TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me BUSSON, Me TRONCQUEE, Me COUËBO
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me ETNER et Me GIRAULT
■
8ème chambre
3ème section
N° RG 20/00037
N° Portalis 352J-W-B7D-CRMJL
N° MINUTE :
Assignation du :
23 décembre 2019
JUGEMENT
rendu le 26 avril 2024
DEMANDERESSE
S.A.S.U. DERBY GARIBALDI HOTEL
[Adresse 8]
[Localité 7]
représentée par Maître Lionel BUSSON de la SELARL CABINET SABBAH & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0466
DÉFENDEURS
Syndicat des copropriétaires du [Adresse 11], représenté par son syndic la S.A.S. STB GESTION IMMO GESTION
[Adresse 3]
[Localité 7]
représenté par Maître Catherine TRONCQUEE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0351
S.C.I. FEB EIFFEL
[Adresse 10]
[Localité 7]
représentée par Maître Jacques LABROUSSE, avocat au barreau de TOULON, avocat plaidant et par Maître Mathieu COUËDO, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E0775
Décision du 26 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00037 - N° Portalis 352J-W-B7D-CRMJL
Compagnie d’assurance QBE EUROPE SA/NV
[Adresse 2]
[Localité 9]
représentée par Maître Fabien GIRAULT de la SELARL GFG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0697
S.A.S. KBS GARIBALDI
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Maître Léna ETNER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0154
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Lucile VERMEILLE, vice-présidente
Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge
assistés de Madame Léa GALLIEN, greffier
DÉBATS
A l’audience du 01 février 2024 présidée par Madame Frédérique MAREC
tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE
La SASU Derby Garibaldi Hôtel est propriétaire de l’immeuble sis [Adresse 8], situé sur la parcelle référencée CD n° [Cadastre 6]. Cet immeuble est exploité à usage d’hôtel. A l’arrière de la parcelle CD n° [Cadastre 6] se trouve une cour ceinte par les parcelles CD n° [Cadastre 4] et CD n° [Cadastre 5], sur lesquelles se trouvent respectivement l’immeuble sis [Adresse 10] et l’immeuble sis [Adresse 11].
L’immeuble sis [Adresse 10] était la propriété de la SCI Feb Eiffel, avant que la SAS KBS Garibaldi n’en fasse l’acquisition le 8 octobre 2020.
Décision du 26 avril 2024
8ème chambre 3ème section
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Invoquant la dégradation de murs mitoyens entraînant des désordres sur sa propriété, la SASU Derby Garibaldi Hôtel a, par acte d’huissier en date du 20 août 2018, fait assigner en référé la SCI Feb Eiffel et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 11], représenté par son syndic en exercice, pour obtenir la désignation d’un expert géomètre.
Par ordonnance en date du 8 novembre 2018, le juge des référés a désigné M. [B] [X] en qualité d’expert, avec pour mission, notamment, d’établir un décompte de mitoyenneté des trois immeubles situés sur les parcelles CD n° [Cadastre 4], CD n° [Cadastre 5] et CD n° [Cadastre 6], d’établir un relevé des figures des murs des immeubles situés sur ces parcelles, d’examiner les désordres allégués et d’en rechercher la cause.
Le 12 décembre 2018, M. [Z] [O] a été désigné pour remplacer M. [B] [X].
Par ordonnance en date du 4 juin 2019, la S.A. QBE Insurance Europe Limited a été mise hors de cause et les ordonnances du 8 novembre 2018 et 12 décembre 2018 ont été rendues communes à la société QBE Europe SA/NV, après qu’elle ait été reçue en son intervention volontaire.
M. [Z] [O] a déposé son rapport le 29 octobre 2019.
Par acte d’huissier du 23 décembre 2019, la SASU Derby Garibaldi Hôtel a fait assigner la SCI Feb Eiffel et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 11] devant le tribunal judiciaire de Paris. L’instance a été enregistrée sous le numéro de RG 20/00037.
Par acte d’huissier en date du 2 novembre 2020, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 11] a fait assigner la société QBE Europe SA/NV devant la présente juridiction. L’instance a été enregistrée sous le numéro de RG 20/10643.
Le 15 décembre 2020, les RG 20/00037 et 20/10643 ont été joints par mention au dossier et l’affaire s’est poursuivie sous le numéro de RG 20/00037.
Par acte d’huissier en date du 3 mai 2021, la SASU Derby Garibaldi Hôtel a fait assigner la SAS KBS Garibaldi afin d’obtenir sa garantie. L’instance a été enregistrée sous le numéro de RG 21/06315.
Le 21 septembre 2021, les RG 20/00037 et 21/06315 ont été joints par mention au dossier et l’affaire s’est poursuivie sous le RG 20/00037.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 septembre 2022, la SASU Derby Garibaldi Hôtel demande au tribunal de :
« Vu l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu les articles 1240 à 1242 du Code Civil,
Vu la théorie des troubles anormaux de voisinage,
Vu l’article L.126-2 du Code de la Construction et de l’Habitation,
Vu l’arrêt de la Ville de [Localité 7] du 27 octobre 2000,
Vu les articles 32 et33 du Règlement sanitaire de la Ville de [Localité 7],
Vu les articles 595, 699 et 700 du Code de Procédure Civile,
Décision du 26 avril 2024
8ème chambre 3ème section
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- DIRE ET JUGER que le décompte des mitoyennetés des trois immeubles situés sur les parcelles CD [Cadastre 4], CD [Cadastre 5] et CD [Cadastre 6] sera celui qui figure en pages 9 et 10 du rapport d’expertise déposé par Monsieur [O], Expert Judiciaire, le 29 octobre 2019 ;
- DIRE ET JUGER que le relevé des figures des murs séparatifs des trois immeubles situés CD [Cadastre 4], CD [Cadastre 5] et CD [Cadastre 6] sera celui qui figure en pages 9 et 10 du rapport d’expertise déposé le 29 octobre 2019 par Monsieur [O] ;
- CONDAMNER la Société KBS GARIBALDI à entreprendre les travaux visés au devis établi par la Société TECNIKA (N° FG 2019/09147) pour un montant de 52.188 Euros T.T.C., et ce sous astreinte de 500 Euros par jour de retard, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- CONDAMNER in solidum les Sociétés FEB EIFFEL et KBS GARIBALDI à payer à la Société DERBY GARIBALDI HOTEL la somme de 407,18 Euros T.T.C au titre de la franchise restant à la charge de la demanderesse ;
- CONDAMNER in solidum les Sociétés FEB EIFFEL et KBS GARIBALDI à payer la somme de 5.000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
- DEBOUTER le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 11]), représenté par son Syndic, le Cabinet STB GESTION–IMMOGESTION, ainsi que la Société QBE EUROPE SA/NV, de l’ensemble de leurs demandes ;
- DEBOUTER la Société KBS GARIBALDI de sa demande de délais ;
- CONDAMNER in solidum les Sociétés FEB EIFFEL et KBS GARIBALDI, ainsi que le Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 11]), pris en la personne de son Syndic, la Société STB GESTION-IMMOGESTION, à payer à la Société DERBY GARIBALDI HOTEL la somme de 10.500 Euros, conformément aux dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, dans une proportion de 90 % pour la première et de 10 % pour le second ;
- LES CONDAMNER aux entiers dépens de l’instance, lesquels comprendront les frais d’expertise d’un montant de 10.600 Euros, dans une proportion de 90 % in solidum entre les Sociétés FEB EIFFEL et KBS GARIBALDI, et de 10 % pour le Syndicat des Copropriétaires situé [Adresse 11]), pris en la personne de son Syndic, la Société STB GESTION-IMMOGESTION, lesquels pourront être recouvrés par Maître Lionel BUSSON, Avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile. »
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 5 juillet 2022, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 11] demande au tribunal de :
Décision du 26 avril 2024
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« Vu les dispositions de l’article 14 de la loi de 1965,
Vu les articles 1240 à 1242 du code civil
Vu le rapport d’expertise,
Vu les pièces versées aux débats,
- Recevoir le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 11] en ses présentes écritures,
- Le déclarer bien fondé,
En conséquence,
- Débouter la société DERBY GARIBALDI HOTEL de sa demande visant à voir entériner le décompte de mitoyenneté et le relevé des figures des murs séparatifs exposés en pages 9 et 10 du rapport de l’expert judiciaire ;
- Débouter la société DERBY GARIBALDI HOTEL du fait que ses demandes principales ne sont pas formées à l’encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 11] ;
- Mettre hors de cause le syndicat des copropriétaires du [Adresse 11] ;
- Débouter la société DERBY GARIBALDI HOTEL, et toute autre partie, de leurs demandes formées à l’encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 11] ;
- Prononcer la mise hors de cause du syndicat des copropriétaires du [Adresse 11] ;
Subsidiairement, si par l’impossible une quelconque condamnation devait intervenir à l’encontre du syndicat des copropriétaires exposant,
- Condamner la compagnie QBE INSURANCE EUROPE à garantir le syndicat des copropriétaires du [Adresse 11] de toute condamnation en principal, frais et accessoires ;
En tout état de cause,
- Condamner la société DERBY GARIBALDI HOTEL ou toute partie succombante à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 11] une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article du 700 du CPC ;
- Condamner la société DERBY GARIBALDI HOTEL ou toute partie succombante aux entiers dépens qui seront recouvrés, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC, par Maître Catherine TRONCQUEE de la SCP GASNIER-TRONCQUEE, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile ;
- Dire l’exécution provisoire du jugement de droit. »
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 janvier 2023, la SAS KBS Garibaldi demande au tribunal de :
« - ACCORDER un délai de douze mois à la société KBS GARIBALDI pour réaliser les travaux litigieux à ses frais et à titre subsidiaire de lui accorder un délai de douze mois pour payer les travaux litigieux ;
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- DEBOUTER la société DERBY GARIBALDI HOTEL de l’ensemble de ses autres demandes formulées contre la société KBS GARIBALDI ;
- DIRE n’y avoir lieu à condamnation de la société KBS GARIBALDI au titre des frais irrépétibles et des dépens. »
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 septembre 2022, la SCI Feb Eiffel demande au tribunal de :
« - Juger que la société KBS GARIBALDI devra relever et garantir la SCI FEB EIFFEL de toutes condamnations prononcées à son encontre en principal, frais, intérêts, dépens ;
- Statuer ce que de droit sur les dépens. »
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 novembre 2021, la société QBE Europe SA/NV demande au tribunal de :
« Vu les articles 1240 à 1242 du Code civil,
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,
Vu le rapport d’expertise de Monsieur [O] du 29 octobre 2019,
Vu les pièces versées aux débats,
- DECLARER mal fondée la demande de la société DERBY GARIBALDI HOTEL visant à voir entériner le décompte de mitoyennetés et le relevé des figures des murs séparatifs exposés en pages 9 et 10 du rapport de l’Expert judiciaire ;
- PRENDRE ACTE du fait que les demandes principales de la société DERBY GARIBALDI HOTEL ne sont pas formées à l’encontre du Syndicat des copropriétaires [Adresse 11] ;
- DECLARER que la responsabilité du Syndicat des copropriétaires [Adresse 11] n’est pas engagée dans le cadre du présent litige ;
En conséquence,
- DEBOUTER la société DERBY GARIBALDI HOTEL, et toute autre partie, de leurs demandes formées à l’encontre du Syndicat des copropriétaires [Adresse 11] ;
- PRONONCER la mise hors de cause du Syndicat des copropriétaires [Adresse 11] ;
- Partant, DECLARER que l’appel en garantie formé par le Syndicat des copropriétaires [Adresse 11] à l’encontre de la Compagnie QBE n’a pas d’objet ;
- PRONONCER la mise hors de cause de la Compagnie QBE ;
- DEBOUTER le Syndicat des copropriétaires [Adresse 11], ainsi que toute autre partie, de leurs demandes formées à l’encontre de la Compagnie QBE ;
- DEBOUTER la société DERBY GARIBALDI HOTEL, la société KBS GARIBALDI, la société FEB EIFFEL et le Syndicat des copropriétaires [Adresse 11] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;
- CONDAMNER la société DERBY GARIBALDI HOTEL, ainsi que tout succombant, à payer à la Compagnie QBE la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER in solidum la société DERBY GARIBALDI HOTEL, ainsi que tout succombant, aux entiers dépens, lesquels seront directement recouvrés par la SELARL GFG AVOCATS, représentée par Maître Fabien GIRAULT du Barreau de PARIS, conformément aux dispositions
de l’article 699 du Code de procédure civile. »
Il sera expressément renvoyé aux conclusions des parties précitées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 mai 2023 et l’affaire appelée à l’audience du 1er février 2024. La décision a été mise en délibéré au 26 avril 2024.
MOTIFS
Sur la demande relative au décompte des mitoyennetés et au relevé des figures des murs séparatifs
Aux termes de ses dernières conclusions, la SASU Derby Garibaldi Hôtel demande au tribunal de :
« - DIRE ET JUGER que le décompte des mitoyennetés des trois immeubles situés sur les parcelles CD [Cadastre 4], CD [Cadastre 5] et CD [Cadastre 6] sera celui qui figure en pages 9 et 10 du rapport d’expertise déposé par Monsieur [O], Expert Judiciaire, le 29 octobre 2019 ;
- DIRE ET JUGER que le relevé des figures des murs séparatifs des trois immeubles situés CD [Cadastre 4], CD [Cadastre 5] et CD [Cadastre 6] sera celui qui figure en pages 9 et 10 du rapport d’expertise déposé le 29 octobre 2019 par Monsieur [O]. »
Elle expose, dans les motifs de ses conclusions, « qu’il n’existe aucun élément technique permettant de s’opposer au bien fondé de cette demande » et que « cette demande est importante dans le cadre des futurs rapports entre les propriétaires des trois immeubles ». Le tribunal relève que la SASU Derby Garibaldi ne développe aucun fondement juridique au soutien de ses prétentions et rappelle qu’il n’a pas pour fonction d’entériner in abstracto des situations juridiques en statuant de manière déclarative.
En outre, comme le relèvent à juste titre le syndicat des copropriétaires et la société QBE Europe SA/NV, M. [Z] [O], appelé à répondre aux points suivants : « Etablir un décompte des mitoyennetés des trois immeubles situés sur les parcelles CD [Cadastre 4], CD [Cadastre 5] et CD [Cadastre 6] et établir un relevé des figures des murs séparatifs des trois immeubles situés sur les parcelles CD [Cadastre 4], CD [Cadastre 5] et CD [Cadastre 6] », indique, en page 9 de son rapport, que pour répondre à ce point, il aurait été nécessaire de faire intervenir un géomètre expert, ce qui n’a pas été fait en pratique.
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Par conséquent, il convient de rejeter ces demandes.
Sur la réalité et la cause des désordres
Aux termes de son rapport, l’expert indique que la verrière couvrant la véranda située au rez-de-chaussée de l’hôtel sis [Adresse 8] est endommagée par des morceaux de pierre. Il mentionne que l’emprise du pignon de l’immeuble sis [Adresse 11] sur la cour de l’immeuble est très faible, et que les impacts sur la verrière de l’hôtel, propriété de la demanderesse, proviennent du pignon de l’immeuble sis [Adresse 10]. L’expert précise que le pignon du [Adresse 10] est un ouvrage maçonné constitué de pierres friables côté boulevard, et de pierres meulières côté cour, étant relevé que l’ensemble de ces pierres se disloquent. Il en déduit que les chutes de pierres sur la verrière et dans la gouttière proviennent du mauvais état du pignon, qui n’a certainement pas été entretenu depuis sa construction, soit depuis plus de cent ans.
Il expose que même si la solidité des immeubles n’est pas en cause, les projections aléatoires causées par les chutes de pierres depuis le pignon de l’hôtel propriété de la société Feb Eiffel sis [Adresse 10] peuvent porter atteinte à la sécurité des personnes, et constituer un péril pour la sécurité publique.
Sur les responsabilités
La SASU Derby Garibaldi Hôtel recherche la responsabilité de la SAS KBS Garibaldi sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage.
La théorie des troubles de voisinage, dégagée par la jurisprudence sur le fondement de l'article 544 du code civil, pose le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Ce principe général du droit constitue un régime de responsabilité objective qui ne nécessite pas la démonstration d'une faute mais la preuve d'un lien de causalité entre un fait et une nuisance constitutive d'un trouble anormal.
En l’espèce, les projections aléatoires causées par les chutes de pierres excèdent les troubles normaux de voisinage et engagent la responsabilité de la SAS KBS Garibaldi à l’encontre de la SASU Derby Garibaldi Hôtel.
Sur la demande de réalisation de travaux
Aux termes de ses écritures, la SASU Derby Garibaldi Hôtel demande au tribunal de condamner, sous astreinte, la SAS KBS Garibaldi à entreprendre les travaux figurant sur le devis établi par la société TECNIKA (N° FG 2019/09147) pour un montant de 52 188 euros TTC.
La société KBS Garibaldi ne s’oppose pas à la réalisation des travaux mais demande au tribunal de lui accorder un délai de douze mois pour les réaliser et, à titre subsidiaire, de lui accorder un délai de douze mois pour payer ces travaux.
Décision du 26 avril 2024
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Aux termes de son rapport, l’expert relève que les travaux d’ores et déjà réalisés par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 11], pour un montant de 10 142 euros TTC, suivant devis de l’entreprise Tecnika du 16 avril 2019, sont en rapport avec les dégradations constatées et mettent hors de péril le pignon de l’immeuble sis [Adresse 11].
L’expert affirme en revanche que des désordres potentiels peuvent encore survenir depuis le pignon de l’immeuble sis [Adresse 10]. Il expose qu’au vu de l’état de ce pignon, constaté dans un état avancé de destruction, un ravalement de l’ensemble s’impose. En page 11 de son rapport, il explique que : « Au vu de l’état existant du pignon appartenant à l’hôtel Feb Eiffel et de l’emprise sur la grande partie de la cour de l’hôtel Derby Garibaldi, propriété de la demanderesse, l’expert considère que la pose d’un filet de protection sur le pignon déjà purgé, n’est pas nécessaire et a donné son accord sur les travaux définitifs, lors de la réunion et le document de synthèse. Ce document de synthèse transmis le 8 octobre 2019, indiquait que c’est à la partie en défense, voir la société Feb Eiffel, de produire un devis contradictoire lors des dires récapitulatifs au plus tard le 28 octobre 2019, faute de quoi l’expert retiendra la somme de 52 688 euros TTC en tant que travaux définitifs afin de mettre fin aux désordres. Du fait des injonctions à répétition, y compris l’injonction du juge du 27 juin 2019 de procéder à la sécurisation des lieux, la demande tardive du 18 octobre 2019 de Maître [M] d’obtenir un nouveau délai pour fournir un devis contradictoire a été rejetée par l’expert par courriel du 21 octobre 2019. »
Compte tenu des éléments de l’expertise, et en l’absence d’opposition de la société KBS Garibaldi, il convient de la condamner à réaliser les travaux figurant sur le devis établi par la Société Tecnika (N° FG 2019/09147) pour un montant de 52 188 euros TTC.
Il ressort des éléments du débat que les travaux ont été validés par l’expert en 2019, c’est-à-dire depuis plusieurs années alors qu’ils s’imposent afin d’éviter un péril pour la sécurité publique.
Il convient donc d’ordonner la réalisation de ces travaux dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement et, passé ce délai, sous astreinte de 500 euros (CINQ CENTS EUROS) par jour de retard, astreinte qui courra sur une période de deux mois à l’issue de laquelle il sera de nouveau statué si nécessaire par le juge de l’exécution.
La présente juridiction n’est pas compétente pour accorder des délais de paiement à la SAS KBS Garibaldi, étant relevé que l’entreprise amenée à réaliser les travaux n’est pas dans la cause. Par conséquent, il convient de débouter la SAS KBS Garibaldi de la demande formée à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts
La SASU Derby Garibaldi Hôtel sollicite la condamnation in solidum de la SAS KBS Garibaldi et de la société Feb Eiffel à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage.
Décision du 26 avril 2024
8ème chambre 3ème section
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Comme rappelé ci-dessus, la chute des pierres litigieuses engage la responsabilité des défenderesses sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage. Cependant, la SASU Derby Garibaldi Hôtel ne justifie d’aucune pièce venant caractériser un préjudice excédant celui réparé par la réalisation de travaux et l’octroi d’une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Par conséquent, il convient de la débouter de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de paiement de la franchise
La SASU Derby Garibaldi Hôtel expose qu’elle a fait procéder à la réparation de la verrière endommagée par la chute des pierres tombées depuis le pignon de l’immeuble sis [Adresse 10]. Elle indique qu’à la suite de la réalisation de ces travaux, une franchise de 407, 18 euros est restée à sa charge. Elle sollicite la condamnation in solidum de la SAS KBS Garibaldi et de la SCI Feb Eiffel à lui régler cette somme sur le fondement de l’article 1242 du code civil.
Le montant de la franchise sollicitée est justifié par les pièces produites et par le rapport d’expertise, étant relevé que les parties en défense ne s’opposent pas à cette demande, à laquelle il convient donc de faire droit.
La SAS KBS Garibaldi et la SCI Feb Eiffel sont condamnées in solidum à verser à la SASU Derby Garibaldi Hôtel la somme de 407,18 euros TTC au titre de la franchise restant à sa charge.
Sur les appels en garantie
Il ressort des éléments du débat que la SCI Feb Eiffel a cédé l’intégralité de l’immeuble à la SAS KBS Garibaldi le 8 octobre 2020. L’acte authentique mentionne la présente instance au point 13.8 en précisant que le vendeur subroge l’acquéreur dans ses droits au titre de la présente procédure et que l’acquéreur en fera son affaire personnelle, le prix de vente ayant été négocié en conséquence.
Dans ces conditions, la SCI Feb Eiffel est fondée à solliciter la garantie de la SAS KBS Garibaldi pour toutes les condamnations pécuniaires prononcées à son encontre en principal, frais et intérêts et dépens.
Le syndicat des copropriétaires sollicite la garantie de la société QBE Europe SA/NV, qui ne conteste pas être son assureur. Si la société QBE Europe SA/NV considère qu’aucune condamnation ne doit être prononcée à l’encontre du syndicat des copropriétaires, elle ne conteste pas pour autant le principe de sa garantie. Par conséquent, la société QBE Europe SA/NV sera condamnée à garantir le syndicat des copropriétaires de toutes les condamnations pécuniaires prononcées à son encontre en principal, frais et accessoires.
Sur les demandes accessoires
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La SAS KBS Garibaldi, la SCI Feb Eiffel et la société QBE Europe SA/NV, qui succombent en leurs demandes, sont condamnées aux dépens.
Décision du 26 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00037 - N° Portalis 352J-W-B7D-CRMJL
Le syndicat des copropriétaires expose qu’aucune demande n’est formée à son encontre dans le cadre de la présente instance et précise qu’il a fait réaliser les travaux réparatoires préconisés par l’expert, préalablement à la délivrance de l’assignation. Il en déduit qu’aucune condamnation au titre des dépens ne peut être mise à sa charge.
Comme le relève néanmoins la SASU Derby Garibaldi Hôtel, l’expert a estimé que l’emprise du mur pignon de l’immeuble sis [Adresse 11] était très faible mais pas nulle. Il y a lieu à cet égard de relever que le syndicat des copropriétaires a entrepris le ravalement de son mur, les travaux de purge et de reprise des encadrements de fenêtres ayant été votés lors de l’assemblée générale du 9 avril 2019.
Par conséquent, bien que ne succombant pas à l’instance, le syndicat des copropriétaires sera également condamné aux dépens, lesquels comprendront les frais d’expertise, dans une proportion de 90 % in solidum entre la SCI Feb Eiffel et la SAS KBS Garibaldi, et de 10 % pour le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 11]), avec distraction au profit de Maître Lionel Busson.
Tenues aux dépens, la SCI Feb Eiffel et la SAS KBS Garibaldi seront condamnées in solidum à verser la somme de 4 000 euros à la SASU Derby Garibaldi Hôtel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’apparaît pas inéquitable de débouter la SASU Derby Garibaldi Hôtel de sa demande formée à l’encontre du syndicat des copropriétaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter l’ensemble des autres demandes formées par les parties au titre des frais irrépétibles.
S'agissant d'une assignation délivrée postérieurement au 1er janvier 2020 (II de l'article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019), l'exécution provisoire est de droit, à moins que la décision rendue n'en dispose autrement, en application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile.
Aucun élément ne justifie en l'espèce que l'exécutoire provisoire, qui est compatible avec la nature de la présente affaire, soit écartée, conformément à l'article 514-1 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DÉBOUTE la SASU Derby Garibaldi Hôtel de ses demandes relatives au décompte des mitoyennetés et au relevé des figures des murs séparatifs des trois immeubles situés sur les parcelles CD [Cadastre 4], CD [Cadastre 5] et CD [Cadastre 6] ;
CONDAMNE la SAS KBS Garibaldi à réaliser les travaux figurant sur le devis établi par la société Tecnika (N° FG 2019/09147) pour un montant de 52 188 euros TTC ;
Ce dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement et, passé ce délai, sous astreinte de 500 euros (CINQ CENTS EUROS) par jour de retard, astreinte qui courra sur une période de deux mois à l’issue de laquelle il sera de nouveau statué si nécessaire par le juge de l’exécution ;
CONDAMNE in solidum la SAS KBS Garibaldi et la SCI Feb Eiffel à verser à la SASU Derby Garibaldi Hôtel la somme de 407,18 euros TTC ;
CONDAMNE la SAS KBS Garibaldi à garantir la SCI Feb Eiffel de toutes les condamnations prononcées à son encontre en principal, frais, intérêts et dépens ;
CONDAMNE la société QBE Europe SA/NV à garantir le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 11] de toutes les condamnations pécuniaires prononcées à son encontre en principal, frais et accessoires ;
DÉBOUTE la SASU Derby Garibaldi Hôtel de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la SAS KBS Garibaldi, la SCI Feb Eiffel, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 11] et la société QBE Europe SA/NV aux dépens, lesquels comprendront les frais d’expertise, dans une proportion de 90 % in solidum entre la SCI Feb Eiffel et la SAS KBS Garibaldi, et de 10 % pour le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 11], avec distraction au profit de Maître Lionel Busson ;
CONDAMNE in solidum la SCI Feb Eiffel et la SAS KBS Garibaldi à verser la somme de 4 000 euros à la SASU Derby Garibaldi Hôtel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes des parties relatives aux frais irrépétibles ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;
REJETTE les autres demandes plus amples et contraires.
Fait et jugé à Paris le 26 avril 2024
Le greffierLa présidente