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26/04/2024 | FRANCE | N°19/13030

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 26 avril 2024, 19/13030


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 19/13030
N° Portalis 352J-W-B7D-CRCJW

N° PARQUET : 19/1028

N° MINUTE :

Assignation du :
07 Novembre 2019

V.B.


[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 26 Avril 2024








DEMANDERESSE

Madame [J] [O]
domiciliée : chez M. [S] [H] [P]
[Adresse 3]
République du CAMEROUN

représentée par Me Olivier FOKS, avocat au barreau d

e PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1298


DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 6]
[Localité 1]

Madame Sophie OHNONA, Vice-Procureure
Décision du 26 avril 2024
Chambre du con...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 19/13030
N° Portalis 352J-W-B7D-CRCJW

N° PARQUET : 19/1028

N° MINUTE :

Assignation du :
07 Novembre 2019

V.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 26 Avril 2024

DEMANDERESSE

Madame [J] [O]
domiciliée : chez M. [S] [H] [P]
[Adresse 3]
République du CAMEROUN

représentée par Me Olivier FOKS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1298

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 6]
[Localité 1]

Madame Sophie OHNONA, Vice-Procureure
Décision du 26 avril 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
RG n° 19/13030

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Manon Allain, greffière

DEBATS

A l’audience du 01 Mars 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort

Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Antoanela Florescu-Patoz, vice-présidente et par Madame Manon Allain, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 7 novembre 2019 par Mme [J] [O] au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions de Mme [J] [O] notifiées par la voie électronique le 28 avril 2023,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 1er février 2023,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 19 janvier 2024 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 1er mars 2024,

MOTIFS

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
Décision du 26 avril 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
RG n° 19/13030

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 18 mars 2020. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Mme [J] [O], se disant née le 21 avril 1946 à [Localité 2] (Cameroun), revendique la nationalité française par filiation paternelle sur le fondement de l'article 18 du code civil. Elle expose que son père, [P] [O], né le 15 juillet 1896 à [Localité 4] (Guinée française), a été admis à la qualité de citoyen français par décret du 20 juillet 1939 et a conservé la nationalite française lors de l'accession à l'indépendance de la Guinée, pour avoir établi son domicile au Cameroun.

Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 21 avril 2005 par le greffier en chef du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France au motif que les documents qu’elle avait produits n'étaient pas suffisants pour établir que son père avait établi son domicile de nationalité au Cameroun (pièce n°1 de la demanderesse).

Les recours gracieux contre cette décision sont demeurés sans réponse (pièces n°2 de la demanderesse).

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.

Il doit être également rappelé que les effets sur la nationalité de l’accession à l’indépendance des anciens territoires d’outre-mer d’Afrique (hors Algérie, Comores et Djibouti) sont régis par la loi n°60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil (soit ses articles 32 à 32-5), qui s’est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, qui s’est lui-même substitué aux articles 13 et 152 à 156 du même code dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 octobre 1945 et modifiée par la loi du 28 juillet 1960.

Il résulte de l’application combinée de ces textes que seuls ont conservé la nationalité française :
- les originaires du territoire de la République française (et leur conjoint, veuf ou descendant) tel que constitué le 28 juillet 1960, et qui étaient domiciliés au jour de son accession à l'indépendance sur le territoire d'un Etat qui avait eu antérieurement le statut de territoire d'outre-mer de la République française,
- les personnes qui ont souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française,
- celles qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l’un des nouveaux Etats anciennement sous souveraineté française,
- enfin, celles, originaires de ces territoires, qui avaient établi leur domicile hors de l’un des Etats de la Communauté lorsqu’ils sont devenus indépendants,
- les enfants mineurs de 18 ans suivant la condition parentale selon les modalités prévues à l’article 153 du code de la nationalité française de 1945 dans sa version issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945 telle que modifiée par la loi du 28 juillet 1960.

Le domicile au sens du droit de la nationalité s’entend d’une résidence effective présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations ; il ne se réduit pas au lieu de travail.

Il appartient ainsi à Mme [J] [O], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, la nationalité française du parent duquel elle la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Enfin, nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit, la nationalité française, s’il ne dispose d’un état civil fiable et certain.

En l'espèce, Mme [J] [O] produit une copie, délivrée le 17 août 2017, de son acte de naissance, issu des registres coloniaux, mentionnant qu'elle est née le 21 avril 1946 à 10 heures à [Localité 2] de [P] [O], âgé de cinquante ans, né à [Localité 4] (Guinée française cercle de Kankan), le 15 juillet 1896, commerçant qui déclare la reconnaître et de [I], âgée de 19 ans, née à [Localité 2] en 1927 (pièce n°3 de la demanderesse)).

Cet acte énonce que le père a déclaré la naissance et a déclaré reconnaître l'enfant.

Il est ainsi justifié de l'état civil de Mme [J] [O], ainsi que de son lien de filiation à l'égard de [P] [O].

La demanderesse produit également la copie certifiée conforme, délivrée le 30 janvier 1937, par administrateur colonial, issu du dossier de naturalisation de [O] [P] extrait des archives nationales, du dispositif du jugement n°137 rendu le 14 novembre 1936 par le tribunal de premier degré de Kankan, déclarant que [O] [P] est né à [Adresse 5], Colonie de Guinée française, le 15 juillet 1896, du feu [A] [P] et de [F] [P] (piéces n°15/11 et 39 de la demanderesse).

Elle produit également le certificat d'identité, rédigé par [Z], [K] [U], adjoint de première classe des services civils de Cameroun, certifiant l'identité de [P] [O] (pièce n°31 de la demanderesse).

Comme indiqué à juste titre par la demanderesse, ces seuls documents ont été considérés par l’administration française pour établir l'état civil de [P] [O] lors de sa demande d'accession à la qualité de citoyen français.

Il est ainsi justifié d'un état civil fiable et certain pour [P] [O].

Pour justifier de la nationalité française de son père avant l'indépendance, Mme [J] [O] joint une copie de son dossier de naturalisation, l'ayant permis d'accéder à la qualité de citoyen français (pièces n°15 de la demanderesse).

Il ressort des pièces du dossier de naturalisation, et notamment de la lettre adressée le 13 avril 1938 au ministre des colonies par le chargé de l'expédition des affaires courantes (pièce n°24-1 de la demanderesse), de la demande de M. [P] [O] lui-même (pièce n°26 de la demanderesse), qu'il est originaire de Guinée française, condition sans laquelle il ne peut prétendre à être admis à jouir des droits de citoyen français.

La qualité d'originaire de Guinée française, et donc la nationalité française de M. [P] [O] est ainsi amplement démontrée par le décret d’admission à jouir de la qualité de citoyen français (pièce n°15-10 de la demanderesse).

S'agissant de la fixation du domicile de nationalité au Cameroun, la demanderesse produit notamment :
- un certificat de résidence rédigée le 16 février 1994 par [R] [T], administrateur municipal de la commune rurale de [Localité 2], attestant que « feu [O] [P] a résidé dans la commune de [Localité 2] au Cameroun sans interruption, de 1917 jusqu'à sa mort survenue en janvier 1985 » (pièce n°5-5 de la demanderesse).
- un certificat de domicile, rédigé le 16 juillet 1991, par l'administrateur municipal [R] [T], indiquant que son père était domicilié à [Localité 2] de 1958 au 20 janvier 1985 (pièce n°5-4 de la demanderesse).
- un certificat rédigé par [Z] [K], [U], adjoint de première classe des services civils du Cameroun, issu du dossier de naturalisation de son père, indiquant que celui-ci est arrivé au Cameroun en 1917 où il avait établi son domicile et n'avait quitté le pays que ponctuellement en 1925 pour la Guinée, puis en 1930 au Nigéria et en 1936 au Togo et en Guinée espagnoles pour ses activités professionnelles (pièce n°15-6 de la demanderesse).
- la liste de la population des Européens et assimilés de la subdivision [Localité 2], au 31 août 1946, mentionnant ainsi le nom de son père (pièce n°4-4 de la demanderesse),
- un avis de proposition de dégrèvement des impôts adressé à son père, domicilié à [Localité 2], le 25 avril 1958 (pièce n°4-5 de la demanderesse),
- un certificat nominatif de dégrèvement adressé à son père, domicilié à [Localité 2], le 16 février 1959 (pièce n°4-6 de la demanderesse),
- une attestation de la remise de la légion d'honneur à son père, par décret du 3 août 1956, en sa qualité de commerçant à [Localité 2] (Cameroun (pièce n°4-7 de la demanderesse),
- un passeport française délivrée à son père le 18 juillet 1978, par le consul de France au Cameroun (pièce n°5-1 de la demanderesse)

Mme [G] [O] démontre ainsi que son père a fixé son domicile au Cameroun depuis 1917, où il a vécu jusqu’à son décès en janvier 1985.

Dès lors, il est ainsi établi que [P] [O], originaire de la Guinée française, a fixé son domicile hors de l’un des Etats de la Communauté lorsqu’ils sont devenus indépendants et a ainsi conservé la nationalité française.

Mme [J] [O], mineure de dix-huit ans lors de l'indépendance de la Guinée française, a suivi la condition de son père en application de l’article 153 du code de la nationalité française de 1945 dans sa version issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945, telle que modifiée par la loi du 28 juillet 1960 et a donc conservé la nationalité française.
En conséquence, il sera jugé Mme [J] [O] est française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

L'instance ayant été nécessaire pour l'établissement des droits de Mme [J] [O], chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Mme [J] [O] conservant la charge de ses propres dépens, sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Juge que Mme [J] [O], née le 21 avril 1946 à [Localité 2] (Cameroun), est de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Rejette la demande formée par Mme [J] [O] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Fait et jugé à Paris le 26 Avril 2024

La GreffièreLa Présidente
M. AllainA. Florescu-Patoz


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 19/13030
Date de la décision : 26/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-26;19.13030 ?
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