieux : il conteste seulement (ses conclusions, p. 17) que la concurrence déloyale puisse lui être imputée, faisant précisément valoir que « il ne peut en aucun cas être imputé à la personne ayant déposé une marque et un nom de domaine une quelconque éventuelle concurrence déloyale alors qu’une autre personne exploite la marque et le nom de domaine litigieux ». Il affirme également que c’est au profit de sa société Air cleanup (ou « éventuellement » de son autre société, Artefact) que ces deux noms de domaines sont exploités, pour accueillir un unique site internet promotionnel. Enfin, M. [V] [F] ne conteste pas l’affirmation de la demanderesse selon laquelle c’est une personne physique qui peut demander à bénéficier de la confidentialité dans la fiche Whois d’un nom de domaine.

28.Il est ainsi constant que M. [V] [F] est personnellement titulaire des deux noms de domaine aircleanup.fr et air-cleanup.com.

29.Le raisonnement adopté ci-dessus à propos du dépôt de la marque Aircleanup est transposable à ces deux noms de domaine : M. [V] [F] connaissait la société Aircleanup et n’avait manifestement aucun motif légitime à déposer lui-même des noms de domaine correspondant au nom de celle-ci pour son activité personnelle.

30.Ces dépôts, manifestement frauduleux, portent atteinte aux droits de la demanderesse sans que le défendeur justifie d’un intérêt légitime. Par conséquent, leur transfert doit être ordonné.

31.Le comportement de M. [V] [F] impose une astreinte d’un montant élevé, dans les termes du dispositif.

32.En revanche le transfert des noms de domaine n’emporte pas de droit au contrôle des sites accessibles à ces adresses.

III . Demandes fondées sur la concurrence déloyale

33.La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l’article 1240 du code civil, consiste en des agissements s’écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre. L’appréciation de la faute doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits.

34.En l’espèce, M. [V] [F] a créé une société reprenant le nom commercial de la société demanderesse et qu’il a nommée ‘Air Cleanup’. Cependant, la seule création d’une société ne peut être considérée comme un acte de concurrence déloyale et aucune preuve n’a été rapportée sur l’activité de cette société, il ne peut ainsi y avoir de fait fautif à cet égard (ni, au demeurant, de fait imputable spécialement à cette société et non à M. [V] [F]).

35.Le site ‘air-cleanup.com’ (pièce n°8 de la demanderesse) associe M. [V] [F] à une entreprise dénommée « Air Cleanup », signe presque identique à la dénomination sociale de la demanderesse, entreprise dont il prétend qu’elle est titulaire de brevets de murs végétalisés, alors qu’il est constant que seule la société Aircleanup détient de tels brevets. Ce site présente M. [V] [F] en disant qu’il « s’engage pour développer » les « murs végétaux intérieurs Air Cleanup ».

36.Bien que le numéro d’immatriculation de la société ‘Air Cleanup’ apparaisse dans les mentions légales du site internet, aucune autre information ni preuve d’une activité de cette société ne permet de lui imputer réellement le site internet air-cleanup.com. Cette référence à la société créée par le défendeur sur le site internet correspond en réalité à une façade sans lien avec aucune activité réelle, ce qui est encore corroboré par la domiciliation de cette société à l’adresse du domicile personnel de M. [V] [F], lequel n’est, au demeurant, pas même capable, dans ses écritures, de dire si l’exploitation de la marque ‘Air cleanup’ est le fait de la société Air cleanup ou de la société Artefact (ses conclusions, p. 16 : « l’exploitation de ladite marque est effectuée par la société Air cleanup ou, éventuellement par Artefact »).

37.L’implication personnelle de M. [V] [F] dans l’exploitation du signe ressort également du dépôt en son nom de la marque en cause et du caractère frauduleux de ce dépôt. Enfin, M. [V] [F] affirme encore sur sa page LinkedIn personnelle être à l’origine des murs végétalisés brevetés « Air cleanup » (pièce n°13 de la demanderesse).

38.Cet usage d’éléments propres à la société Aircleanup par M. [V] [F] a créé un risque de confusion, volontaire, ce qui caractérise une concurrence déloyale dont le préjudice doit être réparé.

39.En l’absence d’élément sur l’ampleur de l’activité menée par M. [V] [F] grâce à l’usurpation du nom de la demanderesse, au-delà de ces seules vitrines que sont la page LinkedIn et le site air-cleanup.com, seul un préjudice d’image et de réputation est établi, qui peut être estimé à 5 000 euros.

40.Le site internet litigieux est fautif et doit être supprimé (ou du moins toute référence à des signes ‘Aircleanup’ avec ou sans espace ou tiret ainsi qu’à des murs végétaux brevetés doit y être supprimée) afin de faire cesser le préjudice. Rien ne justifie pour autant d’en attribuer le contrôle à la demanderesse. Sa demande en ce sens doit par conséquent être rejetée.

41.Cependant la demanderesse est bien fondée à rechercher la preuve éventuelle d’autres faits susceptibles d’être qualifiés de concurrence déloyale et liés à cette même usurpation du nom de la demanderesse par M. [V] [F] ou une autre entité qu’il contrôlerait. Celui-ci est donc tenu de communiquer à la société Aircleanup tout document en sa possession, y compris libellé au nom d’une société tierce, relatif à une activité sous le nom ‘Air cleanup’ quel qu’il soit, permettant de déterminer les quantités de produits et services commercialisés en France depuis la fin des pourparlers entre les parties sans qu’il soit nécessaire de l’assortir d’une astreinte.

IV . Les fruits tirés de l’exploitation de la marque litigieuse

42.La demanderesse exige une réparation du fait de la commercialisation des produits et services sous la marque litigieuse et le défendeur n’y répond pas. Cependant, le dépôt de la marque Air cleanup, bien que frauduleux, n’a pas permis en lui-même l’usage illicite du signe et cet usage, déloyal, fait l’objet d’une indemnisation qui répare entièrement le préjudice.

V . Dispositions finales

43.Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. L’article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu’il détermine, en tenant compte de l’équité et de la situation économique de cette partie.

44.La demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive est mal fondée, le défendeur perdant le procès.

44.Le défendeur et est donc tenu aux dépens et doit, en tenant compte de l’équité, indemniser la demanderesse de ses frais à hauteur de 2 000 euros.

45.Enfin, vu les articles 514 et 515 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu à écarter l’exécution provisoire, la nature de l’affaire ne lui étant pas incompatible.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Transfère à la société Aircleanup la propriété de la marque française ‘Aircleanup’ numéro 4766240, pour tous les produits et services visés à son enregistrement ;

Ordonne la transmission à l’INPI du présent jugement, une fois passé en force de chose jugée, à l’initiative de la partie la plus diligente, aux fins d’inscription au registre ;

Ordonne à M. [V] [F] de procéder au transfert des noms de domaine ‘aircleanup.fr’ et ‘air-cleanup.com’ au profit de la société Aircleanup, en justifiant auprès d’elle de l’effectivité de ses démarches auprès des personnes concernées, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement, puis sous astreinte de 500 euros par jour, qui courra pendant au maximum 180 jours ; ce délai de 30 jours étant le délai total pour que le transfert soit effectif, et non le délai pour engager les démarches nécessaires ;

Autorise la société Aircleanup, à défaut de transfert effectif dans un délai de 60 jours à compter de la signification du jugement, à notifier le présent jugement aux bureaux d’enregistrement ou aux offices (registries) concernés, en vue de rechercher auprès d’eux le transfert de propriété de ces noms de domaine à son bénéfice ;

Précise que la faculté ouverte au créancier d’agir lui-même ne fera cesser le cours de l’astreinte, le cas échéant, qu’à compter de l’achèvement fructueux de ses démarches ;

Rejette la demande de la société Aircleanup de remise des codes d’accès et de l’interface d’administration des sites accessibles à ces noms de domaine ;

Condamne M. [V] [F] à payer la société Aircleanup la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant de la concurrence déloyale.

Ordonne la communication de toute pièce détenue par M. [V] [F] relative à une activité sous le nom de ‘Air Cleanup’ y compris sous le libellé d’une société tierce.

Ordonne à M. [V] [F] de cesser l’usage du signe ‘Air cleanup’ (avec ou sans espace et avec ou sans tiret) et la référence à des murs végétaux brevetés (sauf à établir qu’il détient ou est licencié d’un autre brevet relatif à de tels murs végétaux) dans son activité professionnelle, et ce dans un délai de 15 jours suivant la signification du jugement, puis sous astreinte de 400 euros par jour qui courra au maximum pendant 180 jours ;

Se réserve la liquidation des astreintes ;

Rejette la demande reconventionnelle de M. [V] [F] ;

Condamne M. [V] [F] aux dépens, ainsi qu’à payer 2 000 euros à la société Aircleanup au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Fait et jugé à Paris le 26 Avril 2024

Le GreffierLa Présidente
Irène BENACIrène BENAC


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 3ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/05792
Date de la décision : 26/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-26;22.05792 ?
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