La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/04/2024 | FRANCE | N°18/03288

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 6ème chambre 2ème section, 26 avril 2024, 18/03288


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :




6ème chambre 2ème section


N° RG 18/03288 - N° Portalis 352J-W-B7C-CMRPY

N° MINUTE :

Contradictoire

Assignation du :
02 Mars 2018















JUGEMENT
rendu le 26 Avril 2024
DEMANDERESSE

S.N.C. ELYSEES ACACIAS
[Adresse 2]
[Localité 6]


représentée par Maître Christophe SIZAIRE de la SCP ZURFLUH - LEBATTEUX - SIZAIRE ET ASSOCIES, avocats au barreau

de PARIS, vestiaire #P0154



DÉFENDERESSES

S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 3]
[Localité 7]


représentée par Maître Catherine BONNEAU de la SELARL KAPRIME SOCIETE D’AVOCATS, avocats au barreau de PAR...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

6ème chambre 2ème section


N° RG 18/03288 - N° Portalis 352J-W-B7C-CMRPY

N° MINUTE :

Contradictoire

Assignation du :
02 Mars 2018

JUGEMENT
rendu le 26 Avril 2024
DEMANDERESSE

S.N.C. ELYSEES ACACIAS
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître Christophe SIZAIRE de la SCP ZURFLUH - LEBATTEUX - SIZAIRE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0154

DÉFENDERESSES

S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 3]
[Localité 7]

représentée par Maître Catherine BONNEAU de la SELARL KAPRIME SOCIETE D’AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0800

Décision du 26 Avril 2024
6ème chambre 2ème section
N° RG 18/03288 - N° Portalis 352J-W-B7C-CMRPY

S.A.S. DUMEZ ILE DE FRANCE nouvellement dénommée DP.r
[Adresse 11]
[Localité 8] / FRANCE

représentée par Maître Gérald LAGIER de la SELARL ARIES AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #A0310

S.A. L’AUXILIAIRE
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 5]

représentée par Maître Marie-Charlotte MARTY de la SELAS CHEVALIER - MARTY - PRUVOST Société d’Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0085

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Nadja GRENARD, Vice-présidente
Madame Marion BORDEAU, Juge
Madame Stéphanie VIAUD, Juge

assistée de Madame Audrey BABA, Greffier

DEBATS

A l’audience du 25 janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame Nadja GRENARD, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile.

JUGEMENT

-Contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Nadja Grenard , Présidente de formation et par Madame BABA Audrey, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

----------------------------------------------

EXPOSÉ DU LITIGE

La société ELYSEES ACACIAS a fait procéder en qualité de maître d’ouvrage, à la restructuration et à la transformation d’un immeuble de bureau en établissement hôtelier, sis [Adresse 4] à [Localité 10] dans le [Localité 1].

Pour ce faire, le maître d’ouvrage a conclu avec la société Dumez Ile- de- France un marché de travaux tous corps d’état ne comprenant pas les lots 8 bis agencement, 11b chauffage, climatisation, 12 A électricité courants faibles, n°13 appareils d’éclairage, n°15 équipements de cuisine et office , n°17 revêtements de sols souples, n°20 signalétique et n°21 enseigne, moyennant le paiement d’un prix de 10 300 000 € HT.

Selon acte sous seing privé du 10 juin 2015, la société Dumez Ile- de- France a sous-traité le lot cloisons-plâtrerie- faux plafonds à la société Charbonnel, assurée auprès de la société L’Auxiliaire moyennant un prix de 390 000 € HT.

Suite au placement de la société Charbonnel en liquidation judiciaire le 2 août 2016 , la société DUMEZ ILE DE FRANCE a, selon acte sous seing privé du 22 août 2016, conclu un contrat de sous-traitance portant sur le lot cloisons-plâtrerie- faux plafonds avec la société PMG, assurée auprès de la société Axa France Iard moyennant un prix de 210 000 € HT.

La réception de l’ouvrage est intervenue le 3 mars 2017 avec réserves.

Par jugement du 30 mai 2018, le Tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société PMG.

Se plaignant de l’absence de levée de l’ensemble des réserves émises à la réception et de la survenance de différents désordres notamment liés à l’absence d’étanchéité des pieds de cloison dans les salles de bains et l’absence de mise en œuvre d’un système d’étanchéité liquide dans les pièces humides, la société Elysées Acacias a, par exploit d’huissier du 2 mars 2018 sollicité la désignation d’un expert judiciaire au contradictoire de la société Dumez IDF devant le Président du Tribunal judiciaire de Paris.

Par ordonnance du 20 avril 2018, le juge des référés a ordonné une expertise judiciaire qui a été confiée à M. [Z] [K].

Engagement de la procédure au fond

Par exploits d’huissier du 2 mars 2018, la SNC ELYSEES ACACIAS a assigné la société DUMEZ ILE DE FRANCE devant le Tribunal judiciaire de Paris en réparation de ses préjudices.

Par décision du 8 février 2019, le juge de la mise en état a sursis à statuer sur l’ensemble des demandes dans l’attente du dépôt d’expertise judiciaire.

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 25 juillet 2020.

Par exploits d’huissier du 14 octobre 2021, la société Dumez Ile- de- France a appelé en garantie la société L’Auxiliaire en qualité d’assureur de la société Charbonnel et la société Axa France Iard en qualité d’assureur de la société PMG devant le Tribunal judiciaire de Paris.

Les instances ont été jointes.

Prétentions des parties

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 13 juillet 2022, aux termes desquelles la SNC ELYSEES ACACIAS sollicite de voir, par décision assortie de l’exécution provisoire :

condamner la société DUMEZ ILE DE FRANCE à lui payer la somme de 7.546 euros TTC subsidiairement 4.459 euros TTC au titre du coût de l’étanchéité des salles de bains,
condamner la société DUMEZ ILE DE FRANCE à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
condamner la société DUMEZ ILE DE FRANCE à lui payer la somme de 15.000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire dont distraction au profit de la SCP ZURFLUH-LEBATTEUX-SIZAIRE et associés.
*

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 29 juillet 2022, la société DP.r venant aux droits de la société Dumez Ile de France sollicite de voir :

A titre principal

débouter la société ELYSEES ACACIAS de toutes ses demandes ;
A titre subsidiaire

limiter la demande formée par la société ELYSEES ACACIAS au titre de la mesure corrective relative à la non-conformité des pieds de cloisons des salles de bain à la somme de 4 459 € ;
condamner in solidum les sociétés L’AUXILIAIRE et AXA FRANCE IARD à la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre, en principal et en accessoire au profit de la SNC Elysées Acacias ;
dire non opposables la franchise et les plafonds de garanties de ces assureurs ;
En tout état de cause :

condamner in solidum les sociétés L’AUXILIAIRE et AXA FRANCE IARD à lui payer à la somme de 7 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens qui seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile comprenant les frais d’expertise judiciaire.
*

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 31 août 2022, aux termes desquelles la société l’Auxiliaire en qualité d’assureur de la société Charbonnel sollicite de voir :

A titre principal

débouter les parties de toutes leurs demandes formées à son encontre;
Subsidiairement :

débouter la société ELYSEES ACACIAS de sa demande d’indemnisation qui excèderait la somme de 4.459 euros TTC au titre de l’étanchéité des salles de bains ;
débouter a société ELYSEES ACACIAS de sa demande d’indemnisation à hauteur de 10.000€ au titre de la perte d’exploitation alléguée;
ramener à de plus justes proportions la demande de la société ELYSEES ACACIAS au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
En toutes hypothèses:

condamner la société DP.r et la société AXA France IARD à la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre en ce compris les frais irrépétibles et dépens, et à défaut, à hauteur de minimum 60% des condamnations qui seraient prononcées à son encontre.
La dire bien fondée à opposer erga omnes sa franchise prévue aux conditions générales et particulières du contrat à savoir 10% du coût du sinistre min 3 BT01 et maxi 20BT01;
condamner la société DP.r et/ou tout succombant à lui payer la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de la Selas Chevalier Marty Pruvost.

*

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 2 septembre 2022, aux termes desquelles la société Axa France Iard en qualité d’assureur de la société PMG sollicite de voir :

A titre principal

débouter les parties de toutes leurs demandes formées à son encontre;A titre subsidiaire

condamner la Société L’AUXILIAIRE, assureur de la Société CHARBONNEL à la garantir de l’intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
réduire à de plus justes proportions le montant sollicité par la Société ELYSEES ACACIAS au titre des frais irrépétibles, de sa demande de dommages matériels et immatériels ;
limiter le montant des éventuelles condamnations prononcées son encontre à hauteur de 60 % ;
En tout état de cause

rejeter toute condamnation tendant à une condamnation in solidum ou solidaire des codéfendeurs
déduire du montant des condamnations le montant de la franchise revalorisée d’un montant de 6.230,11 € au titre de la responsabilité civile décennale du sous-traitant ;
déduire du montant des condamnations le montant de la franchise revalorisée d’un montant de 3.115,06 € au titre de la responsabilité civile dommages immatériels ;
condamner la société DP.r à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
*

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties.

La clôture est intervenue le 20 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LES DEMANDES PRINCIPALES

La société Elysées Acacias recherche la responsabilité à titre principal de la société Dumez Ile- de- France sur le fondement de la garantie décennale, subsidiairement de la responsabilité contractuelle au titre d’un désordre affectant l’étanchéité des salles de bain de l’hôtel.

Sur la mise en œuvre de la garantie décennale, elle soutient que :

- les salles de bain sont affectées d’un défaut d’étanchéité dès lors qu’aucun système ne permet d’assurer l’étanchéité des pieds de cloisons et des receveurs de douches ;

- l’absence d’étanchéité constitue une impropriété à destination de l’ouvrage entraînant des dommages de gravité décennale ;

Subsidiairement sur la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de la société Dumez Ile- de- France, elle expose que celle-ci est tenue d’une obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vices, qu’au cas présent elle doit voir sa responsabilité contractuelle retenue en raison des non-conformités dans l’exécution des travaux au DTU , au CCTP et aux marchés de travaux faute pour elle d’avoir posé le U en plastique en pied de cloison et d’avoir mis en œuvre le système de protection étanche annoncé au droit du sol des salles de bain et des parois des receveurs de douche.

La société DP.r soutient en réponse que :

- la société demanderesse ne démontre aucun désordre ou non-conformité dans la mesure où la pose du U en plastique n’était pas prévue par le DTU et où elle a accepté d’intervenir néanmoins en mesure corrective en posant à ses frais par son sous-traitant, la société SMP, un système de protection à l’eau sous carrelage (abrégé « SPEC ») au sol et aux murs de toutes les salles de bain ;

- aucun désordre d’étanchéité n’a été constaté par l’expert judiciaire qui a considéré que la mise en œuvre d’un SPEC au sol des salles de bain de l’hôtel était conforme à la réglementation et aux règles de l’art et permettait d’assurer la protection de ces pièces contre la présence éventuelle d’humidité en ce qu’il n’a en outre pas constaté de désordre permettant d’affirmer que ce dispositif ne serait pas efficace;

- la société ELYSEES ACACIAS n’est en conséquence pas fondée à réclamer l’indemnisation d’un préjudice qui n’existe pas.

I. Sur l’analyse des désordres

Sur la matérialité

Au vu des demandes de préjudice formées par la demanderesse, il ressort que celle-ci sollicite le paiement de la mise en œuvre d’un système d’étanchéité liquide (ci après SEL) au lieu du système de protection à l’eau sous carrelage mis en œuvre.

Au vu des éléments du dossier, notamment du rapport d’expertise judiciaire, il ressort qu’aux termes du cahier des charges des clauses techniques particulières liant l’entreprise, il a été prévu la pose d’un U plastique à la base des cloisons séparant les chambres des salles de bain.

Il ressort ainsi de l’article 2.6.2.1 « cloisons de distribution « sèches » du CCTP relatif au lot n°9 « cloisons-doublages-faux plafonds- staff »que « dans le cas de pièce humide, adjonction d’un U plastique, en pied de cloison dépassant de 2 cm du sol fini. »

Il ressort que par courrier du 27 avril 2016 en cours de chantier, la société Dumez a proposé de modifier le CCTP en proposant à la maîtrise d’ouvrage et à la maîtrise d’oeuvre « la réalisation d’une étanchéité sous carrelage généralisée à l’ensemble des salles de bains des chambres et non uniquement pour traiter des points singuliers identifiés initialement au marché (douche à l’italienne notamment) avec la réalisation d’un relevé de 10 cm au pourtour de la salle de bain sur le linéaire de la cloison.[…] cette disposition permet de garantir la protection du pied de cloison en phase finale. »

Au vu des conclusions du rapport d’expertise et du courriel du 30 juin 2016 adressé par la société Dumez Ile- de- France il est établi que l’entreprise a proposé d’appliquer un système d’étanchéité liquide au sol des salles de bain et un système de protection à l’eau sur les parois verticales au droit des receveurs de douches, sous les carreaux de faïence (SPEC) mais qu’afin de satisfaire les maître d’oeuvre et d’ouvrage, il a été proposé de poser un complément de SEL sous les receveurs non encore posés à ce jour.

Il est ainsi établi au point 66 du compte-rendu de réunion n°66 du 3 mai 2016 que la proposition d’un SEL dans toutes les salles de bain a reçu un accord de principe par le maître d’oeuvre.

En définitive l’expert a constaté l’absence de protection sous les receveurs de douche et la pose sous le carrelage d’un SPEC au lieu d’un SEL.

Il s’ensuit qu’il est suffisamment démontré le non-respect de ses engagements contractuels par la société Dumez Ile- de- France dès lors que les parties avaient convenu en remplacement de la pose du U plastique l’application d’un système d’étanchéité liquide au sol de l’ensemble des salles de bain et que l’expert a pu constater, ce qu’a reconnu la société Dumez Ile-de-France qu’un SPEC avait été appliqué au sol des salles de bains aux lieu et place du SEL.

Sur la qualification

En vertu de l’article 1792 du Code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Il est constant qu’un défaut de conformité aux normes en vigueur, aux règles de l’art ou aux engagements contractuels ne peut permettre en l’absence de désordre de mettre en jeu la garantie décennale.

Au cas présent il ressort du rapport d’expertise judiciaire que l’expert n’a pas constaté durant le temps des opérations d’expertise de désordre dans les salles de bain permettant d’affirmer que le système finalement mis en place ne serait pas efficace et que l’étanchéité des salles de bain n’est pas assurée. Il n’est en outre nullement fait état par la demanderesse de la survenance d’infiltrations depuis le dépôt du rapport d’expertise. Dès lors en l’absence de désordre occasionné par la mise en place d’un SPEC au lieu d’un SEL, il n’est pas démontré une impropriété à destination de l’ouvrage de sorte que ces défauts ne peuvent relever de la garantie décennale.

Il s’ensuit que seule la responsabilité contractuelle de droit commun de la société Dumez Ile de France peut être mise en œuvre.

II. Sur la responsabilité de la société Dumez Ile-de-France

Aux termes de l’article 1231-1 du Code civil, il est constant qu’en cas de dommages survenus postérieurement à la réception et ne revêtant pas le caractère décennal, les entrepreneurs, en leur qualité de constructeur, sont susceptibles de voir engager à l’égard du maître d’ouvrage et des acquéreurs ou syndicat des copropriétaires venant aux droits dudit maître d’ouvrage, leur responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée.

Il incombe dès lors à la société Elysées Acacias de rapporter la preuve d’une faute commise par la société Dumez Ile- de- France.

Au vu des éléments du dossier, il n’est pas établi que le défaut de respect des engagements contractuels était connu du maître d’ouvrage avant la réception dans la mesure où il ressort d’une part que la fiche technique du système d’étanchéité posée (pièce 12 société DP.r) a été établie le 17 octobre 2016, soit postérieurement à la date de la réception, d’autre part que la société Dumez Ile- de- France a reconnu elle-même avoir pensé avoir commandé un système d’étanchéité liquide auprès de la société SMP.

Or dans la mesure où il est établi que la société Dumez Ile-de-France a par erreur accepté un devis pensant acheter un SEL alors qu’elle avait en réalité acquis un SPEC et où il a été précédemment vu que la société Dumez Ile- de-France s’était engagée à poser un SEL sur les sols de l’ensemble des salles de bain et avait en définitive appliqué un SPEC en lieu et place, il convient de dire que ce faisant elle a commis une faute permettant de retenir sa responsabilité contractuelle.

III. Sur l’évaluation du préjudice

La société Elysées Acacias sollicite de voir condamner la société Dumez Ile- de- France à lui payer les sommes suivantes :

7.546 euros TTC correspondant au coût du SEL sur le sol de l’ensemble des salles de bains calculé à hauteur de 22€ du m² pour une surface totale des salles de bain de 343m²
10.000€ au titre des désagréments subis liés à un procès et aux opérations d’expertise pour obtenir réparation et se voir livrer un ouvrage conforme auquel elle est légitimement en droit de prétendre.

Sur le préjudice matériel

La société Dumez Idf expose en défense que la demande ne saurait excéder le coût de la différence entre le prix au m² du SEL et du SPEC soit 13€ du m². Elle fait valoir que le maître d’ouvrage ne justifie pas d’un motif juridique lui permettant de disposer à la fois de la pose gratuite d’un SPEC et du prix total de la pose d’un SEL alors que ni la pose d’un SPEC, ni celle d’un SEL n’était prévue au marché.

Le principe de la réparation intégrale consiste à replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée en l’absence de réalisation du dommage.

Il ressort des éléments du dossier qu’initialement la société Dumez Ile- de- France s’était engagée à réaliser la pose d’un U plastique en pied de cloison dépassant de 2 cm du sol fini, qu’en remplacement, elle a proposé l’application d’un système d’étanchéité liquide au sol des salles de bain, qui a été acceptée par le maître d’oeuvre et la maîtrise d’ouvrage, mais qui n’a finalement pas été effectuée. En conséquence il convient de constater que si la société Dumez Ile- de- France avait respecté son engagement, le maître d’ouvrage aurait bénéficié d’un système d’étanchéité liquide au sol de l’ensemble de ses salles de bain et est dès lors en droit de solliciter le coût correspondant à l’application de ce système sur l’ensemble de la surface de ses salles de bain (non contestée en l’espèce par l’entreprise défenderesse) soit la somme de 7546 €.

Sur le préjudice immatériel

Au vu des éléments du dossier, il ressort que le maître d’ouvrage a sollicité la désignation d’un expert judiciaire en raison de nombreuses réserves non levées et désordres dénoncés pendant la garantie de parfait achèvement outre différentes non-conformités relevées. Il y a lieu de constater que des interventions ont eu lieu en cours d’expertise afin de remédier à différents désordres et que le grief lié à l’absence de pose du SEL dans les salles de bain a été retenu.

Dès lors il convient de constater que la société demanderesse justifie des désagréments subis en lien avec les travaux confiés à la société Dumez qui ont nécessité l’engagement d’une expertise judiciaire pour résoudre les problèmes et d’une action au fond pour faire valoir sa défense. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 1000 euros en réparation du préjudice ainsi subi.

IV. Sur l’obligation à la dette

Au vu de ces éléments il convient de condamner la société DP.r venant aux droits la société Dumez Ile- de- France à payer à la société Elysées Acacias la somme de 8 546 € en réparation des préjudices subis.

V. Sur les appels en garantie

la société DP.r venant aux droits la société Dumez Ile-de-France forme un appel en garantie à l’encontre des sociétés l’Auxiliaire en qualité d’assureur de la société Charbonnel et Axa France Iard en qualité d’assureur de la société PMG.

Au soutien de sa demande la société DP.r expose que :

- les sous-traitants sont tenus à une obligation de résultat de sorte que leur faute est présumée ;

- la protection des pieds de cloisons figurait expressément aux contrats de sous-traitance successivement conclu avec les sociétés CHARBONNEL et PMG qui devaient la réalisation de ces prestations et que c’est en raison du non respect des dispositions contractuelles qu’elle a été contrainte de mettre en place des mesures correctives.

La société l’Auxiliaire en qualité d’assureur de la société Charbonnel expose que :
- aucune faute ne peut être retenue à l’encontre de la société Charbonnel alors que la pose du U avait été expressément retirée de son marché ;
- la non-conformité alléguée par le demandeur concerne uniquement la nature de la protection étanche finalement mise en œuvre par l’entreprise principale qui ne la concerne nullement.

La société Axa France Iard en qualité d’assureur de la société PMG conteste l’existence d’un désordre et expose que sa garantie n’est pas mobilisable.

*

Sur la responsabilité des sous-traitants dans la survenance du défaut de conformité

En application de l’article 1231-1 du Code civil, le sous-traitant est tenu d’une obligation de résultat à l’égard de l’entrepreneur principal. Toutefois il incombe néanmoins à l’entrepreneur principal de démontrer un lien entre le défaut de conformité aux engagements contractuels reproché et l’intervention des sous-traitants lequel n’est pas présumé.

Force est de constater, en l’espèce, que le maître d’ouvrage ne reproche pas à l’entreprise principale l’absence de pose du U en plastique dont le remplacement a été accepté en cours de chantier mais l’absence de pose du système d’étanchéité liquide sous le sol des salles de bain conformément à ce qu’il s’était engagé de faire. En conséquence, la société DP.r ne démontre pas de lien de causalité entre l’absence de pose du système d’étanchéité liquide et l’intervention des sous-traitants dès lors qu’il n’est pas justifié qu’elles ont été chargées de réaliser ces travaux. Enfin il ressort explicitement du courriel adressé par la société Dumez Ile-de-France que le choix de ne pas poser des U en plastique au pied de cloison est un choix délibéré de l’entreprise principale ce qu’elle a expliqué dans le courriel du 27 avril 2016 tel qu’il suit et non un manquement des sous-traitants : « le U plastique n’était pas vraiment adapté lorsque nous réalisont des chapes car il n’est pas assez haut pour dépasser en général de 2 cm au-dessus du niveau fini (chape plus épaisse que la hauteur du U) ce qui est notre cas sur Acacias. »

En conséquence il convient de débouter la société DP.r de ses appels en garantie.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La société DP.r venant aux droits la société Dumez Ile-de-France, succombant dans ses demandes, doit être condamnée aux dépens incluant les frais d’expertise judiciaire et à payer la somme de 5000 euros à la société Elysées Acacias au titre des frais irrépétibles engagés.

L’exécution provisoire, compatible avec la nature du litige, sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, par voie de mise à disposition au greffe en application de l'article 450 du Code de procédure civile, les parties en ayant été avisées,

CONDAMNE la société DP.r venant aux droits la société Dumez Ile- de- France à payer à la société Elysées Acacias la somme de 8 546 € (huit-mille-cinq-cent-quarante-six euros) à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis consécutifs à la non-conformité contractuelle liée à l’absence de pose d’un système d’étanchéité liquide sous les sols des salles de bain de l’hôtel ;

DEBOUTE la société DP.r venant aux droits la société Dumez Ile- de- France de ses appels en garantie formée à l’encontre des sociétés l’Auxiliaire en qualité d’assureur de la société Charbonnel et Axa France Iard en qualité d’assureur de la société PMG.

CONDAMNE la société DP.r venant aux droits la société Dumez Ile- de- France à payer à la société Elysées Acacias la somme de 5 000 € (cinq mille euros) au titre des frais irrépétibles engagés ;

CONDAMNE la société DP.r venant aux droits la société Dumez Ile- de- France aux dépens incluant les frais d’expertise judiciaire;

ORDONNE l’exécution provisoire

Fait et jugé à Paris le 26 avril 2024

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 6ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 18/03288
Date de la décision : 26/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-26;18.03288 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award