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26/04/2024 | FRANCE | N°20/13372

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 26 avril 2024, 20/13372


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 20/13372 -
N° Portalis 352J-W-B7E-CTQGY

N° PARQUET : 21/8

N° MINUTE :

Assignation du :
30 Décembre 2020

AJ du TJ DE PARIS du 09 Décembre 2020 N° 2020/006522

CB

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 26 Avril 2024

DEMANDEUR

Monsieur [C] [V]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Me Audrey CAZENAVE, avocat au barreau de MELUN, avocat pl

aidant, vestiaire #M81

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/006522 du 09/12/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Melun)


DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REP...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 20/13372 -
N° Portalis 352J-W-B7E-CTQGY

N° PARQUET : 21/8

N° MINUTE :

Assignation du :
30 Décembre 2020

AJ du TJ DE PARIS du 09 Décembre 2020 N° 2020/006522

CB

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 26 Avril 2024

DEMANDEUR

Monsieur [C] [V]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Me Audrey CAZENAVE, avocat au barreau de MELUN, avocat plaidant, vestiaire #M81

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/006522 du 09/12/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Melun)

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Localité 2]

Madame Sophie BOURLA-OHNONA, Vice-Procureure
Décision du 26/04/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 20/13372

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

Assistées de Madame Manon Allain, Greffière

DEBATS

A l’audience du 01 Mars 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire,
en premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Madame Manon Allain, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions de [C] [V] constituées par l'assignation délivrée le 30 décembre 2020 par [C] [V] au procureur de la République, et le bordereau de communication de pièces notifié par la voie électronique le 27 septembre 2021,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 juin 2023, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 8 septembre 2023,

Vu le jugement rendu le 20 octobre 2023 de réouverture des débats et de révocation de l'ordonnance de clôture du 23 juin 2023 pour la communication des pièces par le demandeur,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 19 janvier 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 1er mars 2024,

Décision du 26/04/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 20/13372

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 3 mars 2021. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Le 9 juin 2020, M. [C] [V], se disant né le 17 avril 2002 à [Localité 4] (MALI), a souscrit une déclaration de nationalité française devant la directrice des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de Melun, sur le fondement de l'article 21-12 alinéa 3 du code civil, sous le numéro de dossier DnhM N° 26/2020.

Par décision du 30 juin 2020, notifiée le jour-même, l'enregistrement de la déclaration a été refusé par la directrice des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de Melun, au motif que le jugement supplétif d'acte de naissance de M. [C] [V] n'était pas opposable en France car contraire à l'ordre public français, notamment en l'absence du nom du juge et de sa signature (pièce n°1 du demandeur).

M. [C] [V] sollicite du tribunal de constater qu'aux termes de sa déclaration de nationalité française, il est français. Il expose qu'il remplit l'ensemble des conditions de l'article 21-12 du code civil.

Le ministère public s'oppose à ces demandes et sollicite du tribunal de dire qu'il n'y a pas lieu à enregistrement de la déclaration de nationalité française et que M. [C] [V] n'est pas de nationalité française. Il soutient que le demandeur ne justifie pas d'un état civil fiable et certain.

Sur les demandes de M. [C] [V]

M. [C] [V] sollicite du tribunal de « constater qu'aux termes de sa déclaration en date du 9 juin 2020, [il] est français ». Cette demande de « constat » s'analyse en une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile à voir « juger » qu'il est de nationalité française et à voir « enregistrer la déclaration souscrite le 9 juin 2020 ». Le tribunal statuera sur cette demande ainsi requalifiée.

M. [C] [V] sollicite également du tribunal « d'ordonner qu'il soit procédé aux formalités de transcription de cet acte de naissance au service central d'état civil du ministère des affaires étrangères ».

Saisi d'une action déclaratoire de nationalité française, le tribunal n'a
pas le pouvoir d'ordonner la transcription d'un acte de naissance au service central d'état civil. Cette demande sera jugée irrecevable.
Décision du 26/04/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 20/13372

Sur le fond

Aux termes de l'article 21-12, 3e alinéa 1° du code civil, l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance, peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France.

Il résulte de l'article 26-3 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 applicable en l'espèce, que la décision de refus d'enregistrement doit intervenir six mois au plus après la date à laquelle a été délivré au déclarant le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à la preuve de recevabilité de la déclaration. L'article 26-4 du code civil poursuit qu'à défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement.

En l'espèce, il n'est produit aucune pièce permettant de déterminer la date à laquelle le récépissé de la déclaration a été remis à M. [C] [V]. Il résulte toutefois de la décision de refus d'enregistrement de la déclaration que celle-ci a été souscrite le 9 juin 2020. La décision de refus a été notifiée le 30 juin 2020, soit moins de 6 mois après la souscription, et donc, nécessairement, moins de 6 mois après la date de la remise du récépissé, ce qui, au demeurant, n'est pas contesté par le demandeur (pièce n°1 du demandeur).

Il appartient donc à M. [C] [V] de rapporter la preuve de ce que les conditions de la déclaration de nationalité française, posées par l'article 21-12, 3e alinéa 1° du code civil précitées, sont remplies.

A cet égard, il y a lieu de relever que conformément aux dispositions de l’article 16 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 dans sa version issue du décret n°2019-1507 du 30 décembre 2019 ici applicable, la souscription de la déclaration prévue à l’article 21-12 du code civil doit être accompagnée de la production d’un acte de naissance du déclarant.

Il est en outre rappelé que nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil, par la production de copies intégrales d'actes d’état civil en original, étant précisé que le premier bulletin de la procédure rappelle la nécessité de produire de tels actes.

Il est également rappelé qu'aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

M. [C] [V] doit donc également justifier d'un état civil fiable et certain, attesté par des actes d'état civil probants au sens de cet article.
Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et le Mali, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 24 de l'accord de coopération en matière de justice signé le 9 mars 1962 et publié par décret du 17 juin 1964 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et, s'il s'agit d'expéditions, qu'ils soient certifiés conformes à l'original par ladite autorité.

Pour justifier de son état civil, M. [C] [V] produit un extrait de son acte de naissance, le volet n°3 de son acte de naissance et un extrait certifié conforme du jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 18 juin 2015 par le tribunal de grande instance de la commune VI du district de [Localité 4] (pièces n°3 à 5 du demandeur).

Malgré le jugement rendu par le tribunal de céans le 20 octobre 2023 de réouverture des débats et de révocation de l'ordonnance de clôture du 23 juin 2023, afin que le demandeur produise le jugement supplétif d'acte de naissance en expédition conforme, ce dernier n'a pas cru devoir produire une telle pièce.

Or, il convient de rappeler qu'un acte de naissance dressé en exécution d'une décision de justice est indissociable de celle-ci. En effet, l'efficacité de ladite décision de justice, même si elle existe de plein droit, reste toujours subordonnée à sa propre régularité internationale. La valeur probante d'un acte de naissance est ainsi subordonnée à la régularité internationale du jugement en exécution duquel il a été dressé.

Faute de produire une expédition certifiée conforme du jugement supplétif d'acte de naissance, son acte de naissance n'est pas probant et M. [C] [V] ne justifie pas d'un état civil fiable et certain.

Dès lors, il ne peut revendiquer la nationalité française à aucun titre.

En conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés par le ministère public, il y a lieu de débouter M. [C] [V] de sa demande tendant à voir juger qu'il est de nationalité française en application de l'article 21-12 du code civil. En outre, dès lors qu'il ne peut revendiquer la nationalité française à quelque titre que ce soit, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'il n'est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, la mention de la présente décision sera ordonnée en application de cet article.

Sur les demandes accessoires

Sur l'exécution provisoire

Au regard du sens de la présente décision, l'exécution provisoire, au demeurant exclue en matière de nationalité par les dispositions de l'article 1045 du code de procédure civile, ne sera pas ordonnée.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [C] [V], qui succombe, sera condamné aux dépens, qui seront recouvrés conformément à la législation en matière d'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par décision mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Juge irrecevable la demande M. [C] [V] d'ordonner qu'il soit procédé aux formalités de transcription de cet acte de naissance au service central d'état civil du ministère des affaires étrangères ;

Déboute M. [C] [V] de sa demande tendant à voir juger qu'il est de nationalité française ;

Juge que M. [C] [V], se disant né le 17 avril 2002 à [Localité 4] (MALI), n’est pas de nationalité française ;

Dit n'y avoir lieu à enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 9 juin 2020 par M. [C] [V], se disant né le 17 avril 2002 à [Localité 4] (MALI), devant la directrice des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de Melun, sous le numéro de dossier DnhM N° 26/2020 ;

Ordonne la mention prévue à l’article 28 du code civil en marge des actes concernés ;

Condamne M. [C] [V] aux dépens, qui seront recouvrés conformément à la législation en matière d'aide juridictionnelle ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 26 Avril 2024

La GreffièreLa Présidente
Manon AllainAntoanela Florescu-Patoz


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 20/13372
Date de la décision : 26/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-26;20.13372 ?
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