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25/04/2024 | FRANCE | N°21/12875

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/1 nationalité a, 25 avril 2024, 21/12875


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/1 nationalité A

N° RG 21/12875
N° Portalis 352J-W-B7F-CVJDA

N° PARQUET : 21/1009

N° MINUTE :

Assignation du :
12 Octobre 2021

C.B.


[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 25 Avril 2024






DEMANDEURS

Monsieur [B] [K] [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]

Madame [Z] [J]
[Adresse 4]
SENEGAL

agissant en tant que représentants légaux d’[L] [J] de

meurant chez Monsieur [B] [K] [J] [Adresse 2]

représentés par Me Marie DELRIEU, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0730


DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/1 nationalité A

N° RG 21/12875
N° Portalis 352J-W-B7F-CVJDA

N° PARQUET : 21/1009

N° MINUTE :

Assignation du :
12 Octobre 2021

C.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 25 Avril 2024

DEMANDEURS

Monsieur [B] [K] [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]

Madame [Z] [J]
[Adresse 4]
SENEGAL

agissant en tant que représentants légaux d’[L] [J] demeurant chez Monsieur [B] [K] [J] [Adresse 2]

représentés par Me Marie DELRIEU, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0730

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 6]
[Localité 1]

Madame Laureen SIMOES, Substitute
Décision du 25/04/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 21/12875

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière

DEBATS

A l’audience du 29 Février 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire,
en premier ressort,

Prononcé en audience publique, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 12 octobre 2021 par M. [B] [K] [J] et Mme [Z] [J], ès qualités de représentant légaux de l'enfant [L] [J], au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions des demandeurs notifiées par la voie électronique le 26 juillet 2023,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 18 avril 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 1er février 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 29 février 2024,

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 3 février 2022. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action en déclaration de nationalité française

Le 8 janvier 2020, M. [B] [K] [J] a souscrit une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-2 du code civil en raison de son mariage célébré le 3 octobre 2013 avec Mme [Y] [M], de nationalité française. Il y a mentionné son enfant [L] [J] pour permettre à celle-ci d'acquérir la nationalité française sur le fondement des articles 22-1 et 22-2 du code civil. Cette déclaration a été enregistrée le 27 janvier 2021 sous le numéro 01160/21. Par décision du 21 avril 2021, le ministre de l'intérieur a refusé que l'enfant acquière la nationalité française de plein droit du fait l’acquisition de la nationalité française par M. [B] [K] [J], au motif que sa naissance ayant été déclarée par sa mère et aucune reconnaissance paternelle n'étant mentionnée sur son acte de naissance, la filiation entre l'enfant et M. [B] [K] [J] n'était pas démontrée (pièce n°1 des demandeurs).

M. [B] [K] [J] et Mme [Z] [J], ès qualités de représentant légaux de l'enfant [L] [J], ont assigné le ministère public devant ce tribunal aux fins de contester ce refus. Ils exposent qu'[L] [J], dite née le 26 février 2010 à [Localité 5] (Sénégal), a acquis de plein droit la nationalité française sur le fondement de l'article 22-1 du code civil, du fait la déclaration de nationalité française souscrite par son père le 8 janvier 2020 sur le fondement de l'article 21-2 du code civil.

Le ministère public s'oppose à leurs demandes et sollicite du tribunal de dire qu'[L] [J] n'est pas de nationalité française.

Sur les demandes de M. [B] [K] [J] et Mme [Z] [J]

Les demandeurs sollicitent du tribunal de « juger que la filiation de Mme [L] [J] est établie à l'égard de son père M. [B] [K] [J] ».

Cette demande constitue un moyen et non une prétention au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile. Cette demande ne donnera donc pas lieu à mentions au dispositif.

Les demandeurs sollicitent également du tribunal d' « ordonner l’enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité française relative à Mme [L] [J] ».

Décision du 25/04/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 21/12875

Or la déclaration de nationalité française, qui a été souscrite par M. [B] [K] [J], a été enregistrée. Cette demande est donc sans objet.

En revanche, il s'évince de leurs écritures qu'ils entendent faire valoir que l'enfant bénéficie de l'effet collectif attaché à la déclaration de nationalité française souscrite par M. [B] [K] [J]. Ils sollicitent ainsi de voir juger que l'enfant a acquis la nationalité française. Il sera donc statué uniquement sur cette demande.

Sur le fond

Conformément à l'article 17-2 du code civil, compte tenu de la date de la souscription de sa déclaration de nationalité française par M. [B] [K] [J], les effets en sont régis par les dispositions de l'article 22-1 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2005-759 du 4 juillet 2005, selon lequel « l'enfant mineur dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent ou s'il réside alternativement avec ce parent dans le cas de séparation ou divorce.
Les dispositions du présent article ne sont applicables à l'enfant d'une personne qui acquiert la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration de nationalité que si son nom est mentionné dans le décret ou dans la déclaration ».

Il appartient donc aux demandeurs, qui revendiquent le bénéfice de l'effet de collectif de la déclaration de nationalité française pour l'enfant, de rapporter la preuve de ce que les conditions posées par ces dispositions sont remplies.

Il est en outre rappelé que nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Les demandeurs doivent donc également justifier d'un état civil fiable et certain pour l'enfant, attesté par des actes d'état civil probant au sens de cet article.

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et le Sénégal, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par les articles 34 et 35 de la convention de coopération en matière judiciaire signée le 29 mars 1974 et publiée par décret numéro 76-1072 du 17 novembre 1976; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et certifiés conformes à l'original par ladite autorité.

En l'espèce, pour justifier de l'état civil d'[L] [J], les demandeurs versent aux débats une copie, délivrée le 8 janvier 2021, de son acte de naissance (pièce n°6 des demandeurs).

Le tribunal relève que cette copie est produite en simple photocopie. Or, une photocopie étant exempte de toute garantie d'authenticité et d'intégrité, cette pièce est dépourvue de toute force probante, étant rappelé qu'il est indiqué dès le premier bulletin de procédure que l’avocat en demande doit s'assurer qu'il détient bien une copie intégrale en original de l'acte de naissance de ses clients, qui devra figurer dans le dossier de plaidoirie, exigence rappelée dans le bulletin notifiant la clôture s'agissant de tous les actes de l’état civil du dossier de plaidoirie, qui doivent être produits en original.

Ne justifiant pas d'un état civil fiable et certain pour [L] [J], les demandeurs ne peuvent revendiquer la nationalite française pour celle-ci à quelque titre que ce soit.

Il en va de même de l'acte de naissance de M. [B] [K] [J], produit en simple photocopie exempte de toute valeur probante. Ne justifiant pas d'un état civil fiable et certain en ce qui concerne celui-ci, les demandeurs ne peuvent se prévaloir d'un quelconque lien de filiation de l'enfant à son égard ni de sa nationalité française.

Par ailleurs, même à supposer les originaux de ces pièces produits, le tribunal relève avec le ministère public que l'acte de naissance de M. [B] [K] [J] mentionne qu'il a été dressé sur jugement d'autorisation d'inscription de naissance n°159 rendu par le tribunal départemental d'Oussouye le 28 juillet 2017. Or, ce jugement n'est pas versé aux débats.

Il est donc rappelé qu'un acte de naissance dressé en exécution d'une décision de justice est indissociable de celle-ci. En effet, l'efficacité de ladite décision de justice, même si elle existe de plein droit, reste toujours subordonnée à sa propre régularité internationale. La valeur probante d'un acte de naissance est ainsi subordonnée à la régularité internationale du jugement en exécution duquel il a été dressé.

Il s'ensuit que l'acte de naissance de M. [B] [K] [J] est dépourvu de toute force probante au sens des dispositions de l'article 47 du code civil, précité.

En tout état de cause, comme le relève également le ministère public, la preuve de l'acquisition de la nationalité française par M. [B] [K] [J] n'est pas rapportée.

En effet, aux termes de l'article 34 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 modifié par le décret n°2019-1507 du 30 décembre 2019 applicable à la date de la souscrtion de la déclaration, « la preuve de l'enregistrement de la déclaration de nationalité résulte de la production d'un exemplaire enregistré de celle-ci ou de la copie intégrale de l'acte de naissance, de l'extrait de celui-ci avec indication de la filiation, sur lesquels a été portée la mention prévue par l'article 28 du code civil.
A défaut, elle peut résulter de la production d'une attestation constatant la souscription et l'enregistrement de la déclaration qui est délivrée, à la demande de l'intéressé, de son ou ses représentants légaux ou des administrations publiques françaises, par l'autorité qui a procédé à l'enregistrement ou par une autorité centrale désignée par arrêté interministériel »

Or, les demandeurs ne produisent aucun des éléments exigés par ces dispositions.

Ils se bornent ainsi à produire la carte nationale d'identité française délivrée à M. [B] [K] [J], laquelle est un élément de possession d'état de français mais ne permet nullement de rapporter la preuve de la nationalité française de son titulaire.

Dès lors, les demandeurs ne justifient ni de l'état civil d'[L] [J], ni de l'état civil de M. [B] [K] [J], ni de la nationalité française de ce dernier, et donc que les conditions posées par l'article 22-1 du code civil sont remplies.

En conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés par le ministère public, les demandeurs seront déboutés de leur demande tendant à voir juger que l'enfant [L] [J] a acquis la nationalité française par l'effet collectif de la déclaration souscrite par M. [B] [K] [J]. En outre, dès lors qu'[L] [J] ne peut revendiquer la nationalité française à aucun titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'elle n'est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, les demandeurs, qui succombent, seront condamnés aux dépens.

Sur l'article 700 du code procédure civile

Les demandeurs ayant été condamnés aux dépens, leur demande au titre de l'article 700 du code procédure civile ne peut qu'être rejetée.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Dit sans objet la demande tendant à ordonner l’enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité française relative à Mme [L] [J] ;

Déboute M. [B] [K] [J] et Mme [Z] [J], ès qualités de représentants légaux de l'enfant [L] [J], de leur demande tenant voir juger que l'enfant a acquis la nationalité française;

Juge que l'enfant [L] [J], dite née le 26 février 2010 à [Localité 5] (Sénégal), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Déboute M. [B] [K] [J] et Mme [Z] [J], ès qualités de représentants légaux de l'enfant [L] [J], de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [B] [K] [J] et Mme [Z] [J], ès qualités de représentants légaux de l'enfant [L] [J], aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 25 Avril 2024

La GreffièreLa Présidente
Christine KermorvantMaryam Mehrabi


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/1 nationalité a
Numéro d'arrêt : 21/12875
Date de la décision : 25/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-25;21.12875 ?
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