La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/04/2024 | FRANCE | N°20/05710

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 26 avril 2024, 20/05710


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 20/05710 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSJHA

N° PARQUET : 20/563

N° MINUTE :


Assignation du :
17 Juin 2020


A.F.P.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 26 Avril 2024

DEMANDERESSE

Madame [Z] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1] (ALGERIE)

représentée par Me Sohil BOUDJELLAL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0058
>
DEFENDERESSE

LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Adresse 5]

Madame Laureen Simoes, Substitute







Décision du 26/04/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 20/05710 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSJHA

N° PARQUET : 20/563

N° MINUTE :

Assignation du :
17 Juin 2020

A.F.P.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 26 Avril 2024

DEMANDERESSE

Madame [Z] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1] (ALGERIE)

représentée par Me Sohil BOUDJELLAL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0058

DEFENDERESSE

LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Adresse 5]

Madame Laureen Simoes, Substitute

Décision du 26/04/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 20/05710

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Manon Allain, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 16 Février 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire,
En premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Manon Allain, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 17 juin 2020 par Mme [Z] [L] au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions de Mme [Z] [L] notifiées par la voie électronique le 29 septembre 2022 ;

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 17 février 2022,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 22 décembre 2023 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 16 février 2024,

Vu l’avis de prorogation transmis par voie électronnique aux parties le 05 avril 2024 fixant le délibéré au 26 avril 2024,

MOTIFS

Sur la procédure

Le tribunal rappelle qu'aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 30 novembre 2020. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Mme [Z] [L] se disant née le 4 juin 1989 à [Localité 3] (Algérie) revendique la nationalité française par filiation maternelle sur le fondement de l'article 17 et 23-1 du code de la nationalité française. Elle indique que sa mère, [Y] [P], née le 2 février 1962 à [Localité 6], a conservé la nationalité française lors de l'accession de l'Algérie à l'indépendance dans la mesure où elle relevait du statut civil de droit commun, comme descendante [F] [P], né le 30 septembre 1928 à [Localité 4], lui-même fils de [U] [P], né le 24 mai 1896 à [Localité 2] en Algérie, admis à la qualité de citoyen français par jugement du tribunal de Tizi Ouzou, rendu le 18 octobre 1922 (pièce n°16 de la demanderesse).

Mme [Z] [L] s’est vue refuser la délivrance d’un certificat de nationalité française le 13 avril 2018 par le directeur des services de greffe judiciaires du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France au motif qu'elle ne justifiait pas d'une chaîne de filiation à l'égard de [U] [P] et qu'elle ne produisait pas une expédition certifiée conforme du jugement d'admission de son ascendant français (pièce n°6 de la demanderesse).

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.

Il est en outre rappelé que les effets sur la nationalité française de l’accession à l’indépendance des départements d’Algérie, fixés au 1er janvier 1963, sont régis par l’ordonnance n°62-825 du 21 juillet 1962 et par la loi n°66-945 du 20 décembre 1966 ; ils font actuellement l’objet des dispositions des articles 32-1 et 32-2 du code civil ; il résulte en substance de ces textes que les Français originaires d’Algérie ont conservé la nationalité française:

- de plein droit, s’il étaient de statut civil de droit commun ce qui ne pouvait résulter que de leur admission ou de celle de l’un de leur ascendant, ce statut étant transmissible à la descendance, à la citoyenneté française en vertu exclusivement, soit d’un décret pris en application du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, soit d’un jugement rendu sur le fondement de la loi du 4 février 1919 ou, pour les femmes, de la loi du 18 août 1929, ou encore de leur renonciation à leur statut personnel suite à une procédure judiciaire sur requête, étant précisé que relevaient en outre du statut civil de droit commun les personnes d’ascendance métropolitaine, celles nées de parents dont l’un relevait du statut civil de droit commun et l’autre du statut civil de droit local, celles d’origine européenne qui avaient acquis la nationalité française en Algérie et les israélites originaires d’Algérie qu’ils aient ou non bénéficié du décret “Crémieux” du 24 octobre 1870 ;

- s’ils étaient de statut civil de droit local, par l’effet de la souscription d’une déclaration de reconnaissance au plus tard le 21 mars 1967 (les mineurs de 18 ans suivant la condition parentale dans les conditions prévues à l’article 153 du code de la nationalité française), ce, sauf si la nationalité algérienne ne leur a pas été conférée postérieurement au 3 juillet 1962, faute de quoi ils perdaient la nationalité française au 1er janvier 1963.

Il appartient donc à Mme [Z] [L], non titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, la qualité de français de statut civil de droit commun de son ascendant revendiqué et, d'autre part, un lien de filiation légalement établi à l'égard de celui-ci, par la production d'actes d’état civil fiables et probants au sens de l’article 47 du code civil étant rappelé qu'aux termes de l’article 20-1 du code civil, la filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et l'Algérie, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 36 du protocole judiciaire signé le 28 août 1962 et publié par décret du 29 août 1962 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer.

Par ailleurs, nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil et de celui des ascendants qu’il revendique, par la production de copies intégrales de l’état civil en original, étant précisé que le premier bulletin de la procédure rappelle la nécessité de produire de tels actes.

En l'espèce, pour justifier de l'admission de [U] [P], son arrière grand-père, à la qualité de citoyen français, Mme [Z] [L] verse aux débats la copie du jugement rendu le 18 octobre 1922, par le tribunal de première instance de Tizi-Ouzou, en simple photocopie (pièces n°16 de la demanderesse).

Le ministère public expose que cette copie est dactylographiée, qu'elle ne rappelle pas l'état civil de l'admis, et ne mentionne pas le nom du greffier en chef qui a délivré cette copie le 31 mai 2016, étant dépourvue de toute force probante.

Mme [Z] [L] expose que la force probante du jugement d'admission ne peut pas être mise en cause car il est produit en copie dactylographiée et porte le tampon des autorités algérienne ; qu'il est d'usage des autorités algériennes que le jugement de naturalisation sont reproduits de manière dactylographiée ; qu'il peut remettre en cause ce document qu'en arguant de ce qu'il serait faux ou apocryphe ; que le jugement est délivré par le greffier du tribunal habilité à cet effet ; que le jugement est visé au soutien de la reconnaissance de la nationalité française au profit des autres membres de la famille de la demanderesse et que des vérifications ont déjà été effectuées au plus haut niveau.

Le tribunal rappelle, qu'en effet, les actes algériens sont dispensés de légalisation par l'article 36 du protocole judiciaire signé le 28 août 1962 et publié par décret du 29 août 1962. Néanmoins, en vertu de cette même convention, ces actes doivent être revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer.

Par ailleurs, en vertu de l'article 6 de la convention franco-algérienne du 27 août 1964 relative à l’exequatur et à l’extradition “La partie qui invoque l’autorité d’une décision judiciaire ou qui en demande l’exécution doit produire :
a. Une expédition de la décision réunissant les conditions nécessaires à son authenticité ;
b. L’original de l’exploit de signification de la décision ou tout autre acte qui tient lieu de signification ;
c. Un certificat des greffiers compétents constatant qu’il n’existe contre la décision ni opposition, ni appel, ni pourvoi en cassation ;
d. Une copie authentique de la citation de la partie qui a fait défaut à l’instance, en cas de condamnation par défaut ;
e. Une traduction complète des pièces énumérées ci-dessus certifiées conformes par un traducteur assermenté ou agréé conformément à la réglementation de l’Etat requérant.”

Il en résulte que nonobstant la dispense de légalisation, une décision judiciaire doit être produite dans les conditions garantissant son authenticité.

En l'espèce, le tribunal relève en premier lieu que la copie du jugement d'admission, produite en pièce numéro 16 est une simple photocopie. Or, une photocopie étant exempte de toute garantie d'authenticité et d'intégrité, cette pièce est dépourvue de toute force probante.

Ensuite, le tribunal observe que cette copie comporte des cachets quasiment illisibles, de sorte que le tribunal n'a pas la possibilité ni de vérifier la qualité de la personne ayant apposé le tampon ni le contenu du cachet. Cette pièce, dont l'authenticité ne peut être vérifiée par le tribunal, est ainsi également dépourvue de toute valeur probante.

Il est constant que la preuve de l'admission à la citoyenneté française ne peut être rapportée que par la production d'un titre, décret ou jugement d'admission au statut civil de droit commun, ou de renonciation expresse au statut civil de droit local.
En l'espèce, la copie du jugement d'admission versée aux débats étant dépourvue de force probante, la demanderesse ne justifie pas de l'admission de son arrière grand-père à la qualité de citoyen français. Elle ne démontre donc pas que sa mère a conservé la nationalité française postérieurement à l'indépendance de l'Algérie comme relevant du statut civil de droit commun.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de débouter Mme [Z] [L] de sa demande tendant à voir dire qu'elle est de nationalité française par filiation maternelle et, dès lors qu'elle ne revendique la nationalité française à aucun autre titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'elle n'est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [Z] [L], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [Z] [L] de l'ensemble de ses demandes ;

Juge que Mme [Z] [L] , se disant née le 4 juin 1989 à [Localité 3] (Algérie), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Condamne Mme [Z] [L] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 26 Avril 2024

La GreffièreLa Présidente
M. ALLAIN A. FLORESCU-PATOZ


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 20/05710
Date de la décision : 26/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-26;20.05710 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award