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24/04/2024 | FRANCE | N°22/05303

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 24 avril 2024, 22/05303


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le:
Copies certifiées conformes délivrées le :





2ème chambre


N° RG 22/05303
N° Portalis 352J-W-B7G-CWYNJ

N° MINUTE :




Assignation du :
29 Avril 2022







JUGEMENT
rendu le 24 Avril 2024



DEMANDEURS

Monsieur [M] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Madame [Y] [X]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentés par Maître Virginie KLEIN, avocat au barreau de HAUTS-

DE-SEINE, avocat plaidant, vestiaire #PN402



DÉFENDERESSE

La société FLACHAT DEVELOPPEMENT
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Maître Joséphine COLIN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocat...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le:
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre


N° RG 22/05303
N° Portalis 352J-W-B7G-CWYNJ

N° MINUTE :

Assignation du :
29 Avril 2022

JUGEMENT
rendu le 24 Avril 2024

DEMANDEURS

Monsieur [M] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Madame [Y] [X]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentés par Maître Virginie KLEIN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant, vestiaire #PN402

DÉFENDERESSE

La société FLACHAT DEVELOPPEMENT
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Maître Joséphine COLIN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant, vestiaire #1701

Décision du 24 Avril 2024
2ème chambre
N° RG 22/05303 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWYNJ

* * *

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Sarah KLINOWSKI, Juge, statuant en juge unique.

assistée de Adélie LERESTIF, greffière.

DÉBATS

A l’audience du 06 Mars 2024, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 24 Avril 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire et en premier ressort

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié du 17 avril 2019, la société FLACHAT DEVELOPPEMENT a vendu à Monsieur [M] [S] et Madame [Y] [X] un appartement de trois pièces avec parking au sein d’un immeuble en cours d’édification situé [Adresse 2] à [Localité 5], cette opération correspondant à une vente en l’état futur d’achèvement.

Le délai d’achèvement du bien était initialement fixé au troisième trimestre 2020 mais l’appartement a été finalement livré le 4 avril 2022.
Par courrier recommandé du 8 mars 2022 par la voix de leur conseil, Monsieur [M] [S] et Madame [Y] [X] ont mis en demeure la société FLACHAT DEVELOPPEMENT de leur rembourser les frais qu’ils ont exposés du fait de ce retard de livraison.

En réponse, par courrier recommandé du 7 avril 2022, la société FLACHAT DEVELOPPEMENT a réfuté toute responsabilité dans ce retard, rappelant que les causes du retard tenant notamment à la délivrance des autorisations administratives, aux intempéries, aux grèves nationales des transports, et à la crise sanitaire, constituaient des causes légitimes de suspension du délai d’achèvement et de livraison du bien immobilier, de sorte qu’elle n’était pas tenue de les indemniser.

Décision du 24 Avril 2024
2ème chambre
N° RG 22/05303 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWYNJ

En l’absence d’issue amiable du litige, Monsieur [M] [S] et Madame [Y] [X] ont, par exploit d’huissier délivré le 29 avril 2022, fait assigner la société FLACHAT DEVELOPPEMENT devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins de :
Déclarer celle-ci entièrement responsable du retard de livraison ; Condamner la société FLACHAT DEVELOPPEMENT à leur verser la somme de 18 832,50 euros, augmentée des intérêts légaux à compter de la lettre de mise en demeure du 28 mars 2022 ; Condamner la société FLACHAT DEVELOPPEMENT à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; Condamner la société FLACHAT DEVELOPPEMENT aux entiers dépens ; Dire le jugement à intervenir exécutoire de plein droit.
Dans ses conclusions en réponse, signifiées par voie électronique le 13 février 2023, la société FLACHAT DEVELOPPEMENT demande au tribunal de :
Rejeter l’ensemble des demandes formulées à son encontre ; A titre subsidiaire,
Limiter le montant de la condamnation au titre des dommages et intérêts à la somme de 12 600 euros ; En tout état de cause,
Condamner les propriétaires à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; Condamner les propriétaires aux entiers dépens, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à l’assignation de Madame [F] [D] pour l'exposé plus ample des moyens de fait et de droit développés au soutien de ces prétentions, lesquels sont présentés succinctement dans les motifs.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 avril 2023 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 6 mars 2024.

L’affaire a été mise en délibéré au 24 avril 2024, date à laquelle la décision a été rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité de la société FLACHAT DEVELOPPEMENT dans le retard de livraison

Monsieur [M] [S] et Madame [Y] [X] font valoir, au visa de l’article 1601-1 du code civil et de l’article L.261-11 du code de la construction et de l’habitation, que le retard de livraison de leur bien est imputable à la société FLACHAT DEVELOPPEMENT dès lors qu’elle ne justifie pas des grèves, intempéries, défaillances des entreprises en charge des travaux qui ont retardé l’achèvement de leur appartement autrement que par des attestations qu’elle s’est constituées à elle-même.

En défense, la société FLACHAT DEVELOPPEMENT soutient que sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors que les jours de retard correspondent tous à des causes légitimes de suspension du délai d’achèvement et de livraison contractuellement prévu entre les parties, telles qu’énumérées dans l’acte de vente en l’état futur d’achèvement du 17 avril 2019 à l’article 20.2.

Sur ce,

L’article 1601-1 du code civil dispose que la vente d’immeubles à construire est celle par laquelle le vendeur s’oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat. Elle peut être conclue à terme ou en l’état futur d’achèvement.

L’article L.261-11 du code de la construction et de l’habitation précise que le contrat doit être conclu par acte authentique et préciser :
La description de l’immeuble ou de la partie d’immeuble vendu ;Son prix et les modalités de paiement de celui-ci ;Le délai de livraison.
L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Aux termes de l’article 8 de l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement du 17 avril 2019, le vendeur s’oblige à achever le bien au cours du troisième trimestre 2020, sauf survenance d’un cas de force majeure, ou d’une cause légitime de suspension du délai d’achèvement (…). L’article 20.2 intitulé « Causes légitimes de suspension du délai » précise à cet effet que « pour l’appréciation du délai d’achèvement, seront notamment considérées comme causes légitimes de suspension du délai d’achèvement et du délai de livraison du bien, les évènements suivants :
Les jours d’intempéries et de phénomènes climatiques empêchant la poursuite normale des travaux, telles qu’établies par les états justificatifs édités par la Chambre Syndicale des entrepreneurs de Construction de la Région parisienne, et les retards résultants de ces causes,Les grèves (qu’elles soient générales ou particulières au secteur du bâtiment et à ses industries annexes ou fournisseurs, ou encore spéciales aux entreprises travaillant sur le chantier), et les retards résultant de ces causes,La cessation de paiement, l’admission au régime de la sauvegarde, du redressement judiciaire, de la liquidation judiciaire des ou de l’une des entreprises, et les retards résultant de ces causes,La défaillance des ou de l’une des entreprises effectuant les travaux ou encore leurs fournisseurs, la justification sera apportée par le Vendeur à,Les retards liés à toute modification technique nécessaire à l’obtention d’une certification de l’Ensemble immobilier ou de l’Opération de Construction,Et d’une façon générale, les cas fortuits et de force majeur, ou toute autre cause légitime de suspension du délai de livraison ».
En cas de survenance d’un cas de force majeure ou d’un évènement légitime de suspension des travaux tels que définis ci-dessus, l’article 20.2 de l’acte authentique du 17 avril 2019 stipule que « la justification de la survenance de l’une de ces circonstances et des journées de retard en résultant sera apportée par le Vendeur à l’Acquéreur par une lettre du maître d’œuvre d’exécution ».

Cette clause a pour effet de donner à la lettre du maître d’œuvre une force probante particulière, celle de présomption simple des causes de retard qu’elle énonce.

En l’espèce, il résulte de l’acte authentique de vente du 17 avril 2019 que la société FLACHAT DEVELOPPEMENT s’est engagée à livrer le bien objet de la vente en l’état futur d’achèvement au cours du troisième trimestre 2020, soit au plus tard le 30 septembre 2020, et il résulte du procès-verbal de livraison du 4 avril 2022 que le bien n’a été livré qu’à cette date, soit avec 383 jours ouvrés de retard.

Pour justifier de ce retard, la société FLACHAT DEVELOPPEMENT verse aux débats plusieurs attestations de son maître d’œuvre d’exécution, la société IMOE, lequel expose que le chantier a subi :
15 jours ouvrés de retard au démarrage du fait du délai « anormalement long d’obtention des autorisations nécessaires au démarrage des travaux » qui a « occasionné un décalage du planning de 15 jours ouvrés »,29 jours ouvrés de retard en raison du mouvement de grève national des transports en commun, ayant débuté le 5 décembre 2019,30,5 jours de retard du fait des 213 heures d’intempéries comptabilisées entre le mois de septembre 2019 et le mois de juin 2020, auxquels s’ajoutent 11,5 jours de retard liés aux intempéries des mois de juillet à décembre 2020,38,5 jours de retard en raison de la crise sanitaire et l’arrêt total des travaux jusqu’au 13 mai 2020, auxquels s’ajoutent 11,5 jours de retard liés à la baisse de cadence d’exécution constatée de 20%, au 13 novembre 2020, et 23 jours de retard liés à la baisse de cadence d’exécution constatée de 10% au 15 novembre 2021,70 jours de retard du fait de la défaillance de l’entreprise Nova Construction, en charge des travaux de terrassements, fondations, gros œuvre, mise en liquidation judiciaire le 27 juillet 2020, 8 semaines de retard, soit 45 jours ouvrés, du fait du délai d’approvisionnement « anormalement long de 14 semaines au lieu de 4 à 6 semaines habituellement » des tableaux électriques, ce qui a conduit ENEDIS à reprogrammer au 14 janvier 2022 la réception des colonnes, initialement prévue le 15 novembre 2021,56 jours de retard en raison de la défaillance de SUEZ dans la dépose du branchement d’adduction d’eau potable du chantier, prévue initialement le 25 novembre 2021 et réalisée le 11 février 2022, ceci retardant « les travaux de réfection du trottoir afin de créer les accès au bâtiment et au parking ainsi que les travaux de reprise de l’enrobé de la voirie ».
Décision du 24 Avril 2024
2ème chambre
N° RG 22/05303 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWYNJ

La société FLACHAT DEVELOPPEMENT produit également les courriers que la société IMOE lui a envoyés pour lui faire part des 43 jours d’intempéries ayant retardé la poursuite des travaux pour l’année 2021 et des 10 jours d’intempéries ayant retardé la poursuite des travaux pour l’année 2022, outre que sont versées aux débats par les demandeurs les courriers du groupe QUANIM pour la société FLACHAT DEVELOPPEMENT les informant successivement des retards pris sur le déroulement des travaux et leurs motifs (courriers du 25 septembre 2019, 22 janvier 2020, 30 juin 2020, 24 novembre 2021).

Il résulte du rapprochement de ces pièces que la défenderesse justifie de causes légitimes de suspension du délai d’achèvement du bien pour une durée totale de 383 jours ouvrés, présomptions simples qu’il appartient aux demandeurs de renverser.

Sur les intempéries, les demandeurs estiment que 36 jours de retards sont liés aux intempéries et non 95 comme estimé en défense. Ils versent en ce sens des relevés de la station météorologique [Localité 6] dont il ressort qu’en 2019, ont été comptabilisées 148h25 d’intempéries, en 2020, 273h55 et en 2022, jusqu’au 4 avril précisément, 123h25, les relevés pour l’année 2021 n’étant pas produits mais les demandeurs retenant un montant total de 864,05 heures d’intempéries. Or pour aboutir à un total de 36 jours ouvrés, les demandeurs divisent ce nombre d’heures par 24 au lieu de le diviser par les 8 heures d’une journée de travail pause comprise, ce alors même que les relevés météorologiques qu’ils produisent font état des précipitations et du vent intervenus le matin ou l’après-midi et non le soir ou la nuit. Il convient donc de diviser cette somme par 8, ce qui donne un total de 108 jours ouvrés de retard, soit un retard supérieur à celui retenu par la défenderesse.

Sur la crise sanitaire, si les demandeurs font observer que l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 susvisée n’a pas eu pour effet de supprimer l’obligation contractuelle de livraison des entreprises du bâtiment, l’activité de ces entreprises a nécessairement été impactée par l’absence de main d’œuvre en arrêt de travail, notamment pour garde d’enfant, par l’exercice du droit de retrait par les salariés ou l’absence de fournitures et matières premières consécutives à la fermeture temporaire de certains fournisseurs. Au cas d’espèce, la société FLACHAT DEVELOPPEMENT produit une attestation de son maître d’œuvre d’exécution, la société IMOE, faisant part de l’arrêt total des travaux sur le chantier par l’entreprise NOVA CONSTRUCTION, chargée des travaux de terrassements, fondations et gros œuvre ainsi que l’arrêt des approvisionnements jusqu’au 13 mai et la reprise progressive du chantier à compter du 14 mai 2020 à une cadence réduite. Les 73 jours de retard évoqués ci-dessus sont donc suffisamment justifiés par la défenderesse par le biais de l’attestation de son maître d’œuvre d’exécution, qui constitue une présomption simple que les acquéreurs ne combattent pas utilement.

Sur les grèves, les demandeurs soutiennent que le mouvement de grève ne concernait pas le secteur du bâtiment « sauf éventuellement des grèves de métro qui ont pu occasionner des arrivées de personnels retardées sur les chantier ». Or ils ne versent aux débats aucune pièce en ce sens, concédant eux-mêmes que la grève des transports a pu affecter le déroulement des travaux. Dans ces conditions, la présomption simple de cause légitime n’est pas renversée et le retard lié au mouvement de grève national est justifié.

En résumé de leurs prétentions, Monsieur [M] [S] et Madame [Y] [X] estiment que seuls 133 jours ouvrés de retard sur les 384 jours sont justifiés mais ne précisent pas comment ils parviennent à cette somme.

En toute hypothèse, il résulte des développements précédents que la société FLACHAT DEVELOPPEMENT a bien justifié de l’ensemble des retards ayant affecté la livraison du bien vendu en l’état futur d’achèvement aux demandeurs, de sorte que sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil n’est pas engagée et que ces derniers seront déboutés de leur demande d’indemnisation de leur préjudice à hauteur de 18 832,50 euros.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [M] [S] et Madame [Y] [X], qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens.

L’équité commande de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles, de sorte que les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

L’exécution provisoire de la présente décision, à laquelle il n’y a pas lieu de déroger compte tenu de l’ancienneté et de la nature du litige, sera rappelée.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

REJETTE la demande d’indemnisation de Monsieur [M] [S] et de Madame [Y] [X],

CONDAMNE Monsieur [M] [S] et Madame [Y] [X] in solidum aux entiers dépens,

REJETTE les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande,

RAPPELLE l’exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 24 Avril 2024

La GreffièreLa Présidente
Adélie LERESTIF Sarah KLINOWSKI


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/05303
Date de la décision : 24/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-24;22.05303 ?
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