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25/04/2024 | FRANCE | N°21/04418

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/1 nationalité a, 25 avril 2024, 21/04418


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/1 nationalité A

N° RG 21/04418
N° Portalis 352J-W-B7F-CUCST

N° PARQUET : 21/276

N° MINUTE :

Assignation du :
23 Mars 2021

VB




[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 25 Avril 2024








DEMANDERESSE

Madame [Y] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3] (ALGERIE)

représentée par Me Yuma FRUNEAU, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #

F0001


DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Localité 2]

Madame Laureen SIMOES, Substitute
Décision du 25/04/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 21/0...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/1 nationalité A

N° RG 21/04418
N° Portalis 352J-W-B7F-CUCST

N° PARQUET : 21/276

N° MINUTE :

Assignation du :
23 Mars 2021

VB

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 25 Avril 2024

DEMANDERESSE

Madame [Y] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3] (ALGERIE)

représentée par Me Yuma FRUNEAU, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #F0001

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Localité 2]

Madame Laureen SIMOES, Substitute
Décision du 25/04/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 21/04418

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière

DEBATS

A l’audience du 29 Février 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire,
en premier ressort,

Prononcé en audience publique, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 23 mars 2021 par Mme [Y] [K] au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions de Mme [Y] [K] notifiées par la voie électronique le 12 février 2023,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 16 décembre 2022,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 1er février 2024 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 29 février 2024,

MOTIFS

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

Décision du 25/04/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 21/04418

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 31 janvier 2022. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Mme [Y] [K], se disant née le 25 juin 1993 à [Localité 3] (Algérie), revendique la nationalité française par filiation paternelle, sur le fondement de l'article 18 du code civil. Elle expose que son père, M. [B] [K], né le 24 octobre 1962 à [Localité 6] (Algérie), est lui-même français par filiation maternelle, pour être né de [N] [K], née le 18 juillet 1933 à [Localité 6] (Algérie), laquelle a conservé la nationalité française de plein droit lors de l'accession à l'indépendance de l'Algérie, étant de statut civil de droit commun, pour être issue de [S] [K], né le 21 septembre 1899 à [Localité 6] (Algérie), de [I] [K], né en 1852 à [Localité 4] (Algérie), admis à la qualité de citoyen français par décret du 14 janvier 1899.

Le ministère public sollicite du tribunal de déclarer irrecevable la demande de délivrance d'un certificat de nationalité française formulée par Mme [Y] [K] et de juger que celle-ci n'est pas française.

Sur la demande du ministère public tendant à voir déclarer irrecevable la demande de délivrance d'un certificat de nationalité française

Dans ses dernières conclusions, la demanderesse ne sollicite pas la délivrance d'un certificat de nationalité française.

Dès lors, la demande formée par le ministère public de déclarer irrecevable la demande de délivrance d'un certificat de nationalité française formulée par Mme [Y] [K] est sans objet.

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.

Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par la demanderesse, l'action relève des dispositions de l’article 18 du code civil aux termes duquel est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.

Il est rappelé à cet égard que les effets sur la nationalité française de l’accession à l’indépendance des départements d’Algérie, fixés au 1er janvier 1963, sont régis par l’ordonnance n°62-825 du 21 juillet 1962 et par la loi n°66-945 du 20 décembre 1966 ; ils font actuellement l’objet des dispositions des articles 32-1 et 32-2 du code civil ; il résulte en substance de ces textes que les Français originaires d’Algérie ont conservé la nationalité française:

- de plein droit, s’il étaient de statut civil de droit commun ce qui ne pouvait résulter que de leur admission ou de celle de l’un de leur ascendant, ce statut étant transmissible à la descendance, à la citoyenneté française en vertu exclusivement, soit d’un décret pris en application du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, soit d’un jugement rendu sur le fondement de la loi du 4 février 1919 ou, pour les femmes, de la loi du 18 août 1929, ou encore de leur renonciation à leur statut personnel suite à une procédure judiciaire sur requête, étant précisé que relevaient en outre du statut civil de droit commun les personnes d’ascendance métropolitaine, celles nées de parents dont l’un relevait du statut civil de droit commun et l’autre du statut civil de droit local, celles d’origine européenne qui avaient acquis la nationalité française en Algérie et les israélites originaires d’Algérie qu’ils aient ou non bénéficié du décret “Crémieux” du 24 octobre 1870 ;

- s’ils étaient de statut civil de droit local, par l’effet de la souscription d’une déclaration de reconnaissance au plus tard le 21 mars 1967 (les mineurs de 18 ans suivant la condition parentale dans les conditions prévues à l’article 153 du code de la nationalité française), ce, sauf si la nationalité algérienne ne leur a pas été conférée postérieurement au 3 juillet 1962, faute de quoi ils perdaient la nationalité française au 1er janvier 1963.

Il appartient donc à Mme [Y] [K], non titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, une chaîne de filiation légalement établie à l'égard de son ascendant revendiqué et, d'autre part, d'établir que celui-ci relevait du statut civil de droit commun, par des actes d’état civil fiables et probants au sens de l’article 47 du code civil, étant rappelé qu'aux termes de l’article 20-1 du code civil, la filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et l'Algérie, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 36 du protocole judiciaire signé le 28 août 1962 et publié par décret du 29 août 1962 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer.

Par ailleurs, nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil et de celui des ascendants qu’il revendique, par la production de copies intégrales d'actes d’état civil en original, étant précisé que le premier bulletin de la procédure rappelle la nécessité de produire de tels actes.

En l'espèce, le ministère public conteste le caractère ininterrompu de la chaîne de filiation de la demanderesse à l'égard de [I] [K], faisant valoir, notamment, qu'il n'est pas produit le jugement ayant ordonné l'inscription du mariage de [S] [K] et de [V] [D] sur les registres de l'état civil et qu'ainsi, l'acte de mariage de ces derniers ne permet pas d'établir un lien de filiation entre [S] [K] et [N] [K].

La demanderesse indique que ce lien de filiation est établi par l'acte de mariage, le livret de famille et la fiche familiale de l'état civil de [S] [K] (pièces n°15, 16 et17 de la demanderesse).

Le tribunal relève en premier lieu que le livret de famille et la fiche familiale de l'état civil sont des documents administratifs, qui ne sont pas de nature à établir un lien de filiation entre [S] [K] et [N] [K].

En outre, la copie, délivrée le 5 janvier 2021, de l'acte de mariage n°47 mentionne qu'il a été transcrit suivant jugement rendu le 1er février 1968 (pièce n°15 de la demanderesse).

Or, comme l'indique le ministère public, ledit jugement n'est pas versé aux débats.

Il est rappelé à cet égard qu'un acte de mariage dressé en exécution d'une décision de justice est indissociable de celle-ci. En effet, l'efficacité de ladite décision de justice, même si elle existe de plein droit, reste toujours subordonnée à sa propre régularité internationale. La valeur probante de l'acte de mariage est ainsi subordonnée à la régularité internationale du jugement en exécution duquel il a été dressé.

Mme [Y] [K] ne produit pas le jugement mentionné sur l'acte de mariage précité, privant ainsi le tribunal de la possibilité d'examiner la régularité internationale de cette décision au regard de l'ordre juridique français et d'apprécier si ledit acte a bien été dressé en respectant le dispositif de ce jugement.

Il s'ensuit qu'en l'absence du jugement ordonnant la transcription du mariage de [S] [K] et de [V] [D], l'acte de mariage de ces derniers ne peut revêtir de caractère probant au sens des dispositions de l'article 47 du code civil.

Il n'est donc pas justifié d'un lien de filiation entre [S] [K] et [N] [K], et partant d'une chaîne de filiation ininterrompue entre la demanderesse et [I] [K], dont elle revendique tenir la nationalité française.

En conséquence, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par le ministère public, il y a lieu de débouter Mme [Y] [K] de sa demande tendant à lui reconnaître la nationalité française par filiation paternelle. Par ailleurs, dès lors qu'elle ne revendique la nationalité française à aucun autre titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'elle n'est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [Y] [K], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Dit sans objet la demande formée par le ministère public tendant à voir déclarer irrecevable la demande de délivrance d'un certificat de nationalité française formulée par Mme [Y] [K] :

Déboute Mme [Y] [K] de sa demande tendant à lui reconnaître la nationalité française ;

Juge que Mme [Y] [K], née le 25 juin 1993 à [Localité 3] (Algérie), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Condamne Mme [Y] [K] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 25 Avril 2024

La GreffièreLa Présidente
Christine KermorvantMaryam Mehrabi


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/1 nationalité a
Numéro d'arrêt : 21/04418
Date de la décision : 25/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-25;21.04418 ?
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