La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2024 | FRANCE | N°21/00077

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 25 avril 2024, 21/00077


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :




2ème chambre civile


N° RG 21/00077 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CTQ4B

N° MINUTE :


Assignation du :
12 Septembre 2018

JUGEMENT
rendu le 25 Avril 2024

DEMANDERESSE

S.C.I. LOUJALA, anciennement dénommée S.C.I JLL
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Maître Virginie VERCAMER-FONTANES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0601
>




DÉFENDEURS

S.C.P. KNEPPERT, DUPUY, [S], FOIRY, PINEL-MANGIN
[Adresse 3]
[Localité 8]

Maître [B] [S]
[Adresse 3]
[Localité 8]

Toutes les deux représentée...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre civile


N° RG 21/00077 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CTQ4B

N° MINUTE :

Assignation du :
12 Septembre 2018

JUGEMENT
rendu le 25 Avril 2024

DEMANDERESSE

S.C.I. LOUJALA, anciennement dénommée S.C.I JLL
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Maître Virginie VERCAMER-FONTANES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0601

DÉFENDEURS

S.C.P. KNEPPERT, DUPUY, [S], FOIRY, PINEL-MANGIN
[Adresse 3]
[Localité 8]

Maître [B] [S]
[Adresse 3]
[Localité 8]

Toutes les deux représentées par ensemble Maître Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #P0090

Madame [C] [H]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Maître Jérôme MARTIN de la SELARL SELARL D’AVOCATS MARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocatsplaidant, vestiaire #P0158
Décision du 25 Avril 2024
2ème chambre civile
N° RG 21/00077 - N° Portalis 352J-W-B7F-CTQ4B

S.C.P. [M] [I] et Damien BERREGARD
[Adresse 2]
[Localité 11]

Monsieur [M] [I]
[Adresse 2]
[Localité 11]

Tous les deux représentés ensemble par Maître Matthieu PATRIMONIO de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #P0133

__________________________________

COMPOSITION DU TRIBUNAL

M. Jérôme HAYEM, Vice-Président,
Madame Caroline ROSIO, Vice-Présidente,
Madame Sarah KLINOWSKI, Juge

Assistés de Madame Sylvie CAVALIE, Greffière lors de l’audience de plaidoiries et de Madame Audrey HALLOT, Greffière lors de la mise à disposition,

DEBATS

A l’audience collégiale du 18 Janvier 2024 présidée par M. Jérôme HAYEM et tenue en audience publique, rapport a été fait par Mme Caroline ROSIO, en application de l’article 804 du Code de Procédure Civile. Après clôture des débats, avis a été donné aux conseils des parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024. Ultérieurement la date du délibéré a été prorogée au 25 Avril 2024, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au Greffe
Contradictoire et en premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 08 juillet 2017 rédigé par l'agence immobilière IMMOPOLIS, Mme [C] [H] a vendu à la société civile JLL dans un ensemble immobilier cadastré section AF n°[Cadastre 5] lieudit [Adresse 4] à [Localité 10] d’une surface de 12 a et 88 ca, le lot de copropriété n°58 correspondant au studio n°6 situé au 6ème étage, d’une superficie dite “Carrez” de 14,19 m2, moyennant un prix de 185.000 euros.

Aux termes de l'acte, le vendeur a déclaré que “par suite de travaux d’aménagement intérieur réalisés par un précédent propriétaire, la désignation actuelle du bien est la suivante : une entrée, une pièce principale, une salle d’eau avec WC sanibroyeur” et :
“- qu’un précédent propriétaire a installé le wc sanibroyeur et qu’il n’a pas connu de problème (fuite, dégâts des eaux...) lié à son utilisation ni reçu aucune réclamation de la part de la copropriété à ce sujet ,
- qu’à sa connaissance le précédent propriétaire n’a requis aucune autorisation de la copropriété préalablement à ces travaux ,
- qu’à sa connaissance le WC sanibroyeur est régulièrement raccordé au réseau d’évacuation de l’immeuble, que néanmoins aucun contrôle de l’installation et de son raccordement n’a été effectué et aucune garantie n’est donnée à ce titre
- qu’à sa connaissance, le raccordement aux canalisations communes prévues à cet effet (eaux usées) suite à la création de la cuisine et de la salle d’eau a été réalisé dans les règles de l’art et est en bon état de fonctionnement ,
- que depuis son acquisition, il n’a rencontré aucune difficulté avec le système d’évacuation des eaux et notamment le raccordement au réseau commun d’évacuation des eaux usées,
-qu’il n’a reçu concernant ces travaux aucune contestation, notification, assignation de quiconque depuis qu’il est propriétaire,
- qu’aucun désordre n’est apparu depuis son acquisition”.

Le compromis mentionne que "informé de cette situation, l'acquéreur déclare vouloir en faire son affaire personnelle".

Par acte authentique du 21 septembre 2017 reçu par Maître [B] [S], notaire associé de la société civile professionnelle « François-Xavier KNEPPERT, [B] [S], David FOIRY et Marie-Eve PINEL-MANGIN», avec la participation de Maître [M] [I], notaire à [Localité 11] assistant l'acquéreur, a été réitéré la vente du lot de copropriété n°58 correspondant à "une pièce avec placards, une kitchenette, une douche. Précision étant ici faite que le lot ne comprend pas les WC qui se trouvent sur le palier". L'acte stipule que le bien a été acquis dans l’état où il se trouvait au jour de l’entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur notamment en raison des vices cachés, lequel déclarait que "le raccordement au réseau d'assainissement n'a fait l'objet d'aucun contrôle de conformité par le service public de l'assainissement depuis qu'il est propriétaire" et que "l'acquéreur fera son affaire personnelle de la réalisation des travaux qui pourraient être nécessaires aux fins d'obtention de la conformité dans la mesure où le raccordement pourrait s'avérer non conforme. En toute hypothèse, il est ici précisé que faute d'effectuer les travaux nécessaires à la conformité compte tenu de la législation en vigueur lors du contrôle, la commune pourra, après mise en demeure, faire procéder d'office, aux frais du propriétaire, à ces travaux".

Le 21 janvier 2018, à la suite d'un dégât des eaux survenu dans l'appartement de Mme [V] situé au 5ème étage, à la suite d’un débordement sur une canalisation privative d’évacuation dans le studio du 6ème étage appartenant à la SCI JLL, Mme [V] indiquait au gérant de la SCI JLL que l'installation du sanibroyeur était interdite car effectuée sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires et que la copropriété n'autoriserait pas une telle installation.

Le gérant de la SCI JLL mandatait la société URBANOVA qui relevait que le lot n°58 "est dépourvu d'évacuation conforme et que l'intégralité des eaux usées se déverse dans une colonne d'eau pluviale" et que "toutes les eaux usées et eaux vannes des appartements du 6ème étage se déversent dans cette même colonne. Il n'existe pas au 6ème étage de colonne pour les eaux usées et pour les eaux vannes contrairement à la réglementation en vigueur".

Par procès-verbal du 3 juillet 2018, l'assemblée générale des copropriétaires autorisait le syndic à agir pour obtenir la dépose du sanibroyeur installé sans autorisation dans le lot n°58.

Par actes d’huissier des 12, 13 et 17 septembre 2018, la société LOUJALA anciennement dénommée JLL a assigné Mme [C] [H], la société civile professionnelle « François-Xavier KNEPPERT, [B] [S], David FOIRY et Marie-Eve PINEL-MANGIN» (la SCP KNEPPERT), Maître [B] [S], notaire, la SCP "[M] [I] et Damien BERREGARD" (la SCP [I]) et Maître [M] [I] devant le tribunal judiciaire de PARIS aux fins essentielles de prononcer la résolution de la vente pour vice caché.

L'affaire a été renvoyée devant le juge de la mise en état.

Par ordonnance du 9 octobre 2019, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure initiée par la société JLL à l'encontre du syndicat des copropriétaires.

Par jugement du 25 novembre 2021, le tribunal judiciaire de PARIS a rejeté la demande d'annulation de l'assemblée générale du 3 juillet 2018 et condamné la société JLL à déposer le sanibroyeur installé dans le lot n°58.

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 26 octobre 2022, au visa des articles 1112-1, 1641, 1644 et 1645, 1240 (anciennement 1382) et 1343-2 du Code civil, de l'article L 111-6-1 du code de construction et de l’habitation, de l’article 47 de l’arrêté du 23 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris, de l’article 25 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, la société LOUJALA anciennement dénommée JLL, demande au Tribunal Judiciaire de PARIS de :

« À titre principal,
- Dire qu’il existe des vices cachés au sens de l’article 1641 du Code civil, dire que la clause de non garantie est inapplicable et prononcer la résolution de la vente du 21 septembre 2017 en application de l’article 1644 du Code civil,

En conséquence, condamner Madame [H]
-à restituer le prix de vente d’un montant de 185.000 euros, augmenté de la restitution des frais payés à l’agence immobilière IMMOPOLIS d’un montant de 10.000 euros et des émoluments des notaires versés dans le cadre de la vente résolue
-à payer la somme de 2.270 euros payée au titre des frais bancaires engagés dans le cadre de la vente résolue, augmentés des intérêts et frais d’assurance bancaires du prêt déjà payés au jour de la restitution du prix de vente
-à payer la somme correspondant à 5 % du capital restant dû au jour de la restitution du prix de vente en indemnisation de l’indemnité de remboursement anticipé du prêt,
-Ordonner la capitalisation des intérêts selon les dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
-Dire que Maître [B] [S], notaire, Maître [M] [I], notaire, ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité professionnelle respective,

-En conséquence, condamner solidairement Maître [B] [S], Maître [M] [I] et les SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN », et « [I]-BERREGARD » à garantir la société LOUJALA, anciennement dénommée JLL, de la restitution du prix de vente par Madame [H], des honoraires de l’agence immobilière et des émoluments des notaires et de l’ensemble des condamnations susvisées.

À titre subsidiaire, si la résolution de la vente n’était pas prononcée
-Dire qu’il existe des vices cachés au sens de l’article 1641 du Code civil, dire que la clause de non garantie est inapplicable,
-Dire que Maîtres [S] et [I] ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité professionnelle,
-Condamner solidairement, Madame [H], Maître [B] [S], Maître [M] [I] et les SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN », et « [I]-BERREGARD » à payer à la société LOUJALA anciennement dénommée JLL :
-La somme de 67.446 euros correspondant à la perte de la valeur et restitution d’une partie du prix du bien affecté de vices cachés,
-La somme de 3.983,5 euros correspondant aux frais de mutation payés sur la partie excédant la valeur réelle du bien,
-La somme de 6.720 euros au titre de la diminution de loyer consentie à compter du mois de janvier 2022 pour les 4 années à venir,

À titre infiniment subsidiaire, si la résolution de la vente n’était pas prononcée et si les défenseurs n’étaient pas condamnés à la restitution d’une partie du prix du bien affecté de vices cachés :

-Condamner solidairement, Madame [H], Maître [B] [S], Maître [M] [I] et les SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN », et « [I]-BERREGARD » à payer à la société LOUJALA, anciennement dénommée JLL :

La somme de 70.000 euros, à parfaire, en vue de dédommager la société LOUJALA, anciennement dénommée JLL, de tous les frais pour mettre le studio du [Adresse 4] à [Localité 10] en conformité avec les dispositions du code de la construction et de l’habitation, des règles sanitaires et de copropriété,3.360 euros au titre de la diminution de loyer consentie à compter du mois de janvier 2022 pour les 2 années à venir,

En tout état de cause

-Condamner solidairement Madame [H], Maître [B] [S], Maître [M] [I] et les SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN », et « [I]-BERREGARD » à verser à la société LOUJALA anciennement dénommée JLL :

La somme 7.000 euros au titre des frais de procédure engagée dans le litige l’opposant au syndic de copropriété,La somme de 1.770 euros correspondant au coût de dépôt du sanibroyeur,La somme de 5.000 euros au titre du préjudice économique subi,à payer la somme de 10.000 euros à la société LOUJALA anciennement dénommée JLL au titre du préjudice moral subi,La somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile (CPC) ainsi qu'aux dépens."

Par conclusions notifiées par voie électronique le 07 février 2023, Madame [H], a requis du Tribunal Judiciaire de PARIS de :
"A titre principal :

-Juger mal fondée la demande de résolution de la vente du studio constituant le lot n°58 sis [Adresse 4], formulée par la société LOUJALA au titre de l’article;
-Juger mal fondée la demande de restitution d’une partie du prix de vente formulée par la société LOUJALA à titre subsidiaire;

En conséquence,
-Rejeter la demande de restitution du prix de vente formulée par la société LOUJALA à l’encontre de Madame [H],
-Rejeter la demande de restitution d’une partie du prix de vente formulée par la société LOUJALA A titre subsidiaire à l’encontre de Madame [H];
-Débouter la société LOUJALA de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de Madame [H].

A titre subsidiaire :
-Juger que Maître [S] et [I] ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité civile professionnelle,
-Condamner Maître [B] [S], Maître [M] [I] et les SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN », et « [I]-BERREGARD », à relever et garantir intégralement en principal, intérêts, frais et dépens, Madame [H] de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

En tout état de cause :

-Débouter la société LOUJALA, Maître [B] [S], Maître [M] [I] et les SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN », et « [I]-BERREGARD », de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de Madame [H].
-Condamner la société LOUJALA ou tout succombant à verser à Madame [H] au paiement de la somme de 5.000 au titre de l’artiicle 700 du CPC, outre les dépens."

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 septembre 2022, Maître [B] [S] et la SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN » ont requis du tribunal de céans de :

-"Juger irrecevable et mal fondé l'appel en garantie de Madame [H]
-Débouter tant la société LOUJALA que Madame [H] de toutes leurs demandes fins et conclusions à l'encontre des concluantes,
-Condamner la société LOUJALA à payer à Maître [S] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-la condamner en tous les dépens qui seront recouvrés par la SCP KUHN conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile."

Par conclusions notifiées par voie électronique le 07 février 2023, Maître [M] [I] et la SCP « [I]-BERREGARD », ont requis du Tribunal Judiciaire de PARIS de :

-"Débouter la société LOUJALA, anciennement SCI JLL, représentée par son gérant Monsieur [G] de toutes ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de Maître [I] et de la SCP [I]-BERREGARD,
-Débouter Madame [H] de toutes ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de Maître [I] et à la SCP [I]-BERREGARD,
-Condamner la société LOUJALA, anciennement SCI JLL ou tout succombant à verser à Maître [I] et à la SCP [I]-BERREGARD, la somme de 2.000 euros chacun au titre de l’article 700 du CPC et aux entiers dépens."

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2023 et l’audience de plaidoiries fixée au 18 janvier 2024.

A l’issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024. En raison des nécessités du service, la décision a été prorogée au 25 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1)Sur les vices cachés

1.1Sur la clause d’exonération

Aux termes des articles 1641 et suivants du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

En l'espèce l'acte de vente prévoit que "l'acquéreur prend le bien en l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison des vices apparents et des vices cachés" et que "s'agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas si le vendeur bien que non professionnel a réalisé lui-même les travaux".

La société LOUJALA soutient que la clause d'exonération de garantie des vices cachés ne peut jouer car le vendeur a lui-même réalisé les travaux et fait valoir que:

-contrairement à ce qu'a affirmé le vendeur, les travaux n'ont pas été réalisés par un précédent propriétaire et que ces précisions avaient pour seule fin de laisser entendre que cette installation était ancienne et ne posait pas de difficultés,
-Madame [H] n'a jamais démenti avoir elle-même réalisé les travaux d'aménagement,
-l'ancienne propriétaire, Madame [P], atteste qu'elle a vendu à Madame [H] le 12 août 2014 un bien dépourvu totalement de WC privatif (pièce 27).

Madame [H] soutient qu'elle a transmis à l'agence immobilière IMMOPOLIS le compromis de vente qu'elle avait signé avec Madame [P] le 3 juin 2014 désignant l'appartement sans sanibroyeur et que l'agence immobilière n'a manifestement pas repris les informations du compromis de vente du 3 juin 2014 et qu'elle n'était pas présente physiquement lors de la signature du compromis de vente avec la société LOUJALA.

Il ressort tant de l'attestation de Madame [P] que des déclarations de Madame [H], qui ne justifie pas avoir communiqué à l'agence le compromis de vente du 3 juin 2014, que le lot vendu n'était pas pourvu de sanibroyeur en 2014. Ainsi il est établi que Madame [H] a réalisé elle-même les travaux.

En conséquence la clause d'exonération des vices cachés figurant dans l'acte de vente du 21 septembre 2017 ne s'applique pas en ce qui concerne les travaux réalisés dans le lot n°58.

L'acquéreur qui invoque les vices cachés a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix (action rédhibitoire) ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix (action estimatoire).

La société LOUJALA sollicite à titre principal la résolution de la vente et à titre subsidiaire la restitution d'une partie du prix.

1.2 Sur l'action rédhibitoire

Sur la résolution de la vente

La société LOUJALA sollicite la résolution de la vente pour vice caché et soutient que l'existence d'un sanibroyeur sans autorisation des autorités sanitaires, ni de la copropriété et le défaut d'existence de raccordement dans le bien acquis constituent des vices cachés.

Elle fait valoir que:

-contrairement à ce qu'a affirmé le vendeur, les travaux n'ont pas été réalisés par un précédent propriétaire et ces précisions avaient pour seule fin de laisser entendre que cette installation était ancienne et ne posait pas de difficultés

-l'installation du sanibroyeur a été effectuée par le vendeur sans aucun respect des réglementations alors que:
une autorisation de l'autorité sanitaire de la mairie de [Localité 9] était nécessaire en application de l'article 47 de l'arrêté du 23 novembre 1978 portant règlement sanitaire du département de Paris,une autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires était nécessaire s'agissant d'un raccordement d'une partie privative (sanibroyeur) sur une partie commune (réseau de distribution et d'évacuation d'eau),les sanitaires devaient être reliés aux évacuations des eaux usées et non aux eaux pluviales,
-le vendeur, qui connaissait parfaitement les irrégularités existantes, a menti lorsqu'elle a déclaré "qu'à sa connaissance le wc sanibroyeur est régulièrement raccordé au réseau d'évacuation",
-Le lot est dépourvu de raccordement aux eaux usées ce qui, en application de l'article L111-6-1 du code de la construction et de l'urbanisme, rend impossible toute mise à disposition du studio acheté,
-l'absence de sanibroyeur dans le studio diminue très fortement la valeur du bien à tel point que si la société LOUJALA avait connu ces vices, elle n'aurait pas acquis ce bien à hauteur de 185.000 euros.

Madame [H] soutient que la société LOUJALA est défaillante dans l'administration de la preuve des vices cachés et fait valoir que:

-l'existence du sanibroyeur dans le studio et les conditions de son raccordement ont été connus par l'acheteur avant la vente et la "précision" que les travaux auraient été effectués par un précédent propriétaire ne constitue pas un défaut affectant la chose au sens de l'article 1641 du code civil qui vise un défaut caché de la chose vendue,
-la "précision" que les travaux auraient été effectués par un précédent propriétaire mentionnée dans le compromis de vente n'a pas été reprise dans l'acte de vente,
-l'allégation selon laquelle "ses déclarations sont fausses et volontairement tronquées pour cacher à l'acheteur l'existence de problèmes existants sur le studio" est erronée et ne correspond pas à la réalité,
-Ces éléments n'ont pas pour effet de rendre l'immeuble impropre à sa destination ou de diminuer son usage,
-la dévaluation de la chose vendue du fait d'un dépôt du sanibroyeur n'est pas rapportée.

Maître [I] et la SCP « [I]-BERREGARD » entendent préciser, sur les vices cachés, que:

-l'article 47 du règlement sanitaire n'interdit pas les sanibroyeurs à [Localité 9] mais uniquement sur les immeuble neufs, que les sanibroyeurs peuvent être acceptés exceptionnellement dans les immeubles anciens mais leur installation doit faire l'objet d'une autorisation de l'autorité administrative et être raccordé aux canalisations d'eaux usées de l'immeuble,
-le raccordement d'une telle installation aux canalisations d'eaux usées ne nécessite pas l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, ainsi que l'a jugé la cour de cassation dans une affaire similaire (Cass 3 26 mai 2016 14-24995),

Ils soutiennent que la difficulté ne tient pas tant à l'installation du sanibroyeur qu'à son raccordement sur les canalisations d'eau pluviale de l'immeuble, qu'il résulte de l'arrêté du 23 novembre 1979 qu'il est interdit d'évacuer les eaux usées dans les ouvrages d'évacuation des eaux pluviales et qu'en l'espèce il ressort de l'attestation de la société URBANOVA que l'intégralité des eaux usées et des vannes des appartements du 6ème étage se déverse dans cette même colonne et qu'ainsi les wc situés à l'extérieur du studio se déverseraient également dans les canalisations d'eau pluviale.

Sur ce:

Aux termes des articles 1641 et suivants du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine,

Au compromis de vente, le bien vendu est désigné comme un studio et non pas comme une chambre de service.

Contrairement à une chambre de service, l’usage normal d’un studio suppose l’existence de WC fonctionnel et conforme à la réglementation au sein du local d’habitation.

En l’espèce, les WC sont raccordés à une descente d’eau pluviale et non pas d’eau usée comme l’impose l’article 42 de l’arrêté préfectoral du 20 novembre 1979 portant règlement sanitaire de la ville de [Localité 9].

En outre, le bien vendu ne comporte aucun accès au réseau d’évacuation des eaux usées du bâtiment.

Ainsi le studio vendu ne dispose pas de toilettes conformes à la règlementation et ne peut être aménagé de façon à en comporter.

Il est donc impropre à un usage normal et est ainsi affecté d’un vice.

Contrairement à ce que soutient Madame [H], le vice n’est nullement connu lors de la vente. En effet, aucune clause du compromis n’informe l’acquéreur de ce que le sanibroyeur avait été installé sans autorisation préalable de l’autorité administrative et il n’est nullement établi que l’acquéreur en avait eu par ailleurs connaissance.

Le vice était donc caché lors de la vente.

Il convient donc de faire droit à l’action rédhibitoire.

Sur les conséquences de la résolution de la vente

La société LOUJALA sollicite du tribunal la condamnation de Madame [H]:

-A restituer le prix de vente d’un montant de 185.000 euros, augmenté de la restitution des frais payés à l’agence immobilière IMMOPOLIS d’un montant de 10.000 euros et des émoluments des notaires versés dans le cadre de la vente résolue
-A payer la somme de 2.270 euros payée au titre des frais bancaires engagés dans le cadre de la vente résolue, augmentés des intérêts et frais d’assurance bancaires du prêt déjà payés au jour de la restitution du prix de vente
-A payer la somme correspondant à 5 % du capital restant dû au jour de la restitution du prix de vente en indemnisation de l’indemnité de remboursement anticipé du prêt,
-Ordonner la capitalisation des intérêts selon les dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

Madame [H] s'oppose à cette demande en l’absence de vice caché et du fait qu’elle n’a pas perçu les sommes remises à l’agence immobilière et au notaire. En outre, elle ajoute qu’elle n'est pas partie au contrat de prêt, la cour de cassation considérant (Civ 3 8 décembre 2016) que la résolution du contrat de vente et de prêts engendre une obligation de restituer les fonds pesant uniquement sur les emprunteurs.

Sur ce :

En application de l’article 1644 du code civil, la société LOUJALA ayant exercé l’action rédhibitoire, Madame [H] devait être condamnée à la lui restituer le prix de vente, soit une somme de 185.000 euros.

Selon l’article 1645 dudit code, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.

En l’espèce, Madame [H], comme donneur d’ordre des travaux, est présumée savoir que le sanibroyeur qu’elle a fait installer est raccordé au réseau d’eau pluviale et suppose une autorisation administrative.

Elle était donc consciente du vice de la chose vendue et doit donc rendre la société LOUJALA indemne de tous les préjudices qui en sont la conséquence.

Par conséquent, il incombera également à Madame [H] de payer à la société LOUJALA les frais payés à l’agence immobilière pour un montant de 10.000 euros ainsi que les émoluments versés aux notaires dans le cadre de la vente résolue.

Concernant les frais bancaires engagés d’un montant de 2.270 euros sollicités, la société LOUJALA produit l’acte de prêt qui comporte des frais de dossier à hauteur de 500 euros et des frais de garantie d’un montant de 1.770 euros.

Elle justifie ainsi les frais bancaires pour un montant total de 2.270 euros.

Ainsi Madame [H] sera également condamnée à payer cette somme à la société LOUJALA.

La société LOUJALA sollicite également la restitution de la somme de 5% du capital restant dû au jour de la restitution du prix de vente en indemnisation de l’indemnité de remboursement anticipé du prêt.

Cependant le contrat de prêt immobilier produit prévoit, page 1, dans la clause intitulée « remboursement anticipé », que les pénalités de remboursement anticipé ne seront pas dues par l’emprunteur si ce dernier prouve que les sommes affectées au remboursement par anticipation proviennent de fonds personnels, tels que ceux provenant d’une succession, d’une donation, d’épargne personnelle ou le cas échéant de la revente du bien financé.

La restitution du prix de vente suite à la résolution de la vente s’interprète le cas échéant comme une revente du bien financé et il n’est pas établi par la société LOUJALA que la caisse de crédit mutuel de [Localité 9] auprès de laquelle elle a souscrit le prêt immobilier sollicitera la restitution de la somme de 5% du capital restant au jour de la restitution du prix de vente.

Par conséquent la demande de la société LOUJALA à ce titre sera rejetée.

Conformément à l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus depuis une année seront capitalisés.

2)Sur les autres demandes indemnitaires

En tout état de cause, la société LOUJALA demande au tribunal de:

-Condamner solidairement Madame [H] à verser à la société LOUJALA anciennement dénommée JLL :
La somme 7.000 euros au titre des frais de procédure engagée dans le litige l’opposant au syndic de copropriété,La somme de 1.770 euros correspondant au coût de dépôt du sanibroyeur,La somme de 5.000 euros au titre du préjudice économique subi,La somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral subi,

Sur le remboursement des frais de procédure dans le litige l'opposant au syndic de copropriété

La société LOUJALA soutient que dans l'attente du résultat de cette procédure, elle a dû engager une procédure contre la délibération de l'assemblée générale des copropriétaires du 3 juillet 2018 et a dû engager la somme de 4.000 euros et qu'elle a été condamnée à payer 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [H] s’oppose à leur demande et soutient qu’elle n’est pas partie dans la procédure.

Sur ce :

En l’espèce, par jugement du 25 novembre 2021, le tribunal judiciaire de PARIS a rejeté la demande formée par la société LOUJALA d'annulation de l'assemblée générale du 3 juillet 2018 ayant ordonné la dépose du sanibroyeur et condamné la société JLL à déposer le sanibroyeur installé dans le lot n°58.

Cette procédure engagée alors que la dépose d’un sanibroyeur non conforme au règlement sanitaire s’imposait à elle était en réalité inutile. En outre, l’absence d’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires ne constitue pas un vice caché indemnisable par Madame [H], cette dernière ayant informé la société LOUJALA de l’absence d’autorisation et la société LOUJALA s’étant engagéE à en assumer toutes les conséquences.

Par conséquent la demande formée à ce titre à l’encontre de Madame [H] sera rejetée.

Sur le remboursement du dépôt du sanibroyeur

La société LOUJALA soutient qu'elle a réalisé des travaux de dépose le 26 janvier 2022 pour un montant de 1.770 euros.

Sur ce:

La société LOUJALA justifie par la production d’une facture de la société établissement VINCENT en date du 28 janvier 2022 avoir dépensé la somme de 1.777 euros pour la dépose du sanibroyeur.

L’irrégularité des toilettes au regard du règlement sanitaire de la ville de [Localité 9] obligeait la société LOUJALA à les retirer.

Le coût consécutif et donc une conséquence du vice caché et, par suite, ouvre droit à l’indemnisation par Madame [H].

Sur le préjudice moral

La société LOUJALA sollicite la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice morale et soutient qu’elle a subi un préjudice moral important au regard de l’ampleur des problèmes rencontrés et de la situation à laquelle elle a été mise à l’égard des autres copropriétaires.

Madame [H] soutient que cette demande n'est pas motivée et doit être rejetée.

Sur ce:

La société LOUJALA a subi un préjudice moral important en raison des vices cachés qui sera indemnisé à hauteur de 2.000 euros.

Sur le préjudice financier

La société LOUJALA sollicite le remboursement de la somme de 5.000 euros en indemnisation du temps passé sur le dossier, ainsi que les intérêts légaux au taux légal sur le prix de vente et fait valoir que cette situation lui a causé un préjudice économique important car elle a dû procéder à ses propres investigations, a mobilisé son argent dans un projet non viable économiquement et doit attendre l’issue de la procédure pour s’investir dans de nouveaux projets.

Madame [H] soutient que cette demande n'est pas justifiée quant à l'existence d'un préjudice et au titre de son quantum et doit être rejetée.

Sur ce:

Le préjudice invoqué par la société LOUJALA n’est pas démontré, la perte de temps n’étant ni chiffrée, ni chiffrable. Sa demande à ce titre sera rejetée.

3)Sur la responsabilité des notaires

3.1Sur l'irrecevabilité de la demande de la société LOUJALA

Maître [B] [S] et la SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN » soutiennent que l'action de la société LOUJALA est irrecevable car tendant à titre principal à condamner Maître [B] [S] à garantir à première demande la société LOUJALA de la restitution du prix de vente par Madame [H], des honoraires de l'agence immobilière et des émoluments du notaire alors qu'une partie ne peut demander la condamnation d'une autre à garantir une tierce personne selon la règle selon laquelle nul ne plaide par procureur.

Sur ce:

L’article 31 du code de procédure dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt légitime déterminé.

En l’espèce aucun texte n’interdit à peine d’irrecevabilité à une première partie de solliciter la condamnation à garantir un tiers du paiement d’une condamnation.

En outre la société LOUJALA ne plaide pas par procureur car elle sollicite une demande dans son propre intérêt.

La fin de non-recevoir soulevée par Maître [B] [S] et la SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN » sera donc rejetée.

3.2 Sur les demandes indemnitaires

La société LOUJALA demande au tribunal de:

-Dire que Maître [B] [S], notaire, Maître [M] [I], notaire, ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité professionnelle respective,
-En conséquence, condamner solidairement Maître [B] [S], Maître [M] [I] et les SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN », et « [I]-BERREGARD » à garantir la société LOUJALA, anciennement dénommée JLL, de la restitution du prix de vente par Madame [H], des honoraires de l’agence immobilière et des émoluments des notaires et de l’ensemble des condamnations susvisées.

Elle demande également leur condamnation solidaire à lui payer les frais de procédure engagés dans le litige l’opposant au syndic de copropriété, le coût de dépôt du sanibroyeur, le préjudice économique subi et le préjudice moral.

Elle soutient que la vente n'aurait jamais eu lieu si les notaires avaient rempli leur devoir de conseil et leurs obligations d'investigations, que ce devoir de conseil bénéficie tant au notaire du vendeur que de l'acquéreur. Elle fait valoir que la vente n'aurait pas dû avoir lieu aux termes de l'article L 111-6-1 du code de la construction et de l'habitation dans la mesure où le bien est dépourvu d'installation d'évacuation des eaux usées et reproche également aux notaires de ne pas avoir vérifié que les autorisations avaient été données par la mairie de [Localité 9] et la copropriété pour l'installation d'un sanibroyeur, la faute de Madame [H] n'exonérant pas les notaires de leur responsabilité.

Maître [B] [S] et la SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN » soutiennent que le notaire qui devait conseil en premier chef à la société LOUJALA est Maître [M] [I] qui l'assistait personnellement dans l'acte, que le notaire ne peut être tenu pour responsable dès lors que le demandeur ne démontre pas que le manquement à l'obligation de conseil a généré une perte de chance, la Cour de Cassation ayant jugé que les conséquences d'une manquement à un devoir de conseil ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance dès lors qu'il n'est pas certain que mieux informé le créancier de l'obligation d'information se serait trouvé dans une situation différente et plus avantageuse (Cass civ.1 20 mars 2013 et Cass civ.1 20 mars 2014) et que si le tribunal retenait une perte de chance elle devrait être ramenée à zéro compte tenu des circonstances.

Ils font valoir que Madame [H] a semble-t-il elle-même installé le sanibroyeur et qu'elle ne pouvait donc ignorer qu'aucune autorisation n'avait été demandée, qu'elle a fait une fausse déclaration en indiquant dans le compromis de vente que l'installation avait été faite par un ancien propriétaire, que le compromis de vente du 8 juillet 2017 constitue un accord définitif sur la chose et le prix et que la cour de cassation a jugé qu'un notaire ne peut plus exercer son devoir de conseil à l'égard des parties à une vente lorsqu'elle était déjà définitive avant son intervention.

Enfin ils ajoutent qu'étant tiers au contrat, aucun lien de causalité direct ne peut avoir lieu entre son intervention et les préjudices réclamés par la société LOUJALA.

Maître [I] et la SCP « [I]-BERREGARD » soutiennent qu'il lui est reproché de ne pas avoir demandé les pièces justifiant que le studio était pourvu d'une installation d'eau usée ainsi que les autorisations d'installation du sanibroyeur et de ne pas s'être interrogé sur les conditions de son raccordement au réseau d'évacuation de l'immeuble alors qu'il ne saurait être tenu pour responsable des conséquences des déclarations mensongères du vendeur.

Il s'opposent à la demande de condamnation par la société LOUJALA de garantie concernant la restitution du prix par le vendeur si la résolution de la vente est prononcée, et soutiennent que la restitution à laquelle un cocontractant est condamné à la suite de la résolution d'un contrat ne constitue pas une préjudice indemnisable par le notaire (Civ.1ère 14 octobre 1997, Civ 3ème 23 juin 2004, Civ 1ère 27 février 2007) et que même lorsque la faute du notaire est consacrée, la cour de cassation exige que soit rapportée la preuve de l'impossibilité certains pour l'acquéreur d'obtenir tout ou partie de la restitution du prix.

Ils s'opposent à la demande de condamnation par la société LOUJALA à rembourser la commission d'agence car ils ne l'ont pas encaissée et à restituer les émoluments perçus. Concernant les droits d'enregistrement, ils indiquent qu'ils sont restitués par l'administration fiscale à l'exclusion du vendeur et du notaire (Civ 3ème 12 mars 1003).

Sur ce:

En l’espèce, le contrat de vente a été formé avant la réception de l'acte notarié et en réalité l'intervention des notaires ne peut pas être la cause des préjudices allégués par la société LOUJALA, ceux-ci ayant pour cause la formation du contrat qui est antérieure à l'intervention des notaires.

En outre, la restitution du prix suite à la résolution de la vente ne constitue pas un préjudice indemnisable et la société LOUJALA dispose d’une créance envers le vendeur.

Par conséquent les demandes indemnitaires à ce titre seront rejetées.

4)Sur l'appel en garantie de Madame [H]

Madame [H] sollicite à titre subsidiaire l'appel en garantie des notaires participants à la rédaction de l'acte de vente en raison de leur défaillance dans l'exercice de leur mission et soutient que :

-il est de jurisprudence constante que le devoir de conseil et d'investigation des notaires s'applique à tous les bénéficiaires de l'acte qu'ils ont authentifié donc à la fois au vendeur et à l'acquéreur,
-au terme de l'arrêt de la 1ère chambre civile du 11 janvier 2017 la cour de cassation considère que "le notaire est tenu de vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu'il existe une publicité légale, les déclarations faites par le vendeur et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'il dresse".
-si les notaires avaient suffisamment éclairé le vendeur et l'acheteur sur le droit positif concernant les risques afférents à l'existence d'un sanibroyeur, la nature des engagements et leurs effets, aucun recours contre elle n'aurait été exercé par la société LOUJALA concernant l'existence du sanibroyeur et son raccordement.

Maître [B] [S] et la SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN » s'opposent à l'appel en garantie formé par Madame [H] au motif que si elle est condamnée, c'est que le tribunal aura estimé qu'elle avait caché des éléments importants à son cocontractant et que nul n'est fondé à invoquer sa propre turpitude.

Maître [I] et la SCP « [I]-BERREGARD » s'opposent à la demande subsidiaire de garantie des notaires formée par Madame [H] car il est intervenu en qualité de notaire conseil de l'acquéreur et qu'il ne devait conseil qu'à sa cliente (CA PARIS 14 novembre 2000), qu'en outre il ne peut garantir la mauvaise foi de ses clients.

Sur ce:

Madame [H] soutient que les notaires ont manqué à leur devoir d’information. Cependant le contrat a été formé avant la réitération de la vente par acte notarié. En réalité, l’intervention des notaires ne peut être la cause des préjudices allégués.

Les demandes formées par Madame [H] à ce titre seront rejetées.

5)Sur les autres demandes

Madame [H] succombant dans la présente instance, il convient de la condamner aux dépens et à verser à la société LOUJALA une somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame [H] succombant, il convient de la condamner à verser 1.000 euros à Maître [B] [S] et la SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN » et 1.000 euros à Maître [I] et la SCP « [I]-BERREGARD ».

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire par mise à disposition au greffe et en premier ressort:

Prononce la résolution de la vente du 21 septembre 2017 par Madame [C] [H] à la société civile JLL dans un ensemble immobilier sis [Adresse 4] à [Localité 10] du lot de copropriété n°58 correspondant au studio n°6 situé au 6ème étage, d’une superficie dite “Carrez” de 14,19 m2 , moyennant un prix de 185.000 euros ;
Condamne Madame [C] [H] à restituer à la société LOUJALA anciennement JLL le prix de vente d’un montant de 185.000 euros;

Condamne Madame [C] [H] à payer à la société LOUJALA anciennement JLL la somme de 10.000 euros correspondant aux frais d’agence immobilière;

Condamne Madame [C] [H] à payer à la société LOUJALA anciennement JLL les émoluments des notaires versés par la société LOUJALA dans le cadre de la vente résolue;

Rejette la demande formée par la société LOUJALA à l’encontre de Madame [C] [H] au titre du paiement de la somme correspondant à 5% du capital restant dû au jour de la restitution du prix de vente en indemnisation de l’indemnité de remboursement anticipé du prêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts selon les dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

Rejette la demande formée par la société LOUJALA à l’encontre de Madame [C] [H] en paiement de la somme de 7.000 euros au titre des frais de procédure engagée dans le litige l’opposant au syndic de copropriété;

Condamne Madame [C] [H] à verser à la société LOUJALA une indemnité de 1.700 euros au titre des frais de dépose des toilettes ;

Rejette la demande formée par la société LOUJALA à l’encontre de Madame [C] [H] en paiement de la somme de 5.000 euros au titre du préjudice économique subi ;

Condamne Madame [C] [H] à payer à la société LOUJALA anciennement JLL la somme de 2.000 euros au titre du préjudice moral subi ;

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par Maître [B] [S] et la SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN » ;

Rejette l’ensemble des demandes formées par la société LOUJALA anciennement JLL a l’encontre de Maître [B] [S] et la SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN » et de Maître [I] et la SCP « [I]-BERREGARD » ;

Rejette la demande de Madame [C] [H] tendant à condamner Maître [B] [S], Maître [M] [I] et les SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN », et « [I]-BERREGARD », à la relever et garantir intégralement en principal, intérêts, frais et dépens, de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

Condamne Madame [C] [H] aux dépens;

Condamne Madame [C] [H] à verser à la société LOUJALA anciennement JLL une somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne Madame [C] [H] à verser à Maître [B] [S] et la SCP « KNEPPERT – DUPUY - [S] - FOIRY PINELMANGIN » une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne Madame [C] [H] à verser à Maître [I] et la SCP « [I]-BERREGARD » une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

Constate l’exécution provisoire du présent jugement;

Fait et jugé à Paris le 25 Avril 2024

La GreffiièreLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/00077
Date de la décision : 25/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-25;21.00077 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award