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24/04/2024 | FRANCE | N°22/05552

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 24 avril 2024, 22/05552


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le:
Copies certifiées conformes délivrées le :





2ème chambre


N° RG 22/05552
N° Portalis 352J-W-B7G-CWZ6U

N° MINUTE :




Assignation du :
03 Mai 2022






JUGEMENT
rendu le 24 Avril 2024

DEMANDEURS

Monsieur [N] [Y] [T]
[Adresse 4]
[Localité 6]

Monsieur [F] [U]-[T]
[Adresse 4]
[Localité 6]

Représentés par Maître Lionel MAGNE, avocat plaidant et par Maître Ma

rtin LAMY DE LA CHAPELLE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #R0035



DÉFENDERESSE

L’Association dénommée “ [11] ([11])”
[Adresse 3]
[Localité 5]

Représentée par Maître S...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le:
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre


N° RG 22/05552
N° Portalis 352J-W-B7G-CWZ6U

N° MINUTE :

Assignation du :
03 Mai 2022

JUGEMENT
rendu le 24 Avril 2024

DEMANDEURS

Monsieur [N] [Y] [T]
[Adresse 4]
[Localité 6]

Monsieur [F] [U]-[T]
[Adresse 4]
[Localité 6]

Représentés par Maître Lionel MAGNE, avocat plaidant et par Maître Martin LAMY DE LA CHAPELLE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #R0035

DÉFENDERESSE

L’Association dénommée “ [11] ([11])”
[Adresse 3]
[Localité 5]

Représentée par Maître Solenn GRALL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0082

Décision du 24 Avril 2024
2ème chambre
N° RG 22/05552 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWZ6U

* * *

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Caroline ROSIO, Vice-Présidente, statuant en juge unique.

assistée de Adélie LERESTIF, greffière.

DÉBATS

A l’audience du 07 Février 2024, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 24 Avril 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire et en premier ressort

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

[S] [U]-[T] est décédé le [Date décès 1] 2010, laissant pour lui succéder:
Son conjoint survivant, [Z] [H], mariée sous le régime de la séparation de biens et bénéficiaire d’une donation au dernier vivant.Ses deux enfants issus de son union avec [M] [E], dont il a divorcé le 15 mai 1987: Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T].
[Z] [H] veuve [T], dont le dernier domicile était à [Localité 8], est décédée le [Date décès 2] 2021.

Elle était titulaire du contrat d’assurance-vie suivant:

Assureur
Date de souscription
Numéro
Bénéficiaire au décès
Primes versées
Capital dû ou versé après décès
[9]
02/10/06

La [11]
2.806,77
243.116,50

Décision du 24 Avril 2024
2ème chambre
N° RG 22/05552 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWZ6U

Par actes d’huissier des 03 mai 2022, Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T] ont assigné la [11] ([11]) devant le tribunal de céans aux fins, en l’état de leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 24 mars 2023, au visa des articles 1342-2 et 894 du code civil, L132-13 alinéa deuxième et L132-14 du code des assurances, aux fins de:
A TITRE PRINCIPAL
- Requalifier le contrat d’assurance-vie [9] souscrit le 2 octobre 2006 auprès de la Société [10] par [Z] [H] au profit de l’Association la [11] en donation indirecte,
- En conséquence, déclarer inopposable à Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T], en raison de la fraude paulienne, le capital, sinon les primes versées,
- Condamner l’Association [11] à restituer à la succession de [Z] [H] la somme qu’elle a perçue,
A TITRE SUBSIDIAIRE,
- Déclarer que les primes versées par [Z] [H] sur le contrat d’assurance-vie souscrit le 2 octobre 2006 auprès de la société [10] étaient manifestement exagérées eu égard aux facultés de la souscriptrice,
- En conséquence, déclarer inopposables à Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T], sur le fondement des articles L 132-13 aliéna deuxième et L 132- 14 du Code des Assurances, et, de l’article 1341-2 du Code Civil, les primes versées,
- Condamner l’Association [11] à restituer à la succession de [Z] [H] les primes versées,
- Condamner l’Association [11] à verser à Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T] la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamner la même aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 mars 2023, la [11] demande au tribunal de céans, au visa de l'article 1341-2 du code civil, L132-13 et L132-14 du code des assurances, de:
- Débouter les consorts [T] de l’ensemble de leurs demandes ;
- Condamner les consorts [T] à verser à la [11] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner les consorts [T] aux entiers dépens.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties précitées pour un exposé exhaustif des demandes des parties et moyens à leur soutien, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été plaidée le 07 février 2024

Les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 24 avril suivant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les conclusions de Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T], notifiées par voie électronique les 03 mai 2022;

Vu les conclusions de la [11] notifiées par voie électronique le 17 mars 2023;

1°) Sur la requalification du contrat d’assurance vie en donation indirecte

Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T] soutiennent que le contrat d’assurance-vie souscrit le 2 octobre 2006 par [Z] [H] ne peut s’analyser qu’en une donation indirecte au profit de l’association [11]. Ils font valoir que [Z] [H] a versé la somme de 290.700 euros lorsqu’elle a souscrit le contrat, à l’âge de 56 ans, que le versement des primes fait suite à la revente de ses immeubles pour partie financés par son défunt époux et qu’elle avait l’intention de porter atteinte à la réserve héréditaire de la succession de [S] [U]-[T], que manifestement endettée depuis des années lorsqu’elle est décédée à l’âge de 69 ans, elle n’a pas usé d’une éventuelle faculté de rachat, que l’absence d’aléa et l’intention de [Z] [H] de se dépouiller de manière irrévocable sont démontrées par le caractère déficitaire de sa succession.

La société [11] s’oppose à leur demande et soutient que la souscription était affectée d’un aléa, [Z] [H] ayant eu une faculté de rachat durant 15 années entre le moment où elle a souscrit le contrat d’assurance vie et celui où elle est décédée et qu’il n’est pas établi qu’elle n’a pas usé de cette faculté de rachat.

Sur ce:

Selon l’article 894 du code civil, la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte.

Un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles sont bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable.

Il appartient aux demandeurs d’établir que la volonté de [Z] [H] était de porter atteinte à leur réserve héréditaire en se dépouillant de manière irrévocable au profit de la [11] au moment de la souscription du contrat, soit 15 ans avant son décès, et qu’elle a souscrit le contrat d’assurance vie avec l‘intention de ne pas user de sa faculté de rachat.

Or les demandeurs ne versent aucune pièce à l’appui de leur prétention.
Décision du 24 Avril 2024
2ème chambre
N° RG 22/05552 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWZ6U

L’aléa, qui porte non pas sur la survenance du décès de l’assuré qui est certaine mais sur sa durée de vie doit donc exister au jour de souscription du contrat d’assurance-vie litigieux.

Le laps de temps survenu entre la souscription et le décès de l’assurée, soit une durée de quinze année, exclut qu’il puisse être considéré que le moment de son décès était déjà déterminé ou connu de de [Z] [H] au jour de conclusion de l‘acte.

Par conséquent, Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T] échouent à démontrer l’absence d’aléa et que le contrat d’assurance vie constitue une donation indirecte.

Présentées comme conséquence de la requalification sollicitée, les demande tendant à déclarer « inopposable » à Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T], en raison de la fraude paulienne, le capital, sinon les primes versées ainsi que celle tendant à « restituer » à la succession de [Z] [H] la somme qu’elle a perçue seront également rejetées.

2°) Sur le caractère manifestement exagéré des primes

Au visa des articles L 132–13 et L.132-14 du code des assurances, Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T], observent:
que la prime versée le 2 octobre 2006 lors de la souscription portait sur un montant conséquent de plus de 290.000 euros, que [Z] [H] était professeure des écoles et espérait une retraite convenable, que les primes versées sur le contrat d’assurance vie représentaient la totalité de son patrimoine puisque sa succession était déficitaire.
La [11] soutient que les demandeurs n’apportent pas la preuve qu’une seule prime de 290.000 euros a été versée le 2 octobre 2006 ni que cette prime représentait la totalité de son patrimoine et qu’ils doivent se fonder sur sa situation au jour du versement de la prime et pas au moment du décès.

Sur ce,

Sont manifestement exagérées les primes qui ne présentaient pas, au jour du versement, d’utilité pour le souscripteur compte tenu notamment de son âge et de sa situation patrimoniale.

En l’espèce, il n’est pas démontré par les demandeurs que la prime a été versée lors de la souscription du contrat d’assurance-vie pour un montant de 290.000 euros. Cependant même si ce versement était établi, cette prime forme certes un total important et le capital ainsi constitué représente une très grande proportion du patrimoine de la défunte. Mais le versement fait en 2006 alors que [Z] [H] était âgée de moins de 60 ans présentait à l’évidence une utilité pour elle. En effet, elle pouvait en cas de besoin user de sa faculté de rachat pour procéder aux dépenses qui lui auraient semblé utiles ou nécessaires.

Décision du 24 Avril 2024
2ème chambre
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En outre il est établi qu’avant la souscription de ce contrat d’assurance vie le 2 octobre 2006, elle avait procédé à la vente d‘une maison d’habitation située à [Localité 7] achetée le 13 octobre 2004 pour un montant de 60.000 euros et revendue le 27 septembre 2006 pour un montant de 92.000 euros, qu’elle était alors directrice d’école et mariée. Elle bénéficiait donc de revenus conséquents.

Les demandes formées par Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T] seront rejetées, ces derniers ne démontrant pas le caractère manifestement exagéré de la prime versée le 2 octobre 2006.

3°) Sur les autres demandes

En l'espèce, Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T] qui succombent en leurs demandes à l'instance, seront in solidum condamnés aux dépens.

L'équité commande de rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.         

Il y a enfin lieu de rappeler au visa de l'article 515 du code de procédure civile que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.    

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort:

DÉBOUTE Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T], de leur demande tendant à requalifier en donation indirecte le contrat d’assurance-vie [9] souscrit le 2 octobre 2006 auprès de la Société [10] par Madame [Z] [H] au profit de l’Association la [11];

DÉBOUTE Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T], de leur demande tendant à déclarer que les primes versées par Madame [Z] [H] sur le contrat d’assurance-vie souscrit le 2 octobre 2006 auprès de la société [10] étaient manifestement exagérées eu égard aux facultés de la souscriptrice;

En conséquence, REJETTE la demande de Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T] tendant à leur déclarer inopposables les primes versées;

REJETTE leur demande tendant à condamner l’Association [11] à restituer à la succession de [Z] [H] les primes versées;

CONDAMNE in solidum Messieurs [N] [T] et [F] [U]-[T], aux dépens;

REJETTE les demandes de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONSTATE l’exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 24 Avril 2024

La GreffièreLa Présidente

Adélie LERESTIF Caroline ROSIO


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/05552
Date de la décision : 24/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-24;22.05552 ?
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