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26/04/2024 | FRANCE | N°19/07463

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 3ème section, 26 avril 2024, 19/07463


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me MASSON et Me SKRZYNSKI
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me TOUZET




8ème chambre
3ème section

N° RG 19/07463
N° Portalis 352J-W-B7D-CQEU3

N° MINUTE :

Assignation du :
7 juin 2019









JUGEMENT

rendu le 26 avril 2024
DEMANDERESSE

S.A.R.L. PHILAUROM
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Marie-Charlotte TOUZET de la SARL MCT AVOCAT, avocat

au barreau de PARIS, vestiaire #D961


DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic CITYA URBANIA ETOILE
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Maître ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me MASSON et Me SKRZYNSKI
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me TOUZET

8ème chambre
3ème section

N° RG 19/07463
N° Portalis 352J-W-B7D-CQEU3

N° MINUTE :

Assignation du :
7 juin 2019

JUGEMENT

rendu le 26 avril 2024
DEMANDERESSE

S.A.R.L. PHILAUROM
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Marie-Charlotte TOUZET de la SARL MCT AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D961

DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic CITYA URBANIA ETOILE
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Maître Anne-Marie MASSON de la SELARL BJA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R91

S.A.S.U. CITYA URBANIA ETOILE
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Antoine SKRZYNSKI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0436

Décision du 26 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 19/07463 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQEU3

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Céline CHAMPAGNE, juge
Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge

assistés de Madame Léa GALLIEN, greffier,

DÉBATS

A l’audience du 2 février 2024, tenue en audience publique devant Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort

************************

EXPOSÉ DU LITIGE

L'immeuble sis [Adresse 1] (10ème arr.) est composé de cinq bâtiments (A, B, C, D et E). La SARL Philaurom est propriétaire des lots de copropriété n°405 et 406, situés dans le bâtiment D.

Le lot n°30 est décrit par le règlement de copropriété comme « au rez-de-chaussée, porte droite de l'escalier A, un logement comprenant un séjour et une chambre. Droit à l'usage du WC se trouvant dans la cour ».

Lors de l'assemblée générale du 9 juin 2009, les copropriétaires du bâtiment A ont adopté une résolution (n°19) ayant pour objet la « remise aux normes des circuits électriques du coffret général, du local de la loge, du local poubelles et du hall d'entrée ».

Lors de l'assemblée générale du 23 juin 2010, les copropriétaires du bâtiment A ont adopté une résolution (n°8) portant sur « l'approbation du compte travaux Coffret électricité loge A ».

Estimant que les copropriétaires du bâtiment A se sont appropriés la loge constituant le lot n°30 sans autorisation de la part des autres copropriétaires de l'immeuble, et en ont modifié l'usage et la destination, la SARL Philaurom a fait assigner le syndicat des copropriétaires et le syndic Citya Urbania Étoile devant le tribunal de grande instance de Paris par exploit d'huissier signifié le 7 juin 2019.

Décision du 26 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 19/07463 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQEU3

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 9 mai 2023, et au visa des articles 31 et 122 du code de procédure civile, et des articles 10-1, 11, 25, 26, 35 et 42 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, la SARL Philaurom demande au tribunal de :

- débouter le Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 1] du 3 septembre 2018 et son Syndic la Société CITYA URBANIA de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
- déclarer la SARL PHILAUROM recevable en ses demandes ;
- déclarer l’ensemble des propriétaires des bâtiment A, B, C, D et E propriétaires du lot n°30 conformément à l’acte de vente notarié du 26 mai 1991.
- déclarer nulles les résolutions n°19 du PV d’AG du 9 juin 2009 et n°8 du PV d’AG du 23 juin 2010 de l'Assemblée Générale des Copropriétaires du [Adresse 1] du 3 septembre 2018 ;
- ordonner la remise en état initial du lot n°30 décrit comme un lot comportant un séjour et une chambre dans les huit jours du prononcé du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte de 200 euros/jour de retard pendant une période de 5 mois à compter de la signification du jugement à venir.
- en tant que de besoins, condamner in solidum le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] représenté par son syndic en fonction et la Sté CITYA URBANIA [Localité 6] à ladite somme de 200euros / jours
- ordonner la restitution du lot n°30 à l’ensemble des Copropriétaires formant à la fois le Syndicat Principal et le Syndicat Secondaire dans les huit jours du prononcé du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte de 200 euros/jour de retard pendant une période de 5 mois à compter de la signification du jugement à venir.
- en tant que de besoins condamner in solidum le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] représenté par son syndic en fonction et la Sté CITYA URBANIA [Localité 6] à ladite somme de 200euros / jours
- dire que le présent tribunal se réserve le pouvoir de liquider l’astreinte ordonnée.
- condamner la Sté CITYA URBANIA [Localité 6] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre du préjudice subi par la SARL PHILAUROM à raison du défaut de conseil et d’information de la première ;
- condamner le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] représenté par son syndic en fonction, au paiement de la somme de 5.000 euros au titre du préjudice subi par la SARL PHILAUROM ;
- condamner in solidum le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] représenté par son syndic en fonction et la Sté CITYA URBANIA [Localité 6] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la Société CITYA URBANIA [Localité 6] au paiement de la somme de 5.000 euros à la SARL PHILAUROM ;
Décision du 26 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 19/07463 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQEU3

- dire que la SARL PHILAUROM sera exonérée en sa qualité de copropriétaires, de sa quote-part dans les dépens, frais et honoraires exposés par le Syndicat des copropriétaires dans la présente procédure, au titre des charges générales d'administration,
- condamner in solidum le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] représenté par son syndic en fonction et la Sté CITYA URBANIA [Localité 6] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Maître Jérôme HOCQUARD, conformément à l 'article 699 du Code de procédure civile ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 mai 2023 par voie électronique, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :

- dire l’action et les demandes de la société PHILAUROM prescrites et mal fondées.
- la débouter de ses demandes en nullité des résolutions 19 du procès-verbal de l’assemblée générale du 9 juin 2009 et n°8 du procès-verbal de l’assemblée générale du 23 juin 2010, comme de sa demande de remise en état initial du lot n°30 et de l’ensemble de ses demandes par référence à l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 et l’article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965 et du règlement de copropriété dont s’agit et en tant que de besoin en application de la prescription quinquennale.
- condamner la société PHILAUROM au paiement d’une somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile aux entiers dépens.
- ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 mars 2022 par voie électronique, et au visa des articles 9 et 122 du code de procédure civile, et 1353, 1992 et 2224 du code civil, la société Citya Urbania Étoile demande au tribunal de :

- déclarer la SARL Philaurom irrecevable en son action ;
- débouter la SARL PHILAUROM de l’ensemble de ses demandes principales et accessoires, incluant celles relatives à la nullité des résolutions n°19 de l’assemblée générale du 9 juin 2009 et n°8 de l’assemblée générale du 23 juin 2010 ne pourra qu’être rejetée, outre celle tendant à voir ordonner la « remise en état initial » du lot n°30 décrit comme un lot comportant un séjour et une chambre dans les huit jours du prononcé du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte de 200euros par jour de retard pendant une période de cinq mois ;
- condamner la SARL PHILAUROM à payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la SARL PHILAUROM aux entiers dépens, dont recouvrement par Maître Antoine SKRZYNSKI, avocat à la Cour, au titre de l’article 699 du Code de procédure civile.

* * *

L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries (juge rapporteur à la collégialité) du 2 février 2024, et la clôture de l'instruction a été ordonnée avant l'ouverture des débats. A leur issue, la décision a été mise en délibéré au 26 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 – Sur la recevabilité

L’article 122 du code de procédure civile dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

L'article 42 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que « sans préjudice de l'application des textes spéciaux fixant des délais plus courts, les actions personnelles nées de l'application de la présente loi entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans.

Les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic, dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l'assemblée générale ».

En application des articles 2222 et 2224 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent désormais par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

*

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires et le syndic Citya Urbania Étoile contestent la recevabilité des demandes formées à leur encontre par la SARL Philaurom, faisant valoir que celles-ci seraient d'une part « prescrites » par l'écoulement d'un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal des assemblées générales contestées, et d'autre part prescrites par l'écoulement du délai quinquennal de droit commun. Le syndicat des copropriétaires soulève par ailleurs le défaut de qualité à agir de la SARL Philaurom.

Il doit tout d'abord être rappelé que le délai imparti par les dispositions de l'article 42 susmentionné ne constitue pas un délai de prescription comme il est soutenu par les parties, mais un délai préfix insusceptible d'interruption ou de suspension, dont la méconnaissance entraîne la forclusion.

- Sur les demandes en annulation de résolution d'assemblée générale

A l'examen du dispositif des dernières conclusions en demande, il apparaît que la SARL Philaurom sollicite l'annulation de deux décisions prises par les copropriétaires lors des assemblées générales des 9 juin 2009 (n°19) et 23 juin 2010 (n°8). Il est constant que la SARL Philaurom était présente lors de ces deux assemblées générales, mais n'a pas pris part au vote des résolutions contestées, soumises au seul suffrage des copropriétaires du bâtiment A.

Sa demande en annulation a été formée par voie d'assignation le 7 juin 2019, soit bien postérieurement à la notification des procès-verbaux qui lui a été faite.

La SARL Philaurom soutient que sa demande en annulation de décisions d'assemblée générale ne serait pas atteinte par la forclusion dans la mesure où il s'agirait d'une action réelle obéissant à un délai de prescription de trente ans, et non d'une action personnelle.

La demanderesse effectue en cela une confusion entre son action en contestation d'une décision d'assemblée générale, qui obéit en toute hypothèse au délai de forclusion de l'article 42 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, et son action tendant à la remise en état et à la restitution du lot n°30, dont le régime de prescription sera évoqué ci-après.

Le délai préfix de deux mois ayant couru à compter de la notification des procès-verbaux des deux assemblées générales contestées, il est ainsi totalement indifférent que cette seconde action, clairement distincte et indépendante de la première, soit qualifiée de réelle ou personnelle.

Faute d'avoir exercé son action en annulation de résolutions d'assemblée générale dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal, la SARL Philaurom sera ainsi déclarée irrecevable en ses demandes concernant la résolution n°19 de l'assemblée du 9 juin 2009 et la résolution n°8 du 23 juin 2010.

- Sur les demandes tendant à la remise en état et à la restitution du lot n°30

La SARL Philaurom forme également des demandes tendant à voir ordonner sous astreinte la remise en état du lot n°30, et sa restitution à l'ensemble des copropriétaires de l'immeuble.

La prescription a débuté son cours à la date où la SARL Philaurom était en mesure d'agir afin d'obtenir cette remise en état et cette restitution, soit depuis le vote de la résolution n°19 lors de l'assemblée du 9 juin 2009, qui marquerait « l'appropriation » que la demanderesse reproche aux copropriétaires du bâtiment A.

Les parties s'opposent quant au délai de prescription applicable à ces demandes, la SARL Philaurom soutenant qu'elles sont la traduction d'une action réelle obéissant à un délai de trente ans, et le syndicat des copropriétaires estimant qu'elles sont la traduction d'une action personnelle obéissant à un délai de cinq ans.

Décision du 26 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 19/07463 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQEU3

De jurisprudence constante, l'action tendant à obtenir la cessation d'un abus de jouissance concernant des parties communes est considérée comme une action personnelle née de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, tandis qu'une action tendant à faire cesser une appropriation de parties communes est considérée comme une action réelle.

Toutefois, en l'espèce, la qualification de l'action exercée apparaît sans incidence sur sa recevabilité. En effet, dans la mesure où la prescription a débuté son cours avant le 25 novembre 2018 (date d'entrée en vigueur des dispositions de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018), le délai applicable aux actions personnelles nées de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 est de dix ans et non de cinq.

Par conséquent, en application des dispositions de l'article 2222 du code civil, la prescription est advenue dix ans après le 9 juin 2009, si bien que l'action de la SARL Philaurom n'était pas prescrite pour avoir été exercée le 7 juin 2019.

Au surplus, alors que le syndicat des copropriétaires reproche à la demanderesse de ne pas démontrer l'existence de l'appropriation de parties communes qu'elle allègue, il est relevé qu'une telle démonstration conditionne le bien-fondé de la demande mais pas sa recevabilité.

La SARL Philaurom sera par conséquent déclarée recevable en ses demandes tendant à voir ordonner sous astreinte la remise en état du lot n°30, et sa restitution à l'ensemble des copropriétaires de l'immeuble.

- Sur les demandes indemnitaires

Le syndicat des copropriétaires et la société Citya Urbania Étoile contestent en outre la recevabilité de deux demandes indemnitaires formées à leur encontre par la SARL Philaurom, soutenant qu'elles l'ont été postérieurement à l'expiration du délai quinquennal de prescription.

La SARL Philaurom forme en effet une demande tendant à voir « condamner la Sté CITYA URBANIA [Localité 6] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre du préjudice subi par la SARL PHILAUROM à raison du défaut de conseil et d’information de la première », ainsi qu'une demande tendant à voir « condamner le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] représenté par son syndic en fonction, au paiement de la somme de 5.000 euros au titre du préjudice subi par la SARL PHILAUROM ».

Ces deux demandes indemnitaires, ayant pour but l'obtention de dommages et intérêts par l'engagement de la responsabilité du syndicat des copropriétaires et du syndic, sont à l'évidence la traduction d'actions personnelles non issues de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 et obéissant donc au délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil. Ce délai débute son cours à la date où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, il est reproché au syndic un manquement à son devoir d'information et de conseil lors des assemblées générales des 9 juin 2009 et 23 juin 2010. De même, la responsabilité du syndicat des copropriétaires est recherchée par la SARL Philaurom à raison des décisions adoptées lors de ces deux assemblées générales.

La SARL Philaurom était donc en mesure d'agir en responsabilité à leur encontre dès ces deux dates, mais ne l'a fait que par assignation du 7 juin 2019, soit postérieurement à l'expiration du délai de prescription le 10 juin 2014 et le 24 juin 2015.

La SARL Philaurom sera ainsi déclarée irrecevable en ses demandes indemnitaires à l'encontre du syndicat des copropriétaires et du syndic Citya Urbania Étoile.

2 – Sur la demande tendant à la remise en état et la restitution du lot n°30

Les articles 8 et 9 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 disposent notamment que le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation. De même, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.

En l'espèce, la SARL Philaurom reproche aux copropriétaires du bâtiment A de l'immeuble une appropriation du lot n°30, qu'elle estime appartenir à l'ensemble des copropriétaires, ainsi qu'une modification de son usage et de sa destination (transformation d'une loge de gardien en local technique) non conforme au règlement de copropriété.

A l'examen du règlement de copropriété, il apparaît en effet que le lot n°30 désigné en tant que « logement » n'est pas expressément qualifié de partie commune spéciale au bâtiment A, bien que la structure de ce bâtiment soit en revanche qualifiée de partie commune particulière aux copropriétaires des lots s'y trouvant (page n°9, paragraphe B – 2°).

Par ailleurs, l'acte notarié du 26 mai 1981 est intitulé « Vente par la SIH au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Localité 6] ([Adresse 1], 3, 5 », et l'acquéreur y est de même défini comme « le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 1] » - « l'immeuble » étant par la suite défini comme composé de quatre bâtiments (A, B, C et D). Il doit ainsi être constaté qu'il n'est pas fait mention du fait que la vente du lot n°30 aurait été effectuée au bénéfice des seuls copropriétaires du bâtiment A.

Cependant, au paragraphe B – 2° du règlement de copropriété, il est clairement indiqué que les parties communes à l'ensemble des copropriétaires « comprennent uniquement la propriété de la totalité du sol, bâti et non bâti » - l'emploi de cet adverbe excluant de manière non équivoque la possibilité qu'un lot tel que ce local constitue une partie commune à l'ensemble des copropriétaires.

En outre, contrairement à ce que fait valoir la SARL Philaurom, les copropriétaires du bâtiment A justifient être à l'origine de l'acquisition du lot n°30 et l'avoir de surcroît financée. L'examen du procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du bâtiment A (137, rue du Faubourg-du-Temple) tenue le 28 novembre 1978 à 19 heures démontre que ceux-ci ont entendu faire l'acquisition de la loge de gardien (résolution n°6), et que le prix de 36 000 francs a été réparti entre eux au prorata de leurs tantièmes.
Décision du 26 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 19/07463 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQEU3

La tenue d'une assemblée générale le même jour à 17 heures, par les seuls copropriétaires des bâtiments au [Adresse 1], révèle au surplus l'existence d'une gestion différenciée des bâtiments et accrédite le fait que l'acquisition du lot n°30 n'a été effectuée et financée que par les seuls copropriétaires du bâtiment A.

Le syndicat des copropriétaires justifie également que seuls les copropriétaires du bâtiment A se sont acquittés de la taxe foncière concernant le lot n°30, ainsi que des charges relatives au gardien occupant la loge, si bien qu'il apparaît que des charges spéciales correspondent au lot n°30.

Par ailleurs, la production d'un relevé de propriété (matrice cadastrale) par la demanderesse révèle également que le lot n°30 est enregistré auprès du Service de la publicité foncière avec pour propriétaire « Les copropriétaires du [Adresse 1] », ce qui désigne les seuls copropriétaires du bâtiment situé à cette adresse (A).

Enfin, il doit être relevé que le lot n°30, qu'il soit aménagé en loge de concierge ou en local technique, est depuis son acquisition affecté aux seuls usage et utilité des copropriétaires du bâtiment A – étant établi que les trois bâtiments B, C et D disposent également d'un service de concierge propre.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne peut être valablement soutenu qu'un local situé dans le bâtiment A, acquis par ses seuls copropriétaires et enregistré comme tel, affecté à leurs seuls usage et utilité, et qui au surplus n'entre pas dans la définition que donne le règlement de copropriété des parties communes générales, serait la propriété indivise de l'ensemble des copropriétaires de l'immeuble.

Cependant, dans la mesure où le règlement de copropriété ne le mentionne pas expressément, le lot n°30 ne peut être qualifié de partie commune spéciale. Il s'agit par conséquent d'un lot privatif appartenant aux seuls copropriétaires du bâtiment A, à propos duquel les autres copropriétaires de l'immeuble ne sont pas appelés à prendre de décisions en assemblée générale.

La SARL Philaurom fait en outre grief aux deux résolutions qu'elle conteste d'avoir été soumises au vote en faisant application d'une clé de répartition des charges erronée. L'éventuelle invalidité de ces résolutions est toutefois insusceptible d'engendrer une quelconque conséquence de droit, dès lors qu'elles sont devenues définitives faute de recours en temps utile.

Quant au changement d'usage et destination dénoncé par la demanderesse, il résulte du procès-verbal des assemblées générales des 9 juin 2009 et 23 juin 2010 que le lot n°30, décrit au règlement de copropriété comme un logement, comporte désormais un tableau électrique.

A supposer le lot n°30 effectivement transformé en local technique, il est relevé que tout copropriétaire peut valablement modifier l'affectation donnée à son bien par le règlement de copropriété, à la condition de ne pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires ou à la destination de l'immeuble. Ceci ressort d'ailleurs des décisions visées par la SARL Philaurom au paragraphe II – 1 – C de ses conclusions.

Décision du 26 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 19/07463 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQEU3

Enfin, alors que la SARL Philaurom estime cet éventuel changement d'affectation non conforme à la destination de l'immeuble, il doit être relevé que celle-ci est « l'usage mixte d'habitation et de bureaux ». La création d'un local technique entre donc pleinement dans la destination de l'immeuble, en ce qu'elle est un accessoire à l'usage d'habitation, tout comme le serait l'affectation en tant que loge de concierge.

Pour l'ensemble de ces motifs, la SARL Philaurom sera déboutée de ses demandes en restitution et remise en état du lot n°30.

3 - Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En outre, en vertu de l'article 699 du code de procédure civile, les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.

La SARL Philaurom, partie perdant le procès, sera condamnée au paiement des entiers dépens de l'instance, avec autorisation donnée aux avocats en ayant fait la demande de recouvrer directement ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Tenue aux dépens, la SARL Philaurom sera condamnée à payer au syndicat des copropriétaires et à la la société Citya Urbania Étoile la somme de 3 000,00 euros chacun au titre des frais irrépétibles. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande à ce titre, ainsi qu'au titre des frais communs de procédure.

- Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l'article 515 du code de procédure civile, hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi.
En l'espèce, la nature des condamnations prononcées et la particulière ancienneté du litige justifient qu'il soit dérogé à l'effet suspensif des voies de recours.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE la SARL Philaurom irrecevable en ses demandes en annulation de la résolution n°19 de l'assemblée générale du 9 juin 2009 et de la résolution n°8 de l'assemblée générale du 23 juin 2010, ainsi qu'en ses demandes indemnitaires, et REÇOIT le surplus de ses demandes ;

DÉBOUTE la SARL Philaurom de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE la SARL Philaurom au paiement des entiers dépens de l'instance, avec autorisation donnée à Me Antoine Skrzynski de recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

CONDAMNE la SARL Philaurom à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la SARL Philaurom à payer à la société Citya Urbania Étoile la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles ;

ORDONNE l'exécution provisoire de la décision.

Fait et jugé à Paris, le 26 avril 2024.

Le greffierLa présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 19/07463
Date de la décision : 26/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-26;19.07463 ?
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